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00:00 6h39, les matins de France Culture, Guillaume Erner.
00:06 Mais donc avant de manger des pâtes, il y a une question du jour.
00:09 Bonjour Marguerite Caton.
00:10 Bonjour.
00:11 Et ce matin, vous allez nous parler vraiment de transport aérien ?
00:13 Non, je vous arrête tout de suite Guillaume.
00:15 Blue Sky n'est pas le nom d'une nouvelle compagnie aérienne.
00:18 Il s'agit d'un réseau social qui va peut-être réussir à concurrencer et vaincre Twitter.
00:23 Car voyez-vous, entre la guerre au Proche-Orient et les attentats en Europe, la haine se répand
00:28 sur le réseau d'Elon Musk et l'écœurement gagne les utilisateurs.
00:32 Bonjour Victor Chaumel.
00:33 Bonjour.
00:34 Vous êtes chercheur associé à l'Institut des Systèmes Complexes, une unité de recherche
00:38 du CNRS.
00:39 L'arrivée d'Elon Musk à la tête du réseau il y a tout juste un an, c'est une rupture
00:44 dans l'histoire de Twitter.
00:45 C'est totalement une rupture puisque pour la première fois on est quelqu'un qui prend
00:48 la tête du réseau en s'impliquant pleinement, mais notamment avec une évolution permanente
00:54 que ce soit sur la modération ou sur l'évolution des algorithmes de recommandation.
00:58 Et c'est ça ce qui va changer radicalement l'évolution de Twitter.
01:01 Au point que certains utilisateurs ne reconnaissent plus leur réseau.
01:05 Ils ont appelé dans le monde à une grève inédite vendredi pour marquer cet anniversaire
01:09 une grève du tweet, un no twitter day.
01:12 Alors dans votre thèse Victor Chaumel, au-delà des fake news, une approche structurelle et
01:16 dynamique de la désinformation et des manipulations d'opinion en ligne, vous montrez que Twitter
01:21 n'est pas un relais passif de fausses informations mais un promoteur volontaire.
01:25 Comment cela s'effectue concrètement ?
01:27 Aujourd'hui on a une responsabilité qui est très forte des algorithmes de recommandation.
01:32 Cette responsabilité est forte parce qu'elle est aussi invisible.
01:36 C'est ce que je m'attache à montrer dans ma thèse.
01:39 L'idée c'est de dire qu'on a des algorithmes qui ont parfois des lignes éditoriales.
01:43 C'est-à-dire qu'ils vont mettre en avant parmi l'ensemble des contenus disponibles
01:47 une certaine partie d'entre eux.
01:48 Et ces choix-là sont aujourd'hui effectués de manière automatisée mais surtout de manière
01:52 opaque.
01:53 Et quelle est la ligne éditoriale de Twitter ?
01:55 Le sujet c'est qu'elle évolue tout le temps et j'aurais bien du mal à vous répondre
01:59 à cette question.
02:00 Aujourd'hui, du jour au lendemain, et on a pu le voir déjà dans le passé, Elon Musk
02:04 a pu changer justement ses algorithmes de recommandation et cette ligne éditoriale.
02:08 Aujourd'hui, le désamour qu'on observe pour Twitter vient à la fois de la chute
02:14 de la modération, c'est-à-dire qu'on sait qu'Elon Musk a son arrivée à supprimer
02:18 certaines équipes, notamment l'équipe de Trust and Safety, l'équipe en charge
02:21 de la modération, mais a aussi du jour au lendemain fait évoluer ses algorithmes.
02:25 L'enjeu aujourd'hui, c'est de redonner plus de transparence à la plateforme et
02:29 plus de transparence aux algorithmes.
02:30 Ce qui est certain, c'est que le fonds de commerce de Twitter, c'était l'information.
02:34 Celui du nouveau Twitter X, c'est un peu la désinformation.
02:38 Il est donc logique qu'il perde ses usagers.
02:39 Récemment, l'actualité est venue rajouter à ce mouvement de fonds.
02:42 Vous l'avez dit, le réseau a beaucoup perdu en modérateur et il est beaucoup critiqué
02:47 pour avoir laissé en ligne des images choquantes, notamment de l'attentat de Bruxelles.
02:51 C'est critiqué, c'est le mot effaible, parce qu'en réalité, c'est illégal.
02:54 Et c'est à cause de ça qu'on voit un mouvement actuellement de départ ?
02:58 Je pense que c'est plutôt un élément déclencheur.
03:01 On a eu un mouvement de fonds sur l'évolution de la plateforme et l'attentat notamment
03:06 de Bruxelles, mais aussi le conflit entre Israël et le Hamas a été le moment où
03:12 on s'est rendu compte qu'il y a un échec aujourd'hui total de la politique de modération.
03:18 Aujourd'hui, les utilisateurs veulent plus de transparence, mais aussi veulent utiliser
03:23 une plateforme dans laquelle on ne peut pas trouver aujourd'hui des contenus qui sont
03:27 totalement illégaux et notamment de l'apologie du terrorisme.
03:29 Donc toute la question actuellement pour les utilisateurs, c'est de savoir vers quel
03:32 réseau migrer.
03:33 Alors il y a Treads, le réseau que Facebook a créé en juillet, mais qui n'est pas disponible
03:38 en Europe.
03:39 Il y a Mastodon aussi, qui est plus ancien.
03:41 Qu'est-ce que vous pensez de Mastodon, Victor Schommel ? Quels sont ses atouts ?
03:44 Mastodon est principalement un réseau décentralisé.
03:47 Et c'est là sa force.
03:49 Décentralisé, ça veut dire quoi ? C'est dire qu'on va avoir plusieurs instances qui
03:53 existent de manière en parallèle, tout simplement, et que chaque utilisateur peut choisir de
03:57 s'inscrire sur une instance plutôt qu'une autre.
04:00 Ça, ça permet notamment d'éviter, quand il y a de la désinformation qui se propage
04:03 d'un côté, qu'elle passe facilement à l'ensemble du réseau.
04:06 Pour l'utilisateur, ça change quoi ?
04:07 Pour l'utilisateur, ça lui permet notamment de mieux gérer son écosystème informationnel.
04:11 En fait, tous les enjeux qu'on a derrière à chaque fois, c'est de rendre un peu de
04:15 pouvoir à l'utilisateur.
04:16 Au lieu d'avoir une boîte noire qui décide à sa place de la ligne éditoriale des contenus
04:20 qu'il va voir, tout l'enjeu, c'est que l'utilisateur puisse lui-même décider,
04:24 ou en tout cas être au courant, des contenus qui vont lui être remontés.
04:27 Un exemple récent, c'est par exemple le fait que Twitter ou X ait décidé unilatéralement
04:33 de cacher les titres des articles de presse.
04:35 Pourquoi ? Pour tout simplement éviter de rediriger du contenu et des utilisateurs,
04:40 donc du temps de cerveau disponible, vers les médias.
04:42 Et alors, Mastodon du coup est décentralisé, on peut choisir… c'est un peu comme choisir
04:48 des abonnements, on va choisir dans son écosystème informationnel, je ne sais pas, des contenus
04:52 spécialement scientifiques par exemple.
04:54 C'est ce type de recherche qui est permis ?
04:55 Alors, c'est à la fois ça, mais ça va même au-delà de ça.
04:59 C'est vraiment s'assurer qu'on a un écosystème qui existe et que cet écosystème-là sera
05:05 modéré par des personnes en lesquelles vous avez confiance.
05:08 Donc ça va au-delà tout simplement du simple contenu qu'on pourrait vous montrer.
05:11 Venons-en à Blue Sky qui est un nouveau réseau social concurrent.
05:16 Alors c'est un peu comme une copie de Twitter, enfin de X pardon, pour ce qui concerne l'interface,
05:20 du coup les utilisateurs ne seront pas perdus.
05:22 Mais il y a un algorithme transparent.
05:25 Est-ce qu'il est vraiment transparent, Victor Schumann ?
05:26 Alors, plutôt qu'un algorithme totalement transparent, je pense que c'est plutôt un
05:30 algorithme qui vous explique les choix qu'il a faits.
05:33 Le but c'est qu'aujourd'hui un utilisateur soit capable de comprendre, notamment quand
05:37 il y a un changement dans l'algorithme.
05:38 Le but c'est donc que l'utilisateur soit capable de comprendre les contenus qui lui
05:43 sont montrés, mais aussi pourquoi est-ce que certains contenus lui sont plus montrés
05:47 que d'autres, notamment dans les périodes de changement.
05:49 Et alors concrètement, qu'est-ce qu'on va m'expliquer ? On va montrer une ligne
05:52 de code et on va me dire « ah oui, c'est grâce à cette ligne de code que vous avez
05:54 vu que monsieur machin a posté je ne sais pas quoi ».
05:56 Surtout pas, sinon je pense que vous seriez…
05:58 Perdu.
05:59 Vous et moi en tout cas très perdu.
06:00 L'idée c'est plutôt d'avoir des grands paramètres.
06:03 Par exemple, est-ce que vous souhaitez plutôt voir des contenus de personnes qui se répondent
06:06 à l'entraînement ? Là dans ce cas-là, vous allez plutôt voir des choses qui sont
06:09 de l'ordre du débat.
06:10 Est-ce que vous préférez plutôt voir des images ? Dans ce cas-là, vous allez peut-être
06:13 avoir des contenus un peu plus sensationnalistes.
06:15 Ou encore, comme on a pu le voir en ce moment, est-ce que vous souhaitez ou non déclencher
06:19 la lecture de certaines vidéos que vous pourriez considérer choquantes ?
06:21 C'est toutes ces options-là qu'on vous propose d'avoir et donc de reprendre le
06:26 pouvoir et le contrôle notamment sur la plateforme aujourd'hui.
06:29 C'est très tentant, mais pour l'instant il y a de nombreux filtres érigés à l'entrée
06:33 de Blue Sky qui compliquent l'inscription.
06:35 Le réseau plafonne d'ailleurs à 1,6 million d'utilisateurs contre quand même 225 millions
06:39 de comptes actifs sur Twitter, 14 millions sur Mastodon.
06:43 Comment comprenez-vous ces restrictions à l'entrée de la plateforme ? Parce qu'il
06:46 faut soit être invité, soit s'inscrire sur une liste d'attente.
06:49 L'enjeu ici est principalement d'avoir des utilisateurs en lesquels on peut avoir
06:53 confiance.
06:54 Et c'est ça tout l'enjeu de la plateforme.
06:56 Ce qu'il faut comprendre c'est que la valeur d'une plateforme aujourd'hui c'est
06:59 la qualité de son information et donc la qualité de ses utilisateurs.
07:02 On a vu notamment dans le cas climatique que la politique de modération et notamment
07:07 le fait que Elon Musk ne supprime plus autant la désinformation a poussé, et c'est une
07:11 étude de Nature qui est sortie récemment, une partie des scientifiques climatiques vers
07:17 d'autres plateformes.
07:18 Aujourd'hui on en a la moitié qui sont partis sur d'autres plateformes.
07:20 Ça, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que les créateurs d'informations sont en train
07:24 de bouger.
07:25 Le moment où on n'aura plus de créateurs d'informations de qualité sur Twitter, naturellement
07:29 l'ensemble des utilisateurs va suivre.
07:31 Et c'est pour ça qu'aujourd'hui, différentes plateformes ont des politiques de restriction
07:34 pour s'assurer qu'on recrée un écosystème si fiable, tant sur le contenu que sur les
07:38 structures.
07:39 Du coup, Blue Sky avec sa politique de cooptation actuellement, son objectif c'est d'attirer
07:45 des informateurs qui vont parrainer d'autres informateurs, mais pas vraiment d'avoir
07:49 un public.
07:50 Alors en fait, le public viendra ensuite.
07:51 Et c'est ce qu'on a pu voir notamment sur Fred's.
07:53 On a eu beaucoup de personnes qui sont venues très rapidement à son ouverture aux Etats-Unis,
07:58 mais malheureusement parfois avec un peu moins de contenu, le temps que les utilisateurs
08:01 apprennent à utiliser la plateforme.
08:03 Merci beaucoup.
08:04 Merci beaucoup.
08:05 Merci Vincent Chomel de nous avoir éclairé sur les alternatives du réseau social XXTwitter.
08:08 Je rappelle que vous êtes chercheur associé à l'Institut de Systèmes Complexes, qui
08:13 est une unité de recherche du CNRS.
08:14 Merci Marguerite Caton.