Bérangère Couillard et Sonia Backès souhaitent enquêter sur l’association "Torrents de vie" qui proposent des thérapies de conversion, illégales depuis une loi de 2022 : Joël Deumier, co-président de SOS Homophobie, est l'invité de 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-jeudi-31-aout-2023-5909990
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00:00 les homosexuels, les forcer à changer d'orientation sexuelle. C'est ce que promettent les thérapies
00:05 de conversion. Ces pratiques sont normalement interdites en France depuis l'an dernier. Mais
00:09 une enquête de nos confrères de BFM montre qu'elles existent encore. Et la ministre chargée de la lutte
00:14 contre les discriminations, Bérangère Couillard, a saisi le parquet. Bonjour Joël Demier.
00:18 Bonjour.
00:18 Vous êtes le co-président de SOS Homophobie. Deux ans de prison et 30 000 euros d'amende,
00:23 c'est ce que prévoit la loi aujourd'hui. C'est pas suffisant ?
00:25 Ecoutez, c'est une loi qui a été votée en 2022 qui a interdit les thérapies de conversion. Elle
00:31 crée une infraction pénale spécifique. Là, effectivement, vos confrères de BFM ont révélé
00:35 des faits de thérapies de conversion extrêmement graves qui ont eu lieu cet été, mis en oeuvre par
00:40 Torrent de Vie dans les Bouches du Rhône. Torrent de Vie, c'est une organisation évangélique.
00:44 Torrent de Vie, qui est une organisation évangélique, qui met en oeuvre ces thérapies
00:47 de conversion auprès de personnes LGBT, avec des conséquences dévastatrices sur les victimes. Il
00:53 faut maintenant qu'une enquête ait lieu et que Torrent de Vie soit sanctionnée, soit jugée et
00:59 punie pour des faits qui sont extrêmement graves. Et nous, on espère que la loi de 2022 soit
01:04 appliquée pour la première fois et créer un précédent pour envoyer un signal fort aux victimes.
01:09 C'est la première enquête depuis que cette loi existe ?
01:10 En tout cas, c'est un des premiers cas d'application de la loi puisque les faits antérieurs à la loi
01:16 n'entrent pas dans l'application de la loi. C'est un des premiers cas d'application de la loi.
01:21 De quoi parle-t-on exactement ? Ce reportage a été réalisé en caméra cachée,
01:25 dans un village près d'Aix-en-Provence, au cœur de l'association protestante évangélique Torrent de Vie.
01:31 Dans ce reportage, on voit des prières, des groupes de parole, on voit une femme dire à
01:35 des jeunes homosexuels de renoncer au feu du désir. Il n'y a pas de violence physique,
01:40 il n'y a pas besoin de violence physique pour considérer ça comme une thérapie de conversion ?
01:44 Les thérapies de conversion, c'est une torture mentale et psychologique sur les personnes.
01:48 C'est-à-dire que ce sont des personnes qui sont croyantes en général et qui ont une
01:51 culpabilité très forte entre leur propre identité et leur foi. Et donc on joue sur cette culpabilité.
01:57 Torrent de Vie joue sur cette culpabilité et incite très fortement les personnes à se renier,
02:02 à se modifier. Et une thérapie de conversion, c'est quoi ? C'est toutes les pratiques,
02:06 comportements qui visent à modifier l'orientation sexuelle des personnes,
02:10 l'identité des personnes. Et c'est ce qui s'est passé avec Torrent de Vie. Ce n'est pas des tortures,
02:14 enfin des actes physiques. - Est-ce qu'on a quand même vu d'autres reportages où il y avait des
02:18 rites d'exorcisme, voire des électrochocs ? Là, ce n'est pas ça. - Ça peut exister,
02:22 ça peut exister, mais pas dans ce cas-là. Là, on est plus sur des manipulations mentales et
02:27 psychologiques. - Et qui participe ? Qui sollicite ces séances ? Est-ce qu'il y en a dans tous les
02:32 milieux sociaux, tous les profils ? - Oui, en fait, c'est soit les personnes elles-mêmes qui
02:36 se sentent LGBT et qui vont d'elles-mêmes faire ce genre de stage, qui sont totalement illégaux,
02:43 ou alors l'entourage, donc les parents, qui, quand ils apprennent que leur fille, leur enfant,
02:49 est homosexuel ou trans, envoient leur enfant dans ce genre de stage. - Et en face de la guillotine.
02:56 - Pour les "guérir", alors que l'homosexualité n'est pas un choix, la transidentité n'est pas
03:00 un choix. C'est comme si on voulait changer un attribut physique ou quelque chose qui constitue
03:07 votre identité profonde. Ça n'est pas possible. Ou alors, si on cherche à le faire, ça a des
03:12 conséquences très graves sur la personne. On pourrait en parler. - Oui, on va en parler,
03:16 évidemment. J'aimerais savoir qui est en face, qui dirige ces stages ? - Ce sont des personnes qui
03:21 sont engagées dans les communautés religieuses, qui sont extrêmement radicales, puisque pour en
03:26 arriver à inviter des personnes à modifier leur identité profonde, au mépris de la loi,
03:32 c'est pour ça qu'il faut que la loi soit appliquée et qu'il y ait une sorte de message très fort qui
03:37 soit envoyé pour que ça n'arrive plus, pour que les personnes qui sont à l'origine du stage
03:40 soient inquiétées, soient condamnées, soient punies. - Cette association dont on parle, Toronte
03:45 Ville, elle est bien implantée en France ? - Oui, elle est implantée dans une dizaine de départements.
03:48 A l'origine, elle vient des Etats-Unis. Elle a été implantée en Europe progressivement et là,
03:55 elle est implantée dans une dizaine de départements. Donc oui, il y a bien d'autres associations qui
03:59 font cette thérapie de conversion. Il y a l'association Courage. - Toujours des associations
04:03 en lien avec une religion ? - Religieuse, oui. Bien sûr, là, c'est chrétien. Et donc, ces
04:10 associations, elles sont connues. Elles se cachent de plus en plus. Elles font ces stages de manière
04:15 de plus en plus cachée, mais elles existent toujours. - Et on le disait, ces pratiques peuvent
04:19 être dévastatrices pour les personnes qui les subissent. - Elles ont des conséquences
04:22 dévastatrices. Les personnes sont en temps de mal-être profond, durables, des taux de suicide,
04:29 des tentatives de suicide plus élevées, des traumatismes qui empêchent souvent ces personnes.
04:35 Et on reçoit beaucoup de témoignages sur le dispositif d'écoute. - C'est ce que j'allais vous demander. Est-ce qu'on vous sollicite
04:38 beaucoup ? Est-ce qu'on fait appel à vous ? Est-ce qu'on vous demande de l'aide ? Ou est-ce qu'il y a aussi une
04:42 forme de culpabilité ? Et finalement, les personnes qui font ces thérapies restent dans leur coin
04:48 parce qu'elles n'osent pas. - Grâce à la loi de 2022 qui a rendu visible ce phénomène et qui a permis
04:53 de reconnaître ce phénomène de thérapie de conversion, on a des témoignages, mais qui sont
04:57 insuffisants. On a un dossier juridique d'accompagnement d'une victime de thérapie de conversion qui est
05:02 en cours dans notre commission juridique, mais on a encore trop peu de témoignages. Et je vais
05:07 appeler ce matin les victimes qui sont victimes aujourd'hui, qui ont été victimes cet été de
05:12 thérapie de conversion comme celle mise en oeuvre par Tourandevis, à témoigner, et mieux, à aller au
05:18 commissariat de police, à la brigade de gendarmerie, et à déposer plainte. Il faut en parler parce que
05:22 si les victimes n'en parlent pas, l'État ne peut pas faire d'enquête, il ne peut pas y avoir de
05:26 décision d'justice et de condamnation. Donc il faut vraiment que les victimes en parlent et qu'elles
05:31 sortent de cette honte d'en parler, de ces non-dits et de ces tabous qui sont entretenus par ces
05:37 communautés religieuses. Il faut vraiment sortir de tabou. Et l'État, la loi, elle est derrière les
05:42 victimes. Et si les victimes parlent, ensuite il y aura une enquête. Nous on peut aider la victime
05:46 en tant qu'association, supporter les partis civils, l'accompagner.
05:50 Et votre association c'est SOS Homophobie. Merci Joël Demier d'être venu ce matin sur France Inter.