Ethem a vécu sous l'emprise d'un pervers narcissique. Il raconte la relation amicale toxique et la torture psychologique qu'il a subie de la part de son colocataire.
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00:00 Chaque décision que je devais prendre dans ma vie,
00:01 je devais avoir l'accord du pervers.
00:03 C'est comme si, petit à petit, il a aspiré mon âme
00:06 et qu'à la fin, il contrôlait totalement mon cerveau.
00:09 Je suis arrivé à Bruxelles parce que je devais commencer des études en école d'art.
00:13 Je suis arrivé en 2016 dans cet appartement.
00:16 Les propriétaires ne demandaient pas forcément de garant.
00:19 C'était un peu le bon deal pour moi.
00:21 Très jeune, j'ai été indépendant financièrement.
00:23 C'était une colocation, c'était un appartement un peu vétuste
00:26 et avec un prix qui était convenable.
00:28 La première impression que j'ai eue, c'était "ah bon, c'est dégueulasse".
00:31 Mais vu que c'est tellement rare d'avoir des propriétaires
00:33 qui ne demandent pas de documents, j'étais là "ok".
00:36 Et vu que j'étais en études d'architecture d'intérieur,
00:38 je me suis dit "en fait, c'est un peu dommage, ça a du potentiel.
00:41 Il faudrait un peu rafraîchir tout ça".
00:43 Parfois, j'avais honte que mes amis viennent
00:44 et ils faisaient souvent des commentaires "mais c'est quoi ce squat ?"
00:47 Je me suis dit "je vais repeindre ma chambre en me blanquant".
00:49 Les propriétaires ont vu qu'en très peu de temps,
00:51 je pouvais créer des merveilles.
00:52 Ils se sont dit "en fait, pourquoi pas faire appliquer ça
00:55 Et moi, qui n'avais pas trop d'argent et qui étais en même temps étudiant,
00:58 je me suis dit "en fait, c'est un super bon deal".
00:59 Plus je travaillais, plus j'avais des restaurants sur le loyer.
01:01 C'est comme ça que l'emprise a commencé.
01:03 Je suis devenu un peu quelqu'un qui est à disposition tout le temps.
01:07 Je suis rentré, sans le vouloir, sans le savoir, dans une dette complexe.
01:10 Je me suis mis dans une position, petit à petit, de domestique.
01:14 Je ne m'en rendais pas compte.
01:14 Ils ont complètement normalisé le fait qu'avec une simple spatule et du plâtre,
01:18 je retape un mur qui fait 4,50 m de haut.
01:20 À la fin, c'était "c'est mal fait, t'aurais dû faire comme ça".
01:22 Derrière, je n'avais aucun financement.
01:23 Ça s'est étalé sur tellement de temps, les gens appelaient ça le "petit palais".
01:26 Je suis resté vraiment 5 années complètes dans l'appartement.
01:29 Ça a commencé comme ça, petit à petit, je me suis enfermé,
01:33 comme dans une prison dorée.
01:34 Au début, c'était vraiment une colocation classique,
01:37 avec des petites chamailleries de coloc,
01:38 t'as pas fait de ménage, il manque du PQ.
01:40 Et au fur et à mesure, des semaines, des mois,
01:43 j'ai tissé des liens avec un des colocataires.
01:45 Et une amitié a commencé à naître de cette colocation.
01:48 C'était un peu la personne que je voyais le plus souvent.
01:50 Ses parents étaient propriétaires de lieu, et lui, il vivait dans l'appart.
01:53 Quelque part, c'était un peu le représentant des propriétaires.
01:55 Cette personne a commencé à un peu dénigrer mon entourage,
01:58 en me disant "tu perds ton temps avec ces gens-là, ils vont rien t'apporter".
02:01 Ça a commencé avec des conseils.
02:02 Et c'est des gens que cette personne considérait comme des gens faibles.
02:05 Et c'est là où le mot "faible" a commencé à rentrer de plus en plus dans ma tête.
02:09 Petit à petit, avec le temps, c'est devenu mon unique repère.
02:11 Cette personne avait toujours raison.
02:13 La torture que j'ai vécue, elle était d'ordre psychologique,
02:16 c'était pas des insultes, ou des mots, ou des coups.
02:18 Petit à petit, j'ai commencé à m'éteindre.
02:20 Cette personne, en fait, ce qu'elle fait,
02:23 c'est qu'elle prend à peu près tout ce que vous avez de positif,
02:26 elle l'aspire, vous êtes complètement vidés de votre personnalité.
02:30 Cette personne avait une telle emprise durant cette période Covid sur moi,
02:33 vu que financièrement, j'étais à sec,
02:35 qu'en fait, elle pouvait me faire accepter des choses qu'on n'accepte jamais.
02:40 Imaginez, vous êtes vraiment accro au crack,
02:42 et on vous enlève le crack, vous pétez un câble.
02:44 J'en parlais à mes amis, mais en fait, qui eux me disaient tout le temps
02:46 "Pars de là-bas, je peux pas partir, vous comprenez pas ou quoi ?"
02:50 Je suis bloqué ici, en fait.
02:52 Pendant des années, ça a duré, je me suis constamment remis en question,
02:55 et pourtant, j'étais quand même encore entouré,
02:57 et personne ne voyait ça, en fait.
02:59 C'est indescriptible.
03:00 On vous parle, vous écoutez pas.
03:02 Il y a eu vraiment deux ans, un peu, où ça a été l'apothéose,
03:05 où je suis quasiment incapable de vous dire ce que j'ai pu faire.
03:08 Pour chaque décision que je devais prendre dans ma vie,
03:10 je devais avoir l'accord du pervers.
03:12 Et si j'avais pas l'accord, je remettais tout en question complètement.
03:15 Donc, par exemple, pour prouver que je suis quelqu'un de fort et de respectable,
03:19 il fallait que je sois sportif, comme le pervers l'était.
03:22 Un matin, en fait, il m'avait prévu un programme de sportif de haut niveau,
03:25 et j'ai dû courir 10 km dans Bruxelles,
03:28 alors que j'ai jamais fait ça, sans entraînement, sans échauffement.
03:30 Du coup, le fait que j'ai pas réussi à faire le même circuit que le pervers,
03:34 ça a été un élément qui a permis de, encore plus, me rabaisser, me descendre.
03:39 Par exemple, aussi, vu que j'étais dans une relation un peu de dette complexe,
03:42 c'est que le pervers se permettait de prendre des objets dans ma chambre
03:46 qu'il s'appropriait.
03:47 De toute façon, tu me dois de l'argent, donc je vais te prendre une lampe ou un meuble,
03:51 et c'est à moi.
03:52 Je suis complètement devenu un samerci.
03:53 Parce qu'à la fin, j'étais vraiment conchita.
03:56 C'est juste un mec qui est là, qui fait les trucs,
03:58 et qui doit payer sa dette, et après, ciao.
04:00 D'abord, tu payes tout ce que tu nous dois, et tu pars ensuite.
04:03 C'est comme si, petit à petit, il a aspiré mon âme,
04:06 et qu'à la fin, il contrôlait totalement mon cerveau.
04:09 J'en me suis rendu compte plus tard, beaucoup plus tard.
04:11 Mais à la fin, j'étais hyper codépendant, en fait.
04:14 Je me suis dit, je vais quand même aller voir un psy.
04:16 Instantanément, ma cerne est...
04:17 Le psy a commencé à me parler de codépendance, d'empathie.
04:21 C'est lui qui a mis les mots dessus.
04:22 Il a commencé à parler, à dire que j'étais hypersensible,
04:25 que j'avais beaucoup d'empathie,
04:26 et que j'étais, du coup, une proie idéale pour le pervers,
04:29 qui voit très bien ça, et voit toutes les opportunités qu'il peut avoir.
04:32 J'ai mis vraiment très longtemps à faire le lien de ce que j'ai vécu avec le pervers.
04:37 Un matin, je me réveille, et j'apprends en nouvelle
04:39 qu'un séisme meurtrier a eu lieu en Turquie,
04:42 là où j'ai ma famille natale.
04:45 À aucun moment, je n'ai reçu ne serait-ce qu'un seul message.
04:48 C'est comme si mon repère ultime
04:49 m'avait abandonné à un moment le plus trash de toute ma vie.
04:52 Et c'est là où j'ai eu le déclic.
04:54 Je me suis regardé dans le miroir, et je me suis dit, là, ce n'est pas un pote, en fait.
04:57 C'est là où j'ai admis, et que j'ai compris enfin ce que le psy m'expliquait,
05:01 plus d'un an plus tard, que j'avais été victime d'un pervers narcissique.
05:04 J'ai pris une valise, et je suis parti de Bruxelles, comme ça, sur un claquement de doigts.
05:07 J'ai mis de côté ma carrière, ma santé, mes amis,
05:10 tout ça pour rendre service à quelqu'un qui m'a exploité jusqu'à la moelle osseuse.
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