• il y a 10 mois
Vendredi 1 mars 2024, PLACE AUX FLAMMES reçoit Anaïs Guillemané-Mootoosamy (Directrice générale chargée des Stratégies, W) et Noémie Marchyllie (Cofondatrice et codirectrice, Kabubu)

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Transcription
00:00 [Musique]
00:06 Bonjour Noemi et bienvenue.
00:07 Bonjour Anaïs.
00:08 Nous sommes ravies que tu sois la nouvelle invitée de l'émission qui donne la parole aux femmes.
00:14 Aujourd'hui nous sommes aux Amars, un magnifique tiers-lieu dans le 13e arrondissement de Paris,
00:20 où se trouvent les bureaux de ton association Kaboubou.
00:24 Si je ne m'abuse, Kaboubou vient du Swahili qui veut dire l'amitié par le sport
00:30 et c'est un beau mot qui résume la mission de ton association
00:34 qui promeut et favorise l'inclusion sociale et professionnelle par la pratique sportive.
00:42 C'est une thématique forcément qui nous est très chère, en particulier en ce moment
00:46 où à l'approche des Jeux Olympiques et Paralympiques, ces sujets sont au cœur de la société.
00:52 Pourrais-tu commencer par te présenter et nous parler de la mission de l'association
00:58 et de ton rôle au sein d'elle ?
01:00 Merci de m'avoir invitée.
01:02 Je suis Noemi Marchili, je suis cofondatrice et co-directrice de l'association Kaboubou.
01:08 Effectivement, tu l'as dit, Kaboubou ça signifie l'amitié par le sport en Swahili
01:12 et c'est une association qu'on a cofondée en 2018 avec pour objectif de faciliter l'inclusion sociale
01:18 et professionnelle des personnes exilées et tout ça en utilisant la force du sport.
01:24 Chez Kaboubou, on a trois grands piliers d'action.
01:27 Le premier, c'est l'inclusion sociale.
01:29 Pour ça, on organise des activités sportives hebdomadaires, inclusives et gratuites
01:34 qui rassemblent des personnes de tous les horizons.
01:36 Toi, tu peux venir jouer au basket.
01:38 Une personne qui vient d'arriver sur le territoire français, qui vient du Mali,
01:42 peut aussi se joindre à l'entraînement.
01:44 C'est gratuit, il faut s'inscrire une semaine à l'avance.
01:46 Et si besoin, on fournit les équipements de sport pour les personnes qui n'ont pas les moyens de s'équiper.
01:52 Une fois sur place, vous êtes accueillis par les coachs et les bénévoles
01:56 qui ont une méthodologie inclusive pour accueillir tout le monde
02:00 et pour faire en sorte que la pratique sportive soit la plus inclusive possible
02:04 et soit la plus fédératrice.
02:06 Ça, c'est vraiment la première partie.
02:08 C'était la base de l'association.
02:10 Quand on l'a créée, c'était l'idée de se dire,
02:12 on va déjà favoriser la pratique sportive de toutes les personnes,
02:16 même des personnes qui en sont très éloignées,
02:18 mais aussi, on va utiliser cet outil, ce prétexte,
02:23 pour favoriser la rencontre de personnes qui ne se seraient peut-être jamais rencontrées
02:28 en dehors de cet espace fédérateur.
02:32 Ça, c'est vraiment la première partie, le lien social, les activités sportives.
02:37 La deuxième partie, c'est les formations professionnelles.
02:39 On a créé ce second pilier suite à des demandes de personnes de notre communauté pour travailler.
02:45 Il faut savoir qu'une fois qu'une personne obtient la protection de l'État français
02:50 et peut rester sur notre territoire, elle a également le droit de travailler.
02:54 On s'est dit qu'on allait faciliter les parcours vers l'emploi
02:59 en créant un organisme de formation en 2019.
03:03 On permet à des personnes qui ont le statut de réfugiées
03:06 d'accéder à des programmes d'accompagnement et de formation professionnels,
03:10 toujours en lien avec le sport.
03:13 On forme des animateurs sportifs, des sauveteurs aquatiques,
03:17 et on a aussi un programme d'apprentissage du français grâce au sport.
03:22 On a aussi un programme d'arbitrage.
03:24 On a beaucoup de programmes différents.
03:26 Au fur et à mesure des années, nos programmes de formation se développent aussi
03:30 en fonction des besoins des métiers en tension,
03:33 en fonction des envies des personnes qui participent à nos activités.
03:36 On adapte et on crée.
03:38 C'est notre deuxième parcours, l'insertion professionnelle.
03:41 Le troisième pilier de l'association, c'est la sensibilisation et l'information.
03:46 En 2020, quand on a été confinés, on a dû arrêter nos activités sportives.
03:51 À ce moment-là, on s'est dit qu'est-ce qu'on pourrait faire
03:54 pour permettre à des personnes d'être informées sur ce qu'est vraiment la migration,
03:59 sur ce que constitue un parcours migratoire pour une personne.
04:03 Et donc, on s'est inspiré de la fresque du climat
04:07 qui permet en deux heures de comprendre les enjeux, les causes et les conséquences
04:11 du dérèglement climatique.
04:12 On l'a adapté pour la migration.
04:15 Et donc, on a créé la fresque de la migration qui est ici,
04:18 qui permet en deux heures, en équipe de quatre à sept personnes,
04:21 de retracer le parcours d'une personne qui quitte son pays et qui arrive en France.
04:26 Il y a trois parcours différents.
04:28 Il y a trois parcours qui sont inspirés de faits réels
04:30 et qui permettent, avec un animateur qui est formé pour ça,
04:33 d'échanger, de s'informer, de découvrir les chiffres sur la migration
04:37 et aussi de découvrir des façons de s'engager dans notre société.
04:41 Ça, c'est très important pour nous.
04:42 Une fois qu'on a rencontré une personne,
04:45 qu'on a envie de s'engager aussi dans la société civile aujourd'hui,
04:50 comment on peut faire ?
04:52 Cet atelier donne des pistes et des contacts d'autres associations
04:56 pour s'engager à ce tour.
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05:34 On voit bien que Kaboboo, d'une certaine manière, a évolué aussi avec le temps,
05:38 avec un certain nombre de sujets que vous avez perçus
05:42 comme étant particulièrement importants.
05:44 Ce qui m'intéresse aussi, c'est peut-être que tu nous fasses part de ton propre parcours.
05:48 Si je fais un petit retour en arrière,
05:50 tu as commencé tes études dans les sujets de l'audit et de l'expertise comptable.
05:56 Tu as ensuite travaillé dans un secteur qui est assez éloigné,
06:00 qui est celui de la finance, pendant quelques temps.
06:02 Et tu as décidé de lancer cette association.
06:05 Est-ce que tu peux m'en dire plus sur ce qui t'a donné cette envie-là, cette flamme,
06:10 et ce qui a constitué ce projet, cette inspiration ?
06:14 Oui, alors effectivement, j'ai fait une école de commerce
06:17 et ensuite j'ai commencé à travailler en audit dans le secteur financier et notamment bancaire.
06:23 Et à ce moment-là, j'avais envie d'avoir du sens à mon travail.
06:28 Je pense comme beaucoup de personnes en sortie d'école,
06:31 beaucoup de personnes aussi dans notre société aujourd'hui.
06:35 Et je ne trouvais pas ce sens dans mon métier.
06:39 Et donc, j'ai fait du bénévolat avec différentes associations.
06:43 Et je me suis rapidement rendue compte que ce que j'aimais,
06:47 c'était aussi la rencontre avec d'autres personnes
06:50 qui avaient des parcours très différents du mien.
06:53 Et que j'avais envie de permettre à des personnes comme moi,
07:00 qui ne connaissaient rien du tout à la migration pendant mes études et avant,
07:05 de rencontrer à leur tour des personnes qui avaient des parcours formidables.
07:09 Et ça, c'est venu parce que justement, en participant à des bénévolats,
07:14 notamment à Porte de la Chapelle en 2017,
07:17 il y avait un camp qui accueillait des personnes et qui les orientait.
07:20 À ce moment-là, en faisant du bénévolat de distribution alimentaire
07:23 et de distribution vestimentaire, je me suis rendue compte
07:27 qu'il y avait un vrai besoin déjà.
07:30 Et que si on ne faisait pas du bénévolat,
07:32 on ne rencontrait jamais des personnes qui avaient un parcours de migration.
07:36 Moi-même, je n'en avais jamais rencontré.
07:38 Parmi mes amis, on n'en avait peu rencontré.
07:41 Quand je dis parcours de migration,
07:43 c'était des personnes qui venaient d'arriver sur notre territoire.
07:45 Alors qu'on en parle tout le temps dans les médias.
07:48 Et qu'il y a beaucoup de fausses idées aussi,
07:53 beaucoup de préjugés sur la migration.
07:56 En faisant la rencontre de ces personnes-là,
07:59 en discutant avec par exemple un Iranien qui m'a raconté toute son histoire
08:03 sur son engagement politique en Iran
08:06 et ensuite sur la traque du gouvernement iranien envers lui et envers sa famille.
08:11 Puis après tout son parcours, son déménagement, l'éloignement avec sa famille
08:16 et son arrivée en France où il attendait encore de nouvelles barrières
08:21 et de nouvelles démarches compliquées.
08:23 En fait, ça fait vraiment relativiser aussi par rapport à nos propres parcours.
08:28 Et ça donne envie de s'engager.
08:30 Et ça aussi, à ce moment-là, ça m'a vraiment indignée de me dire
08:35 mais comment j'ai pu passer à côté de toutes ces personnes-là
08:38 qui ont chacun un bagage, qui ont chacun une richesse à apporter
08:42 et qui viennent surtout avec l'envie de s'en sortir
08:45 et de fuir une situation qui n'était plus vivable dans leur pays.
08:49 Donc ça, c'était vraiment un peu la prise de conscience de me dire
08:53 maintenant j'ai envie aussi d'avoir un engagement par rapport à des valeurs,
09:00 par rapport à des actions dans la société qui me semblent injustes
09:04 et pour lesquelles j'ai envie de faire changer les choses.
09:06 Ça, c'était la base.
09:08 Mais en même temps, il y a énormément d'associations déjà qui existent
09:11 et qui font un travail remarquable sur le terrain.
09:14 Et en même temps, pour moi, c'était dur psychologiquement et mentalement
09:19 d'accompagner des personnes vraiment dans des situations d'extrême vulnérabilité.
09:23 Et je me suis dit, ce que je peux faire en revanche,
09:26 c'est aider à créer des espaces positifs,
09:29 des parenthèses positives dans la vie de ces personnes-là grâce au sport.
09:34 À ce moment-là, je faisais déjà du sport en loisir.
09:40 Mais en fait, le sport, ça rassemble.
09:42 Il n'y a pas besoin de parler la même langue.
09:44 Il n'y a pas besoin de se connaître avant sur les terrains.
09:46 Finalement, l'idée, c'était de se dire, on va tester, on va rassembler des amis,
09:50 on va rassembler des personnes qu'on a rencontrées
09:52 qui n'ont rien en commun et qui se seraient probablement jamais rencontrées.
09:56 Donc on va les rassembler justement pour tester sur un terrain ensemble.
10:00 Et il n'y aura plus de "moi, je viens d'arriver en France,
10:02 je suis demandeur d'Asie, je suis réfugiée",
10:04 mais il y aura "je suis une personne qui vient jouer".
10:07 Et en fait, il n'y a plus de distinction.
10:09 On est tous joueurs et joueuses sur le terrain.
10:11 Et ça, c'était vraiment l'envie de base du projet.
10:16 On ne s'était même pas dit qu'on allait monter une association.
10:18 On ne s'était pas du tout imaginé que sept ans plus tard, on en serait là.
10:23 Mais c'était vraiment de se dire, on va tester,
10:25 on va faire ensemble quelque chose qui n'existe pas.
10:29 À ce moment-là, il n'y avait pas autant d'actions, d'associations
10:33 sur l'inclusion par le sport.
10:35 Et notamment pour les personnes issues de la migration,
10:38 qui avaient un parcours de migration qui venait d'arriver.
10:41 Donc on a testé et finalement, tout de suite, dès le premier match,
10:44 il y a eu beaucoup d'effervescence,
10:47 énormément d'énergie qui provenait de ces personnes-là.
10:51 Que ce soit et les personnes locales et les personnes issues de la migration,
10:55 on a eu énormément de demandes pour refaire des tournois,
10:57 pour faire différents sports.
10:59 Des personnes qui ont envie de nous rejoindre, qui nous ont soutenues.
11:02 Et donc ça aussi, au fur et à mesure, ça donne vraiment envie d'aller plus loin,
11:06 de faire plus et de faire plus grand avec d'autres personnes.
11:10 Et c'est ça, je pense, aujourd'hui, évidemment,
11:14 moi j'ai fait partie des cofondatrices,
11:16 mais Kabougou, là, ce n'est plus l'idée qu'on avait au départ du tout.
11:21 C'est l'apport.
11:23 En fait, ça s'est créé grâce à l'apport de chaque personne.
11:26 Chaque personne qui est venue peut-être une fois ou un mois,
11:29 ou qui est là depuis les débuts de l'association.
11:31 Donc c'est vraiment aussi ça qui donne l'énergie,
11:34 c'est d'aller plus loin grâce à ces personnes-là qui font partie de la communauté
11:38 et qui créent tous les jours Kabougou différemment.
11:43 Aujourd'hui, on est à Paris, Lyon et Strasbourg.
11:45 On est en train de réfléchir à comment on pourrait créer d'autres antennes ailleurs
11:49 pour justement permettre à cette flamme, à cette énergie de vivre
11:55 en dehors aussi de nos actions en propre,
11:58 permettre à d'autres personnes de se saisir de nos méthodologies
12:01 et d'aller créer autre chose.
12:03 Et c'est ça qui moi me donne la force,
12:05 mais qui donne aussi la force à d'autres personnes qui font partie du projet
12:09 et l'équipe en interne, les bénévoles,
12:12 qui font un travail extraordinaire tous les jours.
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12:46 Je pense que c'est aussi dans des moments comme ça
12:49 qu'on a l'occasion de mettre en lumière, pour filer la métaphore de la flamme,
12:53 mais qu'est-ce que par étant là aujourd'hui,
12:56 à qui souhaiterais-tu,
12:59 pas déclarer ta femme, mais mettre en lumière,
13:02 qui est-ce que tu souhaiterais aussi encourager au travers de cette scène ?
13:07 Alors, je pense qu'il y a toutes les personnes de la communauté de Kabougou
13:13 qui ont des parcours spécifiques.
13:16 À titre personnel, moi j'ai été particulièrement touchée par un jeune
13:20 qui faisait partie de notre équipe de foot,
13:23 qui était mineure, qui était en attente de reconnaissance de sa minorité
13:27 par les instances du département.
13:29 Et lui, du jour au lendemain, il s'est retrouvé à la rue.
13:32 Et donc, on l'a hébergé à la maison.
13:35 Et en fait, le fait d'héberger quelqu'un chez soi,
13:38 ça rentre dans ton intimité.
13:41 Donc là, c'est même plus ton travail ou ta bus,
13:44 ça devient ton intimité.
13:46 Et du coup, tu apprends beaucoup plus sur les personnes aussi.
13:49 Donc lui, il nous a partagé son parcours.
13:52 Il nous a partagé aussi le voyage, mais les raisons de son départ.
13:56 Et c'était pas des raisons de guerre ou des raisons de persécution,
14:01 c'était des raisons économiques.
14:03 Et je trouve que ça, c'était tellement fort d'avoir son témoignage à lui,
14:07 parce qu'on imagine aussi beaucoup la migration,
14:10 où on peut accepter des personnes, par exemple la guerre en Ukraine,
14:14 tout le monde est unanime pour dire qu'il faut les accueillir mieux,
14:17 les intégrer, mettre en place des dispositifs, ce qui est vrai.
14:20 Mais en fait, la migration économique, avec cet exemple-là,
14:23 c'est aussi de se dire, pour lui, il n'y a aucun avenir.
14:27 C'est pour ça qu'il va partir,
14:30 et c'est pour ça qu'il va espérer une vie ailleurs, en France.
14:33 Et c'est aussi une raison de partir.
14:36 Et pour autant, un jeune enfant qui arrive sur notre territoire,
14:39 c'est un devoir de l'accueillir de façon digne.
14:43 Et donc avec lui, on a vraiment appris aussi,
14:46 on apprend tous les jours quand on parle à des personnes de notre communauté,
14:49 sur leur situation spécifique.
14:51 Chaque personne a une situation individuelle particulière.
14:54 Et donc avec lui, on a pu aussi découvrir la situation des mineurs non accompagnés,
14:59 qui arrivent seuls sur notre territoire et qui ont des difficultés parfois
15:02 à faire reconnaître leur minorité.
15:04 Et donc là, ils sont dans un flou juridique,
15:06 et après, ils peuvent se retrouver à la rue comme ce jeune-là.
15:08 Donc ça, c'est aussi, pour répondre à ta question,
15:12 là tout ce qu'on fait, c'est aussi pour transmettre l'espoir aux personnes de la communauté,
15:18 et aussi l'envie que ces personnes-là trouvent leur place aussi dans notre société.
15:25 Et se disent, en fait, il y a aussi quelque chose d'hyper important pour moi,
15:29 c'est de changer le paradigme aussi du bénévole, personne aidée,
15:35 en se disant, grâce au sport, on change la perception de la personne,
15:40 et c'est plus le même rapport aidé-aidant qu'on a aussi dans les associations d'aide aux personnes migrantes.
15:46 Et ça peut être, par exemple, une personne soudanaise,
15:48 on a beaucoup des Soudanais qui arrivent et qui font des scores magnifiques et géniaux
15:55 à des courses à pied de 10 km,
15:57 et alors qu'eux, ils ont des chaussures qu'ils ont récupérées,
16:00 qu'ils ont usées, qu'ils ont trouées,
16:03 et que ces personnes-là ne se sont pas entraînées,
16:06 ils vont faire 34 minutes aux 10 km.
16:08 C'est ces personnes-là qui vont aider aussi les autres à dire,
16:11 voilà, moi je fais comme ça pour mon entraînement,
16:14 si tu veux viens, on va courir demain ensemble,
16:16 et on va atteindre tel objectif de course ensemble.
16:21 Donc, c'est toutes les personnes-là qui, je pense, devraient être mises en lumière,
16:28 et je pense, appel à tous les journalistes qui font des reportages sur la migration,
16:34 de mettre en lumière des histoires positives,
16:37 et il y en a un milliard aussi,
16:39 pour montrer que ces personnes-là sont une richesse dans notre société
16:42 et que les accueillir, nous, ça nous renforce aussi dans notre humanité.
16:47 C'est un grand sujet.
16:51 Je pense qu'en effet, comme tu le dis,
16:53 c'est assez difficile de mettre des mots ou de mettre un seul label sur cette situation
16:59 qui en fait est systématiquement individuelle.
17:02 On voit que le sujet, en tout cas, est fortement adressé dans l'espace médiatique,
17:07 que la question de l'exclusion est fortement politisée.
17:11 On peut penser au contexte actuel, avec des lois,
17:15 des lois immigration qui ramènent le sujet,
17:18 qui peuvent aussi amener à beaucoup de peur, de fantasmes,
17:24 de grands discours, de grands mots aussi,
17:27 qui invisibilisent justement ce que tu disais, ces parcours individuels,
17:30 qui sont toujours singuliers.
17:33 Donc, quand on parle de migrant avec un grand S, ou d'exilé ou autre,
17:36 c'est autant de grands termes qui font oublier ça.
17:39 Donc, merci d'avoir témoigné de cette singularité-là.
17:44 Et peut-être, si on regarde un petit peu tout ce qui se passe,
17:50 on voit qu'en effet, il y a eu des grandes peurs, des grands fantasmes
17:54 qui sont présents dans la société autour de ces sujets,
17:57 que quelque part, en fait, quand on se confronte à la réalité,
18:00 d'un seul coup, on met un visage, on met un prénom dessus,
18:03 et là, toutes les barrières et tous les préjugés, quelque part, tombent.
18:08 Dans ce paysage, finalement, qui est très contrasté,
18:11 où tu vois tout à la fois peut-être le pire des préjugés
18:15 et aussi les plus belles solidarités qui se créent,
18:20 le temps d'un instant sur un terrain,
18:22 au travers de relations plus longues qui se nouent,
18:25 finalement, quelles sont, selon toi, les raisons aussi, justement, d'espérer ?
18:31 Quelles sont les actions que vous menez chez Kaboubou,
18:36 et quelles sont les actions qui contribuent,
18:38 qui pourraient contribuer demain positivement à mener cette lutte
18:42 contre les préjugés et pour l'intégration de ces personnes ?
18:47 Je pense que nous, au sein de l'équipe,
18:49 on a vraiment cette ambition de réhumaniser les parcours migratoires,
18:53 parce que quand on pense à personnes migrantes,
18:55 on pense à traverser la Méditerranée sur des bateaux
18:58 où il y a des enfants, il y a des personnes,
19:00 et ensuite, ces personnes-là, on voit beaucoup d'images aussi
19:04 de personnes-là qui sont secourues par les bateaux de SOS Méditerranée,
19:07 par exemple, qui sont ensuite bloquées dans les ports
19:09 parce qu'aucun pays européen ne se met d'accord pour les accueillir de façon digne,
19:14 enfin, les accueillir tout court, d'ailleurs.
19:16 Et donc, ça, je trouve que c'est vraiment hyper important de réhumaniser
19:24 et de se dire que derrière ce terme "migrants",
19:27 et tu l'as dit, c'est des êtres humains,
19:29 et en fait, dans tous les cas, ils viennent, dans tous les cas, ils restent,
19:33 parce que leur vie et leur vie d'avant n'est pas vivable.
19:38 Donc, dans tous les cas, ils seront là.
19:40 Après, aujourd'hui, il y a un travail d'association qui est énorme.
19:44 Ici, c'est vraiment le lieu.
19:46 Il y a 24 associations qui ont tous le même objectif,
19:50 de prôner un meilleur accueil plus digne pour les personnes issues de la migration.
19:55 Donc, les raisons aussi d'espérer, c'est la mobilisation citoyenne.
20:00 On l'a vu dans la rue dimanche dernier aussi, contre la loi Asile et Migration.
20:05 On le voit tous les jours sur le terrain,
20:07 des personnes qui créent leur association
20:09 ou qui rejoignent en tant que bénévole d'autres associations,
20:12 ou qui vont aider de façon individuelle des personnes.
20:15 Mais même aussi, je trouve qu'il y a des belles perspectives.
20:20 Il y a des personnes dans notre communauté
20:22 qui, elles-mêmes, sont arrivées, qui venaient d'arriver,
20:25 qui ont participé à des activités sportives.
20:27 Je pense par exemple à une femme qui a appris à nager
20:30 avec les activités de caboubou.
20:32 Une fois qu'elle a appris à nager, maintenant, elle est elle-même coach.
20:36 Elle apprend à nager, elle le transmet à d'autres personnes.
20:38 Donc, ça, je trouve l'effet boule de neige qui donne envie d'espérer.
20:43 Et surtout, là, ça fait six ans qu'on a l'association,
20:46 on voit les parcours de certaines personnes.
20:48 Des certaines personnes qui sont arrivées,
20:50 qui étaient sans papier, qui ont fait leur demande d'asile,
20:52 qui, après un combat administratif,
20:54 je pense qu'on peut parler de combat assez compliqué,
20:57 ont réussi à obtenir leur statut de réfugiés.
21:00 Puis, on fait une demande de naturalisation,
21:02 et ils sont maintenant français.
21:04 Ça, c'est des exemples de parcours.
21:06 On en a plein dans la communauté de caboubou,
21:10 qui donne envie d'espérer,
21:12 et qui donne envie aussi de continuer le travail des autres associations.
21:17 Et puis aussi, c'est vraiment, je pense,
21:25 c'est ce qui nous indigne aussi,
21:27 qui nous donne envie de s'engager, de se mobiliser.
21:30 C'est extrêmement intéressant de voir comment c'est aussi par ces espaces-là
21:37 que crée l'association, et par des moments positifs
21:40 qui ne sont pas forcément directement dans la lutte directe
21:44 pour les droits ou contre certaines situations
21:48 que se crée et se nourrit ce cercle vertueux.
21:51 Je trouve ça extrêmement enthousiasmant.
21:54 Si tu devais, justement, nous adresser un message à nous autres,
21:58 moi, individu, et puis l'audience qui est la nôtre aujourd'hui,
22:04 quel serait le message que tu voudrais nous adresser ?
22:07 Alors, déjà, d'aller rencontrer des associations.
22:11 Nous, on a beaucoup parlé de migration,
22:13 et je pense que c'est un thème, moi, qui m'anime et qui m'indigne.
22:19 Je dirais que toute personne a sa cause.
22:23 Et moi, par exemple, la migration,
22:28 je trouve que ce qui me porte, c'est, par exemple, le slogan de la CIMAD,
22:33 "Il n'y a pas d'étrangers sur cette terre."
22:35 Pour moi, c'est trouver aussi son champ d'action
22:39 où on a envie de s'engager.
22:42 Il y a beaucoup d'incubateurs qui proposent d'accompagner aussi.
22:47 Ça, on ne l'a pas dit tout à l'heure, mais comment on ravive la flamme,
22:51 comment on tient cet engagement, c'est aussi grâce aux associations,
22:55 mais aussi grâce aux incubateurs qui sont des professionnels experts
22:59 pour l'accompagnement des personnes, des entrepreneurs sociaux,
23:03 pour justement créer cette dynamique-là et être accompagnés
23:07 ou alors permettre à des personnes qui ne savent pas comment s'engager
23:11 de rejoindre des projets qui existent.
23:13 Je pense que des causes aujourd'hui de combat,
23:16 il y en a un milliard possible et inimaginable.
23:19 Ça, c'est un peu le message de se dire qu'il n'y a pas...
23:22 En fait, pour moi, ce n'est pas quelque chose qu'on a ou qu'on n'a pas.
23:26 Tout le monde peut s'engager,
23:28 tout le monde peut devenir entrepreneur pour un projet qu'il le porte.
23:31 J'ai envie de dire, tant mieux si c'est un projet à impact pour notre société.
23:38 Aujourd'hui, je pense qu'on a besoin d'engagement pour aller dans le bon sens
23:43 et pour avoir un avenir aussi pour nos enfants.
23:46 Et après, si c'est un projet qui porte en individuel
23:51 et qui permet aussi de fédérer d'autres personnes, ça va forcément marcher.
23:56 Et après, là, juste pour finir, parce qu'on a commencé peut-être
24:02 sur cette partie Jeux olympiques et paralympiques,
24:05 après six ans de l'association, on va participer aux Jeux.
24:10 Donc, c'est aussi arriver à se positionner sur la politique actuelle,
24:16 parce qu'il y a les Jeux olympiques qui arrivent pour accueillir le monde.
24:20 Nous, on veut accueillir le monde pendant les Jeux olympiques et paralympiques,
24:24 évidemment, mais on veut accueillir le monde bien au-delà.
24:27 Donc, ça, c'est hyper important pour nous.
24:29 On veut que ces Jeux soient l'exemple de l'accueil digne de personnes
24:35 de tous les horizons, peu importe si c'est des personnes qui viennent d'Afrique
24:39 et qui migrent pour des raisons économiques, parce que, en fait,
24:43 si on intègre bien ces personnes-là, on va forcément tout y gagner,
24:48 à contrario de si on met moins de moyens dans l'intégration,
24:51 il y aura forcément des conséquences négatives qui coûteront plus cher à la France.
24:55 Donc, ça, je dérive un peu sur la question, parce que c'est important pour nous.
25:00 Juste pour les Jeux olympiques et paralympiques, on va y participer,
25:03 alors qu'on n'est pas forcément d'accord avec certaines politiques qui sont en lien avec ça.
25:08 On va permettre à des personnes exilées de participer aux épreuves, d'aller voir les épreuves.
25:15 On va permettre à des personnes exilées de participer au marathon pour tous.
25:19 On va faire des événements sur les lieux de célébration.
25:22 Et c'est ça, je voulais te le dire aussi, parce que ça rejoint aussi la flamme.
25:26 Moi, je vais être parmi les porteuses de flamme de la flamme olympique, du relais de la flamme.
25:32 Et du coup, on va créer un peu une communauté autour de ça aussi,
25:35 pour montrer que le relais de la flamme passe aussi pour représenter
25:40 toutes les personnes issues de la migration dans notre société.
25:43 C'est une belle image, c'est une belle image pour clôturer cette conversation.
25:49 Je retiens deux choses. Moi, je retiens en tant qu'individu, c'est chercher sa sensibilité.
25:56 C'est intéressant de se dire qu'il y a beaucoup de terrains de jeu et de raisons de militer, s'engager, passer à l'action, tout simplement.
26:05 Et je retiens cette idée qui est la tienne de dire, de s'interroger finalement, et de se dire où se trouve ma sensibilité.
26:11 On parle de sensibilité politique, mais c'est peut-être de sensibilité aux causes plus largement.
26:17 En tout cas, s'interroger et aller parler à des personnes qui sont déjà en train d'œuvrer sur le terrain,
26:23 pour telle ou telle cause qui ne nous parlerait plus spécifiquement.
26:26 Et puis, j'aime bien cette idée. Comme tu le sais, le slogan des Jeux olympiques, c'est "Ouvrons grand les Jeux".
26:33 Je trouve que c'est une belle image que tu sois justement partie prenante et que Kaboubou participe des Jeux olympiques,
26:40 en mettant aussi cette question de l'intégration,
26:43 sachant qu'en effet, ce qui est le propre des Jeux olympiques, mais plus largement de la pratique sportive,
26:49 c'est le fait que sur un terrain, on ait tous les mêmes règles, on soit tous sur un pied d'égalité,
26:54 et qu'au même moment, on ait tous le même objectif.
26:57 Donc je trouve que c'est un beau message à nous faire passer à tous.
27:01 C'est un beau message qui milite pour la pratique sportive et l'inclusion par le sport.
27:05 Merci à toi Noemi de nous avoir accueillis aujourd'hui.
27:09 Merci à Kaboubou et aux Amars, ce magnifique lieu du 13e qui participe de ce mouvement d'intégration et d'inclusion.
27:18 Et j'invite notre audience à découvrir l'association et à la soutenir de toutes les manières que tu as précisé précédemment.
27:28 Merci.
27:29 Merci beaucoup pour l'invitation et puis à bientôt sur les terrains.
27:31 [Musique]