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00:00 *7h-9h, les Matins de France Culture, Guillaume Erner*
00:06 La question du jour, ce mardi, le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, a annoncé
00:10 la mise en place d'un plan de lutte contre la fraude et de préciser qu'il se réfère
00:14 par latent à la fraude fiscale qu'à la fraude sociale, soit à la fois au schéma
00:19 financier de type coumcoum et à la fraude au minimum vieillesse.
00:23 Ces annonces font suite à la circulation d'estimations des montants de ces fraudes.
00:28 Bonjour Jean-Marie Monnier.
00:30 Bonjour.
00:31 Vous êtes économiste et ma question est simple, comment évalue-t-on ce qui par nature
00:36 n'est pas déclaré ? Tout d'abord, de quoi parle-t-on lorsqu'on parle de fraude
00:40 fiscale et comment l'évaluer ?
00:42 Alors de quoi parle-t-on déjà ? Parce qu'en fait, des irrégularités, quand on fait
00:49 une déclaration fiscale, on peut en commettre.
00:51 On fait des erreurs tout le temps et ça arrive effectivement que ça ne corresponde pas
00:57 à la loi, puisqu'elle est compliquée.
00:59 Donc des irrégularités, on en commet et puis il n'y a pas de dispositif dans la
01:04 loi fiscale qui oblige quelqu'un à payer le maximum d'impôts.
01:08 Donc rechercher à payer moins d'impôts n'est pas interdit, non plus par la loi.
01:12 Qu'est-ce qui fait la différence ? Moi j'ai l'habitude d'essayer de diviser
01:18 les comportements qui sont des comportements irréguliers en deux, la fraude d'un côté
01:26 et l'évasion fiscale de l'autre.
01:28 L'évasion fiscale, ça consiste à utiliser des dispositifs qui sont par leur nature légaux,
01:36 réguliers, mais dans l'intention d'échapper à l'impôt de manière irrégulière.
01:42 Et la fraude, c'est tout le reste, les dispositifs irréguliers, par exemple ne pas déclarer
01:49 des salariés, ne pas déclarer des ventes, ne pas déposer de déclaration de revenus,
01:56 etc.
01:57 Donc on peut grosso modo comme cela avoir deux types de comportements qu'on peut qualifier
02:07 de fraude.
02:08 Alors lorsqu'on parle par exemple de 80 milliards d'euros d'évasion fiscale,
02:12 comment les évalue-t-on ? Qui fournit les estimations de cette fraude ?
02:17 Alors ces 80 milliards qui traînent depuis longtemps, qui sont réactualisés...
02:23 Ah oui, avec l'inflation...
02:26 Voilà, c'est exactement ça.
02:28 C'est une évaluation très ancienne déjà.
02:32 Je crois me rappeler que l'ancien syndicat des impôts avait fait une évaluation qui
02:41 ensuite a été reprise, développée dans des rapports publics et finalement on a cette
02:49 évaluation de 80 à 100 milliards.
02:52 D'un autre côté, on a un problème en France qui est qu'on n'a personne qui soit chargé
03:03 d'évaluer effectivement la fraude fiscale.
03:05 L'OCDE a publié il y a déjà pas mal de temps des remarques, des recommandations
03:14 et la France est l'un des rares pays développés à n'avoir pas d'organisme chargé d'évaluer
03:19 le montant de la fraude fiscale, de l'évasion et de la fraude fiscale.
03:21 Donc c'est un chiffre qui est calculé au doigt mouillé ?
03:23 Un peu.
03:24 C'est-à-dire, bon non pas exactement, il y a deux façons d'évaluer la fraude fiscale
03:29 si vous voulez.
03:30 On peut partir du résultat des contrôles fiscaux qui sont publiés tous les ans, qui
03:37 étaient naguères jusqu'en 2019, qui faisaient l'objet d'un rapport annexé au projet
03:43 de loi de finances.
03:44 Ça a disparu et on retrouve ça dans les statistiques de la Direction Générale des
03:51 Finances Publiques.
03:52 Alors là vous pouvez avoir une démarche statistique mais vous aurez dans ce cas-là
03:55 le montant de la fraude et pas de l'évasion fiscale ?
03:57 Alors on regroupe un peu tout si vous voulez.
04:01 Mais les multinationales qui font de l'évasion fiscale, elles ne sont pas du tout concernées
04:06 par ces retracements ?
04:07 Si parce qu'on parle des résultats du contrôle fiscal.
04:10 Mais par nature elles ne sont pas contrôlées de la même manière que peu l'être.
04:15 Vous avez raison.
04:16 On part si je puis dire d'un minimum qui est… et aujourd'hui on ne parle même
04:23 que des résultats qui ont fait l'objet d'une demande de recouvrement, pas les montants
04:30 qui sont effectivement notifiés.
04:32 Donc on remonte si vous voulez comme ça et puis on a un calcul pour l'ensemble des
04:38 contribuables.
04:39 Vous avez raison, c'est un peu aux doigts mouillés.
04:41 Alors dans ces conditions, Jean-Marie Meunier, comment expliquer si ces montants sont aussi
04:46 importants dans leur évaluation, bien sûr, que l'administration fiscale ne fasse pas
04:53 plus ample exercice de ses pouvoirs pour réussir à déjouer la dimension fraude fiscale ? Je
05:02 la distingue toujours, je reprends votre distinct go, fraude fiscale, évasion fiscale.
05:05 J'aurais tendance à dire que ce n'est pas exactement sa mission d'évaluer.
05:13 Pour l'instant, il n'y a pas de mission.
05:15 Il y a un rapport du sénateur Husson d'octobre 2010 qui fait une recommandation, celle de
05:25 confier une mission à l'INSEE et me semble-t-il à la DG FIP d'évaluation de la fraude fiscale
05:34 en France.
05:35 La DG FIP c'est la Direction Générale des Finances Publiques.
05:38 Alors l'autre question Jean-Marie Meunier, c'est la fraude sociale cette fois.
05:43 Et là on n'est plus du tout dans les mêmes ordres que l'on a, c'est plus 80 millions,
05:46 moi j'ai entendu 700 millions.
05:47 Alors il y a deux choses là-dedans.
05:50 Il y a d'une part une évaluation qui a été faite par la CAUSE qui est la caisse centrale
05:57 du réseau des URSAF.
05:58 Donc la CAUSE URSAF, ils ont fait une évaluation qui a été reprise par le rapport de la Cour
06:05 des Comptes de 2019.
06:06 Une évaluation qui tourne autour de 10 milliards d'euros.
06:10 Alors ça c'est beaucoup plus effectivement que 700 millions.
06:16 De fraude aux cotisations sociales.
06:20 Mais alors les entreprises peuvent être des fraudeuses dans ces conditions.
06:24 Exactement.
06:25 Il s'agit de cotisations qui ne sont pas payées par les entreprises pour le compte
06:30 de leurs salariés.
06:31 Donc ça, ça pourrait presque rentrer dans la fraude fiscale.
06:34 Exactement.
06:35 Et puis par ailleurs, vous avez effectivement la fraude aux prestations.
06:38 La fraude aux prestations, je dirais, il y a une expression qui court.
06:43 Les prestations sont souvent, le plus souvent des prestations qui sont destinées à des
06:50 gens qui ont des conditions de ressources faibles.
06:53 Donc on a une fraude des pauvres qui donne finalement une pauvre fraude.
07:01 Voilà.
07:02 Donc quelques centaines de millions d'euros, 700 millions d'euros, voire un milliard
07:08 d'euros.
07:09 Mais on n'est pas dans le même ordre d'idée.
07:10 Donc c'est ce qu'on appelle le non-recours.
07:12 Alors, ce n'est pas le non-recours parce que le non-recours, il consiste pour quelqu'un
07:17 qui a potentiellement le droit à des prestations à ne pas demander à les percevoir.
07:23 Là, on a...
07:24 Ah oui, pardon.
07:25 Alors, dans ces conditions, Jean-Marie Meunier, si justement on rendait ces prestations automatiques,
07:31 est-ce que là, on aurait une diminution des fraudes puisqu'on n'aurait plus de non-recours,
07:37 mais dans le même temps, eh bien...
07:39 On aurait toujours des gens qui chercheraient à bénéficier de prestations auxquelles
07:45 ils n'ont pas le droit.
07:46 Toujours.
07:47 Voilà, c'est une règle du comportement humain, si vous voulez.
07:51 Donc on aurait toujours des comportements consistants à déclarer plus d'enfants qu'on
07:56 a, etc.
07:57 Donc, voilà, c'est simple.
08:00 Merci beaucoup Jean-Marie Meunier.
08:02 Je rappelle votre ouvrage "Parlons impôts en 30 questions".
08:06 Il a été publié à la Documentation française.