• avant-hier
De Charlie Hebdo au Bataclan, de l'attaque de Montrouge à celles de l'Hypercacher, du Thalys, du Stade de France, des terrasses parisiennes : 2015 a été marquée par l'horreur en France. Agnès Pizzini, co-réalisatrice avec Claire Denavarre du documentaire “Attentats 2015”, est notre invitée à 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-lundi-06-janvier-2025-4341197

Category

🗞
News
Transcription
00:00Il est 6h21, de Charlie Hebdo au Bataclan, de l'attaque de Montrouge à celle de l'Hypercachère,
00:14celle aussi du Thalys, du Stade de France et des terrasses parisiennes.
00:17C'était il y a 10 ans, 2015, une année marquée par l'horreur en France et un documentaire
00:22diffusé ce soir sur M6 retrace cet enchaînement inédit de violences terroristes à travers
00:28les témoignages de personnes qui les ont vécues.
00:30Bonjour Agnès Pizzini, vous avez co-réalisé ce documentaire avec Claire de Navarre.
00:34Vous avez interrogé des rescapés, des politiques, des forces de l'ordre, des secouristes.
00:38Qu'est-ce que vous avez voulu raconter ? Comment apporter quelque chose de nouveau sur un sujet
00:43qui a été déjà plus que traité ?
00:45Alors on ne voulait pas faire un film commémoratif, on s'est questionné avec Claire de Navarre
00:52sur 10 ans après, qu'est-ce qu'on avait fait de ces attentats individuellement et
00:56collectivement ? Et donc on est reparti sur cette année de 2015 qui a été terrible.
01:03Et on s'est demandé, est-ce qu'il y avait quelque chose qui liait les victimes de tous
01:07ces attentats ? Et finalement la réponse est arrivée très vite avec la première
01:12interview qui a été celle de Christophe Molmy, chef de la BRI, qui est intervenu à
01:16l'Hypercacher et au Bataclan.
01:18Et il a dit cette chose, il a dit « il y a quelque chose d'invisible et d'indicible
01:24qui nous lie nous tous, victimes de ces attentats, aussi bien les victimes directes que les forces
01:31de l'ordre, que les secours, etc.
01:33» Et voilà, cette idée qui était partie d'un projet un peu instinctif de lier ces
01:40gens-là a pris tout son sens.
01:42Ce qui nous lie d'ailleurs c'est le titre de votre documentaire et vous les liez d'ailleurs
01:46vraiment physiquement puisque vous avez fait des interviews face caméra assez classiques
01:51mais vous avez aussi organisé une sorte de table ronde, alors il n'y a pas de table
01:55mais il y a quatre chaises, cinq chaises parfois, et vous avez comme ça regroupé des victimes
02:00de Charlie Hebdo, des victimes du Bataclan, des secouristes, des politiques qui échangent
02:06et qui se racontent, qui racontent leur parcours où ils en sont aujourd'hui.
02:10Oui, on s'est inspiré du très beau film de Jeanne Héry, « Je verrai toujours vos
02:15visages ».
02:16Et c'était un pari en fait de rassembler des victimes d'attentats différents et de
02:22les mélanger avec par exemple Anne Hidalgo ou Christophe Molmy, chef de la BRI, Bernard
02:29Cazeneuve et de se dire qu'il pouvait y avoir un échange fécond qui pouvait naître
02:35de ces dialogues-là.
02:37Ils ont accepté facilement d'ailleurs cette confrontation.
02:40Et d'ailleurs c'est intéressant parce que les politiques ont même été motivés
02:46par l'idée de participer à ces groupes de parole et de participer à ce film parce
02:51qu'il y avait ces groupes de parole, ils avaient envie de se retrouver et d'échanger.
02:54Alors en l'occurrence les politiques, Anne Hidalgo, la maire de Paris, François Hollande,
02:58le président de la République et Bernard Cazeneuve qui était ministre de l'Intérieur
03:01à l'époque.
03:02Alors ceux qui les lient, toutes ces personnes, les rescapés notamment, ils le disent régulièrement,
03:08c'est un mot qui revient, on a vu la mort arriver, on l'a vu la mort en face.
03:10Et il y a aussi un mot, une formule qui revient dans quasiment tous les témoignages et moi
03:15qui m'a vraiment marquée, c'est le mot famille, liens familiaux.
03:17Ils disent les rescapés, c'est ma deuxième famille, à eux je peux tout dire.
03:21Oui, alors voilà, c'était quelque chose d'assez étonnant, on ne s'y attendait
03:26pas.
03:27C'est-à-dire qu'effectivement il y a quelque chose que nous victimes, que nous
03:33qui n'avons pas été sur le théâtre des événements, nous ne pouvons pas comprendre.
03:38Et c'est pour ça que ces groupes de paroles ont aussi tellement bien fonctionné parce
03:41qu'il y avait une réelle envie de se retrouver et de pouvoir échanger et de se dire des
03:46choses finalement.
03:47C'est Gaël qui dit à un moment donné, mais moi j'ai des choses hyper trash à raconter,
03:51je ne peux pas le raconter à mes parents.
03:53Ce qu'on a vécu est vachement dur à raconter, là on se comprend, on a un langage commun
03:58que les autres ne peuvent pas comprendre.
04:00Absolument.
04:01Et finalement, vous leur avez apporté quelque chose de positif et de bien lors de ce documentaire.
04:07Oui, en tous les cas, je trouve que c'est quand même un film positif et un film assez
04:11lumineux parce que beaucoup évidemment parlent de leur reconstruction, de leurs difficultés
04:16évidemment à retrouver aussi le goût de la vie, mais c'est intéressant de voir que
04:21tous se sont tournés vers autre chose et notamment vers les autres.
04:25Après, beaucoup ont changé de vie, mais ils se sont retrouvés dans un milieu éducatif
04:31ou associatif et ils ne se sont pas repliés sur eux-mêmes.
04:36En tout cas, je trouve que c'est un film assez lumineux.
04:40Lumineux effectivement.
04:41D'ailleurs, il se termine sur une note positive, on en voit même certains, vous en montrez
04:44certains à la fin, qui rient carrément pour des choses anecdotiques, évidemment ce n'est
04:49pas au sujet des attentats, mais il y a aussi des témoignages qui moi m'ont vraiment
04:53surprise quand ils disent « tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir une seconde
04:57vie ». C'est fort ça quand même ! Il y a même une rescapée du Bataclan qui a été
05:00grièvement blessée au visage qui dit « il y a une forme d'humanité aujourd'hui qui
05:04est beaucoup plus puissante, ça fait tout l'inverse de ce que les terroristes ont voulu
05:08faire, il y a du beau dans l'horreur ». Oui, alors pareil, on ne s'y attendait pas,
05:12mais c'est que...
05:13Moi non plus.
05:14Quand je l'ai regardé, moi non plus ! Non, mais c'est cette envie finalement de se tourner
05:20vers l'autre après tout ça, et Claude Emmanuel qui effectivement a le mot de la fin, qui
05:25était haut fonctionnaire d'état et qui aujourd'hui travaille pour une association de migrants
05:30à Marseille, voilà, on trouvait que c'était plutôt beau de finir sur une note comme ça.
05:35Et il y a un autre point qui est intéressant, c'est que les politiques et les responsables
05:38des autorités policières et judiciaires que vous avez interrogés, eux aussi, ils
05:42parlent de leur ressenti et pas uniquement de leur action en tant que responsable public.
05:46On voit Anne Hidalgo à un moment fondre en larmes et s'arrêter de parler, on voit même
05:50François Molin, procureur de la République à l'époque, il raconte qu'il s'est signé
05:55avant d'entrer dans les locaux de Charlie Hebdo, des choses très personnelles qu'on
05:58n'avait jamais entendues.
05:59Oui, peut-être parce que c'était pour eux le moment de raconter ça, je pense que dix
06:03ans après, il y a toujours une parole très riche qui sort, qui n'est plus celle de l'émotion
06:09juste après l'événement, et donc voilà, après on a pris aussi beaucoup de temps avec
06:14eux, ils nous ont accordé beaucoup de temps, sachant que c'était une période pas facile
06:18non plus, voilà, quand on les a interviewés c'était en mai, au moment de la dissolution
06:23etc. et donc ils nous ont accordé du temps.
06:27Et du côté, pour finir sur les rescapés, dix ans après, il y a ceux qui les lient,
06:32c'est l'essentiel évidemment de votre documentaire, mais ils ont quand même des
06:36différences, notamment dans leur état psychologique, il y en a qui vont plutôt bien, qui le disent
06:40ça fait dix ans, c'est un peu digéré, voilà, notamment celui qui a été blessé
06:44lors de l'attaque du Thalys, et puis il y a ceux qui disent, non, rien ne s'est attenué,
06:49moi j'ai toujours mal, je suis toujours vigilante dès que je bouge, dès que je vais dans un
06:51restaurant.
06:52Et j'aimerais terminer par ce que disait le patron de la BRI qui fait le parallèle avec
06:56le 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, parce qu'il y a un responsable je crois des secours
06:59new-yorkais qui lui a dit, attention, chez nous, dix ans après, on a eu des suicides
07:03chez les pompiers, dix ans après c'est pas fini.
07:05Oui, c'est Riz qui le dit en fait, de façon assez bouleversante, il dit dix ans après,
07:10rien ne s'est effacé, et c'est peut-être encore plus dur aujourd'hui.
07:13Et voilà, c'est aussi quelque chose à laquelle on ne s'attendait pas, c'est qu'il y a encore
07:17des répercussions.
07:18Dix ans plus tard, on meurt encore des attentats de 2015.
07:22Oui, vraiment, c'est un documentaire que je recommande à tous nos auditeurs, même
07:26si vous n'avez pas envie de vous replonger dedans, franchement, faites l'effort, ça
07:29vaut le coup.
07:30Attentat 2015, ce qui nous lie, c'est diffusé ce soir sur M6 à 21h et ça dure 90 minutes.
07:35Merci beaucoup Agnès Pizzigny et je cite votre co-réalisatrice Claire Denavar.

Recommandations