• l’année dernière
La chine dispose d’une flotte plus importante que celle de la Navy américaine et depuis son accession au pouvoir en 2012, Xi Jinping n’a cessé de marteler les ambitions de son pays : devenir la 1ère puissance mondiale.
Mais alors comment s’illustre cette stratégie de conquête de Pékin ? Son voisin Taïwan est-il un verrou à cette politique expansionniste chinoise ? Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat.


Avec : 
Alain Richard : Sénateur RDPI du Val-d’Oise


Camille Chen : Rédactrice en chef du service français de Mandarin TV


Alain Wang : Sinologue - Enseignant à Centrale Paris


Marc Julienne : Chercheur à l’IFRI (Institut Français des Relations Internationales)

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Transcription
00:00 Asie-Pacifique, la nouvelle poudrière signée Anne Lussawan qui, disons-le, tire à boulet rouge sur la Chine de Xi Jinping.
00:07 Pékin, serait-il prêt à sacrifier la paix mondiale pour atteindre son but à peine caché de devenir le leader du monde en 2049 ?
00:15 C'est l'une des questions de notre débat ce soir. Avec nous pour en parler Alain Richard, bienvenue.
00:19 Vous êtes vice-président du Sénat, sénateur RDPI du Val-d'Oise, président du groupe d'échange et d'études Sénat Taïwan
00:26 et ancien ministre de la Défense entre 1997 et 2002. Camille Chen, bienvenue à vous également.
00:32 Vous êtes journaliste, rédactrice en chef de Mandarin TV qui est la seule chaîne de télévision franco-chinoise de France.
00:38 Alain Wang, bienvenue à vous. Vous êtes sinologue, vous enseignez à Central Paris, vous êtes le co-auteur de l'ouvrage collectif
00:44 "Le dossier chinois, portrait d'un pays au bord de l'abîme" aux éditions du ChercheMidi.
00:49 Et Marc Julien est également avec nous, bienvenue. Vous êtes chercheur à l'IFRI, Institut français des relations internationales,
00:54 responsable des activités chines au centre Asie. Vos travaux portent essentiellement sur la politique étrangère et de sécurité de la Chine.
01:01 Merci à tous les quatre d'être ici. Interrogeons-nous sur les thèses de ce film que l'on vient de voir,
01:08 notamment au sujet des ambitions de la Chine en mer de Chine du Sud. Camille Chen, la Chine considère-t-elle
01:16 que toutes les îles de la mer de Chine méridionale sont à elle ? Est-ce que Pékin veut, oui ou non,
01:21 reconquérir la mer de Chine méridionale ?
01:25 Avant de répondre à cette question, je vous remercie de m'avoir invitée à cette interview.
01:30 Le message que je vous fais passer avant tout, c'est qu'il est vrai que je suis rédactrice en chef du service français de Mandarin TV.
01:39 Cela étant, l'opinion que je vais exprimer tout au long de cette interview ne représente que ma propre opinion.
01:46 Donc ça n'engage pas du tout à la chaîne Mandarin TV.
01:50 Ni le régime chinois.
01:51 Moi, je pense que Pékin veut surtout réaffirmer son droit sur l'appartenance d'un certain nombre d'îles de la mer de Chine méridionale,
02:04 on va dire, à la Chine. Voilà. Et d'ailleurs, dans ce documentaire, on l'a bien vu, moi, j'ai noté qu'à un moment donné,
02:12 un commentaire dit ceci. En 1974, les îles Paracel sont occupées, depuis 1974, les îles Paracel sont occupées par les Chinois.
02:27 En fait, le terme "occupées" pose problème.
02:32 On l'a bien compris, je l'ai dit dès l'introduction, c'est un film qui tire à boulet rouge sur la politique de Xi Jinping.
02:40 C'est très clair là-dessus. La question maintenant est de savoir si la thèse de ce documentaire est juste ou un peu injuste.
02:47 Alain Richard, est-ce que, oui ou non, ces îles dites sous influence américaine sont vécues comme une humiliation par Pékin
02:54 et Pékin veut les récupérer ?
02:55 L'humiliation, tout ça, c'est du propos politique, c'est de la déclaration.
02:59 Mais en droit, ces îles relèvent de la souveraineté d'autres nations, riveraines de la mer de Chine du Sud,
03:09 et le document, le film est parfaitement exact, objectif sur les actes de violence
03:18 s'apparentant à des actes d'hostilité armée qui ont été opérés à plusieurs reprises pour prendre le contrôle physique de ces îles.
03:30 Parce qu'effectivement, dans le film, on parle d'infiltration des pêcheurs avec des miliciens,
03:34 de collisions volontaires en mer, d'intimidation, de provocation, d'une surpêche qui appauvrit les îles voisines volontairement.
03:41 Est-ce que tout cela est factuellement vrai, Marc Julien ?
03:44 Oui, c'est vrai. Donc le documentaire le montre bien puisqu'on le voit aux images.
03:47 Je vais poursuivre dans la ligne juridique initiée par monsieur le sénateur.
03:50 Effectivement, il y a le droit international de la mer, la Convention de Montégobay qui explique à qui appartient les différentes zones maritimes.
03:59 La Chine qui a ratifié ce traité international considère que ce traité ne s'applique pas pour la mer de Chine méridionale
04:06 puisqu'elle a des droits historiques, c'est comme ça qu'elle le dit, même si les droits historiques n'existent pas dans le traité de Montégobay.
04:15 Et donc on considère que l'ensemble de cette mer, pour certains documents, certaines cartes d'il y a plusieurs siècles, lui revient entièrement.
04:24 Et donc elle a des niveaux de pression sur les pays riverains et sur les pêcheurs, les gardes-côtes des pays riverains
04:31 avec différents niveaux de pression, à différents niveaux de seuil, que ce soit avec la marine chinoise, que ce soit avec les gardes-côtes.
04:38 Mais donc la Chine fait pression à différents niveaux, à un niveau militaire, à un niveau des gardes-côtes qui aujourd'hui sont militarisées.
04:43 C'est quelque chose de nouveau depuis 2018. Maintenant les gardes-côtes ne sont plus une institution civile
04:49 mais qu'ils sont directement sous la chaîne hiérarchique de la commission militaire centrale, donc l'organe suprême de l'armée populaire de libération.
04:56 Et même à un niveau qu'on pourrait appeler de zone grise où en fait des pêcheurs appartiennent à ce qu'on appelle la milice maritime,
05:03 enfin on l'appelle, c'est son titre officiel, c'est une organisation officielle.
05:07 Et donc des bateaux de pêche peuvent agir au nom et sur ordre du gouvernement et donc de l'armée.
05:14 Ce qui m'amène à cette question Alain Hwang, est-ce que la Chine est en train de mettre en place ou a déjà mis en place une stratégie d'annexion qui ne dit pas son nom ?
05:22 On peut dire qu'elle est déjà en place l'annexion puisque sur la plupart des îles ils ont construit déjà des pistes d'atterrissage,
05:28 des stations météorologiques, il y a des présences de l'armée populaire de libération en tant que telle.
05:32 Donc je pense que là sur ce plan là il n'y a aucune question.
05:35 D'ailleurs la comparaison, souvent on compare beaucoup avec l'Ukraine en ce moment,
05:38 il faut regarder la surface de l'Ukraine comparée à la surface de la mer de Chine méridionale aujourd'hui.
05:43 L'Ukraine c'est tout petit.
05:44 Donc là aussi c'est aussi intéressant de voir que la communauté internationale pour le moment agit peu.
05:49 Bon la Chine a été condamnée en 2016.
05:50 On y viendra à la réaction internationale, mais pour vous ce documentaire vise juste, dit juste ?
05:54 Oui, oui, moi je pense que pour la plupart de ce qui est dit c'est juste.
05:58 Et pourtant Camille Chen est offusquée quand elle entend ces mots "occupé".
06:02 Ce n'est pas "offusqué", je voudrais juste montrer un point de vue qui est différent justement.
06:07 Oui, et on est là pour l'entendre absolument.
06:09 On est là justement pour entendre mon point de vue aussi, parce que ce document-là n'a pu pas assez justement,
06:14 ne s'appuie pas assez sur les droits historiques.
06:17 Ils existent donc il faut les exprimer, même si pour vous c'est plutôt l'aspect juridique qui prime.
06:23 Il faut aussi que les médias français, je pense que les médias français n'en parlent pas assez,
06:27 donc je suis là pour faire entendre un autre son de cloche.
06:31 Voilà donc selon les documents historiques en chinois, déjà sous la dynastie des Han de l'Est,
06:37 eh bien un haut fonctionnaire chinois du nom de Yang Fu,
06:42 il a écrit un livre sur justement les activités humaines menées par des Chinois de là-bas.
06:49 Voilà et donc il a même écrit que la mer de Chine c'est une mer peu profonde,
06:55 mais néanmoins avec beaucoup d'îlots et d'îles.
06:58 Voilà ça c'est la première chose.
06:59 Deuxième chose, sous la dynastie des Song déjà, surtout sous la dynastie des Tang et des Song,
07:05 les activités humaines menées par des pêcheurs chinois étaient nombreuses.
07:10 Et d'ailleurs selon un autre livre de géographie, écrit par un autre haut fonctionnaire de la cour impériale,
07:18 eh bien à l'époque donc la mer de Chine méridionale était placée sous l'administration de la province du Hainan.
07:28 Je cite encore d'autres exemples plus proches de nous.
07:31 Donc selon la déclaration du caire signée entre la république de Chine, la Grande-Bretagne et les États-Unis en 1943,
07:44 il est écrit qu'après la seconde guerre mondiale,
07:48 le Japon doit restituer à la Chine tous les territoires qu'il avait pris de façon illégale.
07:54 Donc y compris la mer de Chine méridionale, notamment les îles Paracel, les îles Pratlet, Taïwan
08:03 et aussi les quatre provinces de la Chine du Nord-Est.
08:07 – Camille Cheyne nous oppose des arguments historiques,
08:10 avec des documents historiques versus des documents juridiques actuels.
08:13 Est-ce que c'est un argument qui… oui ?
08:15 – Alors les rannes de l'Est c'est avant l'an zéro,
08:20 donc là aussi on va dire le monde a beaucoup bougé.
08:22 – Donc ça ne compte pas.
08:23 – Oui, donc les prétentions territoriales des uns et des autres depuis,
08:25 ça a quand même beaucoup évolué dans toutes les parties du monde,
08:28 donc il faut quand même faire attention.
08:29 Et puis ensuite si vous prenez le Vietnam,
08:32 les Vietnamiens ont aussi sorti des cartes, ont aussi sorti des documents
08:36 qui peuvent montrer qu'ils étaient avant les Chinois dans les îles Paracel ou ailleurs.
08:40 Donc on est dans un débat historique qui est très compliqué.
08:45 De toute façon personne ne s'est mis véritablement autour d'une table
08:47 pour en discuter d'une manière, sur le point international.
08:50 Donc il faudrait peut-être aussi, peut-être…
08:51 alors tout le monde peut avoir des prétentions, je dirais,
08:53 sur pas mal d'îles dans cette zone-là.
08:55 Les Philippines aussi, ils sont tout proches de certaines îles
08:58 qu'aujourd'hui les Chinois occupent.
08:59 Donc ce n'est pas si simple que ça.
09:01 Je veux dire, là, Chine ne peut pas prétendre soudainement
09:03 d'être, je veux dire, la propriétaire de toutes ces îles, ce n'est pas possible.
09:07 – Alors Richard, sur ce point ?
09:08 – Les choses ont été dites par la Cour internationale de justice,
09:12 qui a écarté formellement ces prétentions du régime de Pékin.
09:19 Et si on veut aller chercher les précédents historiques,
09:22 moi je pourrais aussi expliquer que la France est justifiée
09:26 à réclamer la souveraineté sur Terre-Neuve,
09:29 parce que nous y avons eu des établissements au XVe siècle,
09:32 ou sur la Lombardie, parce qu'évidemment,
09:34 la France a pris possession de Milan de façon tout à fait prestigieuse
09:38 et admirée par Saint-Dal en 1796.
09:41 Nous sommes heureusement dans un système de droit international
09:45 dans lequel la conquête physique ou l'invocation de conquêtes très anciennes
09:51 n'est plus reconnue.
09:52 – Et pourtant, face à ce que le documentaire appelle des intimidations,
09:56 il n'y a pas vraiment de réaction internationale
09:58 et encore moins de réaction américaine.
10:00 Pourquoi ? Avant de vous poser la question,
10:01 je voudrais que l'on réécoute le point de vue du vice-amiral français
10:05 qui est interrogé dans le film.
10:06 C'est très court, mais c'est très clair.
10:08 – La Chine crée l'asymétrie des enjeux.
10:11 Est-ce qu'on a vraiment envie de déclencher une guerre avec la Chine
10:14 pour un îlot des Spratleys ? Objectivement, non.
10:17 [Musique]
10:19 – Marc, Julien, est-ce que c'est aussi simple que ça ?
10:21 Personne ne veut répondre parce que ça concerne des petits bouts de territoire,
10:24 c'est un peu comme ça que ça fonctionne ?
10:26 – Oui, il y a plusieurs éléments.
10:27 Il y a effectivement, ce que dit l'amiral,
10:29 c'est que ce sont des îlots, parfois même des récifs.
10:32 Et donc, la Chine en plus, c'est une stratégie de zone grise,
10:36 c'est-à-dire qu'elle n'y va pas avec des bâtiments de guerre
10:38 en faisant un blocus autour d'un récif et en disant "c'est à moi",
10:41 elle va envoyer des pêcheurs, comme vous le disiez,
10:43 qui font partie de la milice maritime, etc.
10:45 Donc c'est difficile, les Américains, et c'est très bien expliqué
10:47 dans le documentaire, ne vont pas envoyer des bateaux de guerre pour…
10:50 et d'ailleurs, les Américains ne sont pas les gendarmes
10:52 particulièrement de cette région, mais c'est la même chose
10:54 pour les Philippines, pour les Vietnamiens,
10:55 qui ne peuvent pas envoyer des bateaux de guerre
10:56 pour lutter contre des pêcheurs qui…
10:59 – Ils sont quand même partie prenante,
11:00 on parle d'une influence américaine dans cette région quand même.
11:03 – Et après, effectivement, c'est vrai que vu le niveau de tension
11:06 aujourd'hui entre la Chine, les États-Unis
11:08 et le niveau aussi de puissance militaire de la Chine,
11:11 effectivement, je crois qu'un récif comme celui de Scarborough,
11:15 aux Philippines, ou un îlot qui est submergé à marée haute,
11:18 ne doit pas provoquer une crise internationale.
11:22 On pourrait faire le même raisonnement à l'égard de Hong Kong,
11:23 finalement, la répression des mouvements antidémocratiques à Hong Kong
11:28 allait à l'encontre du droit international,
11:31 à l'encontre de la déclaration sino-britannique de 1984,
11:34 et pourtant, les puissances étrangères,
11:36 quelles qu'elles soient, n'ont pas vraiment réagi,
11:38 puisque personne ne conteste le fait que Hong Kong
11:42 appartienne à la République Populaire de Chine depuis 1997,
11:44 il n'y a aucun débat là-dessus,
11:45 mais par contre, le fait que la Chine ait violé ce traité international,
11:50 il n'y a pas eu de réaction particulière.
11:53 Taïwan est un autre enjeu,
11:55 et je crois que c'est vraiment le cœur du sujet,
11:57 pour le coup, s'il y avait un conflit ou une offensive
12:00 de la part de la Chine sur Taïwan,
12:02 là, pour le coup, on serait dans un milieu très certain.
12:04 – Il y aurait réaction. Cette non-réaction, pour l'instant,
12:06 elle vous surprend, comment vous voulez l'expliquer ?
12:08 C'est de la négligence ? C'est quoi de la part des États-Unis ?
12:11 Ils sous-estiment le problème à la monde ?
12:14 – Les États-Unis ne sous-estiment pas le problème,
12:16 de toute façon, ils ont quand même pas mal de bases militaires dans la région,
12:19 donc les premiers à impacter, ce sera certainement eux.
12:22 Ils ne le sous-estiment pas non plus,
12:24 dans le sens où la flotte américaine passe assez régulièrement dans la zone
12:27 pour démontrer justement que toute cette mer de Chine méridionale,
12:31 où il faut parler aussi de celle qui est orientale,
12:34 n'est pas possession chinoise.
12:36 Donc, je veux dire, les Américains bougent, ils sont très présents,
12:39 et d'ailleurs, pendant un certain temps,
12:42 je ne sais plus si c'était Obama ou Trump,
12:45 voulaient que l'OTAN change son pivot de l'Atlantique
12:48 pour le paser dans le Pacifique.
12:49 Donc, ça veut dire que véritablement, pour eux,
12:51 la menace chinoise dans cette région du monde,
12:53 elle est forte et elle est en train de monter, ça c'est clair.
12:56 – Camille Chêne, comment vous la voyez-vous,
12:57 cette réaction occidentale ou cette non-réaction,
13:00 selon les points de vue notamment des États-Unis,
13:02 par rapport à l'incident d'Oscar Borre,
13:04 par exemple, dont on parle beaucoup dans le film ?
13:05 – Alors, vous parlez de la non-réaction américaine,
13:08 moi je pense plutôt que les Américains réagissent,
13:11 ils ont déjà réagi, mais pas de façon manifeste,
13:14 justement pour ne pas s'attirer les foudres de Pékin.
13:17 – Alain Richard, j'aimerais vous entendre sur la réaction,
13:19 ou la non-réaction des États-Unis.
13:21 Il a été reproché aux Américains de peu réagir,
13:24 ou de ne pas réagir du tout.
13:26 Camille Chêne nous dit, si, si, les Américains,
13:27 ils réagissent, mais pas de façon manifeste.
13:29 – Je ne suis pas le meilleur porte-parole,
13:33 mais les États-Unis prennent des mesures de prévention,
13:38 ou de précaution, par rapport à une situation d'ensemble,
13:42 où ils considèrent que le comportement
13:45 de la République populaire de Chine est un danger pour les tiers.
13:49 Et c'est encore plus vrai sur le plan économique,
13:53 que sur le plan des activités militaires ou paramilitaires.
13:57 Donc les États-Unis, et beaucoup de pays démocratiques européens
14:03 partagent leur vision, considèrent que l'acquisition par la Chine
14:10 d'outils qui peuvent devenir des outils offensifs,
14:14 doit être empêchée, doit être freinée.
14:17 Et je rappelle que nous sommes, tous autant que nous sommes
14:20 en l'Union européenne, en situation d'embargo,
14:24 à l'encontre de la Chine, vis-à-vis de toute fourniture militaire
14:27 ou de fourniture susceptible d'être utilisée
14:31 pour des objectifs militaires, et que cet embargo,
14:33 et ça peut en témoigner très directement,
14:37 surveillé et appliqué avec énormément de vigilance
14:40 par nos autorités nationales.
14:42 – Arrêtons-nous, si vous le voulez bien, sur le cas de Taïwan,
14:45 qui est devenu le nœud du problème,
14:46 parce que cette petite démocratie résiste,
14:48 parce que sa population refuse d'être absorbée par le régime de Pékin.
14:52 Pour l'instant, cela ne dépasse pas le stade des provocations en mer
14:55 et dans les airs, mais le monde court-il un risque majeur
14:59 en n'intervenant pas tout de suite ?
15:01 C'est le point de vue du ministre des Affaires étrangères taïwanais
15:04 qui érige Taïwan en symbole, écoutez.
15:07 [Bruits de moteur]
15:10 – Si la Chine réussit à imposer son ordre autoritaire à Taïwan,
15:15 de la même manière qu'elle l'a fait à Hong Kong,
15:17 le monde démocratique tout entier subira une grande perte.
15:21 [Bruits de moteur]
15:23 – Si la communauté internationale ne s'y oppose pas,
15:30 la Chine pourrait répéter ce que l'Allemagne a fait
15:33 durant la Seconde Guerre mondiale.
15:35 [Bruits de moteur]
15:38 S'ils conquièrent Taïwan, ils pourraient aussi conquérir
15:42 d'autres parties de l'Asie, de l'Inde ou de la Russie.
15:46 C'est une situation très grave.
15:48 [Bruits de moteur]
15:50 – En disant ça, on est assez alarmé, est-ce qu'il va trop loin ?
15:52 Est-ce que ce qu'il dit est juste, Marc-Julien ?
15:55 – Alors les analogies historiques sont toujours peut-être un peu dangereuses
15:58 puisque c'est un épouvantable de comparer la Chine de Xi Jinping
16:02 à l'Allemagne nazie, mais effectivement, à partir du moment où,
16:08 encore une fois, on en revient au droit international,
16:10 à partir du moment où on laisse un État, quel qu'il soit,
16:13 franchir des lignes et reconquérir des territoires par la force
16:17 et non pas par le droit, ça laisse la porte ouverte à tout.
16:22 – Non mais ça laisse la possibilité, mais est-ce que oui ou non,
16:24 la Chine a ses intentions-là, c'est ça la question.
16:26 – Mais quelles intentions, c'est pas clair.
16:28 – D'envahir une zone bien plus grande que celle qui…
16:30 – D'envahir Taïwan, oui, le discours officiel est explicite.
16:34 – Mais beaucoup plus loin que ça, on parle d'un Japon qui se méfie,
16:37 d'une Australie qui se réarme, d'une Inde qui a peur aussi,
16:41 vous voyez, c'est beaucoup plus que la mer de Chine.
16:44 – Non, je ne parlais pas de mer de Chine mondiale,
16:46 mais oui de Taïwan, donc le risque est clair,
16:48 il est même explicite de la part des officiels chinois,
16:50 puisqu'ils disent que l'unification doit avoir lieu,
16:53 si possible par des moyens pacifiques, et s'il le faut, par la force.
16:56 Donc à ce moment-là, les choses sont claires,
16:59 et si c'est par la force, il y aura des morts dans une très grande envergure.
17:04 L'immense majorité de la population se reconnaît
17:07 et se revendique comme Taïwanais et non comme Chinois,
17:10 donc ça ne va pas se passer de manière simple et pacifique.
17:14 Ce que revendique, ce qu'appelle la communauté internationale,
17:17 une grande partie en tout cas des États de la communauté internationale,
17:19 en tout cas la France et l'Union européenne,
17:21 c'est qu'il n'y ait pas de changement du statu quo,
17:23 de manière unilatérale et par la force.
17:25 Le statu quo, c'est de dire qu'il ne doit pas y avoir
17:29 de revendication d'indépendance d'un côté,
17:31 il ne doit pas y avoir d'offensive militaire de l'autre,
17:33 donc de la Chine sur Taïwan.
17:35 Donc si ce statu quo change, effectivement,
17:37 il y aura des réactions très fortes, et si les pays se réarment aujourd'hui,
17:40 c'est que beaucoup de pays sont extrêmement préoccupés,
17:43 puisque l'impact, les conséquences d'une crise dans le détroit Taïwan
17:47 seraient mondiales, et ce serait même bien plus important
17:50 que le conflit ukrainien dans le sens de la remise en cause
17:53 de l'ordre international et la remise en cause des équilibres mondiaux.
17:56 Camille Chen, ça vous fait quoi d'entendre ce ministre
17:58 faire une comparaison entre l'Allemagne de Hitler
18:01 et la Chine de Xi Jinping ?
18:03 Alors, moi je pense que d'abord, la République populaire de Chine
18:09 a le droit, sur le plan juridique,
18:11 puisque vous parlez tous de faire valoir les droits juridiques,
18:15 je pense que la Chine a le droit quand même
18:18 de parler de réunification de Taïwan,
18:21 parce que Taïwan a toujours appartenu à la Chine,
18:24 que ce soit sous la République de Chine
18:27 ou sous la République populaire de Chine.
18:31 Ça a été, je vais dire, reconnu par la majorité
18:34 des pays membres des Nations unies.
18:37 Donc vous reprenez le mot "réunification" à votre compte ?
18:40 Vous êtes d'accord avec ça ?
18:41 Oui, oui, je le reprends clairement à mon compte, bien sûr.
18:44 C'est mon point de vue, parce que je pense que Taïwan
18:47 a toujours appartenu à la Chine.
18:50 Après, bien sûr, il fut un temps où la République populaire de Chine
18:56 réclamait le droit, la souveraineté sur l'île de Taïwan,
19:01 et de l'autre côté, ça veut dire que la République de Chine
19:04 réclamait la même chose.
19:05 La République de Chine pensait qu'elle devait faire valoir
19:10 sa souveraineté sur l'île de Taïwan.
19:12 Cela étant, depuis que Tsai Ing-wen a gagné les élections,
19:18 le discours a changé, c'est-à-dire l'indépendance de Taïwan.
19:24 Bien sûr, je pense que là-dessus, le gouvernement chinois
19:28 a tout à fait le droit de dire "là, vous êtes en train
19:30 de franchir la ligne rouge", puisque de toute façon,
19:33 la souveraineté de la République populaire de Chine
19:37 est reconnue par la majorité des pays membres des États-Unis,
19:42 y compris la France.
19:43 D'ailleurs, c'est écrit noir sur blanc dans le communiqué conjoint
19:48 publié en 1994, sous littérant, entre la France et la Chine.
19:54 Il est dit clairement que la partie française confirme,
19:59 je cite, donc presque mot pour mot, confirme l'appartenance
20:05 de Taïwan à la République populaire de Chine.
20:08 Par ailleurs, la France reconnaît que Taïwan est juste
20:12 une province chinoise. Dans ce cas-là, si vous continuez
20:15 à dire ici ou ailleurs que Taïwan n'appartient pas à la Chine,
20:20 dans ce cas-là, j'estime que vous êtes en opposition
20:23 avec la position du gouvernement français, non ?
20:27 Alors, on répond ?
20:29 Je pense qu'il y a un problème sous-jacent qui est très important.
20:32 On est face à deux régimes qui sont tout à fait différents.
20:35 On est face à un régime de plus en plus dictatorial
20:37 et de l'autre côté, une démocratie.
20:39 C'est quand même les 23 millions de Taïwanais qui ont porté
20:41 Mme Tsai Ing-wen au pouvoir. C'est-à-dire que ce n'est pas
20:43 être décidée d'en haut. Il y a eu deux fois des élections,
20:46 elle a été réélue. Ces Taïwanais, en grande majorité,
20:49 veulent rester dans un système démocratique et donc plus proche
20:52 de nos systèmes à nous.
20:54 Elle est notamment élue parce qu'elle a annoncé qu'elle résisterait.
20:57 Elle a annoncé qu'elle résisterait.
20:58 C'est notamment pour ça qu'elle a été élue.
20:59 Et il faut se souvenir que Ma Ying-chiu, qui était le président précédent,
21:01 il a perdu les élections parce que justement, il a eu des tendances
21:04 à se rapprocher un peu trop de la Chine, à laisser un peu trop la Chine
21:07 rentrer dans l'île et à avoir des influences dans plein de secteurs
21:11 de l'économie, mais aussi de l'enseignement et ailleurs.
21:13 Et donc, c'est pour ça qu'il y a eu une réaction des Taïwanais.
21:15 Les Taïwanais, comme les Hongkongais, malheureusement,
21:17 les Hongkongais, ça n'a pas fonctionné, ne veulent pas être
21:21 dans un régime sous le giron chinois, dans un régime dictatorial.
21:24 – Et sur l'une des questions centrales de notre débat aujourd'hui,
21:27 c'est est-ce qu'on court un risque majeur ?
21:29 Est-ce que la paix mondiale pourrait être perturbée par ce conflit,
21:34 par ce fil qui est brûlé ?
21:36 – Juste une petite chose que vous avez dit au début,
21:38 vous avez dit que nous n'avions pas de frontières.
21:39 Nous avons des frontières dans le Pacifique, avec ce sens prologue.
21:42 On a quand même la Nouvelle-Calédonie et quelques, comment dire,
21:45 possessions territoriales maritimes.
21:47 Donc attention, il est évident que si demain, il devait y avoir un conflit majeur,
21:52 évidemment, nous serions impactés.
21:54 Je ne vois pas comment on pourrait faire de ne pas venir au secours de l'Australie
21:57 s'il y avait des problèmes, ou de la Nouvelle-Zélande ou ailleurs.
22:00 – Mais est-ce que ce risque existe ou est-ce qu'il est fantasmé ?
22:02 – Ce risque monte, il n'est pas fantasmé.
22:05 Maintenant, il faut faire attention, il faut le surveiller,
22:07 c'est-à-dire il faut l'empêcher.
22:09 Mais on ne peut pas nier qu'en ce moment, évidemment,
22:11 la Chine prend de plus en plus d'importance,
22:13 qu'elle se présente comme la puissance mondiale des années 2050,
22:16 c'est la projection du président Xi Jinping.
22:19 Donc là, il faut quand même tenir compte de ça,
22:21 je dis, on ne peut pas non plus fermer les yeux.
22:23 – Alors Richard, ce film va très loin, on entend ce ministre faire une comparaison,
22:27 qu'on peut trouver d'ailleurs douteuse, entre l'Allemagne nazie et les intentions de Xi Jinping.
22:31 Est-ce que ça va trop loin ou est-ce qu'il y a ce danger réel,
22:33 disons-le, d'une troisième guerre mondiale qui partirait de là-bas ?
22:36 – Le terme même d'Asie pacifique, que personne n'a utilisé jusqu'à il y a 15 ou 20 ans,
22:45 dit simplement une chose, il y a une menace chinoise.
22:48 C'est la seule chose qui établit l'unité de cet ensemble géographique vague.
22:55 Et la question que nous avons devant nous est de savoir
22:58 si la Chine est un danger régional, évidemment d'une très grande région,
23:04 avec des enjeux économiques, humains, stratégiques majeurs,
23:10 mais si c'est une puissance agressive sur le plan régional,
23:13 ce qui me paraît aveuglant, évident, ou si c'est un danger mondial.
23:19 Donc ça c'est une question très concrète pour un certain nombre de pays que je connais
23:23 qui s'appelle l'Union européenne.
23:25 En revanche, dans la mesure où les États-Unis ont de longue date une présence
23:32 et une activité stratégique dans cette région Asie-Pacifique,
23:36 ils sont nettement plus en première ligne que nous.
23:39 Et sur la relation Chine-Taiwan, je dis Mme Ma est exacte, en droit.
23:46 Simplement, on est obligé d'aller un peu plus loin dans l'antériorité,
23:50 c'est-à-dire en 1949.
23:53 Tout ça est la fin, l'épilogue d'une guerre civile.
23:58 Le pouvoir actuel de Pékin s'est établi par la force,
24:03 sans aucune consultation populaire à aucun moment,
24:07 sans aucun pluralisme politique,
24:10 et continue à exercer le pouvoir exclusivement par la force.
24:16 L'autre parti minoritaire du territoire chinois engagé dans cette guerre civile,
24:22 qui a d'ailleurs fait preuve de qualité démocratique extrêmement faible pendant 40 ans,
24:28 puisque la dictature de Chiang était aussi impérative, aussi violente,
24:34 que celle de Mao Zedong.
24:36 Mais c'est devenu une démocratie.
24:39 Et donc, ça pose tout de même une question nouvelle,
24:42 qui est de savoir si au terme d'un conflit civil de ce genre,
24:46 la communauté internationale laisse faire la volonté explicite de la Chine
24:53 de recouvrer par la force une souveraineté qu'elle a rarement exercée en réalité.
24:59 Sur Taïwan, aussi, on cherche à s'y opposer.
25:03 Vous voulez répondre ?
25:04 Moi, je n'ai pas du tout la même vision que vous sur la menace chinoise.
25:08 D'abord, je pense que la menace chinoise, je pense,
25:12 c'est un message véhiculé par un certain nombre de pays, Etats-Unis en tête.
25:17 Moi, je pense que parler de la menace chinoise,
25:20 c'est pas du tout pertinent dans la mesure où la Chine,
25:25 pour moi, a toujours été un pays pacifique,
25:29 et d'ailleurs, différentes guerres coloniales durant le 19e siècle,
25:35 même si pour vous, c'est un lieu commun, il faut quand même le dire,
25:38 la Chine n'a jamais envahi un seul pays.
25:41 Elle n'a fait que se défendre.
25:43 Elle a reçu quand même.
25:44 Elle n'a fait que se défendre.
25:45 79, le Vietnam, enfin, saisiez, quand même.
25:47 Le Vietnam est là, donc quand même un témoignage.
25:50 Je vais vous dire pourquoi.
25:51 Et puis dans les années 50, il faut parler quand même du Tibet et de Sintiang.
25:54 Ah, je regrette.
25:55 Moi, je suis seule contre trois avis qui sont différents du mien,
26:00 mais j'ai quand même le droit de le dire.
26:02 Quand vous dites que oui, en 1974, la Chine, vous utilisez le terme envahir, c'est ça ?
26:09 Mais puisque d'après tous les documents historiques,
26:12 la Chine considère que les îles Paracel lui appartiennent.
26:18 Donc, justement, elle a réagi en légitime défense.
26:23 Non, la menace ne vient pas de la Chine.
26:26 La menace vient des États-Unis.
26:28 D'ailleurs, quand vous prenez la carte d'Asie-Pacifique,
26:31 vous verrez que les États-Unis ont installé partout des bases militaires.
26:35 Et les États-Unis, c'est le pays qui possède le plus grand nombre de bases militaires dans le monde.
26:41 Combien ? Près de 800.
26:43 La Chine en a combien ?
26:45 Les Chinois ?
26:46 Les Chinois, voilà.
26:47 Donc, je pense qu'il faut quand même…
26:48 Ils sont tous appuyés sur un accord.
26:50 Voilà, je pense qu'il faudrait rééquilibrer les choses.
26:54 Et c'est tout l'intérêt de votre présence sur ce plateau.
26:56 Parce que ce film-là a un fort, on va dire, parti de prix.
27:00 Un vrai parti de prix.
27:02 Et les Chinois, dans tout ça, est-ce qu'ils sont derrière leur chef ?
27:04 Sont-ils en phase avec la stratégie de Pékin ?
27:06 Le film nous montre deux types de réactions.
27:08 Il y a ceux qui brûlent les symboles américains,
27:11 se détournent des influences occidentales,
27:13 et on le voit en image dans le film,
27:15 ils se sentent humiliés,
27:16 ils développent une véritable aversion pour nos démocraties.
27:19 Et puis, il y a ceux qui commencent à douter de la stratégie
27:22 et qui craignent l'isolement international.
27:25 C'est précisé à la fin du film, écoutez.
27:27 Au sein du Parti communiste,
27:30 il y a beaucoup de mécontentement sur le fait que Xi Jinping
27:33 soit vraiment allé trop loin.
27:36 Il y a un tel retour de bâton sur la Chine
27:39 qu'ils s'inquiètent que cela puisse affaiblir la légitimité du parti,
27:43 en Chine même.
27:45 De la même manière que le parti a perdu légitimité et soutien
27:48 sur le plan international.
27:51 De nombreux Chinois pensent que la Chine
27:55 ne devrait pas se replier sur elle-même,
27:57 qu'elle ne devrait pas entrer en conflit avec le reste du monde,
28:01 que ses choix l'amèneront à une situation sans issue.
28:06 L'histoire chinoise est tellement claire,
28:10 sous Mao, l'autarcie n'a mené à rien.
28:14 C'est un point important parce que c'est de là
28:17 que pourraient venir des pistes d'avenir de la population chinoise.
28:20 Est-ce qu'on se met à douter en Chine, Alain Ouang ?
28:22 Oui, certainement.
28:24 De toute façon, la montée en puissance de Xi Jinping,
28:27 elle ne s'est pas plus faite dans la douceur.
28:30 On a vu à la fin de la politique de zéro Covid,
28:34 l'ensemble des jeunes descendent dans la rue
28:36 manifester leur mécontentement,
28:38 et pas simplement sur le zéro Covid,
28:40 aussi sur la prise de pouvoir de Xi Jinping.
28:43 Ça a été un tournant le Covid, ça a réveillé peut-être les consciences ?
28:46 Oui, parce que je crois que la politique de zéro Covid,
28:48 qui a été violente quand même vis-à-vis de la population,
28:50 a réveillé pas mal de monde sur, véritablement, cette fois-ci,
28:53 une impression d'être dans une dictature
28:55 de plus en plus forte et de plus en plus difficile à vivre.
28:58 Donc là, il y a eu vraiment des réactions,
29:00 mais il y a eu des réactions, je dirais, des étudiants aussi.
29:02 Moi, je suis dans une école qui s'appelle Centrale Supélec.
29:04 Mes étudiants ont manifesté contre, justement,
29:07 la politique de Xi Jinping à la fin du Covid zéro.
29:10 Donc, je veux dire, il n'y a pas que les étudiants, je suis d'accord.
29:14 Beaucoup de gens sont très mécontents de la ligne qui est suivie en ce moment
29:20 et qui mène la Chine dans une situation, peut-être, d'opposition au monde entier.
29:25 Parce que c'est ce qu'on a l'impression aujourd'hui,
29:27 c'est que quand on fait des sondages dans plein de pays du monde,
29:29 la Chine est véritablement mal ressentie.
29:32 Et ça, c'est mal vécu par les Chinois, vous êtes d'accord ?
29:34 Il semblerait. La sortie de la politique zéro Covid,
29:37 il semble, a été provoquée justement par ces manifestations.
29:41 Ce sont certes les étudiants, mais aussi les ouvriers,
29:43 aussi les citadins dans différentes dizaines de villes à travers la Chine.
29:48 Il y a un autre exemple ces dernières semaines,
29:50 c'est les retraités qui descendent dans les rues dans beaucoup de villes de Chine
29:55 puisque leurs retraites, leurs pensions ont été coupées, pour certains, jusqu'à 60%.
30:00 Et donc, ils descendent dans la rue devant les mairies
30:04 ou les gouvernements locaux, justement, pour réclamer et protester contre cette injustice.
30:10 Et ça pourrait isoler Xi Jinping ?
30:12 Ça pourrait avoir des effets ou ce sont juste des mécontentements de populations
30:16 qui ne déboucheront sur pas grand-chose ?
30:17 C'est certainement une pression sur le pouvoir, sur le Parti communiste.
30:19 On l'a vu avec la sortie de zéro Covid, je pense que c'est ces manifestations
30:22 qui ont conduit le gouvernement à lever la politique de zéro Covid.
30:26 Maintenant, on l'a vu avec, particulièrement, le 20e congrès du Parti communiste
30:31 et puis l'Assemblée nationale populaire la semaine dernière,
30:34 que Xi Jinping, aujourd'hui, est très puissant, pour ne pas dire tout puissant.
30:38 Donc, c'est sa grande force, aujourd'hui, c'est sa capacité,
30:41 il a mis 10 ans à l'imposer, c'est d'avoir verrouillé, sécurisé le pouvoir
30:47 et d'avoir renforcé l'appareil de sécurité, qu'il contrôle absolument.
30:51 Il n'est pas remis en question en interne, au sein du Parti, comme on l'entend dans le film.
30:54 C'est-à-dire qu'il a les leviers pour verrouiller le Parti,
30:58 mais aussi le pouvoir et la société. Maintenant, voilà, tout est possible.
31:02 Il a une arme qu'il a utilisée depuis 2012, c'est la campagne contre la corruption,
31:06 qui lui a permis d'éliminer un certain nombre de dirigeants qui lui étaient opposés.
31:10 Et la campagne contre la corruption, qui, généralement, dure un an, deux ans,
31:13 à la prise du pouvoir d'un président ou d'un secrétaire général,
31:16 elle dure maintenant depuis qu'il est arrivé, depuis 2012.
31:19 Donc, c'est long. Et il a continué dans la finance, par exemple,
31:22 à arrêter pas mal de monde juste avant le congrès.
31:25 Donc, il a cette arme-là et, évidemment, je pense que ce qui peut le remettre en question profondément,
31:31 c'est que s'il n'arrive pas à redémarrer l'économie chinoise,
31:34 c'est-à-dire que l'année dernière, la croissance était de 3%, éventuellement 5% cette année,
31:38 c'est ce qui est projeté par le parti, s'il n'arrive pas à redémarrer,
31:41 évidemment, il casse, je dirais, un contrat qui était un peu tacite depuis 1989
31:45 entre la population chinoise et son pouvoir, c'est-à-dire,
31:48 la croissance économique, vous ne vous occupez pas de politique,
31:51 on va vous apporter la richesse, la prospérité.
31:53 Et cette fois-ci, si la richesse et la prospérité s'écroulent, il n'y a plus rien.
31:57 - Camille Chen et ensuite Alain Richard pour conclure.
32:00 - Voilà, donc, on a bien vu, il est vrai qu'il y a eu des protestations contre le pouvoir
32:07 parce que la politique zéro Covid a été appliquée de façon très stricte,
32:14 mais je ne pense pas que ce soit l'intention initiale du gouvernement chinois
32:18 de, on va dire, d'enfermer la population.
32:24 Pourquoi ? Parce qu'on l'a dit à maintes reprises, ce n'est pas moi qui l'invente,
32:28 en Chine, on va dire, le pourcentage de vaccination était assez faible,
32:35 et surtout, on a un système médical qui n'est pas celui de la France,
32:42 en Chine, on a un nombre de lits en soins intensifs très très faibles,
32:46 donc le gouvernement chinois a dû décider de laisser la population rester chez elle,
32:52 pour ne pas justement encombrer ce système qui était déjà, on va dire...
32:58 - Est-ce que ces mécontentements affaiblissent le pouvoir, selon vous ?
33:01 - Alors, ce mécontentement, je pense que vous, vous aimez bien,
33:05 je trouve que dans les médias français, on aimait bien opposer les choses,
33:10 le bien et le mal, voilà.
33:12 - Ici, on essaye de faire dans la nuance, justement.
33:14 - Oui, justement, on essaie de faire dans la nuance, c'est pas parce que la Chine,
33:18 c'est pas parce que dernièrement, il y a eu des manifestations,
33:22 que tout va mal en Chine, je pense que c'est comme le verre à moitié plein,
33:26 ou le verre à moitié vide.
33:28 - Alors, Richard ?
33:29 - Toute dictature a une opinion publique, et cette dictature-là,
33:33 qui est parmi les plus violentes, et avec un état policier extraordinairement développé,
33:38 extraordinairement intrusif, connaît assez bien son opinion publique,
33:42 et ça la conduit à des actions de prudence ou de rectification,
33:47 parce que ce qui est en jeu centralement,
33:50 et ça, ça va très loin dans l'histoire chinoise,
33:53 c'est le maintien au pouvoir du parti.
33:55 C'est l'objectif de tout.
33:57 Et donc, il y aura des troubles liés, des mécontentements liés à la situation économique,
34:04 et c'est la raison pour laquelle la manière d'avertir le pouvoir chinois
34:11 est d'aller de plus en plus vers une restriction de l'étendue des échanges,
34:15 et notamment dans les hautes technologies.
34:18 En disant, puisque vous vous comportez comme un état menaçant,
34:21 on va s'occuper de vous obliger à trouver votre propre développement
34:26 sans avoir accès aux technologies qui ont été trouvées par d'autres.
34:29 Mais là où les choses pourraient évoluer, et je rejoins exactement l'expression d'Allain Huang,
34:35 en fait, il y a un contrat implicite, le parti n'est contesté par personne,
34:40 malgré sa brutalité politique et l'absence totale de diversité d'opinion,
34:44 parce qu'il assure la prospérité et la stabilité d'un pays
34:48 qui a quand même été traversé par des révoltes et par des violences extrêmes.
34:52 S'il y a à la fois un affaiblissement économique et un comportement agressif
34:58 qui déclenchent confrontations militaires,
35:00 ce contrat entre la population chinoise et le parti peut être rompu.
35:05 – Merci à tous les quatre d'avoir participé à cette émission.
35:07 – Ça peut arriver, effectivement.
35:08 – Merci à vous de nous avoir suivis, comme chaque semaine,
35:10 avant de vous quitter, un petit mot du pin's que je porte aujourd'hui,
35:13 comme je le porte à chaque période de cette année,
35:16 il s'agit de la jonquille contre le cancer de l'Institut Curie.
35:20 Si vous souhaitez soutenir vous aussi la recherche,
35:22 vous pouvez faire un don de 5 euros par SMS en envoyant "espoir" au 92002
35:27 ou sur le site unejonquillecontrelecancer.fr.
35:31 Ensemble, portons l'espoir contre le cancer.
35:33 À très vite sur Public Sénat.
35:35 [Musique]

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