Exposition Germaine Richier au centre Pompidou : Laurence Durieu, petite-nièce de la sculptrice, co-autrice de la BD "Germaine Richier, la femme sculpture" (BAYARD graphie mars 2022) et autrice de "Germaine Richier, l'Ouragane" (FAGE mars 2022) est l'invitée de 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-mercredi-01-mars-2023-9754997
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00:00 6h20, bonjour Laurence Durieux ! Petite nièce de la sculptrice Germaine Richier dont on
00:05 peut découvrir l'exposition au Centre Pompidou à Paris à partir d'aujourd'hui et auquel
00:09 vous avez contribué.
00:10 Germaine Richier pour la présentée morte jeune, 57 ans, en 1959.
00:14 C'est une artiste qui fut reconnue de son vivant.
00:17 Quantité de prix exposée partout.
00:19 Elle fut la première femme à exposer au Musée national d'art moderne au Joli Palais
00:23 de Tokyo en 1956.
00:25 L'exposition au Centre Pompidou présente un résumé de sa vie en sculpture, des visages,
00:30 des premières pièces façonnées dans l'atelier de bourdel dont elle a été l'élève, aux
00:34 animaux, sauterelles, araignées, aux mythes, cheval à six têtes, griffus.
00:38 Germaine Richier, Laurence Durieux, joue avec la matière, elle n'est jamais lisse et en
00:41 même temps elle est extrêmement difficile à classer.
00:44 Oui c'est vrai, elle est inclassable.
00:46 Elle est complètement inclassable.
00:48 D'ailleurs elle disait qu'elle était contre les isms.
00:50 Primitivisme qui était très en vogue à l'époque, abstractionnisme, surréalisme.
00:56 Et c'est une affranchie.
00:58 Une affranchie.
00:59 Toute sa vie elle s'est affranchie non seulement des courants mais aussi de son milieu familial.
01:07 Ses parents ne veulent pas qu'elle fasse les beaux-arts.
01:09 Elle veut aller faire à Montpellier.
01:10 Ils sont très inquiets qu'elle monte seule à Paris.
01:14 Une femme pas mariée.
01:16 Elle a décidé que Bourdel serait son maître sans savoir vraiment qui il était.
01:22 Elle suit son instinct.
01:23 Elle découvre les bas-reliefs de l'Opéra de Marseille.
01:27 Elle est complètement fascinée.
01:29 Elle est chez son frère et c'est son grand-frère Jean, mon grand-père donc, qui va rassurer
01:33 les parents et l'aider à monter à Paris.
01:36 Alors ce qu'on découvre dans cette exposition au Centre Pompidou à Paris, il y a un mot
01:41 récurrent qui vient, c'est l'humain, le corps dans sa vérité.
01:45 Vraiment il y avait ça ?
01:46 Oui, elle a bouleversé la sculpture en saisissant l'humain dans sa vérité, dans ses fragilités
01:56 mais ses forces aussi.
01:57 Et c'est vrai que le lisse n'est pas de mise chérichée.
02:02 Son modelé est bouillonnant, transpercé de lumière, parfois scarifié, vivant.
02:09 Et il y a aussi un énorme rapport à la nature parce qu'elle va sculpter aussi des animaux,
02:17 on va dire aussi des insectes, enfin des animaux, ce qu'elle appelait des animaux méprisés.
02:21 Oui, exactement.
02:22 Elle n'est pas du tout fascinée par des félins mais son monde est peuplé d'insectes,
02:28 d'araignées qu'elle regarde à la loupe dès son enfance provençale dans la garrigue.
02:33 Elle est plutôt du style asséché, l'école buissonnière, elle dit qu'elle a une enfance
02:40 de sauvageonne.
02:41 Et c'est vrai que son art est aussi une fusion du vivant.
02:47 Et en ça elle est extrêmement moderne car pour elle on est aussi minéral, végétal,
03:00 animal et de surcroît humain.
03:02 Et il y a aussi dans l'exposition un cabinet de curiosité où on découvre ses outils,
03:06 ses instruments.
03:07 Et il y a une photo, moi, que j'ai notée où on la voit enlacer une de ses œuvres,
03:12 la sauterelle.
03:13 Quel rapport Germaine Richier avait avec ses œuvres ?
03:17 Elle les considérait comme des personnes vivantes.
03:19 D'ailleurs dans l'exposition sont présentées l'orage et l'ouragan qui sont son grand
03:24 homme et sa grande femme.
03:26 Et elle les considérait tellement vivantes qu'elle a conçu des tombes pour ces deux
03:32 sculptures.
03:33 Le tombeau de l'orage et l'ombre de l'ouragan qu'elle fait tailler par un autre sculpteur
03:41 intérieur sur pierre d'Audeigne car elle a fait de la taille directe dans les années
03:45 30 mais technique elle a rapidement abandonné.
03:48 Et donc derrière l'orage et l'ouragan sont présentés ces tombeaux de pierre qui
03:53 eux sont lisses.
03:54 La mort est lisse chez Richier.
03:56 Et elle disait aussi "je travaille selon ma bonne humeur, ma santé, mon instinct".
04:01 On a le sentiment de quelqu'un d'heureux dans son milieu.
04:05 Oui d'ailleurs elle disait "elle utilise peu d'instruments, il faut sentir la joie
04:08 de créer".
04:09 Et c'est vrai que Richier c'est aussi un tempérament très contrasté comme sa Provence
04:16 natale.
04:17 Voilà où le mistral peut rendre fou, les cigales, le chant des cigales percer la tête,
04:24 les bois sont cassants, les oliviers secs.
04:28 Et donc c'est vrai que c'est un tempérament très gai, inquiet, impétueux, généreux.
04:34 Il y a une chose qu'on dit, que j'ai lue ça et là, on l'a comparé à la Giacometti
04:40 féminine.
04:41 Je ne sais pas si c'est le bon terme mais il y a quand même une chose que moi je constate
04:44 c'est qu'on connaît tous Giacometti, on peut tous dire qui c'est.
04:47 Mais Germaine Richier comment vous expliquer, malgré son succès de l'époque, qu'elle
04:52 soit encore méconnue du grand public ?
04:53 Moi je la rapprocherais plus d'un Picasso, d'ailleurs il lui avait lancé On est de
04:57 la même famille, au Salon de Mai en 1953.
05:00 Alors elle meurt jeune, à 57 ans, et c'est vrai qu'elle porte son œuvre.
05:08 Et comme vous dites, elle est internationalement reconnue, ça c'est une pionnière, c'est
05:13 vraiment l'artiste reconnu des années 50.
05:18 En 59, l'année de sa mort, elle expose au MoMA, la grande exposition "Les nouvelles
05:25 images de l'homme" et elle est la seule femme parmi 23 artistes.
05:30 Mais c'était le fait d'être une femme justement ?
05:32 Non, pour Richier, le monde dominé par les femmes n'était pas un sujet.
05:39 En fait elle est aussi affranchie du féminisme, dans le sens qu'elle n'est pas une militante
05:44 mais elle agit, elle crée.
05:46 Elle est aussi très protectrice envers ses étudiantes, parce qu'elle a eu beaucoup
05:50 d'élèves.
05:51 C'est quelqu'un qui partage.
05:52 Voilà, exactement.
05:53 Et elle est très soucieuse quand elle concourt à des prix, elle les encourage à ne pas
06:01 abandonner leur sculpture quand elles deviennent mères, quand elles se marient.
06:05 Mais voilà, donc sa mort jeune et aussi le fait que son travail après sa mort n'a
06:15 pas été porté par un grand galeriste d'un calibre d'un Pierre Matisse par exemple.
06:20 Ou d'un grand galeriste comme Macht qui va choisir Giacometti.
06:24 En effet, oui.
06:25 C'est vrai qu'elle l'expose en 1948 chez Macht.
06:28 C'est un grand grand succès.
06:30 Giacometti expose après et il somme Macht de choisir entre elle et lui.
06:36 J'imagine qu'à l'époque, Giacometti est un immense artiste, mais ça devait être
06:43 peut-être plus rassurant de représenter un homme plutôt qu'une femme.
06:47 Oui, c'était une sculptrice dans un monde d'hommes.
06:49 J'ai une phrase pour terminer moi qui m'est revenue lors de l'exposition.
06:53 J'ai trouvé cette exposition émouvante.
06:55 Vous êtes oublé ?
06:56 Complètement.
06:57 On est transpercé par l'émotion et on n'a pas besoin de savoir quoi que ce soit
07:03 en histoire de l'art pour être alpagué par l'art de Richier.
07:07 Merci beaucoup Laurence Durieux.
07:10 Je rappelle l'exposition Germaine Richier est visible jusqu'au 12 juin à Pompidou
07:14 à Paris.
07:15 Ensuite, elle ira au musée Fabre à Montpellier jusqu'en novembre.
07:18 J'ajoute aussi un livre, le vôtre, l'Ouragan qui sort aujourd'hui.
07:22 Et puis une bande dessinée que vous signez également aux côtés d'Olivia Sautreuil,
07:26 Germaine Richier, la femme sculpture, coédition Bayard Graphic au centre Pompidou.
07:31 Je crois que j'ai été complète.
07:32 Merci infiniment Laurence Durieux.
07:33 Merci beaucoup.
07:34 Et allez voir cette exposition.
07:35 Vous étiez l'invité du 5/7.
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