• l’année dernière
Au lendemain de la visite d'Emmanuel Macron en Israël, Hugo Micheron, Docteur en Sciences Politique, enseignant à Sciences Po et auteur de La Colère et l'Oubli : les démocraties face au jihadisme européen (Gallimard), prix du Livre de géopolitique) est l'invité d'Amandine Bégot.
Regardez L'invité de RTL du 25 octobre 2023 avec Amandine Bégot.

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 RTL matin
00:06 RTL 7h43, excellente journée à vous tous qui nous écoutez. Amandine Bigaud, vous recevez ce matin
00:11 Hugo Michron, spécialiste des questions de géopolitique et du djihadisme.
00:14 Hugo Michron, Emmanuel Macron avait dit qu'il se rendrait au Proche-Orient, en Israël et dans la région,
00:20 que s'il parvenait à obtenir des éléments utiles pour la région. C'était ses mots. A-t-il été utile ?
00:26 Alors évidemment la visite est en cours donc il a encore un peu de temps pour
00:31 accomplir ce dessin. Ce qui est sûr c'est que elle a commencé par cette annonce de
00:39 alors il est en train de rattraper le coup mais cette idée qu'il faudrait transvaser la coalition anti-état islamique
00:47 vers le Hamas qui
00:49 n'est pas une fausse bonne idée c'est une fausse mauvaise idée donc parce que c'est impraticable, parce que c'est impossible, parce que
00:56 il y a dans cette coalition des partenaires arabes qui vont évidemment jamais suivre
01:00 parce que le Daesh n'est pas le Hamas même si le Hamas a utilisé des méthodes qui étaient proches de celles de Daesh
01:06 donc il y a un premier faux pas.
01:08 Sur cette annonce, avec un rétropédalage, c'est-à-dire que dans un premier temps le président dit on va se servir de la coalition anti-Daesh
01:15 pour combattre le Hamas puis un petit rétropédalage de l'Elysée qui nous dit non on pourrait faire une autre coalition
01:21 contre le Hamas, c'est quoi c'est du bricolage ?
01:24 Non c'est probablement de l'impulsion et à ce niveau là c'est problématique parce qu'on voit bien que la situation est
01:31 au-delà d'être tendue, elle est déflagratoire et donc la question c'est de savoir quelle va être la voie de la France. Après encore une fois
01:37 ça arrive en diplomatie internationale, la question c'est plutôt de savoir
01:41 quel est l'intérêt de la France dans cette crise et là où
01:44 cette visite a du positif c'est que la France est capable aussi bien, contrairement aux partenaires européens, aussi bien de parler aux israéliens que
01:53 d'entamer ce tour aussi du côté de l'autorité palestinienne aujourd'hui. C'est le seul à avoir rencontré Mahmoud Abbas.
01:59 Exactement, alors qui pèse moins qu'auparavant mais qui a quand même un leadership au moins symbolique
02:05 et puis la Jordanie qui est évidemment un acteur indispensable et peut-être même l'Egypte à suivre. Alors justement pour que nos éditeurs comprennent bien
02:12 quel est l'intérêt d'aller en Jordanie ?
02:14 Ben c'est tout simplement déjà de montrer que la France est capable de parler à différents partis.
02:19 L'autre aspect c'est aussi, il ne faut pas l'oublier, que la Jordanie au-delà d'être un voisin immédiat d'Israël a sur son territoire
02:25 50% de sa population qui est d'origine palestinienne ou palestinienne.
02:29 D'autre part c'est un acte, c'est l'un des rares pays arabes qui reconnaît
02:34 Israël donc qui est en capacité aussi d'entamer des discussions directes
02:38 et puis évidemment la proximité de la Jordanie avec Israël fait que c'est un acteur de tout premier plan
02:46 même si c'est vrai que si on veut regarder les enjeux globaux et bien les alliés ou en tout cas les partenaires avec qui discuter
02:53 seraient un peu plus à l'est
02:55 notamment du côté du Golfe et du Qatar qui eux ont un lien direct avec le Hamas ou bien même
03:00 il faudrait regarder à long terme comment pouvoir
03:05 gérer la situation avec l'Iran puisque on sait que l'Iran est le parrain d'un côté du Hamas et de l'autre côté du Hezbollah.
03:13 Donc ça ce sont les enjeux
03:15 majeurs à long terme pour prévenir en fait une déflagration qui pourrait avoir des répercussions on le sait bien énormes sur l'Europe.
03:21 L'une des grosses inquiétudes et ce depuis le 7 octobre c'est ce risque d'embrasement
03:25 justement de la région. Le risque il est toujours bien réel aujourd'hui.
03:29 Oui absolument parce qu'il faut rappeler que à ces attaques monstrueuses du 7 octobre pour l'instant
03:35 Israël a répondu par un certain nombre de mesures mais n'est pas entré militairement à Gaza.
03:40 Évidemment de la réaction militaire d'Israël va dépendre la réaction du Hezbollah et donc la capacité
03:47 par l'effet des dominos d'embrasement. Le plus gros danger c'est le Hezbollah ?
03:51 Militairement le Hezbollah est beaucoup plus puissant que le Hamas, il est beaucoup plus armé et il a une capacité de projection de près de
03:58 150 000 missiles sur le nord d'Israël ce qui dépasse les défenses du bouclier antiaérien israélien.
04:04 Donc oui il faut pas oublier que le gros poids militaire non étatique dans la région c'est le Hezbollah.
04:11 Et puis évidemment par capillarité on arrive quand même très vite sur l'Iran. Il faut rappeler que les Etats-Unis ont dépêché deux porte-avions
04:17 dans la région justement pour calmer le Hezbollah, en tout cas pour les prévenir que
04:21 tout ça se passerait pas sans conséquence.
04:23 Et il faut rajouter à ça le niveau d'engagement qui est extrêmement élevé sur les réseaux sociaux et qui fait que tout ce qui se passe
04:30 en ce moment au Moyen-Orient est réinterprété
04:33 dans un contexte européen
04:35 qui peut, enfin qui génère du bruit, qui peut pousser aussi un certain nombre d'individus à passer à l'action.
04:40 Ça alimente le djihadisme en Europe c'est ce que vous nous dites assez clairement.
04:43 Oui totalement avec d'ailleurs c'est bien, c'est important de préciser le djihadisme c'est à dire que ce qui a frappé c'est pas
04:49 des soutiens au Hamas directement, ce sont des gens qui se sont servis de ce contexte là pour frapper à Arras ou pour frapper en Belgique
04:55 au nom de Daesh. Et donc ça c'est évidemment ce qu'il faut avoir en
04:59 tête si jamais la situation s'intensifie et ce qui explique aussi le rôle de la diplomatie française et j'ai envie de dire même
05:06 européenne, parce qu'on devrait agir en européen sur ce dossier et montrer que l'Europe peut être aussi autre chose
05:12 qu'un espace économique, qu'il peut y avoir une vraie influence politique en rapport avec notre
05:17 notre importance économique y compris dans la région.
05:20 Ça alimente le djihadisme ici en Europe, ça c'est inéluctable d'après vous ?
05:23 Bah c'est pas forcément inéluctable mais par contre ce qui est inéluctable c'est qu'on a désormais du djihadisme en Europe.
05:29 Et moi ce que j'essaie de montrer dans mon livre, dans mes recherches, c'est que le djihadisme s'est construit sur 30 ans.
05:34 Donc il va pas disparaître en deux mois et aujourd'hui il y a des niveaux
05:37 assez importants d'individus qui sont prêts à répondre à des appels
05:41 de groupes étrangers, ce qui n'y a pas encore
05:43 et ce qui montre aussi qu'on a réussi à répondre à un certain nombre d'enjeux, c'est qu'il n'y a plus d'attaques projetées depuis plusieurs années.
05:50 L'ennemi est à l'intérieur en fait.
05:53 Alors en tout cas les sympathisants djihadistes sont
05:57 soit en détention, soit sortis, soit en clandestinité. Donc après le nombre exact est toujours dur à estimer
06:03 mais contrairement à ce qu'on croit, le djihadisme c'est pas des individus qui se radicalisent rapidement sur internet.
06:09 C'est un phénomène qui se construit dans des territoires, sur le temps long et plutôt de proche en proche.
06:14 Dans ce contexte le projet de loi immigration va arriver au Sénat dans une dizaine de jours à partir du 6 novembre, début des débats.
06:22 Gérald Dardmanin qui était notre invité de la semaine dernière nous a dit clairement que son objectif c'était désormais
06:27 de pouvoir expulser n'importe quel étranger en situation régulière ou pas, dès lors qu'il ne respecte plus les valeurs de la République.
06:33 Est-ce que ça c'est un moyen efficace pour lutter contre ce risque djihadiste que vous évoquiez à l'instant ?
06:39 C'est tout à fait compréhensible vu le contexte actuel et surtout les dernières attaques qui ont montré qu'on avait des profils,
06:46 que ce soit en Belgique d'ailleurs ou à Arras,
06:48 on avait des profils qui rentraient dans cette case.
06:53 Maintenant ce qu'il faut bien voir et ce que j'essaye d'expliquer c'est que le djihadisme est européen,
06:57 donc pas seulement français, il est européen et il est porté par des européens.
07:00 Si vous prenez les assaillants ne serait-ce que du 13 novembre, ils étaient tous français, belges ou suédois.
07:05 Donc là on a un sujet qui ne sera pas réglé par ce type de mesures.
07:09 Et donc ça nous déplace et c'est un élément sur lequel j'insiste énormément.
07:12 Ça déplace l'enjeu du risque terroriste qui est associé au djihadisme, mais c'est jamais qu'une partie du djihadisme vers la question politique.
07:22 Et c'est celle-là qu'il faut réussir à aborder et ça, ça ne sera pas avec des mesures sécuritaires,
07:25 ça sera avec des mesures de long terme et une réflexion à 360 degrés sur ce qu'est le djihadisme
07:31 et en l'articulant aussi avec la diplomatie internationale, en l'articulant aussi avec des questions beaucoup plus larges.
07:36 Donc il ne faut pas laisser le sujet du djihadisme à des experts dans leur coin.
07:41 Il faut au contraire réussir à l'articuler dans une doctrine générale qui concerne à vrai dire toute l'action de l'État.
07:47 Et chacun des français. Je reviens au titre de votre livre "La colère et l'oubli".
07:52 On a oublié trop longtemps cette région, le Proche-Orient ?
07:56 Oui, en fait là il y a un double oubli. C'est-à-dire que d'un côté on a oublié la centralité du conflit israélo-palestinien.
08:02 Ça c'est quand même un élément qui surprend aussi au regard des intérêts de l'Europe.
08:07 Il y a eu plusieurs fois, l'Europe a quand même considérablement reculé en influence sur les dix dernières années,
08:12 notamment depuis la guerre en Syrie.
08:15 En rentée, vous me disiez on est devenu un nain géopolitique et économique.
08:20 Alors économique, on reste quand même une puissance commerciale extrêmement puissante.
08:24 Mais il y a une désarticulation entre justement ce poids commercial et notre capacité d'action et d'influence.
08:29 Quand on voit que la Russie, le PIB de l'Espagne, est aujourd'hui en position potentielle d'être l'un des faiseurs de paix
08:34 ou en tout cas les faiseurs d'accords qui par ailleurs nous feront payer sur le front ukrainien,
08:38 là on doit quand même se poser la question de notre capacité d'influence, de notre capacité de projection, de notre puissance.
08:44 Et ça, ça passe aussi par assumer un certain nombre de propos à l'échelle européenne et pas simplement en ordre dispersé.
08:53 Là on a vu une série de déplacements d'Européens.
08:56 C'est sans doute bien pour la diplomatie française, mais est-ce que pour la diplomatie européenne,
09:00 il n'y avait pas quelque chose de plus global ? Mais bon, c'est l'éternelle question.
09:05 Elle revient maintenant sur la table depuis assez longtemps.
09:07 Merci beaucoup Hugo Micheron. Je rappelle le titre de votre livre "La colère et l'oubli, les démocraties face au djihadisme européen".
09:13 C'est publié chez Gallimard et prix du livre de Géopolitique 2023.
09:17 Dismissed.
09:17 Merci à tous !

Recommandations