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00:00 6h39, les matins de France Culture, Guillaume Erner.
00:06 Bonjour Marguerite Caton.
00:07 Bonjour Guillaume, bonjour à tous.
00:09 Alors vous allez nous parler de soumission chimique.
00:11 Oui, l'affaire du sénateur Guerriot a remis sur le devant de la scène cette pratique
00:15 délictuelle, disons-le d'emblée, qui consiste à droguer une personne à son insu ou sous
00:20 la menace, généralement dans l'intention d'en abuser, généralement sexuellement.
00:24 Alors, pour comprendre le risque, au-delà des affaires médiatiques, nous recevons Samira
00:29 Cezar.
00:30 Bonjour.
00:31 Bonjour.
00:32 Merci d'être avec nous ce matin.
00:33 Vous êtes médecin, praticien hospitalier à l'hôpital Fernand Vidal Lariboisière
00:36 à Paris.
00:37 Vous travaillez depuis longtemps sur ces affaires de soumission chimique.
00:40 Combien de cas recense-t-on ?
00:42 Ça dépend des années.
00:45 Donc c'est en fonction de la déclaration.
00:48 Au départ, moi j'avais commencé à faire des consultations pour les personnes qui ne
00:54 portent pas plainte.
00:55 Et donc, ensuite, il y a eu la mise en place d'une enquête nationale à partir de 2003.
01:05 Donc là, c'était basé sur la déclaration, je dirais, spontanée, conseillée, encouragée.
01:13 Et à partir de 2011, il y a eu la participation des analystes toxicologues, voilà, pour alimenter
01:25 justement la base de données des cas de soumission chimique.
01:28 C'est très variable.
01:29 Donc on ne peut pas parler d'une ampleur actuelle ou passée.
01:34 C'est en fonction aussi des victimes qui déposent plainte ou pas.
01:38 Parce que, celles qui déclarent ou pas, celles qui se renseignent ou pas.
01:42 Donc on ne connaît pas l'état réel du terrain.
01:48 727 signalements suspects quand même pour 2021, dit la NSM.
01:52 Impossible, je n'ai pas vu le dernier rapport.
01:55 Mais on comprend, ça dépend.
01:57 Beaucoup de collecte.
01:58 Non mais est-ce que c'est des vraies soumissions chimiques avérées ou pas ? Parce qu'on
02:04 collecte le nombre de dossiers parce qu'il y a des fiches de recueil.
02:09 Donc, est-ce que la fiche est bien complétée ? Et à partir des données, on va sélectionner,
02:13 on va analyser au cas par cas, en fonction des analystes toxicologiques.
02:17 Parce que si vous n'avez pas les analystes toxicologiques, vous ne pouvez pas parler
02:20 d'une soumission chimique.
02:21 Ce que dit la NSM, c'est que ces cas se produisent majoritairement à domicile, dans
02:25 un cadre privé, voire dans un cadre intrafamilial.
02:29 C'est intéressant, ça sort du cliché de la drogue du violeur en boîte de nuit.
02:33 Samira Jezar, vous commencez à nous en parler.
02:35 Comment interpréter ce faible nombre de cas ?
02:38 Je rappelle, 727 signalements suspects en 2021, 82 soumissions chimiques vraisemblables
02:44 parmi ces signalements suspects.
02:46 82 ? 82.
02:48 Est-ce que ça nous laisse penser que c'est très marginal et qu'on n'a pas à s'inquiéter
02:53 ou est-ce que ça nous fait comprendre que c'est très mal documenté ?
02:56 Je vous l'avais bien dit, il y a 82 cas sur plus de 600 dossiers qui ont été collectés
03:03 et analysés.
03:04 Ça veut dire que des dossiers n'ont pas été suffisamment documentés parce que c'est
03:09 un diagnostic que l'on pose.
03:11 On confronte les données des analystes toxicologiques avec les données cliniques, avec les symptômes
03:16 présentés par les victimes et puis surtout la chronologie des faits, le délai entre
03:24 la consommation du produit suspect et le prélèvement.
03:28 C'est un élément qui est très important pour pouvoir faire une imputabilité, c'est-à-dire
03:34 relier l'événement, les symptômes cliniques avec la substance qui a été consommée tout
03:41 en sachant qu'il faut bien interroger la victime pour savoir si elle n'a pas pris
03:47 volontairement elle de son côté un traitement ou des substances de façon volontaire pour
03:53 essayer d'éliminer.
03:54 Vous le dites, il faut agir vite, il faut agir vite.
03:57 Il faut agir vite, oui.
03:58 Il faut agir vite pour trouver les traces des substances.
03:59 Est-ce que quand une victime va porter plainte, dans ce cas, est-ce qu'on pratique systématiquement
04:05 des analyses ?
04:06 Alors, on fait systématiquement des prélèvements.
04:09 Donc, quand elle consulte, si elle dépose plainte, donc il y a une réquisition et la
04:14 victime est examinée dans ce cadre-là, on fait des prélèvements rapidement, des prélèvements
04:20 urinaires et sanguins.
04:22 Et ensuite, c'est le parquet qui décide de faire ou pas les analyses toxicologiques
04:29 sur les conseils du médecin.
04:30 Bien sûr, le médecin, il conseille de faire les analyses pour essayer de poser un diagnostic.
04:34 Et les analyses ne sont pas faites systématiquement, sachant que c'est quand même une affaire
04:43 judiciaire.
04:44 Est-ce que l'agresseur est connu ou pas ?
04:46 Parce que vous allez en boîte de nuit, vous ne savez pas qui vous a agressé.
04:49 Donc, voilà.
04:50 Et ça a un coût aussi, les analyses toxicologiques.
04:53 C'est-à-dire, c'est très cher en fait ?
04:54 C'est très cher.
04:55 Parce qu'on fait un screening, on cherche une molécule.
05:00 Et donc, il y a eu toute une batterie d'analyses à faire.
05:04 Et ce n'est pas remboursé par la Sécurité Sociale ?
05:08 Non, ce n'est pas remboursé par la Sécurité Sociale.
05:13 Quand on porte plainte, c'est la justice qui prend en charge tous les frais.
05:18 Donc, c'est pour ça qu'on conseille, on recommande à la victime de déposer plainte
05:23 et ensuite, elle est prise en charge normalement.
05:26 Qu'est-ce qui doit alerter les victimes potentielles ?
05:30 Des migraines, des étourdissements ?
05:32 Quels sont les signes à repérer ?
05:33 Les substances qui sont utilisées, ce sont ce qu'on appelle les substances psychoactives.
05:38 Ce sont celles qui entraînent des inhibitions, qui entraînent une sédation.
05:43 La personne commence à fatiguer, à avoir une somnolence.
05:48 Parfois, elle est consciente mais elle agit de façon automatique.
05:54 Elle répond à toutes les sollicitations, ça dépend des substances, de son agresseur.
06:00 Donc, ça peut aller de la simple sédation jusqu'au coma,
06:04 quand on ne connaît pas la quantité de produits qu'on utilise.
06:09 Et puis, vous avez…
06:12 Généralement, quand c'est en boîte de nuit, je dirais que quand on a bu deux ou trois verres d'alcool,
06:19 la vigilance baisse.
06:21 Après, on ne se rend pas compte de notre verre.
06:25 L'objectif des agresseurs, vous l'avez dit, c'est de plonger la victime dans un état un peu comateux,
06:29 disons, de faire perdre sa vigilance.
06:31 Vous parliez des substances, quels sont concrètement les produits utilisés, Samira Jezar ?
06:35 Alors, les produits, c'est toute une palette de produits.
06:40 Mais les substances les plus fréquentes, ou la famille la plus fréquemment utilisée,
06:45 ce sont les benzodiazépines.
06:48 Alors, les benzodiazépines, ce sont les produits qu'on utilise pour traiter l'anxiété,
06:55 du type Valium, Xanax et autres.
06:58 Et pour endormir, pour insomnifère,
07:04 en fait, l'agresseur, il prend ce qu'il a chez lui.
07:07 Parce qu'on a tous une benzodiazépine à la maison pour traiter une angoisse ou autre.
07:14 Et ce n'est pas le GHP.
07:16 Quand vous avez vu l'article, il y a moins de 4% des cas sur 19 ans.
07:21 Qui sont liés au GHB.
07:23 Qui sont liés au GHB, parce que le GHP s'élimine très rapidement.
07:27 On n'a pas le temps de faire les prélèvements, donc on n'appréhende pas.
07:31 Maintenant, il y a les analyses toxicologiques capillaires qu'on peut faire.
07:36 Mais bon, c'est bien de savoir, d'avoir les analyses urinaires.
07:43 Généralement, les cas que j'ai cités, ce sont les cas qui ont été pris en charge rapidement.
07:48 Ce qu'on comprend quand même à vous entendre, c'est qu'en fait,
07:51 il n'y a pas besoin d'avoir recours à des drogues sophistiquées,
07:54 que des médicaments d'usage courant peuvent faire la faibleur.
07:58 Et qu'on est parfois dans un cadre familial, privé, donc la vigilance doit être accrue.
08:03 Oui, familial, privé, je ne sais pas comment ça a été examiné.
08:08 Donc c'est vrai que quand c'est familial, c'est familial.
08:13 Après, dans un cadre privé, ça peut être une chambre d'hôtel,
08:15 ça peut être quelque part où on est qu'à deux, voilà, pour l'agression.
08:19 Ce qu'il faut savoir, c'est que très souvent, la victime,
08:22 elle boit son verre qui contiendrait la substance.
08:25 Mais l'agression, elle se fait en dehors de l'établissement de nuit.
08:29 Donc il est très important d'avoir une vigilance, finalement,
08:32 collective sur cette question de la soumission chimique.
08:34 Merci beaucoup, Samira Djezar, pour ces explications.
08:36 Vous êtes médecin praticien hospitalier à l'hôpital Fernand Vidal-Lariboisière à Paris.
08:40 Merci.
08:41 Merci à vous.

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