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Projet de loi immigration : Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de la Cimade est l'invitée de 6h20, pour évoquer ce texte qui passionne droite et extrême droite. Son association a d'ailleurs été violemment attaquée par Éric Ciotti ce mercredi. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-jeudi-26-octobre-2023-9279932

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00:00 échanges entre le gouvernement et la droite à propos du projet de loi immigration se
00:03 sont encore durcis. Les républicains sont toujours farouchement opposés à la régularisation
00:08 des travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension. Et hier, sur France Inter, le
00:12 président LR, Éric Ciotti, est allé un cran plus loin. Il veut, dit-il, couper les
00:16 subventions de certaines associations d'aide aux réfugiés. Ils visent notamment la CIMAD,
00:22 votre association. Fanny Liccaret-Comte, bonjour.
00:24 Bonjour.
00:25 Vous êtes secrétaire générale de la CIMAD. Vous touchez combien de subventions publiques ?
00:28 Aujourd'hui, la CIMAD, c'est un budget d'à peu près 13 millions d'euros qui est à moitié
00:34 des financements privés, à moitié des financements publics.
00:36 Donc 6 millions et demi.
00:37 Il y a beaucoup de choses. Il y a des financements de l'État dans le cadre, par exemple, de
00:41 marché public, mais il y a aussi des financements de collectivités locales, d'autres types
00:44 de financements publics.
00:45 Et vous en faites quoi de cet argent ? Comment vous l'utilisez ? Parce qu'Éric Ciotti,
00:48 il dit qu'en gros, vous encouragez les flux migratoires.
00:51 Mais je crois qu'Éric Ciotti, il défend là une vision de société qui est bien particulière.
00:56 Pour ce qu'il a dit, de notre point de vue, c'est très insultant pour les milliers de
01:00 salariés, de bénévoles de notre association, mais de l'ensemble des associations, finalement,
01:04 de solidarité, d'accès aux droits qui sont visées derrière ça.
01:07 C'est très insultant parce que vous avez des personnes qui, tous les jours, vont se
01:11 lever pour donner du temps, passer du temps avec des personnes migrantes pour les accompagner
01:15 dans leur accès aux droits, dans leur compréhension de nos institutions, dans des ateliers, par
01:19 exemple, d'apprentissage du français, dans des logiques d'insertion sociale, professionnelle,
01:23 économique, qui sont bénéficiaires pour l'ensemble de notre société.
01:26 Et aujourd'hui, c'est ça qui est pointé.
01:28 On considère que les ennemis, le combat principal à mener, ce sera un combat contre ces associations,
01:33 qui, encore une fois, jouent un rôle absolument majeur dans notre société, qui a particulièrement
01:38 besoin dans ces moments de tension et de violence que nous vivons, d'apaisement et de cohésion.
01:43 Et au total, il y a un milliard, c'est ce que dit Éric Ciotti, d'argent public qui
01:47 sert à financer ces associations.
01:49 Il y a besoin d'un milliard ?
01:50 Mais en fait, je pense qu'il ne faut pas poser les choses comme ça, parce que d'une
01:54 part, on compare beaucoup de choses qui n'ont pas forcément grand chose à voir.
01:57 Et puis, en fait, la question, c'est qu'est-ce qu'on veut faire en termes de politique
02:00 publique sur les questions migratoires ?
02:01 Aujourd'hui, la réalité, c'est que nos politiques migratoires, effectivement, ne
02:05 fonctionnent pas.
02:06 Mais pourquoi ? Parce qu'elles sont, de notre point de vue, indignes.
02:08 Elles ne répondent pas aux enjeux du moment en termes de migration et de compréhension,
02:13 finalement, de notre monde et des réalités des parcours migratoires.
02:17 Et aujourd'hui, on a des personnes sur notre sol qui sont maintenues dans des situations
02:22 de précarité inacceptables et, encore une fois, qui posent des problèmes pour l'ensemble
02:26 de notre société.
02:27 On n'en parle plus du tout, ça c'est quand même absolument terrible.
02:30 Des personnes aujourd'hui qui dorment à la rue, des enfants, des jeunes en danger
02:33 qui dorment à la rue, dans des campements en Ile-de-France, à Briançon, à Calais.
02:37 On a des personnes qui continuent de mourir chaque année, des milliers, dans la Méditerranée,
02:41 dans la Manche.
02:42 C'est ça qu'il faudrait penser aujourd'hui en matière de politique migratoire.
02:45 Au lieu de ça, on est uniquement aujourd'hui sur des questions de répression, de fermeture
02:51 autour d'une philosophie qui est toujours la même.
02:53 Il faudrait freiner l'émigration des personnes qu'on considère comme indésirables à venir
02:57 dans l'Union Européenne.
02:58 Non seulement ça ne marchera pas, mais ça sera extrêmement dangereux et périlleux
03:02 pour la vie de ces personnes.
03:03 Juste, je reviens à Éric Ciotti hier matin sur notre antenne, puisqu'il vous a interpellé
03:07 directement, vous, la CIMAD, donc il vous reproche de toucher trop de subventions publiques.
03:11 Il est allé encore plus loin.
03:13 Il y a des associations dans les centres de rétention, ce n'est plus leur place.
03:17 On est dans un état de droit.
03:19 Et quel ?
03:20 Je pense à la CIMAD, qui notamment a fait en sorte que l'assassin de Dominique Bernard
03:26 soit toujours en France.
03:27 Donc si Mohamed Mogouchkov est en France, c'est parce que vous, à la CIMAD, et avec
03:31 d'autres associations, vous avez empêché son expulsion il y a 10 ans ?
03:34 Mais Éric Ciotti, ce n'est pas la première fois et ce n'est pas le seul à le dire,
03:39 cette petite musique, mais elle vient de plus loin, qu'on entend régulièrement.
03:42 Les associations sont toujours complices de plein de choses.
03:44 Un jour elles sont complices des passeurs, le lendemain elles sont complices des terroristes,
03:47 elles empêchent l'État de tourner en rond, etc.
03:50 La mobilisation contre l'expulsion d'il y a 10 ans d'une famille et ce qui s'est
03:54 passé à Arras, c'est pour nous un lien que nous ne faisons pas aujourd'hui.
03:58 Et par ailleurs, ce que nous disons, c'est qu'Éric Ciotti, et il n'est pas le seul
04:01 malheureusement, a un véritable problème en réalité avec l'état de droit.
04:06 Qu'est-ce qui lui pose souci ?
04:07 Il lui pose souci que, effectivement, des associations comme les nôtres défendent
04:11 des droits, défendent des droits des personnes en centre de rétention, et c'est une mission
04:14 de service public, défendent des droits des personnes qui, y compris pour certaines, en
04:18 prison, peuvent avoir un parcours pénal.
04:20 Mais en fait, c'est l'honneur de notre société de défendre aujourd'hui les droits
04:23 fondamentaux.
04:24 Et de la même manière qu'Éric Ciotti, et là encore il n'est pas le seul, remet
04:27 en cause des choses fondamentales comme la Convention européenne des droits de l'homme,
04:31 le fait que par exemple, aujourd'hui, effectivement, on ne peut pas expulser des personnes dans
04:36 des pays où elles risquent la mort et la torture.
04:39 Mais ça oui, on a un vrai différentiel de vision de société avec Éric Ciotti et
04:43 avec d'autres de ce point de vue-là.
04:44 La défense de l'état de droit est fondamentale dans notre société et pour notre démocratie.
04:47 En parlant de droit, la législation pourrait être modifiée, puisqu'il y a un projet
04:50 de loi immigration qui est en ce moment à l'étude, examiné au Sénat à partir du
04:53 6 novembre.
04:54 L'assimade est évidemment très critique.
04:56 Il n'y a que l'article 3 à sauver, c'est l'article qui prévoit la régularisation
05:00 des travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension.
05:02 C'est celui que la droite et l'extrême droite veulent voir supprimé.
05:05 Mais si vous voulez, ce qui est assez terrible dans tout ça, c'est que cet article 3,
05:10 même à la base, il était finalement très limitatif.
05:13 C'est-à-dire que cet article 3 permettrait, s'il était maintenu, de régulariser un
05:19 certain nombre de personnes par la loi dans des métiers dits en tension.
05:22 Donc ce n'est même pas l'ensemble des métiers dans lesquels il y a aujourd'hui
05:25 des travailleurs sans-papiers et avec des conditions très limitées, puisqu'il faudrait
05:29 avoir eu trois ans de présence en France et avoir travaillé huit mois sur 24.
05:33 Donc on est déjà sur quelque chose qui est extrêmement limitatif.
05:36 Donc si vous voulez voir aujourd'hui que même cette mesure-là est remise en cause
05:41 finalement sur des marchandages politiques entre la majorité et la droite sous pression
05:45 de l'extrême droite pour avoir une majorité autour de ce texte, ça montre bien à quel
05:49 point finalement toutes les digues sont en train de sauter sur ces questions de politique
05:53 migratoire dans le débat public et politique.
05:55 Une dernière question, est-ce que vous êtes contre cette réforme ou contre toute réforme ?
05:59 Est-ce que vous estimez qu'on a besoin de modifier les règles actuelles ?
06:02 En fait ce qu'on dit nous c'est vraiment vraiment qu'il faut changer de paradigme
06:06 et de philosophie en matière de politique migratoire.
06:08 Tant qu'on continuera de penser qu'on peut et qu'on doit freiner les migrations,
06:13 eh bien on aura des politiques qui non seulement échoueront.
06:15 Les migrations c'est un phénomène mondial, ça a toujours fait partie de notre monde
06:19 et ça fera encore plus partie de notre monde demain.
06:21 20 lois en près de 40 ans, elles n'ont jamais réussi à freiner les migrations.
06:25 Celle-là ne réussira pas non plus et encore une fois elle généra encore plus de drame.
06:29 Donc, changeons de philosophie, parlons d'accueil, parlons de solidarité,
06:33 défendons une autre vision de société et la CIMAD elle est fière de porter cette vision
06:36 et elle continuera à la porter.
06:38 Merci Fanely Carey-Comte, vous êtes secrétaire générale de la CIMAD.

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