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Violences contre les élus : 7 maires sur 10 disent avoir déjà été victimes d'incivilités. Parmi eux, Hervé Glezgo, maire de Bazincourt-sur-Epte (Eure), violemment agressé physiquement deux fois en deux ans.
Regardez L'invité de RTL du 21 novembre 2023 avec Amandine Bégot.

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00:02 RTL matin
00:06 RTL 7h43, excellente journée à vous tous qui nous écoutez, Amandine Bégaud. Vous recevez donc ce matin Hervé Glesgau, maire de Basin-Cours-sur-Hepte
00:13 dans le département de L'Heure. Hervé Glesgau, vous avez 38 ans et vous êtes donc maire de Basin-Cours-sur-Hepte depuis 2020.
00:21 800 habitants dans L'Heure. Alors on a beaucoup parlé, je le disais,
00:24 ces derniers jours des violences contre les élus locaux, contre les maires notamment, +32% en 2022, +15% sans doute cette année.
00:33 Et vous, vous avez déjà été violemment agressé à deux reprises, deux fois je le disais, en moins de deux ans.
00:40 La première fois c'était en février 2021, vous avez été frappé après avoir voulu mettre fin à un rodéo sauvage, c'est ça ?
00:46 C'est ça. Les individus se sont présentés à trois, et à trois ils ont essayé de me projeter au sol.
00:53 Voilà, j'ai réussi à résister jusqu'à l'arrivée de la gendarmerie.
00:57 Parce que vous étiez juste opposé à ce rodéo sauvage ?
01:00 Oui.
01:00 Ils savaient que vous étiez maire ?
01:01 Oui.
01:02 Et ça les a...
01:04 Je l'ai annoncé, je porte toujours un insigne qui est bien distinctif, et malgré tout non, ça ne les a pas empêchés.
01:11 Première agression donc en février 2021, la deuxième c'est quelques mois plus tard, juin 2022. Qu'est-ce que s'est-il passé cette fois ?
01:19 Ce soir-là je suis chez moi, c'est le début de soirée, 19h, avec ma femme, avec mon fils.
01:26 On entend hurler à l'aide dans la rue, on comprend qu'il y a quelque chose qui ne va pas, que quelqu'un a besoin d'aide.
01:32 Et quand on se porte au secours de nos voisins, comme tout citoyen devrait le faire,
01:38 et bien on se retrouve
01:40 agressé, ma femme, j'ai vu ma femme se faire renverser avec ma voisine, et puis après ça a été mon tour.
01:47 Mais moi j'ai été ciblé parce que l'individu m'a reconnu en tant que mère.
01:50 Vous lui avez dit "je suis le maire" ?
01:52 Il s'est arrêté devant moi,
01:55 je lui ai dit "arrête, va pas plus loin,
01:58 t'as assez fait, t'as assez déconné,
02:01 je suis le maire, arrête".
02:03 Là il m'a percuté, je suis tombé au sol, ma tête a heurté le sol, j'ai fait un chaos.
02:08 L'individu est venu vers moi, il a eu des gestes, il a manqué de me frapper au sol en me disant "je sais très bien que t'es le maire".
02:16 Vous en êtes encore ému quand vous en parlez ? Oui. C'est quelque chose qui marque ?
02:21 On garde toujours une agression comme ça en mémoire.
02:28 Pas tant la mienne,
02:32 mais celle de ma femme aussi.
02:34 Et sans oublier que cette agression, je le disais à l'instant, c'était devant mon fils,
02:39 à 10 ans, voir son père se faire renverser, enfin je sais pas.
02:43 Vous avez eu peur ?
02:46 Pas pour moi.
02:48 Moi j'ai fait le choix de servir il y a bien longtemps.
02:53 Pas pour moi, moi j'ai accepté ce prix là. Le choix de servir, vous n'avez pas peur pour vous,
03:00 vous vous êtes dit à un moment "ça n'en vaut pas la peine, j'abandonne", au moins pour eux, pour votre femme, pour votre fils ?
03:05 J'ai eu
03:08 dès le lendemain.
03:10 On accuse le coup, on se dit
03:13 "non j'arrête, le jeu n'en vaut pas la chandelle".
03:16 Et puis très vite vous recevez des témoignages de sympathie,
03:20 de vos administrés,
03:22 des collègues élus.
03:24 J'ai eu des gens de l'autre bout de la France qui m'ont écrit, de villages que je connaissais même pas,
03:28 il a fallu que j'aille sur Google Maps pour les trouver sur une carte.
03:31 Ces témoignages d'anonymes qui ont vu les articles de presse relayer l'information,
03:37 c'est extrêmement touchant, c'est extrêmement encourageant, et c'est pour ça qu'on continue de servir.
03:43 Continuer de servir, c'est ça être maire ? C'est servir ?
03:45 Pour moi oui, pour moi oui.
03:49 C'est
03:51 le premier échelon de la République. Le maire il est là pour être au service de ses administrés, il est là pour servir.
03:57 Et on rappelle, c'est, j'allais dire bénévole, quasi bénévole, vous avez une indemnité de 1400 euros net je crois ?
04:04 1420 euros net, très précisément.
04:07 Donc on fait pas ça pour gagner de l'argent, on est bien d'accord ?
04:10 Non, quand on connaît l'investissement que ça demande.
04:13 Moi je suis à la mairie
04:16 quasiment 35 heures par semaine,
04:18 plus les réunions en soirée, plus les permanences le samedi matin,
04:22 plus les interventions en nuit, plus les interventions le week-end, plus la responsabilité pénale qu'il y a derrière, faut pas l'oublier.
04:29 Pour 1420 euros net par mois, je connais pas beaucoup de monde qui le ferait.
04:35 C'est trop peu.
04:36 *silence*
04:38 Vous osez pas dire, mais pourquoi ?
04:42 Bah dites-le, c'est trop peu !
04:44 La majorité des français d'ailleurs le disent, sans doute que nos maires sont sous-payés.
04:46 Oui, c'est trop peu, bien sûr que c'est trop peu.
04:48 On est à, je sais plus à combien est le SMIC, ça doit être 1380 euros net, quelque chose comme ça.
04:54 Donc je suis à peine au-dessus du SMIC par rapport à l'investissement et responsabilité que ça demande.
05:00 Il y a un problème, il y a un problème.
05:04 Ça date pas d'aujourd'hui.
05:06 On sait depuis des années que tout ce qui est services publics en France c'est très mal payé.
05:11 C'est le cas pour les enseignants, c'est le cas pour les policiers, c'est le cas pour les pompiers,
05:16 c'est le cas pour les soignants, c'est le cas pour les élus.
05:18 Pour les élus, j'entends pour certains élus.
05:21 Pour certains élus, ça veut dire que...
05:23 Ça veut dire qu'il y en a certains qui, soit parce qu'ils vont cumuler des mandats, soit parce qu'ils arrivent à des mandats,
05:31 je pense notamment aux députés et sénateurs, je pense pas qu'ils aient ce problème d'indemnité.
05:36 - Vous parliez de ces deux agressions, je rappelle, deux agressions physiques.
05:41 Vous avez été renversé, vous êtes resté au sol KO,
05:45 en moins de deux ans. Il y a aussi des insultes, des injures, ça c'est du quotidien ?
05:50 7 maires sur 10 disent avoir,
05:53 être confronté à ça de manière assez régulière.
05:56 - Du quotidien, non.
05:58 - De manière régulière, oui. - Mais c'est quoi ? Des lettres, des insultes qu'on vous place ? - Des lettres anonymes avec des insultes.
06:03 Des...
06:09 Des discussions qui vont déraper, qui vont finir, oui, en menaces ou en insultes, c'est régulier, oui.
06:16 - Et vous portez plainte à chaque fois ?
06:18 - Si je peux identifier la personne, oui. Dès qu'il y a la personne identifiée, oui, je dépose plainte.
06:27 - Il y a 40 maires qui démissionnent désormais chaque mois,
06:30 ce sont les derniers chiffres, 450 démissions par an depuis
06:35 2020. Vous les comprenez ces maires qui lâchent l'affaire, si je peux me permettre ?
06:39 - Alors, moi je ne ferai pas ce choix.
06:43 Je comprends, je comprends que eux démissionnent.
06:47 Moi je le ferai pas, moi j'ai été élu pour une charge, je dois quelque chose à mes administrés,
06:55 et c'est pas quelques énervés qui me font plier.
06:58 - Vous avez 38 ans, je le disais, vous êtes élu depuis 2020,
07:03 quand on vous entend,
07:05 on a presque envie de se dire "qu'est-ce que vous êtes allé faire dans cette galère ?"
07:08 Vous saviez que c'était si dur ou pas ?
07:11 - Je savais que ce serait exigeant, je savais que ce serait exigeant. Aussi dur, non, j'étais loin de m'imaginer qu'on serait
07:18 insultés, menacés,
07:21 violentés, ça je le savais pas. Moi j'ai arrêté mes études,
07:25 j'avais 19 ans, j'ai arrêté un BTS en deuxième année pour m'engager en gendarmerie.
07:31 A 19 ans j'ai fait le choix de servir.
07:35 C'est tout, maintenant mon engagement je le vivrai à fond.
07:39 - C'est la prolongation du chemin de vie que vous avez choisi ? - C'est une prolongation.
07:43 - Le gouvernement a annoncé ce week-end la mise en place d'un guichet d'appui psychologique
07:49 doté d'une ligne d'écoute ouvert 7 jours sur 7, ça vous fait rire ? - Oui. - Parce que ? - Oui parce que
07:56 parce qu'on est très loin du compte de ce qu'attendent les élus.
07:59 La première ministre, madame Borne, annonçait au début de l'été tout un package de mesures censées enrayer les violences contre les élus.
08:08 J'avais, à l'époque, j'avais été interviewé par je ne sais plus quel média qui me demandait ce que j'en pensais, j'avais dit "pour moi,
08:14 attendons de voir, mais pour moi c'est un effet de manche".
08:18 Madame Borne promettait de sécuriser les domiciles des élus avec des systèmes de vidéoprotection.
08:22 Il y a eu la présentation du pack de sécurité des élus par les forces de gendarmerie, ça s'est transformé en mission de conseil.
08:31 - Mais ça veut dire quoi ? Qu'on se moque de vous en fait ? C'est ça votre sentiment ?
08:35 - Bien sûr, mais c'est comme pour beaucoup de problèmes, à chaque fois c'est pareil.
08:40 Vous allez avoir une réaction du politique à chaud, on va vous promettre nonz et merveille, mais en réalité six mois après,
08:47 ce n'est absolument pas suivi dans les rangs. - Mais il faudrait quoi concrètement ? Un exemple concret ?
08:51 - Déjà il va falloir une réforme pénale.
08:54 - Alors ça elle est en cours, votée par les sénateurs pour durcir les agressions.
09:00 - C'est pas le tout de faire voter la loi, il faut la faire appliquer.
09:04 Il va falloir que les procureurs suivent les plaintes, il va falloir que les jugements soient à la hauteur
09:09 des infractions commises.
09:12 - Voilà, les sénateurs qui ont adopté début octobre une proposition pour durcir justement les sanctions pénales en cas d'attaque contre un élu, que ce soit la même
09:18 chose par exemple que pour les attaques contre les forces de l'ordre, ça doit être voté normalement en tout cas à l'Assemblée nationale
09:24 en début d'année. Merci beaucoup pour votre témoignage Hervé Glesgaud, merci d'avoir été avec nous.
09:29 Merci.
09:30 [SILENCE]

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