Avec Bertrand Martinot, Économiste à l’Institut Montaigne, Spécialiste de la question du chômage, des politiques de l’emploi et du dialogue social
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00:00Des Français en difficulté qui sont privés de travail. On va parler des conséquences du chômage.
00:05Depuis 2015, c'est-à-dire depuis 10 ans, le chômage a nettement baissé.
00:11Ça, c'est confirmé par une étude, on s'en doutait, c'est ce que disaient les chiffres.
00:14Qu'est-ce qui n'a pas baissé, d'après cette même étude, c'est la pauvreté.
00:18Pourquoi une baisse du chômage n'entraîne pas une baisse de la pauvreté ?
00:22Décryptage avec notre invité. Bertrand Martineau, bonjour.
00:26Bonjour.
00:27Bienvenue sur Sud Radio.
00:29Vous êtes économiste à l'Institut Montaigne, spécialiste de la question du chômage,
00:32notamment des politiques de l'emploi et du dialogue social.
00:35Vous avez été même, en un lointain temps, conseiller social de Nicolas Sarkozy,
00:39lorsque ce dernier était président de la République.
00:42Bertrand Martineau, une étude qui révèle que la baisse du chômage ne fait pas baisser la pauvreté.
00:48Est-ce que c'est un paradoxe ou pas ?
00:50Non, pas forcément.
00:51Parce que les causes de la pauvreté, ce n'est pas uniquement le chômage.
00:55Il y a des gens qui sont inactifs, par exemple, ou des gens qui sont au RSA.
00:59Ou des personnes lourdement handicapées qui dépendent de l'adulte,
01:02l'allocation adulte handicapé, qui peuvent être pauvres.
01:07Mais ils ne sont pas concernés par la question du chômage, en fait.
01:10Donc les deux sujets ne sont pas liés mécaniquement.
01:14Par ailleurs, le chômage a assez fortement baissé, donc de trois points.
01:18Il ne s'est pas non plus effondré.
01:19On a connu quand même beaucoup de pays qui ont vu un taux de chômage baisser beaucoup plus que nous.
01:23Oui, ça c'est vrai aussi.
01:24Alors si on regarde les chiffres publiés par le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale,
01:31c'est ce conseil qui publie cette étude.
01:33Entre 2015 et 2022, moment où on arrêtait l'étude, mais c'était logique, il y avait le Covid, ça ne servait à rien,
01:38le chômage est passé de 10,3% à 7,3%.
01:43C'est une baisse importante.
01:44Le chômage a été diminué d'un quart sur la période.
01:47On aurait pu espérer quand même voir un effet sur la pauvreté avec une baisse aussi sensible.
01:53Oui, bien sûr.
01:54Mais d'abord, la pauvreté, en l'occurrence, celle qui est mesurée, c'est une pauvreté relative.
02:00C'est-à-dire qu'elle est proportionnelle au salaire médian.
02:02C'est-à-dire que si entre-temps, et c'est le cas heureusement,
02:04si entre-temps les salaires ont augmenté dans notre pays,
02:07le salaire médian a augmenté,
02:09mais en fait, la pauvreté peut ne pas avoir reculé.
02:12C'est le premier point.
02:13Deuxième point, vous avez des phénomènes de pauvreté au travail,
02:16des personnes au temps partiel, par exemple.
02:19Un SPIC au temps partiel, vous êtes, selon cet indicateur,
02:21vous êtes évidemment dans la pauvreté.
02:23Vous avez une augmentation sur la même période du nombre de personnes qui sont RSA,
02:27quand même une augmentation d'environ 200 000 personnes.
02:30Et vous avez aussi une légère augmentation de toutes les personnes
02:33qui sont aux franges du marché du travail,
02:34qu'on appelle le halo autour du chômage,
02:37qui sont des personnes qui, généralement, sont de RSA,
02:40qui voudraient travailler, mais qui ne cherchent pas vraiment du travail.
02:43Donc, ils ne sont pas comptabilisés comme chômeurs
02:44et qui, souvent, sont dans une situation de précarité, voire de pauvreté.
02:49Ça veut dire quoi, qu'ils voudraient travailler,
02:51mais ne cherchent pas forcément du travail ?
02:54On parle de quel type de travailleurs ?
02:56C'est des gens qui sont découragés, souvent.
02:59C'est des chômeurs de longue durée qui ont basculé dans le RSA
03:02et qui sont découragés.
03:03– Et ce sont d'ailleurs ceux que les politiques sociales,
03:06dont celles auxquelles vous avez travaillé,
03:08ont le plus de mal, en fait, à sortir de ce fléau-là.
03:12Alors, vous l'avez dit, plusieurs enseignements dans ce que vous venez de nous dire,
03:15Bertrand Martineau.
03:15D'abord, c'est vrai que le chômage a baissé.
03:17Il a baissé fortement d'un quart.
03:18Réduction d'un quart, c'est quand même considérable en dix ans.
03:22En revanche, il a baissé moins en France que dans d'autres pays.
03:26Comment on explique ces différences ?
03:28– Oui, alors, une réduction de trois points de chômage en dix ans,
03:31c'est tout à fait significatif.
03:32Ce n'est pas non plus spectaculaire.
03:33Encore une fois, il y a des pays qui ont réussi, dans la même période,
03:36à baisser leur chômage de cinq ou six points.
03:37– On parle de quels pays, par exemple ?
03:39Qui a fait mieux ?
03:40– Alors, par exemple, le plus connu qui est près de nous,
03:43c'est l'Allemagne, qui a réussi à baisser son chômage.
03:45Mais si on veut raconter l'histoire complète,
03:47elle a baissé son chômage au prix, quand même,
03:49d'une plus grande précarité de pas mal de personnes.
03:51C'est aussi un choix politique qui a été fait.
03:53– Et vous voyez venir ma question suivante, Bertrand Martineau.
03:56Est-ce que la pauvreté a baissé en Allemagne
03:58avec cette baisse encore plus forte du chômage en Allemagne ?
04:00– Non, elle a augmenté. Elle a plutôt augmenté.
04:03– Donc, la pauvreté a augmenté en Allemagne
04:05où le chômage a baissé encore plus fort,
04:08ce qui signifie que, par moment,
04:10mettre les gens au travail peut carrément les appauvrir.
04:12C'est ça que j'en déduis.
04:13– Si vous passez d'un système, c'était le cas de l'Allemagne,
04:17si vous passez d'un système socialement très protecteur,
04:19vous vous donnez des protections sociales importantes
04:21sans travailler, à un système
04:23où vous obligez, en quelque sorte,
04:25les gens à travailler avec des salaires plus faibles,
04:27une protection sociale plus faible,
04:28oui, vous pouvez avoir des situations
04:30où vous baissez le chômage,
04:32mais vous augmentez la pauvreté.
04:33Mais j'ajoute que la pauvreté, encore une fois,
04:36telle qu'il est mesuré dont on parle là,
04:37ce n'est pas la pauvreté absolue,
04:39c'est la pauvreté relative.
04:40C'est-à-dire qu'encore une fois,
04:41si vous doublez le RSA, par exemple,
04:44et que vous doublez les salaires de moyens du pays,
04:48vous n'avez pas baissé la pauvreté,
04:49alors même que globalement, tout le monde est plus riche.
04:52Vous voyez le paradoxe.
04:53En fait, la pauvreté, telle qu'on le mesure,
04:54c'est un indicateur d'inégalité
04:56et non pas un indicateur de pauvreté absolue.
04:59– Alors où est-ce qu'on peut mettre le curseur,
05:01Bertrand Martineau ?
05:02– Ça dépend du niveau de chômage.
05:05Quand vous êtes à un chômage qui est encore massif,
05:07aujourd'hui en France, à 7,4% de la population active,
05:11on peut penser qu'il faut à tout prix
05:14encourager les personnes à reprendre du boulot,
05:16même si ce sont des temps partiels,
05:18quitte à augmenter un petit peu
05:20et à mieux cibler un certain nombre de prestations
05:23qui aident à retrouver du travail
05:26et qui font que quand on travaille,
05:28on y gagne, et on y gagne beaucoup,
05:30pour aussi pouvoir faire face à la garde d'enfants.
05:34Je rappelle que la majorité des situations de pauvreté,
05:38c'est quand même généralement des femmes célibataires avec enfants
05:43et donc qui cumulent tout un tas de handicaps
05:46pour avoir un travail bien rémunéré à temps complet, etc.
05:49Donc c'est sur ce genre de population
05:51qu'il faut faire porter l'effort,
05:53beaucoup plus qu'aujourd'hui probablement.
05:54– Alors faire porter l'effort, ça veut dire quoi ?
05:56Ça veut dire augmenter certaines prestations ?
05:58Ça veut dire subventionner davantage la reprise du travail ?
06:02Ou alors subvenir à tous les besoins qu'on a en dehors du travail
06:05pour que ces personnes justement aient les moyens de travailler ?
06:09– C'est d'abord faire en sorte que le travail paye davantage,
06:12surtout en particulier au niveau des plus bas salaires,
06:16j'insiste vraiment sur ces poches de pauvreté qu'on a là,
06:19aider davantage les personnes pour la garde d'enfants.
06:25Je vais prendre un exemple très simple.
06:26On dépense un certain nombre de milliards d'euros,
06:28c'est la Caisse Nationale d'Assurance, c'est le système de retraite
06:31et la Caisse Nationale d'Assurance Familiale.
06:36On majeure les pensions pour les familles nombreuses.
06:38Bon, c'est très très bien, mais les familles,
06:40il vaudrait mieux les aider, les familles modestes,
06:42il vaudrait mieux les aider au moment où elles ont un enfant
06:44plutôt que de leur dire faites des enfants
06:46et dans 43 ans vous aurez une pension majorée de 10%.
06:49Voilà ce genre de réflexion qu'on pourrait avoir
06:51si on sortait un peu de, par exemple, de l'hystérie autour des retraites.
06:56Quelle hystérie autour des retraites, oui.
06:58Alors ça, c'est l'autre conclave.
06:59On va y revenir, ce sera ma dernière question.
07:01Évidemment, Bertrand Martineau, on n'allait quand même pas y couper.
07:04Mais en gros, vous voudriez qu'on aide davantage les actifs,
07:09enfin les gens quand ils sont actifs,
07:11que quand ils sont à la retraite.
07:15Oui, je pense que ce serait souhaitable.
07:17Notre système, notre modèle social,
07:19il a été conçu dans un univers
07:22où il y avait une croissance démographique extrêmement forte,
07:25qu'on n'avait pas vue dans le passé
07:27et qu'on ne reverra pas dans le futur probablement.
07:30Même si la fécondité remontait un peu,
07:31on ne reverrait pas les taux de natalité
07:33qu'on a vus dans les années 60, 70 et jusqu'à 80.
07:37Donc, de toute façon,
07:39il va falloir changer de modèle social.
07:41Et la question du bon équilibre,
07:43du bon curseur à trouver entre les actifs et les retraités
07:45doit être au cœur des débats.
07:47Et malheureusement, on n'en parle pas encore assez,
07:49mais c'est en train de monter.
07:49Autre question, Bertrand Martineau.
07:52On l'a dit, la baisse du chômage sur 10 ans en France
07:54n'a pas nécessairement fait baisser la pauvreté.
07:56Là, on sait que le chômage a recommencé à augmenter légèrement.
08:00On espère qu'il s'arrêtera le plus vite possible,
08:01mais ce n'est pas sûr.
08:02Est-ce qu'il y a un risque de voir la pauvreté augmenter
08:04avec le chômage,
08:05alors même que la baisse du chômage ne l'aura pas fait baisser ?
08:07Tout peut arriver dans ce domaine.
08:10Mais ça dépend de qui est chômeur.
08:14C'est-à-dire, dans un premier temps,
08:15si ce sont des chômeurs de courte durée
08:17qui sont indemnisés,
08:18ils ne vont pas forcément basculer dans la pauvreté.
08:21La question, c'est combien de temps va durer le chômage ?
08:24Quel type de travail vont retrouver les nouveaux chômeurs ?
08:28Et donc, on ne peut pas le savoir à l'avance.
08:30Ce qui est sûr, c'est que si la remontée du chômage est durable,
08:33véritablement, le taux de pauvreté augmentera.
08:36C'est inéluctable.
08:36Si c'est maintenant quelque chose d'un peu conjoncturel
08:38et que ça ne dure que quelques trimestres,
08:40il n'y a pas de raison que le taux de pauvreté explose.
08:42Dernière question, chose promise, chose due.
08:45L'autre conclave qui continue,
08:46celui décidé par François Bayrou,
08:48qui n'est que Premier ministre, un pap-ap,
08:50c'est celui qui rassemble les partenaires sociaux,
08:52patronat et syndicat.
08:54Pour trouver une solution,
08:56une énième réforme des retraites,
08:58quelle est la réforme des retraites idéale pour vous,
09:00Bertrand Martineau,
09:01celle qui nous fait travailler plus longtemps ?
09:04Alors, de toute façon,
09:05il y a deux choses à faire.
09:08D'abord, il faut faire en sorte de travailler plus longtemps.
09:10Alors, peut-être pas forcément, à court terme,
09:12reculer de nouveau, au-delà de 64 ans,
09:15l'âge légal,
09:16même s'il faudra probablement le faire
09:18dans les prochaines décennies.
09:20Mais en tout cas,
09:22première chose,
09:23c'est d'essayer de traquer,
09:24à l'intérieur du système tel qu'il est,
09:26tous les dispositifs qui sont inégaux,
09:29inéquitables,
09:30et qui éventuellement freinent
09:31l'allongement de la durée du travail.
09:34Ça, c'est le premier point.
09:35Et le deuxième point,
09:36c'est sans doute optimiser le financement
09:38en introduisant un pilier par capitalisation
09:41qui permettrait, en fait,
09:43aux jeunes générations
09:44d'éviter de voir leur retraite
09:47qui va baisser tendanciellement, en fait.
09:49C'est à peu près la seule solution.
09:50Je dis un pilier capitalisation,
09:52ça ne veut pas dire passer 100% sans capitalisation.
09:54C'est juste avoir une partie
09:56qui sera en capitalisation,
09:57mais une capitalisation pour tous,
09:59c'est-à-dire qui concernerait
10:01tous les salariés,
10:02y compris les plus modestes,
10:03et non pas simplement
10:03le développement des fonds de pension
10:06ou des plans d'épargne-retraite
10:07pour les grandes entreprises
10:08et surtout pour les cadres.
10:10Il faudrait quelque chose de populaire,
10:12capitalisation pour tous.
10:13C'est comme ça que j'appelle.
10:14Capitalisation pour tous,
10:15sauf que c'est vrai que c'est un mot tabou
10:16en France.
10:18C'est pour ça que c'est politiquement
10:19toujours explosif.
10:20On en reparlera avec vous,
10:21pourquoi pas Bertrand Martineau.
10:23Merci beaucoup.
10:24Pour cet éclairage,
10:25toujours passionnant,
10:26économiste à l'Institut Montaigne,
10:28je le rappelle,
10:28vous êtes spécialiste
10:29de la question notamment du chômage,
10:30des politiques de l'emploi
10:31et du dialogue social,
10:33comme on pouvait bien sûr
10:34l'entendre sur Sud Radio.