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00:00 nouvelle tête avec vous Mathilde, le rendez-vous des talents de demain. Ce matin, la success story,
00:04 comme on dit en français, de cette rentrée littéraire. Eh ! Moctar Hamoudi, bonjour ! Vous débarquez dans le monde merveilleux des lettres à 35 ans après une enfance et une adolescence en famille d'accueil et en renvoi définitif du lycée pour trafic de drogue. Du deal de sheet à la blanche, la mythique collection de Gallimard, votre parcours défie des statistiques, traçant un triangle inédit entre trois
00:29 fondamentaux, le MC algérien Soulking, la finance et Honoré de Balzac. Des affaires dans les quartiers, vous êtes passé au droit des affaires. Aujourd'hui, analyste en gouvernance d'entreprise à la Caisse des dépôts et consignations, vous nous expliquerez ce que ça veut dire. Vous publiez enfin votre premier roman chez Gallimard, "Les conditions idéales". Moctar Hamoudi, vous signez Hamoudi sans H. Pourquoi ?
00:50 Parce que ça me semblait... ça me permettait de détacher en fait le Moctar Hamoudi que je suis et l'auteur. Et le Moctar Hamoudi que je suis n'a évidemment pas été viré de son lycée pour trafic de stupéfiants, c'est le personnage. Et donc il y a toujours cette question de qui l'on est, qui est le personnage et la distanciation nécessaire pour affronter tout cela.
01:14 C'est quoi gouvernance... analyste en gouvernance d'entreprise, juste, pour la culture G ?
01:19 Oui, elle sert à moraliser les entreprises cotées en bourse et donc à s'assurer que les personnes qui les dirigent le font de manière transparente et qu'elles ne soient pas excessivement payées.
01:32 Votre parcours est incroyable, on va y revenir d'ailleurs. Il est très proche du vôtre, d'où ce trouble entre le vôtre et celui du personnage qui s'appelle Skander. En tout cas, il y a une éditrice qui, par hasard, vous avez entendu raconter votre histoire, qui vous a appelé pour vous dire que votre manuscrit était accepté. C'est comme ça que ça s'est passé ?
01:48 Oui, c'est ça. Lorsque j'ai appris que j'allais être édité, cette personne m'a rappelé qu'on avait discuté. Mais sinon, j'ai envoyé mon bouquin au service des manuscrits et le plus beau jour, je crois, c'était lorsque j'ai vu le bouquin pour la première fois.
02:05 Il y avait une jeune femme chez Gallimard et qui était celle qui l'avait lu pour le service des manuscrits. On me l'a présenté en tant que telle et je lui ai offert parce que l'édition, c'est très beau, très dur et il y a plein de petites mains invisibles.
02:16 C'est une manière aussi de leur rendre hommage que de les citer ici.
02:19 Merci. Et ce prix aussi qu'on peut citer ici, lui rendre hommage, c'est le prix envoyé par la poste que vous avez reçu, qui vit souvent juste. Par exemple, Anne Polly avait reçu ce prix.
02:28 Vous, quand vous avez envoyé ce manuscrit, cela dit, vous n'y croyez plus, non ? Mokhtar a dit parce que ça fait dix ans que vous êtes prêt à sortir ce roman.
02:35 Oui, je l'ai écrit depuis dix ans. J'avais eu des refus et on ne m'avait rien demandé. Ce n'était pas une commande, évidemment.
02:41 Ça commence comme ça, le livre.
02:44 Ah oui, c'est vrai. Merci de le rappeler.
02:47 Oui, c'est vrai que parfois on se demande pourquoi on fait ça pendant des années, des semestres. Et heureusement, le fatum positif, cette fois-ci, intervient.
02:57 Vous avez persisté donc et voici les conditions idéales. Votre premier roman, Mokhtar Hamoudi, raconte l'histoire, donc très proche de la vôtre, je disais, du jeune Skander placé auprès de l'aide sociale à l'enfance quand il a un ou deux ans et qu'il va devoir grandir quasiment seul dans des conditions tout sauf idéales.
03:12 Le pire, c'est qu'elles vont s'aggraver.
03:14 Oui, c'est vrai que la semaine dernière, vous avez reçu Maria Pourchet et Léa Salamé à citer Le voyage au bout de la nuit.
03:21 L'amour, c'est l'infini à la portée des caniches.
03:23 Et moi, il y avait notre phrase qui est quand on n'a pas d'argent à offrir aux pauvres, il vaut mieux se taire quand on leur parle d'autre chose que d'argent.
03:30 On les trompe, on ment presque toujours.
03:33 Et donc, l'amour, l'argent, ces deux sujets à travers une hyper enfance qui se transformera en adolescence un peu chaotique dans une ville inventée avec ces sujets, l'aide sociale à l'enfance et les banlieues assez dures.
03:49 Oui, parce qu'on se retrouve finalement à voir des images qu'on a croisées dans les reportages, que ce soit la violence administrative de l'aide sociale à l'enfance, que ce soit les bagarres entre quartiers rivaux.
04:00 Et vous, vous y amenez cette humanité puisqu'on est à hauteur d'enfant.
04:04 Vous avez pensé à un roman comme La vie de Vançois des Mélangins, par exemple, en l'écrivant, ça amène quelque chose qu'on ne verra jamais dans aucun reportage.
04:13 Oui, disons qu'on va laisser Romain Garry à son panthéon là où il est, il y est bien, je pense.
04:19 C'est comme Albert Camus, on le reveille souvent.
04:21 Non, mais c'est vrai que ce livre, c'est un peu comme si on avait des petites caméras portatives.
04:27 Et donc, c'est à hauteur d'enfant, de ses yeux.
04:30 Et finalement, que ce soit sa vie dans les familles d'accueil, la manière dont les institutions successives s'occuperont de lui, le personnage, quand même, n'a pas vraiment toute la latitude et l'espace intellectuel pertinent pour juger de cela.
04:49 Et donc, ce qui est intéressant, c'est de voir comment un petit enfant, un petit adolescent, se transforme.
04:55 Ça suspend donc aussi le jugement sur les acteurs administratifs de cette histoire ou les bandes rivales dans les cités.
05:02 Ce qui va le sauver, lui, quand même, c'est le dictionnaire. Est-ce que ça a été votre cas aussi ?
05:07 Ah oui, moi, j'aimais bien le dictionnaire quand j'étais jeune.
05:09 C'est-à-dire qu'il y avait les Larousse et au milieu, il y avait la tranche de page rose.
05:13 Et alors, il y avait les locutions latines diverses et les proverbes.
05:16 Et moi, je les apprenais par cœur quand j'étais très jeune.
05:22 Et puis, j'ai poursuivi avec les livres scolaires, notamment d'Histoire, que je lisais un peu entièrement au début des rentrées.
05:30 Et donc, je crois que c'est cette technique acquise très jeune qui m'a permis ensuite de retomber sur mes pattes bien plus tard.
05:38 Mais oui, j'adorais le dictionnaire, effectivement.
05:40 Vous avez également un compagnon, un mentor littéraire, c'est Balzac.
05:43 Et un personnage en particulier, Lucien de Rubinpré, est-ce que vous pouvez me dire pourquoi c'est lui plus que Rastignac ?
05:49 Rastignac, c'est trop simple. Il a son plan et il va trop vite.
05:53 Et Lucien est un personnage dans l'adversité.
05:57 Et le film de Xavier Giannoli le montre très bien.
06:01 Et j'avais envie de lui dire, Lucien, un autre avenir était possible.
06:04 Maintenant, sujet libre, on vous laisse les commandes de la matinale.
06:06 Vous avez préparé une recette, Moctar Hamoudi.
06:09 Effectivement.
06:12 Ça a débuté comme ça.
06:14 Des petites tomates endormies dans l'ail et l'huile d'olive.
06:18 Du piment et du thon.
06:20 Tout cela donne chaud.
06:21 Comme moi aujourd'hui dans ce studio.
06:24 C'est repas de fête.
06:26 Donc, épluche les gambasses.
06:29 Enlève-leur la tête.
06:31 Mais laisse-leur la queue.
06:33 C'est toujours mieux.
06:35 Surtout pour les yeux.
06:38 Pour le bouillon, liberté, liberté.
06:41 Les carcasses, le persil, les oignons.
06:43 Ton mari, ta maîtresse, ton patron.
06:46 Il faut mixer.
06:48 Une gambasse, le bouillon et de l'huile.
06:52 C'est la bisque, c'est la brise.
06:54 Tout à gauche, prends ton wok.
06:56 On mélange.
06:58 Les spaghettis, numéro 7.
07:00 Les tomates, les gambasses.
07:03 Et l'on hache.
07:04 Pas les pâtes, mais le persil.
07:07 Et l'on mange.
07:08 Et l'on sème.
07:10 Merci Moctar Hamoudi. Je rappelle que toutes ces recettes se retrouvent sur votre compte Instagram.
07:14 En général, les spaghettis sont posés sur un livre ou une double page de magazine.
07:18 Les conditions idéales, votre premier roman cru et tendre vient de paraître chez Gallimard.
07:22 Merci Mathilde.

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