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Des scènes apocalyptiques et un bilan humain tragique. Les crues survenues l'été dernier en Europe ont fait plus de 250 morts et des milliers de sinistrés. Un choc pour la Belgique et l'Allemagne, notamment dans la vallée de l'Ahr, petit paradis de verdure au bord de rivières ordinairement si tranquilles. En théorie, si les risques de crues étaient connus, en pratique, nul ne s'attendait à de telles inondations, qui viendraient perturber la saison estivale et la vie de milliers d'habitants. Dans cet épisode inédit de la série Hors De Contrôle, découvrez le phénomène de goutte froide à l'origine de la catastrophe. De nombreux climatologues disent qu'avec l'augmentation des températures et l'affaiblissement du courant Jet Stream, les gouttes froides pourraient être plus nombreuses et dévastatrices à l'avenir. Des témoignages de victimes dont certaines ont tout perdu dans les inondations permettent de comprendre l'événement de l'intérieur. Une série d'experts parle des mécanismes qui se jouent en l'air comme à terre et qui déjouent, bien souvent, tous les pronostics.

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Transcription
00:00Donc l'eau arrive à les balayer en quelques secondes.
00:05Ce phénomène de destruction ne va pas s'arrêter là.
00:09Des éléments bien plus importants encore vont subir les affres de la goutte froide.
00:19L'histoire prend place dans un petit coin de paradis, non loin de la France.
00:25Dans une vallée verdoyante et ses petits cours d'eau.
00:27Mais à l'été 2021, l'ambiance bucolique va radicalement changer.
00:37Tout l'ouest de l'Allemagne, l'est de la Belgique ont été ravagés par de terribles inondations.
00:42Ces communes se sont transformées en champs de ruines.
00:45Angela Merkel se dit profondément touchée par cette tragédie, la pire catastrophe naturelle depuis la seconde guerre mondiale.
00:52C'est un endroit vraiment magnifique, tout le monde rêve d'habiter là.
00:55Et puis la rivière Ar est une petite rivière tranquille.
00:59Personne ne s'attend à ce qu'elle soit dangereuse.
01:02J'étais sûr qu'il se passerait quelque chose, mais une catastrophe de cette ampleur, ça, c'était totalement inimaginable.
01:10Les 14 et 15 juillet 2021, alors que l'été et ses fortes chaleurs sévissent sur une grande partie du monde,
01:16le nord de l'Europe est sous les eaux.
01:20En Allemagne, ces inondations seront la pire catastrophe naturelle d'après-guerre.
01:26C'est comme un tsunami qui a traversé tout le village.
01:31Je vois la voisine qui tape à la fenêtre en criant très fort au secours plusieurs fois.
01:36Et puis à un moment donné, on ne la voit plus, on ne l'entend plus.
01:47Ces images, on ne les voit qu'à la guerre.
01:52Pour comprendre cet été meurtrier qui a fait 41 victimes en Belgique et 180 en Allemagne,
01:59scientifiques et habitants dont certains ont tout perdu dans la catastrophe ont accepté de parler.
02:03Et là, je me dis « Ok, Rebecca, ne panique pas. Surtout si tu dois nager. Il faut que tu restes en vie. »
02:18Alors je me mets en mode « Instinct de survie. »
02:23Le principal problème d'une goutte froide, c'est qu'elle n'est pas prévisible par les modèles météorologiques.
02:29À ce moment-là, on va voir la formation d'un embâcle.
02:31« À cause de l'urbanisation, ce qui aurait dû être un simple événement naturel est devenu une catastrophe. »
02:39Comment expliquer la violence de telles inondations ?
02:42Quels phénomènes sont à l'origine de ce tragique engrenage ?
02:46Plongée au cœur d'un été, hors de contrôle.
02:50Mardi 29 juin 2021.
03:12Sur la côte ouest du Canada et des Etats-Unis, un phénomène climatique hors normes concentre tous les regards.
03:21Il fait grimper le thermomètre à des niveaux records.
03:25Un pic de 49,7 degrés Celsius a été enregistré.
03:30« S'il fait déjà chaud comme ça, alors qu'est-ce qu'il va nous arriver en août ? »
03:36La raison de ces températures extrêmes est ce que les scientifiques appellent un « dôme de chaleur ».
03:44Un espace dit « fermé » de températures anormalement élevées.
03:50Prise au piège, les populations concernées suffoquent.
03:53« On a une température qui est montée jusqu'à 49,7 degrés dans une zone qui habituellement a des températures de l'ordre de 19 à 20 degrés à cette saison.
04:06Donc c'est un territoire qui n'était absolument pas prêt. »
04:10Litton, une petite ville située à 100 kilomètres de Vancouver, est en proie aux flammes.
04:15Des hectares de forêts s'embrasent spontanément.
04:22La chaleur écrasante aurait fait près de 700 victimes.
04:28Aussi étrange que cela puisse paraître, si de ce côté de l'Atlantique, les populations meurent de chaud,
04:34sur l'autre rive, l'Europe connaît un climat diamétralement opposé.
04:41Dans quelques jours, il va faire de nombreuses victimes.
04:45Samedi 3 juillet 2021.
04:58A l'inverse du dôme de chaleur qui sévit en Amérique du Nord, une partie de l'Europe est sous la pluie.
05:08« Eh bien, c'est pas terrible. »
05:09« Non, et attention, parce que si certains d'entre vous partent en vacances aujourd'hui, il y aura de la pluie sur la route. »
05:14En France, le mauvais temps noircit la carte des bulletins météo depuis quelques jours.
05:21Ces images de touristes sous des trompes d'eau dans la capitale.
05:24Ou encore de vacanciers en manteau au bord du lac d'Annecy alimentent quotidiennement les journaux télé.
05:30« Faut pas faire ce qu'on veut avec ce temps assez délicat, assez pourri, si je peux me permettre. »
05:36« Les vacances sont gâchées pour beaucoup. »
05:40Mais c'est à seulement 250 kilomètres de l'Hexagone que les précipitations sont les plus inquiétantes.
05:46Dans une zone située entre l'Allemagne et la Belgique, de part et d'autre d'un massif montagneux nommé l'Eiffel,
05:52les habitants n'ont pas vu le soleil depuis un bon moment.
05:57Christelle habite dans cette région, dans la commune de Verviers.
06:00« C'est des vacances très pluvieuses.
06:04Donc il pleut depuis fin juin.
06:09On voit presque pas d'enfants parce que c'est déluge sur déluge.
06:14On a rarement une journée avec des éclaircies.
06:17C'est vraiment pénible cette flotte parce qu'on peut rien faire parce qu'il pleut tout le temps. »
06:24Le mauvais temps l'empêche de profiter des joies que lui offre la région,
06:26en particulier la petite rivière qui coule près de chez elle.
06:32« C'est très charmant la Vesre.
06:34C'est très agréable d'aller se promener le long de l'eau.
06:37C'est vraiment des coins de nature encore assez sauvages.
06:42C'est très chouette. »
06:46En Allemagne aussi, dans la vallée de Lahr, à 70 kilomètres de Cologne,
06:51les habitants guettent l'arrivée du soleil.
06:54Ici, la saison touristique est vitale.
06:56Les randonneurs viennent en masse arpenter les nombreuses collines de la région.
07:06En plus de la montagne, l'endroit est traversé par de nombreux ruisseaux et par la rivière Ar.
07:14Longue de 90 kilomètres, elle n'est profonde que d'une trentaine de centimètres.
07:19« Rebecca connaît bien cette rivière.
07:24Elle vit juste en face, sur la commune de Dernar. »
07:29« Lahr, c'est franchement une rivière très paisible.
07:32À vrai dire, elle était même très asséchée ces dernières années.
07:36D'ailleurs, quand j'étais enfant, c'était même quasiment impossible de se baigner.
07:40Cette rivière ressemble plus à des flaques d'eau, je dirais.
07:44C'est vraiment très, très calme. »
07:49Et cette tranquillité sera de courte durée.
07:52Samedi 9 juillet, aux pluies exceptionnelles, s'ajoute un nouveau phénomène climatique.
08:10Il est encore loin des territoires belges et allemands, mais les scientifiques l'observent avec attention.
08:14Identifié sous le nom de « goutte froide », ce tourbillon de vent glacial en provenance du pôle Nord
08:24pourrait causer d'importants dégâts en Europe.
08:29« Une goutte froide, c'est une dépression d'altitude qui va en quelque sorte s'isoler de la circulation atmosphérique générale.
08:35C'est généralement une source de grande instabilité.
08:37Et donc, c'est typiquement une situation qui va provoquer du mauvais temps et parfois des pluies abondantes. »
08:44Actuellement, la goutte froide apparaît entre l'hiver et le printemps.
08:49Sa survenue en été surprend autant qu'elle inquiète.
08:54« À chaque fois qu'on augmente la température atmosphérique, on augmente ce pouvoir de précipitation potentiel
09:02puisqu'à un moment donné, cette vapeur d'eau ne peut pas rester dans l'atmosphère, elle est instable
09:07et elle finit par condenser et par retomber. »
09:12Non seulement cette goutte froide a profité des températures chaudes pour se charger en humidité,
09:18mais trônant au-dessus de la Méditerranée, elle s'est décuplée avec l'évaporation de la mer.
09:24En somme, une bombe climatique s'est formée dans le sud de l'Europe
09:28sans que personne ne sache où et quand exactement elle va frapper.
09:31Une seule certitude, la voilà désormais partie en direction du nord.
09:39« Trois jours avant la catastrophe, on n'est pas sûr de la direction que prendra la goutte froide.
09:45Mais on se dit « Ok, ça sera probablement à l'ouest de l'Allemagne.
09:49Il y aura sûrement de fortes précipitations et peut-être une crue.
09:53Mais ça, cette inondation exceptionnelle, personne ne pouvait l'imaginer. »
10:04Mercredi 13 juillet 2021.
10:07Cette goutte froide campe maintenant au-dessus des territoires belges et allemands.
10:11À Verviers, la pluie redouble d'intensité.
10:17Mais personne, pas même les scientifiques, ne réalise l'ampleur des événements à venir.
10:24« J'ai pas nécessairement suivi la météo.
10:27On était en zone orange, donc voilà, ça passait.
10:30Mais il n'y avait pas d'alerte qu'il fallait sauver les meubles, qu'il fallait se mettre à l'abri. »
10:41Mikaël se concentre sur les travaux de son restaurant.
10:46La météo ne l'inquiète pas.
10:48Et pour cause.
10:50« En 2016, on a eu une soi-disant crue du siècle.
10:56Mais en réalité, il y avait eu beaucoup moins de pluie que ce qui était prévu.
11:02Donc à ce moment-là, on n'y croit pas vraiment.
11:07On se sent en sécurité.
11:08On se dit « Ok, ça va ressembler à 2016.
11:12On peut vivre avec ça.
11:14On peut faire avec. »
11:17Ce mercredi 13 juillet 2021, en Belgique comme en Allemagne,
11:24les habitants se pensent encore à l'abri de tout danger.
11:26Mais la goutte froide est bel et bien là.
11:33Elle va même s'immobiliser au-dessus de la région et déployer ici toute sa puissance.
11:40En effet, à 1300 kilomètres de là, un anticyclone sur l'Atlantique empêche la circulation des vents d'ouest
11:48qui pourrait évacuer la goutte froide vers l'Est.
11:52Pendant qu'un second anticyclone, basé sur la Scandinavie, lui barre la route vers le nord.
11:58L'air que l'on a extrêmement chaud et sec sur la Scandinavie est un phénomène totalement anormal.
12:07On a des températures depuis le début du printemps qui n'ont jamais été relevées en Scandinavie sur cette période-là.
12:15Et donc à ce moment-là, vous êtes dans une situation de blocage où tout est stationnaire, plus rien ne bouge.
12:20Et donc là où il pleut, il va pleuvoir longtemps et de manière régulière.
12:24Et ici, en l'occurrence, pendant 48 heures d'affilée.
12:26Le pire des scénarios météorologiques se met en place.
12:32Les précipitations s'accumulent au même endroit, juste au-dessus de l'Allemagne et de la Belgique.
12:39Normalement, quand il y a de l'orage, il pleut très fort pendant 10, 20, 30 minutes et puis ça s'arrête.
12:47Mais là, ce que l'on observe, c'est que cet orage va durer des heures et des heures.
12:54Il pleut, il pleut, il pleut, ça ne s'arrête jamais.
13:02À l'instar du dôme de chaleur, de nombreux scientifiques attribuent cette goutte froide au réchauffement climatique et à l'affaiblissement du jet stream.
13:10Ce puissant vent d'altitude qui sépare l'air froid du pôle Nord du reste de la planète.
13:17Ces 50 dernières années, la température de l'Arctique a augmenté de 4 à 5 degrés.
13:25Celle de l'Europe a augmenté de 1,5 à 2 degrés.
13:27La différence de température entre l'Arctique et le sud de l'Europe est donc moins importante qu'avant.
13:33Par conséquent, le jet stream est moins puissant que dans les années 50 et 60.
13:43Dans quelques heures, l'affaiblissement de ce jet stream va se traduire de manière spectaculaire.
13:48Les populations belges et allemandes vont bientôt connaître les conséquences désastreuses de la goutte froide qui va se déchaîner comme jamais sur leur territoire.
14:09Mercredi 14 juillet, 10 heures.
14:14En Belgique comme en Allemagne, la pluie ne cesse de tomber.
14:19Le niveau des rivières a plus que doublé.
14:22De 30 centimètres, leur hauteur est passée à 75 centimètres.
14:27Alertés, les autorités se préparent à une inondation de grande ampleur.
14:40Le 14 juillet, quand il commence à pleuvoir vraiment fort, on reçoit les premières alertes du nord de la région.
14:46On apprend qu'il va y avoir encore plus de pluie.
14:49Et à ce moment-là, on voit un nuage de précipitation qui se dirige lentement vers nous.
14:55Nous avons chargé des sacs de sable dans les camions, comme ça on était prêts à partir vite.
15:01On était aussi en contact avec les autorités et les pompiers depuis la veille.
15:06En 2016, on avait déjà eu une inondation de ce type.
15:11Mais ici, dans notre région, ça n'avait pas eu d'impact significatif.
15:19Il n'y avait pas eu de dommages très importants.
15:21Et c'est pour ça que, quand c'est arrivé, on a pensé naturellement que ça se passerait de la même manière.
15:27Helmut Lussi regarde d'un œil inquiet la progression de l'eau.
15:36Schult, le village de 700 habitants dont il est le maire, est situé le long de la rivière Ar.
15:42Le matin vers 11h, une dame âgée m'appelle pour me dire que sa cave est inondée.
15:50A cause de la crue, elle n'arrive pas à accéder à la pompe, qui lui permet normalement d'évacuer l'eau.
15:55Je me rends tout de suite chez elle pour l'aider.
15:58J'étais très inquiet pour les habitants.
16:00Mercredi 14 juillet, 13h.
16:14En Belgique, à Verviers, où vit Christelle, le petit cours d'eau nommé la Vesdre a grandi de 5 fois sa taille habituelle.
16:22Il fait aujourd'hui 1,50 m de profondeur, alors qu'il ne faisait hier que 30 cm.
16:30Le 14 juillet, il pleut.
16:32Mon voisin en face met la pompe pour vider ses caves.
16:36Dans la nôtre, il y a une petite dizaine de centimètres, pas plus.
16:41Donc je ne m'inquiète pas.
16:46Mickaël, lui, commence à s'inquiéter.
16:48Il partage cette vidéo sur les réseaux sociaux.
16:53Je suis prête à se faire.
16:54A Dernao, l'eau a déjà largement débordé sur les rives.
17:02Elle atteint le jardin de Rebecca.
17:06La maison est si proche de l'eau que nous sommes, pour ainsi dire, aux premières loges.
17:15Juste avant la maison, il y a la rue, un trottoir et la route.
17:18Donc l'eau est arrivée tout de suite.
17:24Avec mon ami, on a commencé par garer les voitures dans la montagne.
17:32Même si l'inondation ne semblait pas encore très dangereuse,
17:35c'est quand même la première chose à laquelle j'ai pensé.
17:38Je me suis dit, il faut garer les voitures en hauteur, en lieu sûr.
17:41Malgré les précautions des habitants, rien n'arrête l'eau qui ne cesse de gagner du terrain.
17:53Le problème, c'est que les sols sont incapables d'absorber les nouvelles précipitations.
18:00Le territoire se sature en eau et il est dans un état de sensibilité extrême.
18:05La moindre goutte de pluie supplémentaire qui va venir dans cette zone
18:10ne sera absolument pas accueillie par ce territoire
18:14qui n'est plus capable d'accueillir des eaux supplémentaires.
18:18Un facteur aggravant s'ajoute à la catastrophe en cours, la sécheresse.
18:25Elle a sévi ici les trois années précédentes et modifié en profondeur la qualité des sols.
18:30On constate effectivement que des sécheresses prolongées vont poser un problème supplémentaire
18:37lorsqu'on va être confronté à des fortes pluies orageuses, en particulier en été.
18:41C'est que les sols sont devenus tellement durs qu'ils ne parviennent plus à absorber de l'eau.
18:44Et au moment où il commence à pleuvoir, les pluies qui tombent ne parviennent plus à absorber les sols
18:48vu que les sols sont extrêmement durs et imperméables.
18:51Ce 14 juillet 2021, 70% de l'eau qui tombe du ciel n'est pas absorbée par les sols.
19:02Elle s'écoule tout droit vers la rivière.
19:06Toute la région est caractérisée par des montagnes et par des pentes très raides.
19:12Donc en cas de forte précipitation, l'eau ruisselle et se canalise très vite
19:16dans les petits cours d'eau qui finissent dans la rivière Arr.
19:22C'est le principe de l'entonnoir.
19:25En Belgique comme en Allemagne, l'eau qui n'est plus absorbée dévale les pentes raides des collines.
19:31Elle se rassemble alors en ruisseaux et se jette dans la rivière qui se gonfle.
19:38Face au surplus d'eau, cette dernière n'a pas d'autre choix que de s'étendre naturellement dans la vallée.
19:43On dit que la rivière sort de son lit mineur pour retrouver son lit majeur.
19:51Mais quand l'espace manque, comme dans cette vallée, l'eau ne peut que monter.
19:58Une grande partie des populations est en première ligne car elle vit très près des cours d'eau.
20:04Au fur et à mesure des décennies, par les contraintes d'urbanisme,
20:09on a de plus en plus aménagé dans nos lits majeurs.
20:13Et on a oublié qu'on était en réalité dans le lit de la rivière.
20:17À cause de l'urbanisation, ce qui aurait dû être un simple événement naturel est devenu une catastrophe.
20:22Mercredi 14 juillet, 17h.
20:38À Schuld, le niveau de l'inondation monte encore d'un cran.
20:42On se rend compte que l'eau monte de façon spectaculaire.
20:47Ça prend alors une toute autre dimension.
20:51C'est très rapide.
20:53Les pompiers sont là pour intervenir chez les habitants.
20:57Ils commencent par vider l'eau des caves,
20:59mais ça ne sert pas à grand chose.
21:03Il y a vraiment trop d'eau pour qu'ils arrivent à tout évacuer.
21:11À 5 heures, il y a encore beaucoup de personnes qui restent coincées chez elles.
21:15Alors on lance une première évacuation, celle des personnes âgées.
21:22À Verviers, en Belgique,
21:24Christelle reçoit des nouvelles alarmantes des villages situés en amont de la rivière.
21:28Vers 5 heures, on a appris que Dolin avait évacué une partie des personnes.
21:35Nous, on s'est un petit peu inquiétés.
21:37Qu'est-ce qu'on doit faire ?
21:38Est-ce qu'on évacue ?
21:41Est-ce qu'on reste ?
21:43Et puis je dis, mais on est à 1,20 m du sol.
21:47Donc avant que l'eau n'arrive ici,
21:50franchement, il ne faut quand même pas pousser.
21:54Il y avait, c'est vrai, l'eau envahissait la rue,
21:56mais il y a la valeur qu'elle va suivre bien.
22:00Comme Christelle,
22:02beaucoup d'habitants de la région décident de rester chez eux
22:04sans se rendre compte du danger qui les attend.
22:08En Allemagne, en Belgique ou en France,
22:11quand vous entrez dans un bâtiment,
22:12il y a souvent les indications
22:14« Que faire en cas d'incendie ? »
22:16« N'utilisez pas l'ascenseur, etc. »
22:19Mais où sont les instructions en cas de très forte précipitation ?
22:22Que faut-il faire à ce moment-là ?
22:24Personne ne le sait.
22:25N'allez surtout pas dans le garage
22:28pour essayer de sauver votre voiture.
22:29C'est trop dangereux.
22:31Il faut sortir, se réfugier au sommet de la colline
22:34et ne pas rester dans la vallée.
22:36Ne pas conduire sa voiture
22:37si on n'arrive pas à percevoir le niveau réel de l'eau.
22:45Les habitants n'imaginent pas une seconde
22:48combien les cours d'eau qui les entourent sont dangereux.
22:50Le passé devrait pourtant les avoir alertés.
22:56Géographe à l'université de Bonn,
22:59Thomas Roggenkamp étudie les crues historiques de la rivière Ar.
23:03La région a déjà connu des inondations catastrophiques
23:08et de très graves crues.
23:10En 1804, par exemple,
23:11de nombreux villages ont été ravagés.
23:15Les habitants ont été pris par surprise.
23:17Beaucoup de personnes sont mortes.
23:19Dans ces vallées,
23:20les gens devraient avoir conscience du danger.
23:22Mais malheureusement,
23:23il y a comme une amnésie générale à ce sujet-là.
23:25Cette inconscience
23:29va malheureusement s'avérer fatale.
23:4021 heures.
23:43Ce soir,
23:44tous les éléments vont se conjuguer
23:46et faire éclater la catastrophe.
23:48A Dernao,
23:55l'eau a envahi toute la ville.
23:59Restée chez elle,
24:00Rebecca continue de filmer.
24:03Le premier étage de sa maison est inondé
24:05et malheureusement,
24:06cela ne va faire qu'empirer.
24:12Je suis à l'étage
24:13en train d'essayer de sauver
24:14le peu d'affaires qu'il me reste.
24:16Et puis tout à coup,
24:18mon mari appelle l'amie
24:19avec qui j'étais.
24:21Mon ami se met à crier
24:22« Rebecca, vite !
24:24Nous devons nous mettre à l'abri maintenant,
24:26au dernier étage de la maison ! »
24:31On a dû passer par la fenêtre
24:36pour pouvoir grimper sur le toit
24:38qui mène à la terrasse,
24:39tout en haut.
24:40On a réussi à y accéder
24:42et c'est là que j'ai eu
24:43mon premier moment de panique.
24:46« What the fuck ? »
24:51À Marienthal,
24:53dans son jardin au bord de l'eau,
24:55Mickaël prend conscience du danger.
24:57Téléphone à la main,
24:59il décide lui aussi de témoigner.
25:00Il prend alors la décision
25:17de quitter sa maison
25:18et de se réfugier à quelques kilomètres
25:20de chez lui,
25:21à Arweiler,
25:22chez une amie.
25:25Là-bas,
25:26le centre-ville n'a pas été inondé en 2016.
25:28Il n'y a donc rien à craindre,
25:31du moins,
25:32c'est ce qu'il croit.
25:37« On est tranquillement en train
25:38de regarder la télé.
25:40À un moment,
25:41on entend du bruit dehors.
25:44On se dit que c'est encore
25:46les jeunes qui font la fête
25:47et qu'ils sont un peu plus brillants
25:48que d'habitude.
25:50On regarde par la fenêtre.
25:53Là, on voit de l'eau
25:54partout dans la rue.
25:55de l'eau ?
25:57De l'eau dans Arweiler ?
25:58Je me dis,
26:01« Oh, ma voiture,
26:02elle est garée
26:02sur la place du marché. »
26:04Je décide d'aller la chercher.
26:06Je descends les escaliers.
26:09Là, je vois qu'il y a déjà
26:10un bon mètre d'eau dehors.
26:14Je mets quand même
26:15mon pied dedans.
26:16Je me rends compte
26:17que la force du courant
26:18est beaucoup trop importante.
26:20À ce moment-là,
26:21je me dis,
26:21« Non, Mickaël,
26:22non,
26:23n'y va pas. »
26:25Ce geste
26:29va lui sauver la vie.
26:32Fuir l'eau à tout prix.
26:34Mickaël décide alors
26:35de se mettre à l'abri
26:36au premier étage.
26:38À ce moment-là,
26:40la porte de notre terrasse
26:42explose en mille morceaux.
26:45Il y a des bruits comme ça
26:46qu'on n'oubliera jamais.
26:50Le moment où le verre
26:51de la véranda se brise,
26:52ce bruit et toute cette eau,
26:57ce sont des souvenirs
26:58qui resteront gravés
26:59dans ma mémoire.
27:01La hauteur de la rivière
27:03est maintenant de 6 mètres,
27:04près de 25 fois
27:05sa taille habituelle.
27:08Elle atteint la terrasse
27:09où ses réfugiés,
27:10Rebecca.
27:11La jeune femme
27:12imagine alors
27:13les pires scénarios.
27:14Là, je me dis
27:16« Ok, Rebecca,
27:17ne panique pas.
27:19Surtout si tu dois nager.
27:20Il faut que tu restes en vie. »
27:22Alors là, je me mets en mode
27:23instinct de survie.
27:28En temps normal,
27:29on peut nager dans ses cours d'eau.
27:31Mais là, dans cette rivière,
27:32c'était impossible.
27:34C'était comme se jeter dans le vide.
27:36C'était vraiment très agité.
27:37J'ai vu notre réverbère
27:39en béton se renverser
27:40et le conteneur à verre
27:42passer devant nous.
27:44Je pensais qu'il allait exploser.
27:46J'ai eu vraiment peur.
27:50À la hauteur de la rivière
27:52s'associe un débit d'eau colossal
27:54de 700 mètres cubes secondes.
27:58Deux images illustrent
28:00cette puissance.
28:02Sur les réseaux sociaux,
28:03un habitant filme la rue
28:04sous des eaux en furie.
28:07Ou encore ici,
28:10un piéton témoin
28:11de la rencontre improbable
28:13entre une caravane
28:14et un pont.
28:22Ce sont de petits ruisseaux
28:24qui se sont transformés
28:25en torrents déchaînés.
28:27On ne peut pas l'imaginer
28:28si on ne l'a pas vécu.
28:31L'eau ne fait pas comporter.
28:34Elle est aussi source
28:34de destruction.
28:35Des éléments pourtant
28:37solidement attachés
28:38à leur fondation
28:39comme le tablier de ce pont
28:40sont comme pulvérisés.
28:45L'eau que l'on retrouve
28:46dans une rivière
28:48qui vit une inondation
28:50n'est pas l'eau
28:51de la rivière habituelle.
28:54Cette eau
28:54qui est extrêmement lourde
28:56va avoir une force
28:57de corrosion
28:58très importante
28:59sur les bâtiments
28:59et qui va s'accroître
29:01avec la vitesse.
29:03Et donc,
29:04cette eau très lourde
29:05dévaste tout.
29:09Résultat,
29:10l'ancienne petite rivière
29:11s'est transformée
29:12en arme de destruction massive
29:14en portant tout
29:15sur son passage.
29:17Des voitures,
29:18des arbres
29:18et même des maisons.
29:20La force de l'eau
29:24est telle
29:27qu'elle est capable
29:27de pousser
29:28une maison entière.
29:31Souvent,
29:32les constructions récentes
29:33n'ont pas de cave
29:34ou alors elles sont construites
29:35directement sur le béton
29:36donc l'eau arrive
29:37à les balayer
29:38en quelques secondes.
29:42Ce phénomène
29:43de destruction
29:43ne va pas s'arrêter là.
29:45Des éléments
29:46bien plus importants encore
29:48vont subir
29:48les affres
29:49de la goutte froide.
29:5023 heures.
29:59À cet instant,
30:00l'inondation
30:01prend une tournure
30:02exceptionnelle.
30:05On se rend compte
30:06que ça vire au drame.
30:09On commence à voir
30:10une quantité invraisemblable
30:11de déchets flottants.
30:13L'eau emporte
30:14des arbres,
30:16des bonbonnes de gaz
30:17et même des caravanes.
30:21Le plus grave
30:22est que cette destruction
30:23s'auto-alimente.
30:25Plus l'eau charrie
30:26d'éléments,
30:27plus elle est dangereuse
30:28et menace
30:29les populations.
30:29L'eau balaye
30:32complètement
30:33la salle communale.
30:35Elle est emportée
30:35par le torrent.
30:40Son toit
30:40se retrouve bloqué
30:42sous le pont.
30:47L'eau de la rivière
30:48est alors retenue
30:49au niveau du pont
30:50et ne peut plus
30:51s'écouler.
30:52Elle s'accumule
30:53dans le centre
30:54du village
30:54et submerge
30:56tout.
31:01Emportés par l'eau,
31:02les objets
31:03s'accumulent
31:03à l'approche
31:04d'obstacles
31:04comme les ponts.
31:06On parle
31:06d'embâcle.
31:09L'écoulement
31:10de la rivière
31:10est alors bloqué,
31:12ce qui provoque
31:12en quelques minutes
31:13une montée
31:14spectaculaire
31:15de l'eau.
31:15Le petit village
31:21de Schulte
31:22est en proie
31:22à ce phénomène
31:23et voit l'eau
31:24arriver de toutes parts.
31:28Tout le village
31:30est envahi.
31:33Les maisons
31:34sont inondées
31:34jusqu'au premier étage.
31:38La rivière
31:39s'étend sur
31:39150 mètres de large.
31:43Au premier étage
31:45des maisons,
31:46je vois les gens
31:46se mettre à nager
31:47à côté
31:48de leurs meubles.
31:49Heureusement,
31:50certains arrivent
31:51à atteindre
31:51le dernier étage
31:52pour y passer
31:53la nuit
31:53en sécurité.
31:57À Verviers,
31:59Christelle dort.
32:01Elle croit
32:01être en sécurité
32:02dans son appartement
32:03situé à 1,20 m du sol
32:05et loin de la rivière,
32:07Kansouda.
32:08Ma fille
32:09vient me réveiller.
32:11Elle me secoue
32:11même
32:12en me disant
32:13il y a le chien
32:13qu'à moi,
32:14lève-toi.
32:15Il faut que tu viennes
32:15voir la rue.
32:19J'ouvre la fenêtre
32:20et là,
32:22en effet,
32:22oui,
32:22l'eau a monté.
32:24Il y a
32:24les deux premières
32:25marches du perro
32:26ont disparu sous l'eau.
32:27Donc,
32:27je dis
32:29qu'il faut
32:30qu'on s'habille.
32:32Quand je viens
32:32pour refermer la fenêtre,
32:34par curiosité,
32:35je me suis penchée
32:36à la fenêtre.
32:37j'ai regardé
32:38à droite.
32:40Il y avait
32:41un mur
32:41d'eau
32:42qui nous arrivait
32:43dessus
32:43venant de la droite
32:44par rapport
32:45à la fenêtre.
32:48On s'est sauvés.
32:50Christelle est confrontée
32:51au danger
32:52de l'embâcle.
32:55Sous la pression
32:56de l'eau,
32:57le pont
32:57a fini par céder.
32:58Une série de vagues
33:02jusqu'à 10 mètres
33:03de haut,
33:03l'équivalent
33:04de trois étages,
33:05est alors libérée.
33:16Christelle,
33:17comme bon nombre
33:17d'habitants,
33:18n'a que quelques secondes
33:20pour s'abriter
33:20en hauteur.
33:22Ça a bruit
33:23à faire mal.
33:24On a l'impression
33:25d'être
33:25coincée
33:29sous un torrent.
33:30Plus
33:31des chocs.
33:33On entend
33:33des chocs.
33:36Et je ne me rends
33:37pas compte
33:38que ce qui est
33:38en train de cogner
33:39à côté des escaliers,
33:41c'est la bibliothèque,
33:42c'est la vitrine.
33:45Je ne me rends
33:46pas compte
33:47de tout ça.
33:48J'entends bien
33:48que ça tremble,
33:51mais je suis incapable
33:52de dire que c'est l'eau.
33:53Et je ne réalise
33:54même pas
33:54ce qui nous arrive.
33:55Je vois la voisine
33:57qui tape à la fenêtre
33:59en criant très fort
34:00au secours
34:00plusieurs fois.
34:02On voit les voisins
34:03du premier
34:04qui essayent,
34:05eux,
34:06d'aller la...
34:07qui ont essayé
34:08de la secourir.
34:10Et puis,
34:10à un moment donné,
34:11elle a été emportée
34:13par le courant de l'eau.
34:15Et on ne la voit plus,
34:16on ne l'entend plus.
34:17Donc,
34:18on se doute bien
34:20de ce qui est arrivé.
34:21dans la nuit
34:26du 14 au 15 juillet,
34:29ce qui s'apparente
34:29à un rat de marée
34:30anéantit toute la vallée.
34:36Le chaos règne désormais
34:38dans ces villes
34:38d'ordinaire
34:39si paisibles.
34:39Le moment où je me suis dit
34:45« Oh merde ! »
34:47c'est quand les premiers
34:47avis de décès sont arrivés.
34:50Une femme pompier
34:50était portée disparue
34:51et on a appris
34:52qu'elle s'était noyée.
34:54L'annonce nous est parvenue
34:55vers minuit
34:55et c'est à ce moment-là
34:57qu'on s'est rendu compte
34:58que la situation
34:59n'avait rien à voir
35:00avec ce que nous avions
35:01connu jusqu'à présent.
35:02L'électricité est coupée.
35:07Il n'y a plus
35:07de communication,
35:09plus de lumière.
35:12Les messages
35:13se sont faits
35:13de plus en plus rares
35:14au cours de la soirée
35:15parce que tout le monde
35:16était pris
35:17par les missions de sauvetage.
35:19Certains sapeurs-pompiers
35:19ont même dû abandonner
35:20leur caserne
35:21à cause de l'arrivée
35:22soudaine de l'eau.
35:25La situation
35:26est devenue
35:27de plus en plus compliquée.
35:28L'eau est si puissante
35:33qu'elle empêche
35:34les secours d'avancer.
35:36Les bateaux
35:36et même les hélicoptères
35:38sont inopérationnels.
35:41Nous n'avons pas pu
35:41utiliser de bateaux
35:42parce que le courant
35:43était trop fort.
35:45Nous en avons un
35:45qui nous permet normalement
35:46de naviguer relativement vite
35:48sur le Rhin.
35:49Mais là,
35:49on n'avait aucune chance
35:50de circuler avec toute cette eau.
35:52Les véhicules
35:53ne fonctionnaient pas.
35:54On se sent vraiment impuissants
35:56à ce moment-là.
35:58L'eau,
36:02cet élément si familier,
36:05s'invite désormais
36:05chez les habitants
36:06avec une force insoupçonnée.
36:10Moi !
36:11Moi !
36:12Fais pas !
36:14Fais pas !
36:15Un monstre si impressionnant
36:17qu'ils sont nombreux
36:18à partager son image
36:19sur les réseaux sociaux.
36:22Le lendemain va révéler
36:24son lot de surprises
36:25et d'images effrayantes.
36:2815 juillet 2021,
36:396h30 du matin.
36:41Au terme d'un déluge
36:42qui a duré près de 48 heures,
36:44la Belgique et l'Allemagne
36:45se réveillent traumatisées.
36:50La force de l'eau
36:51a littéralement décollé
36:52le revêtement des rues
36:53et ventré les autoroutes.
36:55Dans la ville d'Arweiler
37:05en Allemagne,
37:06le pont qui surplombait
37:07la rivière Ar
37:08est comme de nombreux autres
37:10dans le pays
37:10une ruine.
37:14Même le colossal barrage
37:15de Steinbach
37:16est fragilisé
37:17au point qu'il menace
37:18désormais de céder.
37:19Ces images,
37:25on ne les voit qu'à la guerre.
37:28Mes collègues et moi,
37:30on n'avait jamais vu
37:32de tels dégâts.
37:33Je suis dans la voiture
37:44et à certains moments,
37:45je me dis
37:46« Mais je suis où en fait là ? »
37:48Il y a vraiment des endroits
37:49qui ont été transformés
37:50par la crue.
37:55Une heure et demie plus tard,
37:57le balai des hélicoptères
37:58et des bateaux de sauvetage
37:59commence.
38:00Il faut aller vite.
38:03La vie de certaines personnes
38:04bloquées chez elles
38:05en dépend.
38:15Rebecca, elle,
38:16est secourue
38:17après 11 heures interminables
38:18passées sur le toit
38:19de sa maison.
38:27Mais la jeune femme
38:28n'est pas au bout
38:28de ses surprises.
38:30Comme 70% des maisons
38:33de la vallée de l'art,
38:35la sienne est ravagée.
38:40Comme le montrent
38:41ces images,
38:42aucun des trois étages
38:43de sa maison
38:44n'a été épargné.
38:45Mickaël aussi va découvrir
38:58avec effroi
38:59l'état de son domicile.
39:00Quand j'arrive au sommet
39:05du vignoble,
39:06je regarde en bas.
39:07Sur le coup,
39:08je ne vois pas la maison.
39:11Je ne vois que de l'eau marron.
39:13Je suis sous le choc.
39:17Je me dis,
39:18ma maison,
39:19ma maison.
39:21Je avance de quelques mètres
39:22et là,
39:23je vois ma maison
39:24qui tient encore debout.
39:25quand je pense à l'inondation,
39:43je me dis que je dois
39:45tout à mon instinct de survie.
39:47si je n'avais pas pris
39:50la décision de partir,
39:52je serais resté coincé ici
39:53et Dieu sait
39:55ce qui serait arrivé.
40:00Schuld,
40:01le village d'Elmout Lussi
40:03a été détruit en grande partie
40:04par la furie des eaux.
40:09Je me demande d'abord
40:10s'il y a des victimes.
40:13C'est la première chose
40:15à laquelle je pense.
40:17même si les inondations
40:19ont tout détruit,
40:21c'est possible
40:22de tout reconstruire.
40:24Mais les vies humaines
40:25sont irremplaçables.
40:28Et c'est ma plus grande angoisse
40:30à ce moment-là.
40:37Par chance,
40:38tous les habitants du village
40:39ont été épargnés.
40:41Mais ce n'est pas le cas
40:42dans le reste du pays.
40:43On compte 221 victimes,
40:4841 en Belgique
40:49et 180 en Allemagne.
40:54Les dégâts matériels, eux,
40:56s'élèvent à plus de 7 milliards d'euros.
41:00Une image marque les esprits.
41:02Celle de ce glissement de terrain
41:04dans la ville de Herbstadt-Blessem,
41:05près de Cologne.
41:06L'eau boueuse a emporté
41:10tout un quartier.
41:13Un cratère de 10 mètres
41:14de profondeur s'est creusé
41:15sur des hectares
41:16de terres agricoles.
41:21Les habitants pensent avoir tout vu.
41:23Mais en réalité,
41:24le cataclysme
41:25n'est pas encore derrière eux.
41:26Jeudi 15 juillet,
41:368h30.
41:38À peine sortis
41:38de leur cauchemar,
41:40les populations allemandes
41:41sont sous le coup
41:42d'une nouvelle menace.
41:45Marc Lohmeyer,
41:46membre de la protection civile,
41:48est sur le pont
41:49depuis 24 heures.
41:51Il n'imagine pas
41:52qu'une mission encore
41:53plus périlleuse l'attend.
41:54Je savais qu'on allait
41:57certainement devoir
41:58pomper des caves,
41:59réparer des bâtiments
42:00et venir en aide
42:01aux habitants.
42:03Mais s'il y a une chose
42:03que je n'avais pas en tête,
42:04c'est que nous ayons affaire
42:05au barrage de Steinbach.
42:06Je n'imaginais pas
42:07qu'il y aurait
42:08un tel danger là-bas.
42:14Quand les pompiers
42:15arrivent sur place,
42:17ils n'en croient pas
42:19leurs yeux.
42:22Au moment où je vois
42:24le mur du barrage
42:24pour la première fois,
42:26je me demande
42:27si je n'ai pas atterri
42:28dans le film de Godzilla.
42:30On dirait qu'un monstre géant
42:31a creusé de profonds sillons
42:32avec ses griffes.
42:35Les précipitations
42:36ont rongé
42:37la digue de ce barrage.
42:43Une montagne d'eau
42:44d'un million de mètres cubes
42:46est désormais sur le point
42:47d'être libérée.
42:4810 000 personnes
42:52dans neuf villes différentes
42:53sont en première ligne.
42:59L'ingénieur Christian Lorenz
43:01est spécialiste
43:02du barrage de Steinbach.
43:03Le barrage
43:05fait 19 mètres de haut.
43:08En général,
43:08il est rempli d'eau
43:09à hauteur de 17 mètres.
43:11Dans ce bassin,
43:13il y a un peu plus
43:14d'un million de mètres cubes
43:15d'eau,
43:15ce qui représente
43:16à peu près
43:17un milliard de bouteilles
43:18d'eau d'un litre.
43:22En théorie,
43:23ce barrage
43:24ne devrait pas inquiéter
43:25les autorités
43:26car il a été prévu
43:27pour résister
43:27aux pires inondations.
43:28Nous avions vérifié
43:31si le barrage
43:31de Steinbach
43:32était bien conçu
43:33pour évacuer
43:33sans problème
43:34une crue exceptionnelle
43:35comme il en arrive
43:36tous les 10 000 ans.
43:40Face aux grandes crues,
43:41le barrage,
43:43doté d'un double système
43:44d'évacuation,
43:45a une capacité d'expulsion
43:46de 26 mètres cubes
43:47par seconde.
43:51Premièrement,
43:52la retenue d'eau
43:53est régulée continuellement
43:55grâce à une canalisation
43:56au niveau inférieur
43:57de la digue,
43:5917 mètres plus bas.
44:02Un second système
44:03d'évacuation
44:04est aussi prévu
44:05pour rejeter
44:06l'eau supplémentaire
44:07en cas de forte pluie.
44:11Cette canalisation
44:12fonctionne exactement
44:13comme le trop-plein
44:14d'une baignoire.
44:16Elle permet au barrage
44:17d'éviter le débordement.
44:24Mais cette nuit-là,
44:26le barrage a dû faire face
44:27un tel surplus d'eau
44:28que le système
44:28d'évacuation
44:29s'est avéré inefficace.
44:32Le bassin a débordé
44:33pendant plusieurs heures.
44:38Évidemment,
44:38la réalité est bien pire
44:40que tout ce qu'on avait
44:41imaginé jusqu'à présent.
44:43Dans les faits,
44:44il y a dans le bassin
44:45le triple de l'eau
44:46qu'on prévoit normalement
44:47dans le cas
44:48d'une crue
44:49de 10 000 ans.
44:51Le problème,
44:52c'est que le barrage
44:52n'est pas conçu pour ça.
44:53Aucun barrage
44:56en Allemagne
44:57n'est conçu pour ça.
45:03Une partie du sol
45:04emporté par les eaux
45:05a bouché l'évacuation.
45:07Le barrage
45:08ne peut pas être vidé.
45:10Une eau
45:11au-delà
45:12du niveau d'alerte.
45:13Une digue
45:14fragilisée.
45:15Une évacuation
45:16bouchée.
45:17À tout moment,
45:18le barrage
45:18peut céder.
45:19Jeudi 15 juillet,
45:2420 heures.
45:26Les pluies ont cessé
45:27depuis une quinzaine
45:28d'heures,
45:29mais au journal
45:29de la première chaîne
45:30allemande,
45:31un nouvel événement
45:32fait la une.
45:33Sarah Schmitt
45:34est en Erfstadt
45:35sud-westlich
45:36de Köln.
45:37Sarah,
45:37nous avons entendu
45:37la peur
45:38de la steinbachtal
45:40qui pourrait brecher.
45:41Est-ce que cette
45:41peur est größer ?
45:42Mais cette staudame,
45:44cette staudame,
45:45est-ce que la staudame,
45:46est-ce que la staudame
45:47par mesure de prévention,
45:53les autorités
45:54ont évacué
45:54les populations menacées.
45:58Pour le moment,
45:59il est impossible
46:00de déboucher
46:00la canalisation.
46:03La seule solution
46:04est de vider
46:05au maximum
46:05le barrage.
46:09Tout au long
46:09de la journée,
46:10les secours
46:11ont installé
46:11des pompes
46:12venues de toute l'Allemagne.
46:13C'est une course
46:17contre la montre.
46:18On se demande
46:19si on y arrivera
46:19ou pas,
46:20si le barrage
46:21tiendra
46:21ou s'il cédera.
46:25Pour tous les habitants
46:26de cette vallée,
46:28c'est une très longue
46:29nuit d'incertitude
46:29qui commence.
46:40Vendredi 16 juillet,
46:4110 heures.
46:43Le barrage
46:44tient toujours.
46:45Les pompiers
46:46parviennent
46:46à aspirer
46:47jusqu'à 70 000 litres
46:48d'eau par minute.
46:50Mais cela ne suffit pas.
46:52À ce rythme,
46:53il faudrait presque
46:54un mois
46:54pour vider entièrement
46:55le bassin.
46:57Le vendredi,
46:59c'est-à-dire
46:59au jour 2
47:00de l'intervention,
47:01on se dit
47:02qu'il va vraiment
47:02falloir ouvrir
47:03la vidange de fond.
47:04Sinon,
47:05on n'arrivera jamais
47:06à enlever
47:06complètement l'eau
47:07du barrage.
47:10Un homme
47:11se porte volontaire.
47:12un constructeur
47:13de la région
47:14du nom
47:14d'Uber Schilles.
47:16Il doit se rendre
47:17dans la zone sensible
47:18et dégager
47:19l'évacuation.
47:21L'intervention en bas
47:22est très dangereuse.
47:24Le barrage
47:24pourrait se rompre
47:25à tout moment
47:25et des centaines
47:26de milliers
47:27de litres d'eau
47:27pourraient se déverser
47:29sur la personne
47:29qui creuse.
47:30et il y a un grave
47:31danger de mort.
47:35Malgré le risque
47:36élevé de rupture,
47:38à l'aide
47:38de sa pelleteuse,
47:40Uber Schilles
47:40se rend au pied
47:41du barrage.
47:43Après 6 heures
47:44d'intervention,
47:46il finit
47:47par extraire
47:47l'amas de terre.
47:50L'eau
47:50s'évacue
47:51à nouveau.
47:51Je n'avais jamais
47:55connu
47:56une telle intervention.
47:57Je pense que
47:58je ne pourrais jamais
47:59oublier
47:59ce qui s'est passé
48:00au barrage.
48:03Après 3 jours
48:04d'opération,
48:05le danger
48:06est enfin maîtrisé.
48:08Mais il s'en est
48:09fallu de peu
48:09pour qu'une catastrophe
48:10s'ajoute au drame
48:11qui a frappé la région.
48:212021,
48:24l'été
48:24de tous les extrêmes.
48:26Gouttes froides
48:26dans cette partie
48:27du globe,
48:28dômes de chaleur
48:29dans une autre.
48:31Les populations
48:31qui ont vécu
48:32directement ces phénomènes
48:33ont été marquées
48:34au fer rouge.
48:36Et ce n'est malheureusement
48:37pas terminé.
48:38Avec le temps,
48:40toujours plus chaud,
48:41d'autres événements
48:42pourraient survenir.
48:44Dans ce contexte
48:45de changement climatique
48:46global,
48:47les événements
48:48que l'on a vécu
48:49sur l'Allemagne
48:49et sur la Belgique
48:50sont des événements
48:51que l'on vivra
48:52de manière récurrente.
48:54Et on a toujours
48:55ces confrontations
48:56de masses d'air
48:57très froides
48:58confrontées
48:59à des masses d'air
49:00toujours plus chaudes.
49:01Et donc on voit
49:02que plus vous augmentez
49:03le gradient de température
49:05entre ces masses d'air,
49:07plus vous augmentez
49:07la violence
49:08de ces événements
49:09qui sont contraints
49:11dans des zones
49:11et qui vont tout dévaster
49:13sur leur passage.
49:14Donc il faut absolument
49:15se préparer.
49:17Bien que la vie
49:18ait repris son cours,
49:20les stigmates
49:20de la catastrophe
49:21sont encore bien visibles.
49:24Dans l'esprit
49:25des Allemands
49:25comme des Belges,
49:27certaines images
49:28restent indélébiles.
49:31Mes souvenirs
49:32s'estompent,
49:33mais voilà,
49:34il y a des flashs.
49:36Et je ne pense pas
49:37que je vais oublier
49:38parce que je ne souhaite
49:40à personne de le vivre.
49:42On l'a malheureusement
49:43tous vécu
49:44et je ne veux pas
49:47que ça arrive.
49:52Le maire de Schuld,
49:54ville martyre d'Allemagne,
49:55espère lui aussi
49:56se relever
49:57de cette tragédie.
49:58ça ne sera plus
50:01comme avant.
50:04Ça sera différent,
50:05mais je me dis
50:06que ce sera peut-être
50:07plus beau.
50:09Dans chaque catastrophe,
50:11il y a toujours
50:12une lueur d'espoir.
50:14Il faut aller de l'avant.
50:15Sous-titrage Société Radio-Canada

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