• il y a 9 mois
Jacques Pessis reçoit Christian Laurent : pendant quatre décennies, il a organisé des tournées théâtrales avec les plus grands acteurs du Boulevard. Il le raconte dans un livre, « J’ai la mémoire des planches » (Librairie Théâtrale).

Découvrez plusieurs dates-clefs de la vie des plus grands artistes, auteurs et personnalités aux côtés de Jacques Pessis.
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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-03-07##

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Transcription
00:00 Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03 Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:05 Vous avez passé plusieurs décennies derrière les rideaux rouges, avec une vie pas toujours
00:10 rose mais néanmoins haute en couleur, des planches qui vous ont permis de construire
00:14 un livre où vous racontez ce parcours.
00:16 Bonjour Christian Laurent.
00:17 Bonjour Jacques.
00:18 Alors vous avez été longuement tourneur de spectacles, directeur de théâtre à Comédie
00:23 de Paris et vous publiez à la librairie théâtrale "J'ai la mémoire des planches".
00:27 Vous souvenez ce qui va nous permettre aujourd'hui de raconter un monde du théâtre un peu méconnu
00:33 avec des acteurs qui sont mythiques aujourd'hui pour la nouvelle génération et que vous
00:37 avez eu le privilège de connaître.
00:39 Absolument.
00:40 Alors on va le faire à travers des dates, des dates clés bien sûr.
00:43 La première ne vous concerne pas directement mais indirectement, le 12 mars 1952, la sortie
00:49 d'un film, "Casque d'or", dont la chanson est celle-ci.
00:53 *Chant*
01:08 Yves Montand avec cette chanson qui est de 1866 de Jean-Baptiste Clément et elle est
01:14 antérieure à la Commune même si elle a été associée parce que l'auteur a été
01:18 communard pendant la semaine sanglante.
01:20 Et c'est vrai que "Casque d'or", vous avez eu le privilège, Christian Laurent, d'assister
01:23 au tournage.
01:24 Oui, alors une scène du tournage était tout petit et il y avait un carrosque, enfin un
01:32 carrosque, une voiture qui passait devant notre fenêtre avec Simone Signoret dedans
01:39 et puis il y avait des démolitions à côté et il y avait Serge Régiani.
01:47 Serge Corret après Claude Dauphin.
01:49 Voilà, et il montait dans les démolitions.
01:52 Alors moi j'étais tout petit, j'ai regardé ça et c'est la première fois que j'ai vu
01:55 un tournage de film.
01:56 Vous ne saviez pas qui était Simone Signoret à l'époque ?
01:58 Non, absolument pas.
01:59 Mais il faut savoir que ce film, vous avez eu la chance de le voir car en fait le contrat
02:03 était antérieur, il a été tourné en 1952, c'était un contrat de 1948 mais le film
02:07 a été retardé parce que Simone Signoret a quitté Yves-Allegrè pour aller vers Yves-Montand.
02:11 Ah d'accord.
02:12 C'est la raison de ce retard.
02:13 Alors "Casque d'or" est considéré comme un échec commercial à sa sortie.
02:18 Il a eu des prix mondiaux et c'est devenu un film culte.
02:21 Alors vous étiez je crois dans le 18e arrondissement en 1948.
02:25 Voilà.
02:26 Et c'était à côté des Bouffes du Nord.
02:28 Oui, tout à fait.
02:30 Mes grands-parents habitaient un immeuble tout en haut en face des Bouffes du Nord et
02:35 je suis arrivé là en sortant de la Rue Boisière, directement chez mes grands-parents.
02:40 C'était un quartier encore assez joyeux, assez calme à l'époque ?
02:43 Oui, oui, absolument.
02:44 C'était presque un village, le 18e arrondissement.
02:47 Et les Bouffes du Nord, qui est aujourd'hui un théâtre classique, au départ c'était
02:51 un café-concert et c'est une salle avec des grandes fraises historiques et des auteurs
02:56 très célèbres ont été joués, comme un certain Gaston Leroux, à qui vous devez,
03:00 Christian Laurent, les plus belles peurs de votre vie.
03:02 Oui, absolument.
03:03 Absolument.
03:04 Absolument, parce qu'on écoutait la radio à l'époque.
03:07 Il n'y avait pas la télé.
03:08 Il n'y avait pas la télé.
03:09 Donc tous les soirs on écoutait la radio et un soir j'ai entendu cette pièce, "Le
03:16 mystère de la chambre jaune" et j'ai eu peur.
03:20 Trois semaines après, j'avais encore les jetons.
03:22 Comment ça se fait ?
03:23 Je ne sais pas.
03:24 C'est les voiles et je ne sais pas.
03:26 Mais justement, écouter la radio, je trouve que d'écouter les pièces à la radio, ça
03:30 m'a beaucoup apporté après.
03:32 Et d'ailleurs, ce qu'on ne sait pas, c'est qu'à l'époque, les pièces radophoniques
03:35 étaient tournées souvent sur les lieux où elles avaient été créées.
03:38 Par exemple, on allait au château de Versailles dans le parc pour faire des pièces de Molière.
03:42 C'est vrai que vous avez fait aussi de la radio, avec des pièces classiques.
03:47 Oui, quand j'étais, je faisais un petit stage de la comédie française, on a fait
03:52 des enregistrements.
03:55 Alors on nous donnait le texte le soir et le lendemain matin, on était au studio pour
04:00 tourner.
04:01 Alors là, j'ai eu la perte de ma vie parce que quand on se retrouve face à Annie Ducos
04:05 pour berrir chez Jacques Charron, c'est pas...
04:08 C'est pas génial.
04:09 C'est pas, oui.
04:10 Alors il y a eu aussi le cirque Medrano qui vous a marqué.
04:13 Oui, absolument.
04:14 Le cirque Medrano, c'est un cirque où les clowns ont commencé, où la famille Fratellini
04:18 a commencé, où Groc est passé, où Foot et Té-Chocolat sont passés.
04:23 Oui, absolument.
04:24 Et ça, ça vous a marqué aussi.
04:25 Voilà, c'était le...
04:26 Medrano, c'était le cirque des clowns.
04:28 Parce que c'était un cirque tout en hauteur et on avait une...
04:31 Vraiment, on était en communion avec la piste.
04:33 Donc tous les clowns passaient au cirque Medrano et Medrano était aussi...
04:38 Il y avait les peintres qui y allaient, les poètes, tout ça.
04:43 C'était un cirque qui aurait dû être classé d'ailleurs.
04:45 Oui, qui n'a jamais été classé et qui a disparu comme d'autres grands lieux à Paris.
04:49 Il y a beaucoup de théâtres et de lieux comme le Gaumont Palace qui ont disparu, ce
04:52 qui vous désole.
04:53 Ah bah absolument.
04:54 Alors il y avait aussi en face de l'atelier le café que tenait votre grand-mère, Christian
04:58 Laurent.
04:59 Oui, le café du théâtre, oui.
05:00 C'était...
05:01 Là, vous avez rêvé devant des pièces ?
05:02 Absolument.
05:03 Et à cette époque-là, c'était...
05:05 La pièce qui jouait, c'était...
05:07 L'Invitation au château.
05:08 L'Invitation au château.
05:09 Avec Michel Bouquet.
05:10 Voilà.
05:11 Et oui, Michel Bouquet, que j'ai engagé beaucoup plus tard.
05:15 Et il y avait Brigitte Bardot dedans.
05:18 Et Robert Vatier.
05:19 Robert Vatier, oui.
05:20 Qui a été célèbre pour M. Brun.
05:22 M. Brun, voilà.
05:23 Je ne sais pas si vous le savez, mais plus tard, à la fin de sa vie, il a ouvert un restaurant
05:27 au HAL, chez Robert Vatier, qui a été fréquenté toute la nuit jusqu'à 6 heures
05:32 du matin par les gens des HAL.
05:33 Ah oui, oui.
05:34 Alors, il y a aussi...
05:35 Vous avez connu les poulebots de Montmartre, Grosjeune ?
05:37 Oui.
05:38 C'était quoi, les poulebots ?
05:39 Parce qu'on ne sait pas aujourd'hui ce que c'est que les poulebots de Montmartre.
05:40 Les poulebots, c'était les gosses qui étaient nés à Montmartre.
05:44 Et voilà, c'était ça.
05:46 Alors moi, j'étais...
05:47 Je faisais partie des petits poulebots.
05:48 Mais enfin, je...
05:49 Voilà, j'étais...
05:50 Je traînais dans mes guêtres à Montmartre.
05:53 On montait au Sacré-Cœur.
05:55 On jouait aux jeux de pistes, tout ça.
05:57 Et c'était juste après la guerre.
06:00 Donc, il y avait des démolitions encore, tout ça.
06:02 Et on jouait dans ces démolitions.
06:04 Et on allait souvent...
06:06 Au mois de décembre, il y avait la fête Boulevard Rochechouart.
06:10 On allait là-bas, tout ça.
06:12 C'était vraiment un petit village où tout le monde se connaissait, quoi.
06:16 C'était vraiment...
06:17 J'habitais dans la rue des Gardes, qui maintenant, d'ailleurs, ne ressemble plus à rien, puisque
06:23 de toute façon, ils ont démoli l'immeuble où j'étais.
06:26 Il n'y a plus que mon école qui existe.
06:28 – Mais en même temps, on a oublié ce Paris mythique qui était la légende, justement,
06:32 pour le monde entier.
06:33 – Absolument, absolument.
06:34 Il y avait encore des...
06:38 Alors, on achetait le charbon chez le Bougnard.
06:42 Je me rappelle qu'on allait avec ma mère le matin chercher du lait avec un poteau-lait.
06:47 Tout le monde se connaissait.
06:50 C'était vraiment le petit village.
06:52 Et je trouve que c'était très, très beau et très agréable parce que...
06:57 J'ai un peu une nostalgie de ce temps-là.
06:59 – Oui, et vous n'êtes pas le seul.
07:00 Aux États-Unis, quand on passe des images de Paris, on passe ces images-là plutôt que
07:04 celles d'aujourd'hui.
07:05 – Celles d'aujourd'hui, oui.
07:06 – Et ça se comprend.
07:07 Alors, il se trouve aussi qu'il y a un autre film qui vous a marqué à cette époque,
07:09 c'est "Les trois font la paire" de Sacha Guitry avec D'Harricot.
07:12 – Voilà, voilà.
07:13 Parce que ça aussi, ça a été tourné, rue des Gardes.
07:16 Et alors là, une grande scène avec D'Harricot, Jean Rigaud.
07:21 – Oui, qui était un grand chancelier.
07:24 – J'ai bien connu après aussi D'Harricot, puisque je l'ai engagé deux fois, D'Harricot.
07:30 Et donc, ils ont tourné ce film-là où il y avait Philippe Nico aussi, et Sophie Desmarais
07:36 dans le film.
07:37 – Et D'Harricot faisait son numéro à lui, exceptionnellement que Guitry avait accepté
07:40 qu'il transforme son rôle.
07:42 – Ah oui, il faisait un numéro extraordinaire.
07:44 Quand il explique à Michel Simon, qui est l'inspecteur, comment a eu lieu le crime,
07:51 c'est extraordinaire.
07:52 – Et c'est totalement improvisé de la part de D'Harricot, et Guitry l'a laissé faire.
07:56 – Laissé faire, oui.
07:57 – C'est assez particulier.
07:58 Et puis à cette époque, vous aviez aussi les cinémas de quartier, les petits cinémas
08:01 où on pouvait passer la journée.
08:03 – Absolument.
08:04 Il y avait le Barbès Palace, le Luxor, le Mira, qui n'existe plus.
08:10 – Et à l'époque, qu'est-ce que vous voyiez ? Gary Cooper, Kirk Douglas, Fernandez.
08:15 Qu'est-ce qu'on voyait à l'époque au cinéma, Christian Laurent ?
08:17 – On voyait beaucoup de westerns à l'époque, beaucoup de westerns.
08:21 Il y avait beaucoup de films comiques aussi.
08:23 Il y avait, moi je me souviens, des films avec John Wayne, avec Audie Murphy, que mon
08:31 père adorait.
08:32 Donc on allait voir tous ces films-là.
08:35 Et il y avait des peplums aussi, beaucoup.
08:39 – Finalement, vous avez vécu ce que Eddy Mitchell raconte dans la dernière séance.
08:43 – Voilà, absolument.
08:44 – C'était exactement ça ?
08:45 – Voilà, absolument.
08:46 Et le cinéma, ça durait… On allait le soir à 21h, ça durait toute la soirée.
08:51 Parce qu'il y avait le film, les actualités, il y avait un entraque, la publicité, un
08:56 dessin-dimé.
08:57 Donc c'était toute une soirée au cinéma.
09:01 – Alors il y avait aussi la chanson, car la chanson vous a tout de suite attiré l'oreille.
09:05 – Ah oui.
09:06 – Et la première chanson que vous avez aimée, c'est celle-ci.
09:08 [♫♫♫]
09:19 – La chanson du film "L'homme qui en savait trop", mais une chanson qui est devenue
09:22 un classique par Michel Arnault.
09:24 Ça vous a marqué cette chanson ?
09:25 – Oui, absolument.
09:26 C'est la première chanson que j'ai entendue sur un disque.
09:28 J'étais chez mes voisins, rue Desgardes.
09:31 Ils avaient un électrophone et ils avaient ce disque.
09:35 J'ai mis ce disque, c'était Michel Arnault qui chantait cette chanson.
09:39 Et cette chanson m'a marqué.
09:40 – Et c'était encore des 78 tours ?
09:42 – Non, c'était des 45 tours.
09:45 – Déjà ?
09:46 – Des 45 tours.
09:47 – Alors il se trouve que Michel Arnault a fait une carrière de chanteuse au départ.
09:49 Elle a fait de la télévision ensuite, où elle a découvert Gainsbourg quand même.
09:53 Elle a découvert Philippe Bouvard dans ses premières émissions.
09:56 Et surtout Michel Drucker, qui a la sortie des sports pour "Faire Tilt Magazine".
10:00 – Absolument, oui.
10:01 – Vous ne l'avez pas rencontré dans votre carrière, Michel Arnault ?
10:04 – Michel Arnault, je l'ai vu une fois, je l'ai rencontré, mais c'est tout.
10:09 Je ne le connais pas particulièrement.
10:11 – À l'époque, vous pensiez travailler dans le spectacle, Christian Laurent ?
10:14 – J'ai toujours pensé travailler dans le spectacle.
10:16 – Pourquoi ?
10:17 – Parce que dès que j'ai eu l'âge de raison,
10:21 je me rappelle que je rêvais devant les affiches de musical, de cinéma, de théâtre.
10:28 Et j'avais une mémoire phénoménale puisque je retenais tout.
10:32 Les noms, absolument tout.
10:34 Alors qu'à l'école, j'étais absolument nul en calcul.
10:38 Je n'avais jamais su mes tables de multiplication.
10:40 – Jamais, mais alors que les affiches de théâtre, il n'y avait pas de problème ?
10:42 – Ah non, aucun.
10:43 Alors je le voyais une fois, tout est enregistré.
10:45 Les acteurs, le metteur en scène, le musical, pareil, Bobineau, l'Olympia, tout.
10:52 – Et puis ensuite, justement, le musical, ça a commencé avec une autre date
10:55 qu'on va évoquer dans quelques instants, le 4 février 1980.
10:58 À tout de suite sur Sud Radio avec Christian Laurent.
11:01 – Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
11:04 – Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Christian Laurent,
11:07 vous avez été directeur de théâtre, vous avez organisé des tournées de théâtre,
11:10 on va en parler.
11:11 À travers ce livre, j'ai la mémoire des planches à librairie théâtrale
11:14 qui sont vos mémoires.
11:16 Alors on a évoqué vos débuts dans la vie,
11:18 cette époque où il y avait encore un Paris joyeux
11:22 et où on ne se prenait pas au sérieux.
11:24 Et j'ai choisi une date qui est le 4 février 1980
11:28 car c'est l'ouverture de votre premier théâtre, la salle Jean Cocteau,
11:32 dans un sous-sol, dans une cave.
11:34 – Voilà, c'était...
11:37 Non, c'était pas tout à fait ça, c'était ma mère qui avait acheté
11:40 un restaurant rue des Quatre Fils, dans le Marais.
11:42 – Le manuscrit.
11:43 – Le manuscrit, voilà.
11:45 Et il y avait une salle derrière et je l'ai transformée en café-théâtre.
11:49 Et donc je l'ai appelée la salle Jean Cocteau et on a fait une inauguration
11:53 avec Jean Marais, Édouard Dermitte, Mila Parelli,
11:57 enfin tous les gens qui avaient tourné avec Cocteau qui étaient encore vivants.
12:00 Et donc ça avait un peu révolutionné tout le quartier.
12:04 Et la patronne du Cône-et-Table, qui était juste à côté,
12:11 voulait rouvrir la petite cave qu'elle avait dans son restaurant
12:14 pour en faire un café-théâtre.
12:16 Donc elle m'a demandé si je voulais être le directeur artistique
12:19 et c'est comme ça que je suis devenu directeur artistique du Cône-et-Table.
12:23 – Il y avait à l'époque beaucoup de petites salles comme ça,
12:25 de quelques dizaines de spectateurs et où on débutait.
12:29 – Voilà, absolument.
12:30 – Alors il se trouve que pour que ça devienne la salle Jean Cocteau,
12:33 il a fallu aussi avoir l'autorisation d'Édouard Dermitte
12:35 qui était l'héritier de Jean Cocteau.
12:37 Vous êtes allé à Milly-la-Forêt, à la maison.
12:39 – Voilà, absolument, pour l'exposition.
12:41 Alors je suis allé là-bas, il m'a dit "écoute, tu choisis ce que tu veux".
12:46 Alors j'étais fou parce que...
12:49 – Parce que tous les souvenirs de Jean Cocteau étaient là.
12:50 – Ah, ils étaient là, oui, la maison était en l'état.
12:52 Il y avait encore un tableau d'ailleurs avec de la craie
12:56 qu'il avait dessinée dans sa chambre, qui était intact.
12:59 – Il se trouve que cette maison, donc,
13:01 Cocteau y a vécu jusqu'à sa mort le lendemain de la mort de Piaf,
13:05 on l'oublie parce que il n'est pas mort le même jour que Piaf,
13:07 mais le lendemain.
13:09 Il se trouve que moi, je vis cette maison
13:11 et je me souviens du premier étage,
13:13 il y avait encore le papier peint un peu décollé
13:15 et le bureau, il y avait encore sur le bureau tous les stylos et les papiers.
13:20 – Oui.
13:20 – Et comment alors, être reçu dans cette maison pour demander l'autorisation,
13:24 c'était déjà, c'était pas si courant, Christian Laurent ?
13:27 – Non, non, non, absolument, surtout que Édouard Déramide,
13:30 qui était absolument adorable, il m'a dit "écoute, tu prends ce que tu veux,
13:34 tu choisis ce que tu veux" et alors, bon, ben j'ai pris...
13:40 il y avait les mains de Cocteau, il y avait les trucs comme ça
13:43 qu'on a exposés à l'exposition, et puis plein de litots.
13:49 – Parce qu'à l'époque, il n'y avait pas beaucoup d'hommages à Jean Cocteau, finalement.
13:52 C'est ça qui est étonnant, aujourd'hui Jean Cocteau est un mythe,
13:54 mais dans les années 80, on l'avait un peu oublié.
13:56 – Absolument, absolument, absolument.
13:58 – Donc Édouard Déramide était ravi de nous accueillir.
14:00 – Ah oui, oui, oui, et puis il y a eu Jean Marais qui était le parrain aussi,
14:03 donc ils étaient tous là, Nan Germont, tout ça, Michel Auclair,
14:09 ils avaient connu Jean Cocteau.
14:10 – Et c'était une soirée mondaine, comme Cocteau les affectionnait,
14:14 même s'il disait "Cocteau n'est pas le pluriel de cocktail".
14:17 C'était une formule qui était chère à son cœur.
14:20 Alors il se trouve aussi que vous avez visité la chapelle de Jean Cocteau,
14:23 où il est enterré.
14:24 – Absolument, absolument.
14:25 – Et je crois qu'au mur, il y a des dessins qu'il a réalisés.
14:28 – Oui, c'est celui qu'il avait absolument, complètement peint et dessiné, oui.
14:32 – Et ce qui est étonnant, c'est qu'à la sortie de cette chapelle,
14:35 il y a un panneau qui indique une autre adresse,
14:38 qui est l'adresse de la maison de Claude François, le Moulin de Donnemois, juste en face.
14:42 – Ah oui.
14:44 – Alors, j'en reviens donc au Connétable.
14:47 Vous avez au Connétable présenté des chanteurs connus et moins connus.
14:51 – Voilà, absolument.
14:52 – Par exemple Bernard Dimé.
14:53 – Oui.
14:54 – Bernard Dimé était un poète de Montmartre,
14:56 que vous avez eu le privilège de connaître, Christian Laurent.
14:58 – Absolument, absolument.
14:59 J'ai engagé Bernard pendant un mois au Connétable.
15:02 Bon malheureusement, ça n'a pas très, très bien marché.
15:05 C'était un peu dur.
15:07 Des fois, il y a des soirs, il n'y avait personne, donc on était un peu embêtés.
15:12 Mais bon, et puis lui, bon, il le prenait bien,
15:16 mais enfin bon, il était un petit peu triste de voir que bon…
15:19 Mais il n'était pas très connu pour se produire Bernard Dimé.
15:24 Il était surtout connu comme auteur.
15:26 Il a écrit des poèmes, des textes de chansons,
15:30 et présentant sur scène comme ça, il n'était pas très connu.
15:34 Donc ça n'a pas très bien marché, mais enfin moi, j'ai été ravi de le rencontrer
15:39 parce que c'est un monsieur formidable.
15:40 – Et il a écrit sur tous, "Iracuse", en 20 minutes, je crois, avec Henri Salvador.
15:44 – Avec Henri Salvador.
15:45 – Il a dit "On fera la chanson du siècle".
15:46 – Voilà, voilà.
15:47 Il a vidé le frigidaire de Henri Salvador.
15:50 – Ah bon ?
15:51 Parce qu'il buvait beaucoup ?
15:52 – Il buvait énormément.
15:53 Il buvait énormément.
15:54 D'ailleurs, pour le calmer quand il n'y avait personne,
15:56 souvent on allait sur le zinc et on buvait un coup de jaja, comme il disait.
16:01 – Oui, un ou plusieurs coups.
16:03 – Plusieurs coups, oui.
16:04 – Il vous a raconté aussi, Christian Laurent,
16:05 une soirée étonnante avec Cléode Nougaro.
16:07 – Oui, voilà.
16:08 – Qu'est-ce qui s'est passé ce soir-là ?
16:09 – Eh bien, ce soir-là, Cléode Nougaro était tellement saoul
16:11 qu'avec une pince à épiler, il arrachait tous les poils de la moquette.
16:17 – C'est extraordinaire.
16:18 – Voilà.
16:19 – Et Dimé était aussi saoul, mais il s'en est souvenu.
16:20 – Oui, il s'en est souvenu, c'est lui qui me l'a raconté.
16:23 – Mais vous savez que Dorothée doit sa carrière à Bernard Dimé,
16:26 car au départ, Dorothée devait enregistrer des contes de Bernard Dimé
16:31 lorsqu'elle débutait comme spikrine, parce qu'il avait un peu trop bu,
16:34 elle ne les a pas écrits.
16:35 Et finalement, elle a fait une comédie musicale
16:37 et ça a démarré sa carrière.
16:38 – Ah, je ne le savais pas.
16:39 – Alors, il y avait aussi Louis Aragon que vous avez rencontré.
16:42 – Oui, c'était chez Monique Morelli,
16:45 c'est un qui était très ami avec Aragon.
16:47 – C'était une chanteuse aussi de l'époque, très connue.
16:48 – Oui, que j'avais engagée au Connétable,
16:52 et que j'ai ré-engagée après, et qu'on était très amis,
16:55 mais je l'avais connue avant, Monique Morelli.
16:57 Et un soir, il y a Aragon qui était là, et donc, moi j'étais très intimidé,
17:02 parce que à l'époque, je n'étais pas très vieux,
17:05 et puis, être devant ce monsieur-là, j'étais un peu interloqué,
17:12 mais c'est un monsieur très gentil,
17:13 on a parlé de tas de choses, de la vie.
17:16 – De Brassens.
17:17 – De Brassens, je l'ai beaucoup, de Brassens, et puis de Rimbaud,
17:21 et quand on a parlé de Rimbaud, j'ai vu que ses yeux se sont illuminés,
17:25 et je trouve qu'il aimait beaucoup Rimbaud.
17:26 – Et puis, il y a une chanson culte qui est née chez vous.
17:29 [♫ Chanson ♫]
17:36 "L'écharpe de Maurice Fanon",
17:38 je crois régulièrement des gens qui me parlent de cette chanson,
17:40 alors que Maurice Fanon est totalement oublié.
17:42 – Oui, totalement.
17:43 – Et cette chanson a été culte, Christian Durand ?
17:45 – Oui, absolument.
17:46 – C'est-à-dire que c'est… comment expliquer ce succès ?
17:51 – D'ailleurs, je ne sais pas si Maurice Fanon n'a pas fait une énorme carrière,
17:56 mais il a écrit ce succès qui a été chanté par beaucoup, beaucoup d'interprètes.
18:02 C'est peut-être pour ça, il y a Félix Leclerc qui l'a chanté.
18:05 – Hervé Villard.
18:06 – Hervé Villard, Mélina Mercouri…
18:08 – C'est assez étonnant.
18:09 – Voilà, donc…
18:10 – Et puis, il y a quelqu'un qui a compté dans votre vie,
18:12 et malheureusement qui nous a quittés, c'est Jacqueline Nuet,
18:14 spikerine à la télévision, mais aussi chanteuse.
18:17 – Oui, absolument.
18:18 – Vous l'avez fait chanter ?
18:19 – Je l'ai fait chanter, elle est passée un mois au Connetable,
18:22 et on est devenus très amis, très, très proches,
18:25 j'ai été bouleversé quand elle est décédée,
18:28 parce qu'à l'époque je n'étais plus directeur artistique du Connetable,
18:32 mais je faisais les tournées, parce qu'on a été amis très longtemps,
18:36 et elle voulait que je l'emmène un soir à une première d'une pièce
18:41 qui s'appelait "La dame de Montsereau",
18:43 mais elle n'était pas très bien du tout Jacqueline à l'époque,
18:46 elle était en dépression nerveuse, elle sortait d'une maison de repos,
18:50 elle avait des propos un peu confus, tout ça, alors j'ai dit écoute,
18:52 non Jacqueline tu ne peux pas venir ce soir, c'est la première,
18:55 il n'y a pas qu'on me voit comme ça, et on n'a pas assisté,
19:01 et puis le lendemain j'ai appris qu'elle s'était tuée.
19:05 – C'est fou comme histoire.
19:06 – Ah oui, ça m'a détruit complètement, si j'avais su j'aurais été là chercher,
19:13 mais on m'a dit de toute façon qu'elle l'avait fait à plusieurs personnes
19:16 et qu'elle avait écrit des mots incohérents un peu partout.
19:19 – Malheureusement, je crois qu'elle ne s'était jamais remise d'une rupture,
19:22 surtout de la mort de Théo Sarrapo, qui avait été son amant.
19:25 – Absolument.
19:25 – Après que Pierre Feuille ait disparu.
19:28 Et puis il y a aussi une autre chanson qui vous a marqué.
19:30 [Musique]
19:39 Les baladins qui serpentent les routes.
19:43 – La balade des baladins de l'écho par les trois menestrelles,
19:46 et je crois que les trois menestrelles et notamment Maria Sandri, la chanteuse,
19:50 c'est votre premier souvenir de métier Christian Laurent.
19:52 – Absolument, c'est grâce à Maria que je suis rentré dans le métier,
19:57 puisqu'à l'époque j'étais apprenti dans un magasin d'électroménagers,
20:03 et un jour elle est venue acheter une cuisinière.
20:06 – Oui.
20:06 – Et c'est moi qui lui ai vendu la cuisinière,
20:09 bien sûr j'ai fait des pieds et des mains pour la livrer aussi,
20:12 et comme pour boire elle m'a donné une place pour aller les voir,
20:16 à l'époque elle passait à l'ABC, en vedette américaine de Dario Moreno,
20:21 et en vedette anglaise je me souviens il y avait Enrico Macias.
20:23 – C'est fou.
20:24 – Et donc elle m'a présenté Dario Moreno, ses partenaires,
20:27 et puis elle a suivi pratiquement toute ma vie de producteur, de comédien,
20:33 elle a toujours été la main.
20:35 – Et on a oublié que les trois menestrelles ont été à la fois des chanteurs,
20:38 mais des acteurs car leurs chansons étaient vraiment des petites comédies musicales.
20:41 – Absolument, c'était leurs chansons, elles étaient mises en scène, mimées,
20:45 un peu comme les frères Jacques.
20:46 – Exactement, et ils ont été d'ailleurs à l'époque
20:48 les concurrents ou les compléments des frères Jacques.
20:50 – Absolument.
20:50 – Et il n'y a plus de troupes comme ça aujourd'hui ?
20:53 – Non, il n'y en a plus, non, non, non.
20:54 On voit les menestrelles à l'époque sur scène, c'était extraordinaire,
20:57 c'était vraiment un grand numéro.
20:59 – Et oui, malheureusement il y en a un qui a disparu tragiquement,
21:02 et le groupe s'est arrêté en 1976.
21:04 – Voilà.
21:05 – Alors il y a eu d'autres moments importants dans votre vie,
21:07 et il y en a un qui est aussi important mais qui est lié à une date indirecte,
21:11 c'est le 9 juillet 1966.
21:14 A tout de suite sur Sud Radio avec Christian Laurent.
21:16 [Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis]
21:19 – Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité est Christian Laurent,
21:22 donc vous êtes directeur de théâtre, vous avez été directeur de théâtre,
21:25 on en parle, vous avez commencé dans ce métier très discrètement,
21:29 et ce livre "J'ai la mémoire des planches" à la librairie Théâtral raconte ce parcours.
21:34 Alors, j'ai une date qui est le 9 juillet 1966,
21:37 elle ne vous concerne pas directement mais elle est importante dans votre parcours, écoutez.
21:41 [Bruit de réveil]
21:44 [Toc toc toc]
21:45 – "Au théâtre ce soir", première de "Au théâtre ce soir",
21:48 une émission qui est née pour 8 semaines pendant l'été,
21:50 Pierre Sabac cherchait une émission, il appelle Robert Manuel
21:53 qui avait été candidat à son jeu "L'homme du XXe siècle",
21:56 qui lui propose "Marigny" et c'est parti pour 417 semaines.
21:59 Et cette émission, bien sûr, ça vous a marqué.
22:01 – Ah bah oui, absolument, absolument.
22:04 Tous les "Au théâtre ce soir", je les ai regardés, je les ai vus,
22:07 puis les acteurs qui étaient dans "Au théâtre ce soir",
22:10 j'adorais Jean-Jacques, j'adorais le Poulain, Paco, tous ces gens-là.
22:14 – Ils ont tous marqué votre carrière et votre vie, on va en parler,
22:17 mais votre carrière d'acteur, elle a commencé par des cours de théâtre
22:20 chez René Simon et ensuite au cours des Capucines.
22:23 – Voilà, au théâtre des Capucines, oui.
22:24 – Vous aviez envie de devenir comédien parce que ce n'était pas votre but au départ ?
22:27 – Si, au début, c'est-à-dire, si je voulais faire du théâtre,
22:31 donc j'en ai fait un petit peu, j'ai fait des tournées, des choses comme ça,
22:34 et puis j'ai appris chez René Simon,
22:37 puis après au théâtre des Capucines, chez Catherine Brieux.
22:41 Et puis là, j'ai joué avec elle d'ailleurs, plusieurs pièces.
22:45 Mais ce qui me plaisait, c'était surtout de découvrir, de lire une pièce,
22:52 lire une pièce, imaginer les acteurs que j'allais engager,
22:56 les metteurs en scène, le décorateur.
23:00 J'aimais bien être au début d'une création comme ça.
23:02 – Oui, mais vous avez vous-même écrit une pièce,
23:03 que vous avez jouée, je crois, à l'Elysée-Montmartre,
23:06 en même temps qu'au Calcutta,
23:07 qui était un spectacle de sketch juillet d'Amérique,
23:10 qui a fait scandale à Paris.
23:11 – Absolument, oui, c'était une pièce pour enfants, l'après-midi,
23:14 une comédie musicale.
23:15 – C'était quoi ?
23:16 – Ça s'appelait "L'histoire fabuleuse de Claire de Neige".
23:20 – Voilà, et vous jouiez ce spectacle,
23:22 alors que le soir, il y avait une pièce interdite aux mineurs dans cette même salle.
23:26 – Tout à fait, au Calcutta, d'ailleurs, quand les enfants arrivaient,
23:29 on mettait devant les photos de Calcutta,
23:32 on mettait des trucs pour coller dessus, pour pas qu'ils voient les photos.
23:36 – Voilà, c'était un peu olé-olé, ça venait d'Amérique,
23:39 et ça avait été mis en scène par Philippe Corsan.
23:42 Et le théâtre était dirigé par un ancien catcheur, Roger Delaporte.
23:44 – Roger Delaporte, absolument,
23:46 parce qu'il y avait toujours des matchs de catch, d'ailleurs.
23:49 Et Roger Delaporte, qui était absolument une gentillesse formidable,
23:54 racontait beaucoup les histoires de catch avec son partenaire André Bollet.
24:00 C'était les méchants, d'ailleurs, alors que dans la vie, il était absolument adorable.
24:03 – Oui, parce que le catch à la télévision, ça marchait très fort
24:06 avec Roger Coudert et Claude Dargé.
24:08 – Et c'était des insultes en permanence, mais c'était totalement truqué.
24:11 – Oui, absolument.
24:13 – Et la vedette était Lange Blanc, je ne sais pas si vous vous souvenez de ça.
24:16 Et vous savez ce qu'il est devenu ensuite, Lange Blanc ?
24:17 – Non.
24:18 – Il a été le garde du corps d'Alain Delon, dans les années 70,
24:21 adouchi dans sa maison.
24:22 – Oui, oui, oui.
24:24 Je me rappelle de Duranton, d'ailleurs.
24:27 Duranton, qui a beaucoup joué avec de funès, après.
24:30 – Exactement, comme quoi la reconversion est possible.
24:32 Vous êtes posé aussi à l'échelle de Jacob,
24:34 qui est un cabaret mythique, puisque Brel y a débuté.
24:37 – Absolument.
24:37 – Qu'est-ce que vous faisiez là-bas ?
24:38 – Des sketchs avec un partenaire que j'avais rencontré chez Catherine Brilleux,
24:42 Philippe Pouilly.
24:44 Et on faisait des sketchs, on faisait l'échelle de Jacob,
24:47 on faisait la muricerie de bananes, l'abbé Constantin.
24:52 Et puis les week-ends, on allait faire des galas dans des boîtes de nuit.
24:56 – Mais c'était vraiment pour gagner la misère, à ce moment-là.
24:58 – Ah bah, on ne gagnait rien du tout.
25:00 C'était vraiment, on s'était payé de la main à la main.
25:02 On devait avoir 20 euros pour... Enfin, c'était des francs, à l'époque.
25:06 – 20 francs pour ? – 20 francs pour lui et moi.
25:10 C'est-à-dire que pour deux. Donc ce n'était pas terrible, terrible.
25:14 – Mais vous avez fait un stage à la comédie française,
25:16 avec Dominique Besnéard qui préface votre livre.
25:19 – Absolument. – Comment il débutait, lui aussi ?
25:20 – Il débutait, il arrivait de sa province.
25:23 Et on raconte dans la préface, d'ailleurs, qu'il était un petit peu charié par les autres
25:30 qui étaient là, il n'était pas très gentil avec lui.
25:32 Puis moi, je l'aimais bien, je l'ai protégé un petit peu, tout ça.
25:37 Et puis je lui ai proposé de faire une poétique.
25:39 Et il était tout timide à l'époque. Et c'est comme ça qu'on a sympathisé.
25:45 Et puis il est fidèle, puisque la preuve, 40 ans après, il en rappelle et il m'a écrit la préface.
25:52 – Alors il se trouve aussi, Christian Laurent, que finalement,
25:56 vous avez choisi l'autre côté du rideau en créant "Spectacle 2000".
26:00 Les tournées théâtrales, ça a débuté avec "Spectacle 2000" que vous avez créé.
26:04 – Voilà. Donc c'est grâce à mon associé Jean-Georges Tarot
26:08 qui venait de faire une tournée avec Herbert Carcinti.
26:11 – Qui était le théâtre "Les tournées mythiques".
26:13 – Voilà, absolument. Oui, oui, c'était les leaders.
26:16 Et donc, on s'est rencontrés sur un plateau de télévision,
26:21 sur un numéro 1, je crois, on était là, assis.
26:25 Et ça a collé tout de suite entre nous et on s'est dit,
26:29 pourquoi on ne ferait pas des tournées, tout ça.
26:31 Et donc on a créé "Spectacle 2000".
26:33 Et "Spectacle 2000", on a monté un premier spectacle,
26:38 on est partis à l'arsène puisqu'on n'y connaissait rien,
26:41 et ça a été une véritable catastrophe.
26:43 – Et c'est finalement Jean Le Poulain qui vous a sauvé.
26:45 – Voilà, parce que j'ai rencontré Jean Le Poulain,
26:47 parce que c'est une histoire assez marrante d'ailleurs,
26:50 parce que j'adorais Jean Le Poulain, il me faisait beaucoup rire.
26:55 Et je lui avais envoyé une photo de moi avec mon numéro de téléphone,
26:58 et je me suis dit, bon, j'y croyais pour beaucoup.
27:02 Et deux jours après, j'avais un coup de téléphone de Jean Le Poulain
27:04 qui me disait, écoute, viens ce soir chez moi,
27:09 le 10 avril de l'opéra, et si t'es libre après,
27:12 on ira au théâtre à la première de Galapagos.
27:16 Enfin, je suis tombé sur le cul parce que je me suis dit,
27:18 c'est pas possible, qu'il m'appelle comme ça et que déjà, comme ça, voilà.
27:21 Et voilà, c'est comme ça que j'ai connu Jean Le Poulain,
27:23 on est resté après, bon, très, très, très, très amis.
27:26 Et c'est lui qui nous a aidés donc à nous relever de la défaite de la Mandragore
27:33 en nous signant la mise en scène de "Doudou Dingue".
27:37 - Qu'il avait joué avec Maria Pacom. - Qu'il avait joué avec Maria Pacom,
27:40 au théâtre ce soir d'ailleurs.
27:42 - Et justement, au théâtre ce soir, il y a une pièce qui est mythique
27:44 et qui l'a plus suivie, c'est "Le noir se vacille bien"
27:47 avec Maria Pacom et Jean Le Poulain.
27:49 Bon, quand on voit la pièce, c'est un numéro de Cabot,
27:52 c'est à celui qui en fera le plus. - Absolument.
27:54 - Vous avez vécu ce tournage ? - Ah bah oui, oui, oui, j'ai vécu ce tournage.
27:57 - Racontez-moi. - Oui, oui, c'est vrai que c'était à Marigny
27:59 et c'était un peu haut en couleurs, parce qu'ils s'entendaient merveilleusement
28:05 sur scène, Jean et Maria.
28:07 Mais dans la vie, c'était pas terrible, terrible.
28:10 - C'est-à-dire ? - Oh bah, des fois, ils se supportaient pas du tout, du tout, du tout.
28:14 - Et pourquoi ? - Alors, il y avait des drames.
28:15 "Ah bah ça, je...", comme ça.
28:19 Jean était un peu particulier, il adorait créer des situations de drame, Jean.
28:27 À chaque fois que ça allait trop, trop bien, il était pas bien.
28:29 Il fallait qu'il crée une histoire, un machin.
28:31 Alors, comme Maria était pas en reste, ça pétait des flammes.
28:35 - Et ça pétait des flammes, mais en même temps, sur scène, ils en rajoutaient.
28:38 - Ah oui, ils en rajoutaient, oui, oui.
28:39 D'ailleurs, "Le noir te va si bien", quand on regarde bien la pièce,
28:43 c'est très léger, comme c'est un petit scénario qui est injouable, d'ailleurs.
28:50 Mais par eux, ça devenait formidable, parce qu'ils en rajoutaient tellement.
28:55 Et puis Jean, d'ailleurs, a réécrit aussi dessus, avec Jean Marçan.
28:58 Donc, c'est pour ça que cette pièce est devenue mythique,
29:00 parce que maintenant, tout le monde...
29:01 Moi, même, j'ai donné des cours dans la dramatique,
29:03 tout le monde me parle de "Le noir te va si bien".
29:06 - Et la première pièce qu'ils ont jouée ensemble, ça a été un scandale,
29:08 c'était interdit au public, qui est passé un soir à la télévision.
29:12 Et il y a eu des protestations de directeurs de théâtre qui ont dit
29:14 "Mais si ça passe à la télé, plus personne viendra la voir".
29:16 Et le lendemain de la diffusion, c'était plein.
29:18 - C'était plein.
29:19 - Parce que la télévision n'a pas tué le théâtre.
29:21 - Absolument, non, non, absolument.
29:23 - Alors, il a fait aussi, je crois qu'il a fait
29:25 "Les escargots meurent de boue" avec Francis Blanche ?
29:27 - Oui, c'est ça, absolument.
29:28 - Là aussi, c'était...
29:29 - Ah ben là, c'était "Les chargeurs réunis", c'était...
29:33 Entre Francis et Jean, c'était extraordinaire.
29:37 - Vous avez des souvenirs particuliers de cette pièce, que le public riait ?
29:40 - Ah oui, oui, oui, le public hurlait de rire, mais c'était vraiment
29:44 "Les chargeurs réunis", c'était énorme, il était énorme.
29:47 D'ailleurs, Jean, des fois, il me disait
29:50 "Quand je me revois, je fais des trucs", mais il dit "J'ai honte".
29:53 - "J'ai honte".
29:54 - Je sais pas comment je fais ça, mais j'ai honte.
29:55 - Oui, parce qu'en même temps, il a toujours rêvé d'être un acteur classique.
29:59 - Oui, absolument, absolument.
30:00 - Il était désespéré d'être un...
30:02 - Dés...pé...
30:04 Non, mais il aimait bien...
30:07 Elle, elle, elle, elle aurait voulu être une tragédienne ou une...
30:10 - Ah, il y a pas combien ? - Oui, et le comique...
30:13 Ben, ça... Elle était pas tellement... Elle aimait pas trop, ça.
30:16 Elle aimait pas trop, par contre, c'était une vraie comique, voilà.
30:19 Et ça venait faire les ruptures comme personne et...
30:22 - Et justement, Jean Lepoulin a réalisé son rêve,
30:25 qui était de devenir... Entrer à la Comédie Française, devenir administrateur,
30:29 mais finalement, c'était pas une si bonne chose.
30:30 - Non, non, non, non, non, c'était pas une si bonne chose,
30:33 parce que c'est en fin de compte, c'est ça qui l'a tué.
30:34 - Et comment ça se fait ?
30:35 - Mais parce que il a... Jean, Jean, c'était le côté artistique,
30:39 et là, quand il a été administrateur, d'ailleurs, il a été très mal reçu à la Comédie Française,
30:43 parce que, comme il y avait beaucoup de jalousie,
30:46 et qu'il avait été nommé par...
30:48 - Jacques Lang. - Jacques Lang, sous Mitterrand,
30:51 et comme il était de droite, puisqu'il était...
30:55 Il allait à la chasse avec Giscard,
30:57 alors tous les sociétaires, qui étaient de gauche du français,
31:01 voyaient son nomination de Jean très très mal.
31:04 Donc il s'en est mis plein, il en avait plein,
31:06 qui ne pouvaient pas le voir,
31:08 et en plus, il a eu une grève des techniciens,
31:14 ce qui arrive souvent à la Comédie Française.
31:16 Et il a fallu qu'ils gèrent ça.
31:17 Et il était paumé complètement, il était...
31:19 Ça le rendait malade, il fallait qu'il...
31:21 Là, il leur parlait, discutait, tout ça,
31:23 et alors il fumait cigare sur cigare, des grosses cigares énormes,
31:26 et un jour, il a eu une crise cardiaque.
31:31 - Et il y a une autre comédienne que vous avez fait tourner,
31:34 qui elle aussi est mythique pour un rôle très précis.
31:36 [♫ Musique ♫]
31:42 Poupette dans la boum,
31:43 qui a eu César de la meilleure comédienne en 83,
31:47 avec la boum 2, Denise Gray.
31:49 Et Denise Gray, qui était une vieille dame,
31:52 vous l'avez fait tourner, c'était le bonheur de sa vie.
31:54 - Oui, ah oui, elle adorait les tournées, Denise.
31:56 - C'était la soupière, je crois. - La soupière de Robert Lamoeul.
31:59 - Et c'était quelqu'un de très facile à travailler ?
32:01 - Ah oui, absolument. Alors, Denise, c'était extraordinaire.
32:04 On a fait 180 représentations.
32:07 Et il y avait Marion Gammes et Pierre Tornade avec elle.
32:11 Et on... Alors, Denise, elle disait "moi, j'adore les tournées,
32:15 les tournées, c'est mes vacances.
32:18 On vient me chercher en car, devant chez moi,
32:20 je dors dans le car, je papote, je tricote,
32:22 on joue, on me ramène le soir dans le car,
32:25 ou on me met à l'hôtel".
32:27 Elle dit "vraiment, pour moi, c'est un plaisir total".
32:29 Elle adorait faire des tournées.
32:32 - Et un soir, elle vous a sauvé la représentation
32:34 quand Marion Gammes avait eu retard.
32:35 - Ah oui, ah oui, alors là...
32:37 Oui, oui, Marion Gammes est arrivée une heure et demie en retard.
32:39 - Oui. - Parce qu'elle faisait de la synchro,
32:40 elle était coincée aux portes de Pantin, je sais plus.
32:43 Et on devait commencer à 21h et à 22h15, elle n'était pas là encore.
32:49 Donc, on a dit "qu'est-ce qu'on fait, on annule ?"
32:51 On fait... Alors, les gens commençaient à s'impatienter.
32:53 Denise, elle dit "non, non, on annule pas, laissez-moi faire.
32:57 Je vais aller en scène, je vais leur raconter ma vie".
33:00 Et voilà.
33:02 Et ben, elle l'a fait.
33:03 Pendant une heure et quart, elle a raconté sa carrière, sa vie.
33:07 Les gens étaient ravis, ils ont attendu une heure et demie
33:10 et que la pièce commence.
33:11 Et on a commencé et ça a fait un triomphe.
33:13 Et Denise a fait un triomphe.
33:14 - Alors, en fait, Denise Gray s'appelait Edouardine au départ.
33:17 Elle était habilleuse au Folies-Bergère, on l'appelait Denise.
33:20 Et elle regardait le spectacle en rêvant.
33:22 Et un soir, il y a une comédienne danseuse qui arrive, ivre morte,
33:25 impapable de jouer, et Denise est entrée en scène pour la remplacer.
33:28 Elle n'a plus jamais quitté la scène.
33:30 - Jamais, jamais.
33:30 - Jusqu'à la fin de sa vie.
33:32 - Et c'était drôle parce que Denise, c'était quelqu'un qui n'avait absolument pas le trac.
33:35 Elle savait pas ce que c'était que le trac.
33:37 Elle dit "moi, le trac, je sais pas ce que c'est".
33:39 - Tout ça, vous le racontez dans ce livre "Jérémie Moire des planches"
33:41 qu'on va évoquer à travers la date de sa sortie, le 10 novembre 2023.
33:45 A tout de suite sur Sud Radio avec Christian Laurent.
33:48 - Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
33:51 - Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Christian Laurent.
33:54 On a évoqué vos débuts dans la carrière de comédien.
33:57 Vos rencontres en tant que tourneur de théâtre avec Denise Gray,
34:01 avec Marion Gamm, Jean Lepoula et beaucoup d'autres.
34:05 Donc, vous racontez ça dans un livre, le 10 novembre 2023,
34:08 qui est sorti à cette date, "Jérémie Moire des planches" à la librairie Théâtrale.
34:12 Pourquoi avoir fait ce livre aujourd'hui, Christian Laurent ?
34:16 - Eh bien, c'était pour laisser une trace de...
34:22 Parce que j'estime que maintenant tout va trop vite et que, eh bien, on oublie les acteurs,
34:27 on oublie les chanteurs, on oublie les poètes, on oublie les gens.
34:32 Ça va tellement vite maintenant avec les réseaux sociaux que...
34:35 Il y a des tas de gens, moi je vois, je donne des cours de dramatique,
34:37 je parle de certaines personnes dont je parle dans le livre à mes élèves,
34:41 ils ne savent pas qui c'est.
34:43 Donc, je pense qu'il faut laisser une trace, quelque chose.
34:49 Donc, c'est pour ça que j'ai écrit ce livre, pour que les futures générations,
34:54 dans des années et des années, quand ils aiment le théâtre,
34:57 eh bien, ils pourront connaître des gens qu'ils n'auraient pas connus
35:02 s'ils n'avaient pas eu ce livre.
35:03 - Oui, en même temps, c'est une époque mythique que vous avez rencontrée,
35:06 car les noms sont restés dans la mémoire grâce à "Au théâtre ce soir",
35:09 Jean Lepoula, Maria Paco, qu'on connaît,
35:12 mais finalement, on connaît peu leur parcours.
35:13 Et si vous avez organisé ton théâtre, c'est aussi avec eux,
35:16 et c'est vrai que les tournées à l'époque, c'était l'événement dans la ville.
35:19 - Ah bah absolument, oui.
35:20 - Comment ça se passait ?
35:21 - Absolument.
35:22 Ça se passait que quand on arrivait, les théâtres étaient généralement toujours pleins,
35:29 les gens prenaient leur place à l'avance,
35:31 ils allaient au théâtre, c'était une fête pour eux, ils s'habillaient et tout,
35:34 c'était vraiment...
35:36 Il fallait faire un entraque, d'ailleurs, on nous imposait un entraque,
35:38 même quand les pièces, on ne faisait pas d'entraque,
35:42 et bien c'était vraiment quelque chose, c'était un événement, c'était l'événement.
35:47 Et puis il y a certaines villes où il y avait des abonnements,
35:49 mais ça c'est après, les abonnements on les a eus quand on a racheté Carcinti.
35:53 - Oui, car vous avez non seulement fait "Spectacle 2000",
35:55 mais Carcinti qui existe depuis 1919,
35:58 vous avez un jour repris cette maison historique.
36:00 - Voilà, parce que Georges Herbert a déposé le bilan.
36:03 - Georges Herbert était le directeur des...
36:04 - Le directeur des galas Carcinti, Herbert Carcinti,
36:08 et donc quand il a déposé le bilan, on a racheté les galas Carcinti,
36:14 et il avait le théâtre de l'œuvre aussi, dont il a déposé le bilan aussi,
36:19 et ça c'est Jacques Marot qui a repris le théâtre de l'œuvre,
36:22 et il était directeur de la Comédie de Paris, lui à l'époque,
36:25 donc nous on a repris la Comédie de Paris également en rachetant les galas Carcinti.
36:29 Et alors, chose assez extraordinaire, c'est qu'on avait nos bureaux à la Madeleine,
36:35 dans un building à la Madeleine, et on cherchait des bureaux,
36:38 et dans une petite annonce dans les journaux,
36:42 on voit "visiter des bureaux rue La Bruyère", on y va, on visite,
36:47 et on s'aperçoit que c'était les anciens bureaux des galas Carcinti,
36:52 et dans l'immeuble habitait Marcel Carcinti.
36:56 C'était le hasard le plus total, c'est encore un signe du hasard,
37:01 que rien n'est du hasard, tout est écrit.
37:04 - Alors vous racontez dans ce livre, Christian Laurent, les coulisses justement de ces préparatifs,
37:08 parce que monter une tournée c'était pas évident, fallait convaincre les villes,
37:12 fallait faire des affiches, fallait subir quelquefois les caprices des comédiens.
37:16 - Ah oui, oui oui absolument.
37:18 Absolument, il fallait déjà signer un an à l'avance avec les acteurs,
37:22 parce qu'on vendait les spectacles une année à l'avance,
37:25 et alors des fois c'était pas du gâteau parce que,
37:28 bah ils disaient "oui on veut le faire", mais ils signaient pas,
37:31 parce qu'ils attendaient un film ou un truc comme ça,
37:33 ils disaient "si on a un film, bah on fait pas la pièce".
37:35 Donc c'était quand même des angoisses terribles, terribles, terribles.
37:38 Et quand on a eu les Galacarcinti groupés à Spectacle 2000,
37:41 on avait 10 spectacles par an à préparer, à annoncer un an à l'avance pour les abonnements.
37:47 Et là, alors là, j'ai frôlé plusieurs fois la crise cardiaque,
37:50 parce qu'on envoyait des dépliants avec le programme et les 10 têtes d'affiches,
37:59 et la plupart n'avaient pas signé.
38:00 Donc on disait "si ils signent pas, c'est la catastrophe".
38:03 - Bah c'est arrivé une fois avec Gina Lollobrigida.
38:06 - Absolument.
38:07 - Qu'est-ce qui s'est passé ?
38:08 - Bah il s'est passé qu'on produisait une pièce au théâtre de la Michaudière de Fedot,
38:13 l'hôtel du libre-échange,
38:15 et Gina Lollobrigida qui était à Paris,
38:19 on l'a invitée à venir voir la pièce,
38:22 parce qu'elle avait tourné le film avec Alec Guinness, "Hôtel Paradiso".
38:26 Donc elle est venue, et on a été souper après, avec toute la troupe,
38:31 et on a eu l'idée de lui demander de faire du théâtre,
38:35 et de lui proposer une pièce que j'avais envie de monter depuis très longtemps, "La Mama".
38:39 Et elle a réfléchi un peu, puis elle nous a dit oui.
38:43 Alors on a été fous de joie bien sûr.
38:45 Et le problème c'est que deux mois après, elle avait toujours pas signé son contrat,
38:51 et alors on a été deux fois à Rome, chez elle, où elle nous avait invités,
38:56 pour chercher le contrat, et on rentrait brodouille,
38:58 parce qu'il y avait toujours quelque chose pour pas signer le contrat.
39:01 Et ce qu'elle avait, c'est qu'elle avait très peur pour la mémoire.
39:06 Elle n'avait jamais fait de théâtre.
39:08 Donc elle disait "Je n'y arriverai pas, je pourrai pas, je pourrai pas,
39:11 je n'irai pas, je ne vais pas pouvoir retenir le texte".
39:14 Bon alors on a tout fait, on lui a envoyé sa grande copine Martha Descartes,
39:18 qui est passée un mois là-bas pour la faire répéter.
39:20 Quand Martha Descartes est revenue à Paris, elle nous a dit "Écoutez les amis,
39:23 je crois qu'elle le saura jamais".
39:25 Donc c'est même pas la peine de...
39:27 Alors bon, au bout de deux mois, on s'est dit "Bon, qu'est-ce qu'on va faire ?"
39:31 Là ça va être terrible, parce qu'on a annoncé Gina Lomborgini,
39:33 qui est quand même une star internationale,
39:35 elle ne le fait pas, qu'est-ce qu'on va faire ?
39:37 Alors on a eu l'idée de lui demander de faire une lettre à chacun des directeurs,
39:45 une lettre elle-même, manuscrite par elle,
39:49 et qu'elle disait que pour des raisons personnelles,
39:52 elle ne pouvait pas assumer la tournée.
39:54 Et donc on a envoyé cette lettre à tous les directeurs,
39:57 et bien ils l'ont très bien pris, on n'a eu aucune annulation,
40:01 et c'est Rosi Varte qui a joué le rôle et Gina n'a pas joué la mama.
40:05 - Alors il y a eu aussi les comédiennes dont vous ne vouliez pas,
40:08 et vous avez malheureusement proposé une pièce à Suzy Delaire,
40:12 vedette de "Quel est l'orfèvre", et là ça a été le cauchemar aussi.
40:15 - Ça a été le cauchemar.
40:16 Alors ça a été le cauchemar parce que...
40:19 Au début ça s'est pas très bien passé, parce qu'elle n'était pas très aimable...
40:23 - Ah bah c'était le cas, oui.
40:25 - Puis petit à petit on l'a réussi à l'amadouer un peu.
40:28 Moi je lui téléphonais régulièrement,
40:31 ou alors elle me racontait sa vie, des fois ça durait une heure au téléphone,
40:34 elle me parlait de Laurel et Hardy, de Clouseau, de Jouvet,
40:37 et puis donc on lui avait proposé de jouer "Quand épousez-vous ma femme",
40:44 qui avait été créé par Jeanne Sourza,
40:47 et donc elle était d'accord pour le jouer,
40:52 et dans la distribution il y avait Jacques Duby et Christian Marin.
40:56 Alors très content, on avait les trois vedettes,
40:59 je vois Jacques Duby, je lui dis "Bon alors c'est bon, ça y est, on a Suzy Dollar".
41:06 "Ah", il me dit, "Christian, alors s'il y a Suzy Dollar, c'est sans moi".
41:10 "Ah", je lui dis, "bah ça commence bien".
41:11 Bon, Christian Marin, qui était adorable,
41:15 il m'a pas dit non, mais je sentais bien, comme je connaissais bien Christian,
41:17 qu'il y avait quelque chose qui l'embêtait aussi un petit peu,
41:20 de jouer avec Suzy Dollar.
41:24 Bon, alors, la mort dans l'âme, on a été obligés de trouver un prétexte pour ne pas la prendre,
41:30 parce qu'on perdait les deux autres s'il y avait Suzy Dollar, donc elle l'a pas jouée.
41:36 Mais on est resté amis, c'est un bien grand mot, mais disons que...
41:40 Je vous dis, on se téléphonait souvent,
41:43 et elle était charmante, comme elle pouvait nous envoyer balader, ça dépendait de son humeur.
41:48 - Moi, je me souviens d'un jour, j'ai fait un article qui lui a pas plu,
41:50 elle m'a croisé, elle m'a dit, "ah, c'est vous qui avez fait ça ?
41:53 Écoutez, vous avez de la chance que je vous ai pas croisé ce jour-là,
41:55 sinon je serai en prison pour meurtre".
41:56 - Ah ah, oui, c'est clair. Oui, oui, c'est tout à fait vrai.
41:59 - Vous êtes un personnage. Alors, il y a aussi les comédiens un peu difficiles,
42:02 parce que vous dressez dans ce livre les portraits des comédiens et leurs angoisses,
42:06 ceux qu'ils appellent tous les jours, c'est assez étonnant, la vie d'un tourneur.
42:11 - Ah oui, oui, oui, alors...
42:12 Ah oui, il y avait Jean-Claude Brialy, qui lui, c'était...
42:18 Alors, il prenait jamais de vacances ni rien du tout, Jean-Claude,
42:20 c'était vraiment le travail, le travail, le travail.
42:21 Alors, nous, quand on partait en vacances un mois à Simone Bery au plage,
42:26 donc c'était au mois d'août, et on reprenait les tournées au mois de septembre,
42:31 alors il fallait préparer les affiches, tout ça,
42:34 donc, mais tout était prêt, tout était prêt.
42:36 Mais Jean-Claude, tous les jours, j'avais des coups de téléphone,
42:38 en disant "alors, où sont les affiches ? Qu'est-ce que vous avez fait ? Est-ce que ça s'est fait ?"
42:42 Je lui disais "mais oui, c'est fait, c'est bon, Jean-Claude".
42:44 Alors, il me disait toujours, il nous disait "oui, oui, vous êtes là à vous faire bronzer les fesses,
42:48 alors que moi, je suis au boulot. Est-ce que je prends des vacances, moi ?"
42:52 "Oui, tu prends des vacances, mais nous, on en prend. Mais moi, je continue à travailler."
42:56 Mais alors, Jean-Claude, tous les jours, c'était régulier, le coup de téléphone de Jean-Claude,
43:00 qui gueulait parce qu'on n'était pas à Paris.
43:04 - Et Robert Rossen, aussi.
43:06 - Ah bah, Robert Rossen, lui, c'était...
43:07 Alors, lui, il avait la phobie de l'affichage.
43:14 Il trouvait qu'on affichait pas assez, alors que c'était pas à nous d'afficher.
43:16 C'était les théâtres qui achetaient le spectacle.
43:19 Ils nous demandaient tant d'affiches, grandes affiches, petites affiches.
43:23 Alors, on leur envoyait par la poste, et puis c'est eux qui affichaient.
43:28 Et quand on jouait à Monaco, ils demandaient très peu d'affiches, parce que Monaco, c'était toujours plein.
43:32 Et puis, d'ailleurs, on n'a pas le droit d'afficher à Monaco,
43:34 donc il n'y a pas d'affiches, il n'y a pas de mur, il n'y a rien.
43:37 Donc, Robert, en nous disant, nous disait
43:41 "Les mecs, vous affichez pas assez, c'est pas possible."
43:44 Alors, un jour, il a pris un mec, et puis il a commandé, je sais pas combien, de milliers d'affiches, en plus,
43:49 qu'il nous a fait livrer dans le bureau, sur une palette.
43:52 Et il a payé un gars très très cher, en louant une camionnette,
43:57 et le mec, il est parti dans toute la France pour distribuer les affiches.
44:00 Je suis persuadé qu'il en a foutu la moitié en l'air,
44:03 et à Monaco, il a tout foutu en l'air, parce que de toute façon, il n'affichait pas.
44:06 Donc, mais Robert était content.
44:09 - Il y a eu un moment difficile aussi, quand il a fallu vendre une pièce de Robert l'Amoureux qui n'était pas écrite.
44:13 - Ah oui, ah oui.
44:15 Alors ça, oui, oui, Robert était... C'est Francis Joffaut qui nous avait amené Robert l'Amoureux.
44:21 Et Robert commence à me raconter la pièce,
44:26 c'était une pièce qui s'appelait...
44:29 - "Si je peux me permettre". - "Si je peux me permettre", mais au début, ça s'appelait "Tous pourris".
44:33 Et donc, on faisait le...
44:38 Il me raconte la pièce, que je trouve formidable, je ris, tout ça.
44:43 Je lui dis "Bon, ben c'est parfait, Robert, vous me donnez la pièce à lire ?"
44:48 Il dit "Non, mais elle n'est pas écrite, la pièce, elle est..."
44:53 Alors je dis "Bon, c'est pas grave, on signe quand même, on la signe, on la signe."
44:57 Alors on a signé la pièce, et on a fait la distribution.
45:01 Donc ça s'est appelé "Si je peux me permettre" après, avec Robert et Balutin, et Jacques Balutin.
45:06 Et on a fait un triomphe.
45:08 On a fait deux ou trois tournées, et puis ça s'est joué dans deux théâtres à Paris,
45:15 complet, complet, complet.
45:16 - Et puis il y a "Guitry" aussi que vous avez monté, notamment avec Jean-Pierre Daraz dans "Le Comédien",
45:20 qui a été aussi une aventure incroyable.
45:22 - Ah oui, oui, "Le Comédien", c'était formidable parce qu'on a...
45:26 Alors c'était une mise en scène d'Anic Blancheteau,
45:30 c'était un très très beau...
45:32 Il y avait un très beau décor,
45:34 et on a joué ça au Théâtre Saint-Georges...
45:39 Non, pas au Théâtre Saint-Georges, je me suis dit...
45:41 Au Théâtre des Nouveautés, et on a fait une grande tournée aussi,
45:45 et ça a été formidable, et puis j'étais très ami avec Jean-Pierre,
45:50 parce que c'est quelqu'un que j'aimais beaucoup,
45:52 et j'adorais lui poser les questions sur son duo qu'il avait fait avec Noiret,
45:58 à une époque, au cabaret, au music-hall,
46:00 ses années au TNP aussi, tout ça, c'était quelqu'un de très passionnant.
46:06 - Et vous avez monté aussi, et ça c'est historique,
46:08 la plus grande tournée de théâtre, la dernière de Belmondo.
46:12 - Absolument, c'était Frédéric...
46:14 - Frédéric, qui a été créé à Marigny, que vous avez joué dans toute la France,
46:20 mais c'était une caravane.
46:22 - Oui absolument, il y avait...
46:24 3 ou 4 mires mortes, je ne me souviens plus,
46:26 il y avait une grosse distribution.
46:28 On a fait toute la France, on a fait aussi le Canada,
46:34 on a fait le Maroc,
46:36 une très très grande tournée, je me souviens même de l'Afrique.
46:42 - Et Belmondo a fait son premier malaise 15 jours après avoir commencé.
46:50 Donc on a arrêté la tournée.
46:52 - Et après, bon, ça allait mieux, on l'a reprise,
46:54 et il a eu un nouveau malaise après à...
46:58 je ne sais plus...
47:00 - En Corse, je crois.
47:02 - Et il a arrêté sa carrière.
47:04 - Et c'est la dernière pièce qu'il a jouée d'ailleurs.
47:06 Je crois que la dernière représentation a eu lieu à Rabat, je crois.
47:10 - Et c'était mythique.
47:12 - Ah oui, c'était un superbe spectacle.
47:14 - Et il était heureux sur scène.
47:16 - Il était très heureux, et le jour où il a eu son malaise,
47:18 il voulait reprendre absolument,
47:20 il ne se rend compte du tout qu'on baisse le rideau,
47:22 et qu'il voulait continuer à jouer.
47:24 Et bon, ils l'ont empêché, bien évidemment,
47:26 ils l'ont emmené à l'hôpital, mais il voulait reprendre,
47:28 il ne voulait absolument pas arrêter la représentation.
47:30 - Et puis vous évoquez aussi Jacques Legras,
47:32 créateur de la caméra invisible.
47:34 Caméra invisible, d'ailleurs, on oublie que c'est Pierre Belmar
47:36 qui l'a trouvé aux Etats-Unis et l'a apporté en France.
47:38 Et là aussi, vous avez vécu une scène
47:40 qui n'était pas de la caméra invisible.
47:42 - Non, ce n'était pas de la caméra invisible,
47:44 c'était assez amusant.
47:46 Enfin, amusant.
47:48 Il y avait deux pauvres femmes qui s'étaient fait renverser
47:50 par la voiture de Pierre Doris.
47:52 - Qui jouait avec vous.
47:54 - Qui jouait, oui.
47:56 C'est une pièce qui s'appelait "Super Papy"
47:58 de Francis Joffo.
48:00 Il y avait Pierre Doris, Yvonne Klesch,
48:02 Patrick Préjean, Jacques Legras.
48:04 Et donc on était plusieurs voitures comme ça
48:06 qui se suivaient, et Doris avait une grosse Mercedes à l'époque.
48:08 Et nous, on était en dernier
48:10 avec mon associé dans la voiture.
48:12 On était un quart d'heure,
48:14 on arrivait un quart d'heure après,
48:16 et tout d'un coup, on voit tout un attroupement,
48:18 plein de gens qui étaient là, comme ça.
48:20 Et puis il y avait deux femmes sur un brancard.
48:22 On se dit "Les pompiers, qu'est-ce qui se passe ?"
48:24 Et on voyait des gens hilares qui étaient là.
48:26 Et des gens, ils disaient,
48:28 il y en a un qui nous dit "Ne vous inquiétez pas,
48:30 c'est pour la caméra invisible."
48:32 Parce qu'il y avait Doris et Legras
48:34 qui parlaient avec les gendarmes et les pompiers.
48:36 Et pour eux,
48:38 voir Legras, c'était la caméra invisible.
48:40 Et nous, on a dit "On est affolé,
48:42 on savait très bien que c'était pour la caméra invisible."
48:44 Et on voyait ces pauvres femmes sur le brancard,
48:46 et personne ne s'occupait d'elles.
48:48 Tous les gens étaient autour de Legras,
48:50 même les pompiers qui rigolaient.
48:52 Bon, on les a faits emmener vite à l'hôpital.
48:56 Doris, ça l'a rendu malade d'ailleurs,
48:58 on n'a pas joué le soir.
49:00 Mais c'était une histoire, je suis persuadé
49:02 que les gens, quand on est partis,
49:04 pensaient encore que c'était pour la caméra invisible.
49:06 Ils nous disaient au revoir avec des mouchoirs, comme ça.
49:08 C'était extraordinaire.
49:10 - Il y a beaucoup d'autres histoires dans ce livre,
49:12 à la librairie théâtrale, que je recommande
49:14 à celles et ceux qui aiment le théâtre,
49:16 et qui découvriront sous un autre jour
49:18 des comédiens mythiques.
49:20 Merci Christian Laurent d'avoir écrit,
49:22 et continuez à faire un peu de théâtre dans votre coin.
49:24 - On continue. Merci beaucoup Jacques.
49:26 - Les clés d'une vie, c'est terminé pour aujourd'hui.
49:28 On se retrouve bientôt. Restez fidèles à l'écoute de Sud Radio.

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