• il y a 10 mois
Richard Malka, avocat et essayiste, scénariste de l’adaptation en BD du roman "Idiss" de Robert Badinter aux éditions Rue de Sèvres et Michelle Perrot historienne spécialiste de l'histoire des femmes, professeure émérite d’histoire contemporaine à l'Université Paris Cité sont les invités de 8h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-du-we-du-samedi-10-fevrier-2024-7911815

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00:00 Et un grand entretien spécial en hommage à Robert Badinter avec deux personnalités
00:06 qui l'ont bien connu, qui ont partagé certains de ses combats.
00:10 Vos questions, chers auditeurs, vos réactions, vos souvenirs, éventuellement au 01 45 24
00:16 7000 ou sur l'application France Inter.
00:19 Avec Marion Lourds, nous avons le bonheur d'accueillir deux invités en studio, Michel
00:26 Perrault et Richard Malka.
00:27 Bonjour à tous les deux.
00:28 Bonjour. Bonjour. Bonjour. Michel Perrault, vous êtes historienne, spécialiste de l'histoire
00:33 des femmes.
00:34 Vous avez publié récemment "S'engager en historienne" où vous montrez l'importance
00:38 qu'a eu pour vous Robert Badinter dans l'engagement que vous avez eu pour les prisons, pour les
00:46 délinquants, pour essayer d'imaginer l'état de droit face à ceux qui peuvent le mettre
00:52 en difficulté.
00:53 Richard Malka, vous êtes avocat, essayiste, ami de Robert Badinter.
00:56 Vous avez notamment adapté en BD l'histoire de sa grand-mère, Idice.
01:02 C'était aux éditions rue de Sèvres.
01:04 Il vous avait prêté cette histoire comme il le dit dans la préface.
01:10 Un mot peut-être pour commencer.
01:11 Qu'est-ce que vous ressentez, Michel Perrault et Richard Malka ? Qu'est-ce que vous avez
01:16 ressenti en apprenant la mort de Robert Badinter ?
01:19 Michel Perrault.
01:20 Une immense émotion avec le sentiment d'une lumière qui s'éteint.
01:25 C'était un homme des lumières.
01:28 Il était lui-même lumière et l'impression que l'obscurité nous gagnait et que c'était
01:35 irrémédiable.
01:36 Voilà ce que j'ai ressenti.
01:38 Richard Malka.
01:39 Je pourrais dire la même chose, vraiment un homme des lumières qui disparaît et un
01:44 vertige.
01:45 Un vertige de son absence, du vide que ça créait.
01:50 C'est comme si on perdait un bout de sa conscience.
01:54 Parce que c'est ce qu'il était en fait.
01:56 De notre conscience ?
01:57 Oui, pour chacun de nous.
01:58 Il y a quelque chose qui est peut-être étonnant pour vous, Michel Perrault, qui est né la
02:04 même année que Robert Badinter, qui avait partagé ses combats, qui l'avait vu en
02:07 1981 et bien avant quand il était avocat et qu'il défendait notamment des condamnés
02:13 à mort, c'est de voir l'unanimité.
02:16 L'unanimité autour de la figure de Robert Badinter aujourd'hui.
02:20 Il suffit d'ouvrir les journaux ou d'écouter les différents politiques alors que c'est
02:24 un homme qui a été haï, détesté, qui a été menacé de mort, Richard Malka, Michel
02:31 Perrault, parce qu'il voulait abolir la peine de mort et que certains ne le supportaient
02:36 pas.
02:37 Qu'est-ce qui s'est passé, Michel Perrault, pour qu'on soit passé de cette figure qui
02:43 est divisée à l'unanimité d'aujourd'hui ?
02:45 Ça c'est un progrès, c'est un progrès qu'il aurait probablement salué.
02:51 Lui qui aimait tant qu'on dorsait esquisse des progrès de l'esprit humain.
02:57 C'était quelque chose dont on ne peut que s'en réjouir, tout en étant toujours
03:03 anxieux parce qu'il le savait d'ailleurs, Robert Badinter, les progrès ne sont pas
03:09 toujours définitifs.
03:10 Il y a toujours dans l'ombre quelque chose qui les menace.
03:15 Donc lui, il a tenu le coup toujours avec sérénité.
03:19 J'allais dire aussi avec Elisabeth, car on ne peut pas oublier ce couple merveilleux
03:25 à tant de points de vue.
03:27 On pense à elle beaucoup ce matin.
03:29 C'était quelqu'un qui résistait, qui allait son chemin et qui nous donnait du
03:36 courage pour continuer.
03:37 Richard Malkin, que pensez-vous de cette unanimité ou comment l'expliquez-vous en tout cas ?
03:41 Alors effectivement, c'est nouveau.
03:44 Ça n'a pas toujours été comme ça dans sa vie.
03:46 Et puis vous savez, quand on est avocat, on est plutôt habitué à être seul contre
03:51 tous et à endosser des combats qui ne sont pas populaires.
03:55 Et ce fut son cas en défendant des condamnés à mort, des criminels qui étaient onis
04:02 par la population et dont on demandait la tête.
04:05 Et c'était un homme de colère.
04:06 Ce n'était pas un homme consensuel.
04:09 Il était clivant, il était courageux.
04:11 Il affirmait ses convictions avec beaucoup de force et de vivacité.
04:17 Il n'allait pas dans le sens du vent, dans le sens de l'époque.
04:22 Il se confrontait à son époque et sur énormément de sujets.
04:30 Donc oui, il est devenu consensuel au fil du temps.
04:34 Je pense qu'il en a été le premier surpris, peut-être, parce que ça n'a pas du tout
04:38 été le cas.
04:39 Et moi, il me parlait souvent des menaces de mort, de la protection policière dont
04:42 il avait fait l'objet, des policiers qui manifestaient sous sa fenêtre pour demander
04:47 sa démission.
04:48 Et il était détesté pendant toute cette période-là.
04:53 Il était vraiment oni.
04:55 Mais il a tenu bon et il a tenu droit.
05:00 Moi, c'est ça qui le caractérisait aussi, c'est la droiture.
05:05 Il ne pliait pas, il ne bougeait pas.
05:08 Et s'il fallait affronter, pour défendre son humanisme, la terre entière, il l'aurait
05:13 affronté.
05:14 - Michel Perrault, au regard de cette unanimité, c'est vrai qu'on se pose la question ce
05:18 matin.
05:19 On l'a posée aussi à Laurent Fabius.
05:20 Est-ce que vous, historienne, vous pensez que Robert Badinter a sa place au Panthéon ?
05:24 - Incontestablement.
05:27 Oui, ça s'impose presque.
05:31 On n'y pense pas parce qu'on pense à autre chose.
05:33 Mais oui, ce serait aux grands hommes la patrie reconnaissante.
05:39 Il me semble que la patrie et l'humanité, au-delà de la patrie, lui doivent beaucoup.
05:45 Cette abolition de la peine de mort, c'est quand même absolument essentiel.
05:49 - C'est pour le retien, en priorité.
05:50 - Oui, tous les autres combats aussi.
05:52 Mais il a fait progresser beaucoup le droit.
05:57 Et il croyait au droit.
05:59 Ça, ça m'a toujours beaucoup frappé.
06:01 Le droit, pour lui, était une discipline fondamentale.
06:05 Moi, en historienne, je n'en étais pas tellement consciente avant de le rencontrer.
06:10 Mais on agit avec le droit, on agit pour le droit, on fait progresser le droit.
06:16 Et là, on a des môles solides pour faire progresser l'humanité.
06:21 - Richard Malca, cette idée de panthéoniser Robert Badinter ?
06:25 - Evidemment, je signe, je suis souscrit dès demain.
06:31 C'est vrai que c'était un homme passionné par le droit.
06:35 - À la fois des victimes et des criminels.
06:38 C'était vraiment une équité des deux côtés.
06:40 Il a voulu donner aussi plus de place aux victimes dans certains procès, dans les procès
06:44 pénaux.
06:45 - Oui, bien sûr, il avait une vision globale.
06:49 Mais jusqu'à ces dernières années, il pouvait parler pendant longtemps.
06:56 Il pouvait se passionner, il pouvait s'intéresser pour de la technique juridique.
07:00 Ce qu'on abandonne en général au bout d'un certain temps.
07:04 Mais lui, il y réfléchissait.
07:06 J'étais assez impressionné, étonné de cette passion.
07:12 Et il en parlait avec des étoiles dans les yeux.
07:15 Il aimait le droit.
07:16 - Vous avez travaillé avec lui, Michel Peyron.
07:18 Vous avez travaillé avec lui, notamment avec Michel Foucault, le philosophe, auteur de
07:22 « Surveiller et punir ».
07:24 Qu'est-ce que vous faisiez avec Robert Badinter ?
07:26 - À sa demande, à partir de 1986, on avait fait un séminaire.
07:32 Il m'avait téléphoné, peu importe, pour me dire « la peine de mort est abolie, le
07:39 conseil constitutionnel c'est très bien, mais je voudrais faire autre chose.
07:42 Et notamment, je voudrais prolonger la réflexion de Michel Foucault ».
07:47 Il y avait beaucoup d'admiration réciproque.
07:50 Foucault disait de Badinter le plus grand ministre de la justice qu'on ait jamais eu.
07:56 Et Badinter admirait Foucault et la pensée de Foucault, tout en n'étant pas d'accord
08:02 avec lui sur beaucoup de points.
08:04 Donc, il voulait prolonger.
08:06 En bref, on a donc organisé un séminaire à l'école des hautes études qui a duré
08:12 5-6 ans et dont le thème était la prison républicaine.
08:17 Parce que le grand problème de Foucault, c'était ça.
08:21 Avocat, il savait qu'on punit.
08:23 Le droit, c'est ça.
08:26 C'est punir, acquitter, etc.
08:28 - La prison républicaine, c'était un sujet sur lequel il a beaucoup réfléchi parce
08:33 que c'était un républicain convaincu, c'était un avocat.
08:35 Et ça semble fou aujourd'hui, dans une société où la passion de la punition semble l'emporter
08:43 surtout.
08:44 Il était, Robert Badinter, à se demander comment on pouvait à la fois punir, réinsérer
08:50 les populations délinquantes, considérer que c'était essentiel.
08:54 Comment surveiller, punir en république sans renier les lumières ?
08:59 Ça, c'est quelque chose de très paradoxal, Richard Malka, de toujours croire qu'il
09:03 y a un fond d'humanité.
09:05 Même chez le pire des salauds.
09:06 - Alors, bien sûr.
09:08 Mais ça, normalement, quand on est avocat, on le sait.
09:13 La prison, c'était vraiment un sujet dont il parlait énormément.
09:18 Pour lui, je pense que ça faisait partie des marqueurs de l'humanité, de l'humanisme,
09:26 que c'était aussi l'expression des lumières, avec la pensée de Beccaria avant celle de
09:31 Foucault.
09:32 Et il faisait des missions dans le monde entier.
09:36 Je me rappelle qu'il m'avait parlé des prisons de Moldavie.
09:39 Il n'a jamais abandonné ce sujet.
09:44 Pour lui, la manière dont on traitait les prisonniers, ça voulait dire quelque chose
09:50 de nous, de nous tous.
09:51 Et ça le préoccupait.
09:54 Et il n'était pas très content de la manière dont ça se passait.
09:58 Et on en parlait souvent, effectivement.
10:00 Et on sentait que cet homme des lumières, comme vous le disiez, parce que pour moi,
10:04 c'est vraiment ça, c'était un universaliste.
10:06 Il parlait de l'universalisme, c'était ses héros, la Révolution et Victor Hugo, pour
10:15 revenir au Panthéon.
10:16 Ça me ferait plaisir qu'il retrouve son héros Victor Hugo dans ce Panthéon, évidemment.
10:22 Mais oui, l'incarcération, c'était un sujet central dans sa réflexion.
10:27 Et la passion pour la déclaration des droits de l'homme et la passion pour la Révolution,
10:31 les Lumières, on va en parler dans un instant.
10:33 Il y a de nombreux auditeurs qui voudraient intervenir, vous interroger.
10:38 Bonjour Dominique.
10:39 Bonjour François Tintin, bonjour à vos invités.
10:42 Y avait-il chez Robert Badinter du Alphentaudet, puisque, une très belle citation, la haine
10:48 est la colère des faibles.
10:49 Et donc Robert Badinter n'était pas habité par la haine par rapport aux événements
10:54 qu'il a vécu.
10:55 Merci pour votre intervention et vous acquiescez Michel Perrault.
11:00 C'est assez frappant quand même pour quelqu'un qui a connu le pire, qui a vu le mal absolu
11:06 de n'avoir pas été habité par la haine, justement.
11:10 Jamais, jamais.
11:13 C'était contraire à son idée de progrès.
11:16 Et pour lui, un grand problème, la prison.
11:21 On met les gens en prison.
11:24 On exige justice.
11:26 Le rôle de la plainte fait partie de la démocratie.
11:29 Mais en effet, après, qu'est-ce qu'on fait ? Et une des choses qui l'avait beaucoup
11:35 préoccupé, c'est qu'après l'abolition de la peine de mort, les peines ont augmenté,
11:42 puisqu'il fallait des peines de substitution.
11:44 Donc les effectifs de la prison ont augmenté.
11:48 Et ça, c'était pour lui un déchirement.
11:51 C'était un déchirement et du coup, il se trouvait devant ce problème de la prison.
11:57 Il ne le résolvait pas comme Foucault le préconisait.
12:01 Foucault, c'était vraiment la contestation du pouvoir, donc abolir cela.
12:06 Lui, il se rend des comptes de la réalité.
12:09 Mais comment arriver à aménager cette réalité ? C'était un grand souci.
12:15 Et sur cette question, justement, qu'est-ce qu'il s'est positionné sur la question
12:19 de la perpétuité incompressible ? Qui est-ce qui a remplacé, par exemple, pour le Rassemblement
12:23 National, l'idée de la peine de mort ? Parce qu'aujourd'hui, aucun parti politique
12:25 n'est partisan de la peine de mort.
12:27 Est-ce qu'on sait quelle position il avait là-dessus ?
12:29 Je pense que Richard Malka.
12:30 C'est mieux que moi.
12:31 Non.
12:32 Un cas, Richard Malka, c'était quand même très impressionnant de voir Robert Badinter
12:36 demander la libération de Maurice Papon.
12:38 A 90 ans, Maurice Papon, qui est responsable de la déportation de la Shoah et qui pourtant,
12:45 pour Robert Badinter, qui a vécu ça dans son histoire personnelle, intime, familiale,
12:52 disait malgré tout "cet homme n'a pas sa place en prison, il est trop âgé".
12:56 C'est ça la victoire de la lumière sur l'ombre.
12:59 C'est de dépasser ça.
13:00 Effectivement, il n'avait pas de haine.
13:03 Il y avait de la colère.
13:04 C'est différent.
13:05 Mais pas de haine.
13:07 Et ça lui permettait de faire prévaloir son humanisme, encore une fois, sur quelques
13:13 souhaits de vengeance, que ce soit de punition, de sanction.
13:17 C'était d'abord la lumière.
13:20 Avant tout.
13:21 Et donc, y compris la compassion à l'égard de ses bourreaux.
13:26 Richard Malka, il vous a confié, Robert Badinter notamment, une liste de livres à lire sur
13:31 la Shoah que vous n'avez d'ailleurs pas terminé.
13:33 Est-ce qu'il vous a dit comment il vivait cette montée des actes antisémites aujourd'hui
13:37 en France ?
13:39 Alors, ça, ça m'avait marqué quand j'ai commencé à fréquenter la prégnance de ce
13:47 thème de la Shoah, de l'antisémitisme, dans sa pensée, dans son discours.
13:53 Il en parlait tous les jours.
13:54 C'est son enfance.
13:57 Ce sont ses fonds baptismaux, en réalité.
14:00 Et ces derniers temps, moi, j'ai essayé de lui en parler.
14:05 J'ai senti que c'était très très compliqué.
14:08 Évidemment.
14:09 Mais il avait quand même cette phrase extrêmement forte.
14:12 Vous savez, sur le mur du mémorial de la Shoah, beaucoup des miens y sont.
14:15 C'était quelque chose qu'il habitait.
14:17 Et c'était aussi un combat contre ceux qui niaient ou qui essayaient d'esquiver le sujet
14:24 de l'extermination des Juifs et de la Shoah.
14:27 Écoutez, Robert Badinter, c'était en 2007 et il répondait à Robert Faurisson, le père
14:33 dénégationniste.
14:34 Il dit "Il n'y a pas de réconciliation.
14:35 Il n'y a pas de réconciliation.
14:36 Il n'y a pas de réconciliation.
14:37 Il n'y a pas de réconciliation.
14:38 Il n'y a pas de réconciliation.
14:39 Il n'y a pas de réconciliation.
14:40 Il n'y a pas de réconciliation.
14:41 Il n'y a pas de réconiliation.
14:42 Il n'y a pas de réconiliation.
14:43 Il n'y a pas de réconiliation.
14:44 Il n'y a pas de réconiliation.
14:45 Il n'y a pas de réconiliation.
14:46 Il n'y a pas de réconiliation.
14:47 Il n'y a pas de réconiliation.
14:48 Il n'y a pas de réconiliation.
14:49 Il n'y a pas de réconiliation.
14:50 Il n'y a pas de réconiliation.
14:51 Il n'y a pas de réconiliation.
14:52 Il n'y a pas de réconiliation.
14:53 Il n'y a pas de réconiliation.
14:54 Il n'y a pas de réconiliation.
14:55 Il n'y a pas de réconiliation.
14:56 Il n'y a pas de réconiliation.
14:57 Il n'y a pas de réconiliation.
14:58 Il n'y a pas de réconiliation.
14:59 Il n'y a pas de réconiliation.
15:00 Il n'y a pas de réconiliation.
15:01 Il n'y a pas de réconiliation.
15:02 Il n'y a pas de réconiliation.
15:03 Il n'y a pas de réconiliation.
15:04 Il n'y a pas de réconiliation.
15:05 Il n'y a pas de réconiliation.
15:31 L'immense Henri Leclerc devant la 17ème chambre, évidemment ils avaient gagné.
15:36 Mais c'était un homme de combat.
15:39 Il ne mâchait pas ses mots.
15:41 Il n'était pas du tout dans le politiquement correct.
15:44 Que pense l'historienne Michel Perrault de cette expression extraordinaire de faussaire
15:47 de l'histoire ?
15:48 Oui, il cherchait passionnément la vérité.
15:51 Le négationnisme en effet avait été pour lui un scandale, la chose à combattre absolument.
15:59 Mais il était très intransigeant vis-à-vis de la vérité.
16:03 Et il pensait que l'histoire était la quête de la vérité.
16:08 Ce n'était pas une idéologie l'histoire.
16:10 C'était un chemin vers la vérité.
16:13 C'est ça qui donnait tellement de force à sa conviction.
16:17 Et tous ceux qui l'ont contoyé, je repense à ces années de séminaire où il avait
16:22 réuni autour de lui tant d'étudiants auxquels je pense ce matin.
16:26 Je sais qu'ils nous écoutent.
16:28 Le temps a passé.
16:29 Mais beaucoup m'ont dit que pour eux, ça avait été des moments absolument irremplaçables.
16:36 Et je pense que tous ceux-là ont continué à combattre dans le sillage de Robert Badinter.
16:43 Richard Armachal, ce qu'on entendait aussi dans cet extrait, c'est l'éloquence formidable
16:47 de Robert Badinter qui est un véritable homme de discours.
16:50 Est-ce que vous, avocat, il vous inspire ? Est-ce que vous connaissez des avocats qui
16:54 peut-être s'inspirent de lui ?
16:55 Moi, je n'ai pas travaillé avec lui, contrairement à d'autres.
17:00 Vous l'avez entendu, ses discours sont historiques.
17:02 Bien sûr.
17:03 Son éloquence, c'est une éloquence de sincérité.
17:06 C'est une éloquence d'engagement.
17:07 On le sent.
17:09 Il plaide avec tout son corps, son cœur, ses tripes.
17:14 Il met tout ce qu'il est.
17:17 D'ailleurs, il sortait de ses procès et me racontait Elisabeth dans un état d'épuisement
17:22 absolu.
17:23 Il y laissait sa santé.
17:26 C'était ça, son éloquence.
17:28 C'est une générosité de son être et une sincérité.
17:33 Il était convaincu, en fait.
17:36 Michel Perrault, il a des héritiers, Robert Badinter, ou c'est le dernier grand homme ?
17:40 C'est un grand homme.
17:43 Espérons bien que ce n'est pas le dernier.
17:45 C'est une question qui revient souvent chez nos auditeurs, d'ailleurs, à la fois au
17:49 Standard et sur l'application France Inter.
17:51 Où sont les Badinter ? Aujourd'hui, il y a évidemment Elisabeth Badinter qui est toujours
17:57 là.
17:58 Ce qu'on sait assez mal, c'est que c'est aussi quelqu'un qui avait de l'humour.
18:02 Pour l'avoir côtoyé, Robert Badinter, par exemple, confiait sa tendresse pour Louis XVI.
18:07 Il disait qu'il n'était pas fait pour régner, mais bon type.
18:11 Ajoutant qu'il avait toutes les vertus du bon père de famille.
18:14 D'ailleurs, il était cocu.
18:15 C'est un côté qu'on connaît mal de Robert Badinter.
18:19 Richard Malca, vous qui étiez son ami, c'était présent dans sa personnalité ?
18:23 Oui, ce genre de bons mots était fréquent.
18:27 Il avait un humour un peu froid, un peu british, qui nous enchantait.
18:33 Michel Perrault ? Oui, tout à fait.
18:35 Le couple Robert Badinter, on pense aux deux, c'était des gens lumineux.
18:42 En effet, ce n'est pas des gens qui pleurent, ce n'est pas des gens qui gémissent.
18:46 Ce sont des forces qui vont.
18:48 Ce qui est impressionnant, ce qui est paradoxal, c'est qu'il disparaît au moment où l'état
18:52 de droit est de plus en plus attaqué dans notre société, où l'on se déchire, où
18:57 l'on remet en cause des libertés fondamentales.
19:00 Cette coïncidence, Richard Malca, comment est-ce que vous l'interprétez ?
19:04 Avec inquiétude.
19:06 Et il était très inquiet.
19:10 Et la guerre en Ukraine, et évidemment le 7 octobre, vous imaginez ce que ça pouvait
19:14 représenter pour lui ?
19:15 Oui, c'était une déception, cela.
19:19 Cet homme de progrès, en effet, pensait que le chemin continuait, continuait, continuait
19:24 sans limite.
19:25 Et aujourd'hui, on voit des limites.
19:29 On est dans un monde obscur, on est dans un monde de guerre.
19:32 Et il avait pensé que peut-être on en avait fini avec ça, qu'il n'y avait plus que
19:38 la route du progrès.
19:39 Ce n'est pas le cas.
19:40 Et il va nous manquer beaucoup pour réfléchir à toutes ces questions et pour faire que
19:47 la lumière continue dans cette ombre qui nous menace tellement.
19:50 Richard Malca, il intervenait encore de temps en temps dans le débat public comme une grande
19:55 voix.
19:56 Il s'était opposé à ce que la déchéance de nationalité soit dans la Constitution.
20:00 Ah oui, bien sûr qu'il intervenait, mais je pense jusqu'au dernier moment.
20:05 Je l'ai vu une dernière fois à la toute fin de 2023, au mois de décembre.
20:12 Je vous assure qu'il réfléchissait mieux que nous quatre réunis.
20:16 Vous dites aussi qu'il avait encore des projets.
20:17 Par exemple, il a fait cette BD avec vous, Idysse, mais il en avait encore dans la tête.
20:21 Il en avait encore.
20:22 Il était complètement créatif, il avait d'excellentes idées.
20:25 Il se passionnait pour l'actualité, pour les débats de société, pour l'état de
20:29 droit, pour la situation des prisons, pour la guerre en Ukraine.
20:32 Et alors là, il en parlait vraiment beaucoup.
20:34 Ça l'angoissait, ça l'angoissait.
20:36 L'évolution du monde l'angoissait.
20:38 Donc il était en plein dans nos problématiques.
20:42 C'est un homme de son époque, il a souvent été à l'avant-garde.
20:46 C'est un laïc, un républicain convaincu.
20:49 Si vous deviez le définir en un mot, Michel Perrault, le grand entretien arrive à son
20:53 terme, qu'est-ce que vous diriez ?
20:55 La lumière, les lumières toujours continuer.
20:59 Les lumières.
21:00 Les lumières.
21:01 Les lumières.
21:02 Les lumières.
21:03 Les lumières.
21:04 Merci infiniment à tous les deux d'avoir été nos invités, d'avoir rendu hommage
21:09 à Robert Ballinter ce matin sur France Inter.

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