• il y a 10 mois
L'actrice Micheline Presle, doyenne du cinéma français, est morte à l'âge de 101 ans : Laurent Delmas producteur et critique cinéma sur France inter est l'invité de 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-jeudi-22-fevrier-2024-5203124

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00:00 * Extrait de France Inter *
00:08 Il est 6h20, ce matin l'invité du 5/7 est un collègue, l'un des spécialistes au cinéma de France Inter.
00:13 Bonjour Laurent Delmas !
00:14 Bonjour Mathilde !
00:15 Nous avons appris hier soir la mort de la comédienne Micheline Prell, elle avait 101 ans.
00:19 Elle disait que le cinéma avait été la plus belle histoire de sa vie, longue vie donc,
00:23 et pas facile de résumer, 80 années de carrière en quelques minutes.
00:27 D'abord Laurent, il faut rappeler à quel point elle a été une vedette.
00:30 Oui, une star, avec alors on dit, c'est le trio avec Daniel Darieu et Michel Morgan,
00:39 des années fin d'occupation, fin d'occupation.
00:43 Alors, il lui a peut-être manqué ce que Darieu a eu, c'est-à-dire un mentor cinématographique en la personne d'Henri Decoin,
00:50 ce que Michel Morgan a eu en la personne de Gabin pour un alter ego.
00:56 Micheline Prell, elle n'a pas eu ça.
00:57 Mais néanmoins, à cette époque-là, fin des années de guerre, début de l'après-guerre,
01:03 ça a été une vraiment très très grande star, on a peine maintenant à le mesurer.
01:10 Elle fait la ligne de tous les journaux, pas seulement cinématographiques.
01:13 Bref, vraiment, elle est dans le grand grand grand paysage du cinéma français,
01:19 avec trois rôles en tir groupé, 44, 45, 47, qui sont sa marque de fabrique à l'époque,
01:26 c'est-à-dire une femme plutôt forte, déterminée, face à des hommes souvent faibles,
01:33 plutôt faibles, voire malades, comme dans Falbala, par exemple, de Jacques Becker.
01:37 Et on va écouter tout de suite un extrait.
01:38 Est-ce que vous ne trouvez pas que tout ça ne tient pas de compte ?
01:41 C'est pour me forcer à entendre ça que vous venez de me brutaliser.
01:43 Ah, soyez belle, je vous ai dit.
01:44 Mais je ne joue pas, moi, Philippe. Je ne suis pas comme vous, je ne fais pas un numéro dans la vie.
01:48 Je suis comme je suis.
01:50 Vous n'avez pas encore compris, ça ne m'étonne pas, d'ailleurs.
01:52 Un homme comme vous.
01:53 Qu'est-ce que ça veut dire, un homme comme moi ?
01:55 C'est très simple, vous ne croyez à rien.
01:59 Falbala, voilà, 1944, film de Jacques Becker, trois ans plus tard,
02:03 un film dont tout le monde va parler parce que ça va être un scandale,
02:06 Le Diable au corps, Claude Autant-Lara, inspiré du roman de Raymond Dundee.
02:10 Oui, gros gros scandale.
02:11 Après, en 1945, d'ailleurs, Boule de Suif voit jouer une prostituée.
02:14 Là, cette fois, elle détourne du droit chemin un collégien.
02:17 Quel scandale en 1947 !
02:19 Aucune image qu'on jugerait, nous, scandaleuse, évidemment,
02:21 mais c'est le sujet moral qui fait scandale.
02:24 Et là aussi, ça assoie sa notoriété parce qu'on sait bien que le cinéma adore les scandales et les scandaleuses.
02:29 Donc, elle devient, contre sa volonté même, une scandaleuse du cinéma français.
02:34 Avec Gérard Fillipe au casting, quand même.
02:35 Bien sûr, quand même.
02:36 Alors après, fin des années 40 et début des années 50, là, elle part aux Etats-Unis avec son mari.
02:42 Petite carrière, toute petite, elle fait quelques films, c'est pas des cartons.
02:45 Choix de vie, elle préfère l'amour au cinéma.
02:48 Exactement.
02:48 Elle a le droit absolu.
02:50 Effectivement, mauvais choix artistique parce qu'elle tourne même avec Fritz Lang,
02:55 ce qui devrait être une sorte de paradis d'Éden.
02:58 Bon, ben non, c'est un des plus faibles films.
03:02 Elle le disait d'ailleurs, c'est mon film le moins intéressant.
03:04 Elle était d'une extra-lucidité sur tout et sur sa carrière aussi.
03:08 Donc voilà, petit passage à vide, elle revient en France, les années 60 et là, c'est reparti.
03:12 C'est reparti parce qu'elle a cette espèce d'image un peu décalée, presque burlesque.
03:19 Vous savez, elle a l'œil qui frisait, Micheline Pratt.
03:21 Donc, on pouvait dire...
03:22 Quel yeux d'ailleurs !
03:23 Oui, quel yeux magnifique !
03:24 Et il y avait une sorte de second degré.
03:26 Alors, la nouvelle vague la rate en quelque sorte, ou elle rate la nouvelle vague, peu importe.
03:31 Mais des cinéastes comme Jacques Demy vont parfaitement comprendre son potentiel presque comique.
03:38 Oui, c'est la reine d'Anpodane.
03:39 Alors, d'Anpodane, c'est la reine et elle engueule son fils et le roi pour que tout ça aille plus vite
03:44 et que les choses soient prises en main.
03:45 Là aussi, elle joue une femme de caractère.
03:46 Puis, moi, il y a un rôle qui, à chaque fois, me met en joie.
03:50 C'est la gynécologue du film de Jacques Demy.
03:52 L'événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la lune.
03:55 Où, comme vous le savez, il s'agit de recevoir dans son camionnier de consultation,
03:59 Marcello Mastroianni qui est enceint.
04:01 Allez, extrait !
04:02 Vous êtes gonflé.
04:04 Vous êtes ballonné, comme si vous attendiez un enfant.
04:07 Pardon ?
04:08 On dirait que vous êtes enceinte de 4 mois.
04:11 Alors, il n'y a rien de grave ?
04:12 Ce n'est pas grave, certes, mais c'est déroutant chez un homme.
04:15 Donc voilà, là, c'est vraiment des rôles différents de ceux des années 40.
04:17 Tiens, il y a le comique qui arrive.
04:19 Total rupture, il y a la comédie, il y a le comique, effectivement.
04:21 Et elle s'inscrira dans cette veine-là.
04:23 C'est-à-dire qu'il y a majoritairement des films de comédie avec quelque chose
04:27 qui n'apparaît pas forcément pour le grand public, mais qu'il faut dire
04:29 qui est aussi le statut du neigerie d'une post-nouvelle vague
04:33 avec des gens comme Davila, un film qui s'appelle "Certaines nouvelles"
04:39 mais aussi Gérard Frodkoutas.
04:41 C'est une petite post-nouvelle vague, mais très importante dans le cinéma français
04:45 et elle devient le régérie de cette génération-là.
04:48 On peut citer aussi Paul Vecchiali.
04:50 Et puis, alors, quelque chose de mille fois plus populaire,
04:52 alors là, c'est Carrière Télé avec le feuilleton "Les Saintes Chéries", fin des années 60.
04:56 Objet de télévisuel qui reste.
04:58 Il suffit de se promener sur l'INA pour voir qu'il y a un culte des Saintes Chéries.
05:02 - Avec ses parents ou ses grands-parents, ça marche aussi. Tout le monde l'a vu.
05:05 - Exactement. 39 épisodes de 30 minutes chacun.
05:07 Face à Daniel Ghelin, dans la France pompidolienne, il n'y a qu'une seule chaîne de télé.
05:13 On passera du noir et blanc à la couleur avec "Les Saintes Chéries".
05:16 Son nom dans la série écrite par Nicole de Buron, c'est Eve.
05:20 Tout un programme, merci. On a compris, c'est donc la femme bourgeoise moderne
05:25 qui essaye de s'émanciper par tous les moyens de la tutelle de son mari.
05:28 - Allez, un dernier extrait.
05:29 - Mais... mais qu'est-ce que c'est que cette robe?
05:32 - C'est pas une robe. C'est une tenue de tennis.
05:35 - Mais qu'est-ce que tu veux faire avec une tenue de tennis?
05:36 - Bah, ce qu'on fait généralement en tenue de tennis, du tennis, pas du cheval.
05:39 - Ouais. Bah, parce que tu fais du tennis, moi.
05:41 - Oh, j'adore. Vache, Robert. On se rend lui pas nominé que je sois du tennis.
05:45 - C'est rien du tout contre le tennis.
05:46 - C'est Jacques qui m'a donné cette idée.
05:47 Je jouais avec toute une bande de copains dans un corps tout près d'ici.
05:50 - Tu jouais avec eux?
05:50 - Oh, pas encore. Tu es fou, non? Je prenais leçon avec le professeur.
05:53 Jean-Noël, il est très gentil, un peu jeune peut-être.
05:55 - Eh, bon, je trouve tout simplement que tu aurais pu m'en parler.
05:57 - Oh, si je te disais tout ce que je fais, mon chéri. Ciao.
06:01 - Allez, Micheline, prêt.
06:02 - Je voudrais réhabiliter le mont Minet dans nos relations amoureuses.
06:04 - Avec Daniel Ghelin. Donc voilà, dans les Seins de Chéri, le temps passe.
06:07 - Merci.
06:08 - Laurent, voilà, il faut accélérer un petit peu. On va quand même citer, c'est incontournable,
06:11 Tony Marshall, sa fille.
06:12 - Mais oui, sa fille, bien sûr, avec laquelle elle aura eu une collaboration, évidemment,
06:16 affectueuse, mais aussi professionnelle. Elle est dans pas mal de films de sa fille,
06:21 dont Vénus Beauté, bien évidemment, le très, très césarisé.
06:24 Et elle était, oui, participante de cette bande aussi, là, Jean-Michel Ribes, avec
06:29 un vrai plaisir de jouer. Et puis, peut-être qu'il faut terminer par là, c'est une actrice
06:34 cinéphile. C'est pas tous les jours.
06:35 - C'est ce que je vais vous dire. Il faut terminer par sa personnalité très simple.
06:38 C'est ce qui revient dans les hommages qui lui sont rendus, notamment François Morel,
06:42 qui travaille ici à France Inter et qui nous a raconté, effectivement, une personnalité
06:45 très simple et son amour pour le cinéma. Il y allait tous les jours.
06:48 - Absolument. Comme Catherine Deneuve, comme Isabelle Huppert, c'est une actrice cinéphile.
06:51 On en voit finalement assez peu et elle aimait le cinéma, pas seulement parce qu'elle
06:56 jouait devant la caméra, mais aussi comme simple spectatrice, comme nous tous.
06:59 - Et on entendra François Morel dans le journal de 7h30. Merci infiniment, Laurent Delmas,
07:03 d'être venu ce matin dans le 5/7. On vous retrouve samedi avec votre émission.
07:07 On aura tout vu entre 10h et 11h. - Avec plaisir.

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