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Éducation
Transcription
00:30La crise de 1929 mena à la guerre et ses horreurs.
00:43Depuis le plan Marshall, le capitalisme use d'une autre arme, l'arme de la séduction.
01:00Octobre 1929
01:02Michel Kluskar analyse ce capitalisme de la séduction et le résume sous la formule « Tout est permis mais rien n'est possible ».
01:17Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Michel Kluskar, malheur âgé de 17 ans, a ressenti un profond désarroi devant le désarmement des résistants.
01:28Cet événement douloureux va marquer l'ensemble de son œuvre.
01:31Il va, pendant près de 50 ans, étudier les transformations que le capitalisme impose à la société.
01:38Il sera un des analystes les plus pertinents de son temps.
01:41C'est la société où on vit, c'est le capitalisme.
01:46On vous offre… Vous pouvez aller partout, vous pouvez aller aux Seychelles, vous pouvez avoir un 4x4 hyper gros, polluant et haut, vous pouvez.
01:59Après, ça va être compliqué pour l'avoir.
02:03Il va falloir que vous trimiez, il va falloir que vous soumettiez, il va falloir accepter toutes nos normes.
02:08Né en 1928 à Montpigné, près de Gaillac, Michel Kluskar est issu d'une famille modeste.
02:20Sa mère est institutrice, son père mineur à Carmeaux.
02:25Passionné de sport, Michel Kluskar s'illustre dans le 200 m.
02:29Il sera même présélectionné aux Jeux olympiques de 1948.
02:32Il consacrera son premier ouvrage à une sociologie du sport, dans lequel le sportif devient la figure opposée du narcisse de la société libérale, qui ne propose qu'un corps tourné sur lui-même.
02:44Notre première discussion là-dessus, je me rappelle, c'est autour du Tour de France.
02:52Et je m'étonnais, moi, j'ai une formation de petits colonials expatriés, dans mes représentations, quoi de plus vulgaire, vraiment, que les connotations du Tour de France, les publicités, le public, la vulgarité.
03:06Et Michel Kluskar me sort, du point de vue statistique déjà, que le Tour de France, ça a été mesuré, et l'effort physique le plus colossal qui soit donné dans les sports, plus que le marathon même.
03:19Et il y a le problème à me faire prendre conscience des déterminations que je maîtrisais dans l'abstrait, mais que j'étais loin de m'appliquer à moi-même, a fortiori d'en faire un usage sociologique.
03:27A savoir que si le sport rencontre une telle ferveur, je crois qu'il n'y a pas d'autre mot, quand j'essaie de me souvenir de l'autre sens sur lequel il en parlait, dans les classes populaires, c'est précisément parce que c'est au niveau de l'effort musculaire que ça représente que le travail retrouve une reconnaissance.
03:44Et pour une fois, sous une forme sublimée, applaudie et reconnue de cette partie de son existence qui est toujours niée, marginalisée, voire marquée d'indignation.
03:58Alors est-ce un acte manqué ? Ou est-ce un acte manqué bien réussi quelque part ? Mais il a renoncé à sa carrière sportive lorsque, en voulant travailler la finale du sang justement, c'était juste après la guerre.
04:09Il a dit que j'ai voulu me laisser pencher un peu en avant pour gagner quelques dixièmes d'un dernier mètre. Je me suis étalé dans toute ma longueur, tout le peloton est passé devant et donc j'ai laissé le sport et j'ai fait de la philo.
04:19Il quitte ainsi Gaillac et part à Toulouse étudier la philosophie. Lui, pour qui Toulouse est déjà la grande ville, n'imagine pas qu'elle ne sera qu'une étape avant Paris.
04:30Étudiant brillant, il est poussé à continuer ses études à l'université de Nanterre. Il accepte un poste de surveillant au lycée Jacques-de-Cours qui lui permet de subvenir à ses besoins et de lui laisser du temps pour l'écriture de sa thèse, l'être et le code.
04:46Sous la direction d'Henri Lefebvre, il travaille sans relâche car le sujet est immense. Il tente d'analyser l'histoire des relations sociales par le prisme des rapports de production sous l'ancien régime.
05:00Il soutiendra sa thèse en 1972 devant un jury composé notamment de Jean-Paul Sartre et d'Emmanuel Leroy Ladurie qui saluèrent l'effort immense que requerait le sujet.
05:11Ce travail fondateur lui donnera les clés pour comprendre immédiatement les enjeux de mai 68.
05:17En effet, dès 1973, dans un livre intitulé Néofascisme et idéologie du désir, il dénonce la collusion entre les tenants du jouir sans entrave
05:28et les tenants de l'économie libérale. Il fait remonter cette nouvelle donne politique et sociale au plan Marshall.
05:39En 1947, le président des États-Unis, Truman, signe un programme visant au rétablissement de l'économie européenne.
05:47Ce plan d'aide de plusieurs milliards de dollars est composé aux 4 cinquièmes de dons.
05:52Mais les contreparties sont immenses. Elles obligeront entre autres l'État français, par les accords Bloomberg, à ouvrir son marché aux productions cinématographiques américaines.
06:02On peut dire que dans l'Europe dévastée d'après-guerre, la situation était pour le moins troublée.
06:08La paix était revenue, mais la paix sociale risquait d'être menacée.
06:11Et l'objectif des Américains était à la fois d'essayer d'améliorer la situation économique en Europe pour éviter que les revendications sociales n'augmentent.
06:21Les ouvriers, il ne faut pas l'oublier, étaient représentés par un parti communiste très puissant.
06:26Au lendemain de la guerre, une partie de la classe ouvrière était armée, c'était les front-tireurs partisans, n'étaient pas désarmés.
06:31La bourgeoisie adoptait un profil bas parce qu'elle avait collaboré pendant la guerre.
06:35Donc il fallait maintenir ou rétablir la paix sociale, et le seul moyen était un moyen économique.
06:41Et c'est à partir de là que, grâce à l'aide américaine, va commencer une période qu'un économiste français, François Perrault,
06:48appellera les 30 glorieuses, qui vont se caractériser, disons, par une augmentation générale du niveau de vie,
06:53de toutes les classes sociales, et une certaine diminution des inégalités,
06:59notamment aussi avec les réformes portant sur la sécurité sociale,
07:02qui vont favoriser, disons, le bien-être des classes populaires.
07:06Voilà le côté économique.
07:08Alors évidemment, tout ça n'était pas désintéressé.
07:11D'une part, il fallait maintenir et augmenter l'influence des États-Unis en Europe,
07:15c'était officiellement les libérateurs,
07:18mais sur le plan culturel, ça voulait dire faire pénétrer en masse l'idéologie made in the USA,
07:23par le biais de nouveaux modes de consommation, par le biais de la musique,
07:27le biais essentiellement aussi du cinéma, qui jouera un grand rôle dans l'imprégnation des esprits
07:33avec le mode de vie américain.
07:35Pourquoi le plan Marshall ? Pour ne pas avoir le communisme,
07:38parce que si on revient au capitalisme de papa d'avant-guerre, avec la misère, etc.,
07:41je veux dire, déjà, ils sont à 27%, à 48% des communistes, 30% presque en Italie,
07:46alors là, on est cuit.
07:47Donc, il faut absolument lâcher un peu de l'Est,
07:49et bon, pas refaire tout à fait l'ouvrier à la Zola, lâcher du l'Est, et voilà.
07:53Et ça, ça s'est passé dans tous les pays concernés.
07:57Et en France, ça a pris une dimension particulière dans la mesure où ça s'est conjugué avec le CNR,
08:02avec qui, lui, ne doit rien à la stratégie de l'OTAN,
08:04et qui affirme donc une gestion à la fois démocratique et centralisée,
08:09qui était censée, à la palais d'horreur,
08:12contre lesquelles le CNR a fait une alternative.
08:16Il faut comprendre que le programme du Conseil national de la résistance,
08:19ce n'était pas simplement pas en finir avec la guerre,
08:22ce n'est pas simplement plus jamais la guerre,
08:23c'est plus jamais, pour reprendre les mots de Jaurès,
08:25plus jamais le capitalisme qui porte la guerre comme la nuit porte l'orage.
08:28C'est ça que Poussard a véritablement ressenti,
08:31c'est ce côté plus jamais ça.
08:33Et il se trouve que le pourrissement recommençait,
08:35le pourrissement de l'esclavagisme, du colonialisme, du fascisme,
08:39parce que c'est quand même le capitalisme qui a fomenté le fascisme pour s'en sortir,
08:44tout ça pouvait repartir par un miracle,
08:46il suffisait de pourrir les esprits, de pourrir les gens,
08:48et ça c'est le plan Marshall.
08:50Le plan Marshall engagera des transformations importantes dans les pays bénéficiaires.
08:55Les couches moyennes en tireront pleinement profit,
08:58elles symboliseront le passage d'une économie encore marquée par la subsistance et la rareté
09:03à une économie de l'abondance.
09:05S'opposant à la bourgeoisie traditionnelle,
09:08elles vont lentement imposer leur culture et leur vision du monde.
09:12Désormais, les codes changent, mais 68 en sera le révélateur.
09:17Ce plan Marshall greffé sur un État centralisé,
09:21ça fait rentrer la France de plein pied dans ce qu'on a observé ailleurs,
09:24de ce que les économistes ont appelé le capitalisme monopoliste d'État,
09:27mais la France y rentre véritablement massivement.
09:30Ce capitalisme monopoliste d'État,
09:31donc qui est cette espèce d'aboutissement,
09:34il permet une organisation maximale de la production,
09:38de la consommation, des mœurs, de l'espace.
09:40La France va connaître ce qu'on appelle une période d'expansion,
09:44de croissance de longue durée.
09:46Laquelle période de croissance de longue durée va de pair avec la modernisation de l'économie
09:50qui se traduit par la concentration des entreprises,
09:54le développement scientifique et technique,
09:56et au plan sociologique, la montée en puissance d'une nouvelle classe sociale
10:00composée d'ingénieurs, de cadres, d'enseignants, de chercheurs, de techniciens,
10:05que moi je qualifie, on les appellera les nouvelles classes moyennes,
10:09moi j'appelle ça la petite bourgeoisie intellectuelle,
10:11parce que son capital finalement c'est l'intellect, c'est ses diplômes,
10:15et cette classe va prendre non seulement en nombre, en pourcentage,
10:18un rôle de plus en plus important dans le développement de la société française,
10:22mais également au plan idéologique et culturel.
10:26C'est-à-dire qu'on ne comprendrait pas, par exemple, le succès des films La Nouvelle Vague,
10:30si on ne les voyait pas comme l'expression artistique
10:32de la vision du monde de ces nouvelles couches moyennes.
10:35Très moderniste, très en rupture avec la morale bourgeoise traditionnelle.
10:38Le capitalisme monopoliste d'État, il crée à la fois le produit et le client.
10:43Il crée même des nouvelles couches moyennes,
10:46qui vont être à la fois la réclame et les consommateurs même.
10:51Le pouvoir était occupé par une coalition de la bourgeoisie d'affaires,
10:56mais qui s'appuyait traditionnellement sur l'ancienne petite bourgeoisie,
10:59petits commerçants, petits artisans, petits paysans,
11:02profession libérale traditionnelle, très réactionnaire,
11:05avec un gouvernement autoritaire, centralisé, technocratique,
11:08pouvoir personnel, le général de Gaulle.
11:10Et bien entendu, politiquement, elle ne pouvait pas s'exprimer sur la scène officielle.
11:16Et le résultat, c'est qu'elle va se radicaliser au fur et à mesure de ses frustrations.
11:21Elle va se gouffiser.
11:22Et les plus excités d'entre eux, représentés par leurs théoriciens, leurs dirigeants,
11:28vont fonder différents partis d'extrême-gauche, groupes musculaires,
11:32trotskistes, maoïstes, nouvel anarchiste,
11:35dont, comme ben dit, sera l'un des représentants les plus connus.
11:39Et non seulement ils vont s'en prendre au gouvernement,
11:43mais les plus radicaux vont s'en prendre au régime de la Vème République,
11:48à laquelle ils voudront mettre fin,
11:51et les plus radicaux encore s'en prendre au capitalisme lui-même.
11:54Donc ça sera la révolution de mai 68.
11:57Mais ça, c'était au plan des paroles, des slogans, des discours.
12:01Il faut quand même savoir que dans un pays capitaliste normal et normalisé,
12:06cette classe montante d'ingénieurs, de cadres de techniciens, d'enseignants, de chercheurs,
12:10de la matière grise, comme on dira plus tard,
12:12n'ont pas pour vocation de faire la révolution,
12:14mais de seconder la bourgeoisie dans sa domination
12:17en tant que classe intermédiaire, classe médiane, classe médiatrice,
12:20entre ceux qui dirigent et ceux qui exécutent.
12:23C'est pour ça qu'on dit qu'ils ont, comment dirais-je,
12:25préposé les néo-petits bourgeois aux tâches de médiation,
12:28c'est-à-dire de conception, d'organisation, de contrôle, d'inculcation, de formation, etc.
12:33Pour ratifier cela, cette situation-là, il a fallu une alliance.
12:37Une alliance générale, ce que Gramsci appelle un bloc historique,
12:41c'est-à-dire, en l'occurrence, l'alliance des classes possédantes et des classes moyennes.
12:45Dans les situations révolutionnaires, c'est l'inverse qui se produit,
12:47c'est l'alliance des classes populaires avec les couches moyennes.
12:50Là, en l'occurrence, les classes possédantes se sont mis les couches moyennes dans la poche,
12:55en créant véritablement des nouvelles couches moyennes.
12:58Je dis bien couches moyennes parce qu'il est bien évident que dans le mode de production capitaliste,
13:03avec toutes les différences de hiérarchie sociale qu'on peut trouver,
13:06et ça, vous prenez la lutte des classes en France de Marx, vous avez à peu près 14 groupes sociaux,
13:10contrairement à ce que font croire les averseurs du marxisme, ce n'est pas une logique binaire.
13:15Mais simplement, la logique même du capitalisme s'est articulée sur ceux qui détiennent
13:19les grands moyens de production et d'échange, le capital, et ceux qui offrent leur force de travail.
13:24Pour contrer cette logique duale du propre mode de production capitaliste,
13:31il faut évidemment des tonnes de couches tampons.
13:35Appelons-les pas forcément classes, ou ce ne sont pas forcément des classes,
13:38elles ne se vivent pas comme ça, elles n'ont pas forcément conscience,
13:40mais ce sont des couches moyennes.
13:42Et le capitalisme de la police d'Etat, créé à la faveur d'une plan marchal,
13:46a eu le don d'augmenter complètement le nombre de gens qui se sentaient couches moyennes,
13:52et cela via le salariat généralisé.
13:54Ce sont des gens à qui on a fait aimer leur chaîne, littéralement.
13:59L'ordre de grève a été maintenu par les quatre grandes centrales syndicales.
14:04La plus grande grève que connaît l'histoire de France se déroula durant mai 68.
14:08Elle compta près de 9 millions de grévistes.
14:12Pourtant, aujourd'hui, seuls les combats menés par les mouvements étudiants
14:16semblent retenir l'attention.
14:25L'Oscar faisait l'hypothèse que l'aspect précisément sociétal, libéral et périté de 68
14:30aurait été fait pour servir de barrage contre-révolutionnaire
14:35à un processus qui devenait fatal pour le capitalisme.
14:38En 68, ils ont eu peur, parce qu'il y a eu la France, mais il n'y a eu pas qu'en France.
14:42En 68, il y a eu l'Italie, il y a eu la plupart des pays d'Europe, il y a eu les Etats-Unis.
14:47Ils ont dit « bon, c'est fini ».
14:48Ils ont eu ce qu'ils voulaient pendant les 30 glorieuses.
14:51Maintenant, on reprend la main, on les casse, on dit qu'ils ne servent à rien.
14:55On va en mettre un paquet au chômage, comme ça, ça fera peur aux autres.
15:00Et c'est ce qui s'est passé.
15:01Mais 68 est une pièce de théâtre, une pièce qui se joie à trois, chacun tenant son rôle.
15:14De Gaulle, le père autoritaire, Pompidou, l'oncle débonnaire et libéral,
15:20Cohn-Bendit, l'enfant terrible.
15:22Michel Kloska voit dans mai 68 une révolution de palais, un second plan marchal d'ordre symbolique
15:30qui verra l'alliance du libéral et du libertaire pour faire sortir de la scène les représentants de l'ancienne bourgeoisie.
15:37Les couches moyennes participent enfin au banquet du pouvoir.
15:41J'ai eu la chance, et si je peux dire, du moins l'opportunité,
15:47de déjeuner un jour avec le président de la République, Georges Pompidou,
15:51par le biais d'un professeur de sciences politiques.
15:54J'avais fait Sciences Po.
15:55C'était un homme de droite, professeur au Collège de France, par ailleurs, d'histoire sociale.
16:00Et j'étais sur une opposante service dans ce qu'on appelle à Sciences Po les conférences de méthode.
16:04C'est là où on apprend à parler de n'importe quoi, mais avec un plan en deux parties bien structuré.
16:08Georges Pompidou était l'un de ses meilleurs amis,
16:10parce qu'ils avaient fait tous les deux ensemble la préparation pour Normale Supérieure.
16:14C'est-à-dire, à l'école Normale Supérieure, tous les deux étaient des Normaliens.
16:17Donc, ils voyaient régulièrement le président Pompidou.
16:20Et un jour, c'était en 1972, Louis Chevalier me dit
16:25« Ça vous intéressait de rencontrer le président Pompidou ? »
16:27Parce que vos analyses sur la nature de classe du mouvement 68
16:30intéresseraient beaucoup le président de la République.
16:33Vous verriez qu'il y aurait certaines convergences.
16:35Je dis « Moi, pourquoi pas ? »
16:36Et puis moi, ce qui m'intéressait, ce n'était pas de manger avec Pompidou,
16:38c'est de voir un peu tes dirigeants politiques,
16:41ce qu'ils pensaient comme ça de mai 68 « off the record », si on peut dire.
16:44Alors, ça s'est passé off the record.
16:46Effectivement, ça n'était pas enregistré.
16:48Dans un restaurant de la rive gauche,
16:50qui se trouvait près du pont Royal,
16:52où Pompidou avait ses habitudes,
16:54avec Louis Chevalier et quelques autres,
16:56les gardes du corps étaient en bas.
16:57On était dans une petite pièce, un salon,
16:59un restaurant fort chic et cher.
17:01Enfin bon, c'était payé sur l'argent des contribuables, bien entendu,
17:04tous ces agapes.
17:04Et Pompidou, quelques minutes après avoir discuté
17:07du dernier film de Godard à l'époque,
17:10embraye sur « Alors, il paraît, M. Garnier,
17:12vous avez une analyse intéressante,
17:14qui, bien que marxiste,
17:16coïncide assez avec, paraît-il, selon Louis Chevalier,
17:19le point de vue que nous avons sur mai 68. »
17:22Alors, je dis « Oui, je me dis bien que vous n'êtes pas marxiste,
17:24M. le Président, étant donné que vous êtes un ancien fondé de pouvoir
17:26de la bande Grotte Chine. »
17:28Mais voilà, ce que je pense de M. Santé,
17:30je vous le résume en deux mots.
17:31Et à la fin de mon résumé sur, justement,
17:33l'irrésistible ascension de la petite bourgeoisie intellectuelle,
17:36il me dit « Figurez-vous que c'est l'analyse que nous faisions,
17:40M. Edgar Ford et M. Maurice Grimaud,
17:42notamment lorsqu'il a fallu prendre des décisions
17:45pour savoir s'il fallait faire ou non évacuer la Sorbonne par l'armée. »
17:50Le général de Gaulle, qui était quand même vieille France,
17:52reconnaissons-le, c'est Pompidou qui parle, c'est pas moi,
17:54avait trouvé le moyen d'aller à Baden-Baden.
17:57Ils ne nous avaient pas avisé,
17:58il s'était réfugié avec sa femme et puis une partie de sa famille,
18:01allait voir le général Massu pour faire déloger
18:03les étudiants de la Sorbonne.
18:06Et nous avons expliqué, quand même, au général,
18:09que ça n'était tout de même pas une solution réaliste,
18:13que tous ces agités, excités, là,
18:16qui brandissent des banderoles avec des faucilles,
18:18des marteaux et des portraits du Tchê,
18:20de l'élite et de Marx, dans cette cour,
18:22c'est la future élite de notre pays.
18:24Donc, on ne tire pas sur notre élite.
18:26Quand nous regardons la critique de 68,
18:27il faut bien distinguer les deux 68.
18:28Il y a 68 ouvriers, je ne reviens pas,
18:30les grandes avancées de Grenelle,
18:32l'augmentation très sensible du SMIC,
18:36les droits syndicaux, les entreprises,
18:38ce n'est pas du tout ça que les critiques,
18:39au contraire, ce sont des actifs dont ils se félicitent.
18:42Je parle du 68 qu'il a emporté,
18:44dans les consciences et dans les âmes,
18:45si je puis dire, à cause du pouvoir dominant.
18:49C'est-à-dire du 68 libéral-libertaire, précisément.
18:53D'abord, et qui s'appelait d'abord comme libertaire,
18:55pour s'avouer libéral,
18:56c'est qu'on m'a dit lui-même,
18:57je ne parle pas dans son dos.
18:58Libertaire en 68 et libéral en 98.
19:01Association de termes qu'on croyait opposés,
19:03donc, ce qu'on avait vu la profonde unité,
19:05dès 68, précisément.
19:07Ces nouvelles couches moyennes ont cru
19:08que la fête ne faisait de commencer.
19:09Et les voilà, tout de suite, retombées dans la crise.
19:12Une crise inhérente, en fait,
19:13au mode de production capitaliste.
19:14Elles ont cru qu'elles avaient fait leur révolution.
19:17Le 14 juillet des couches moyennes,
19:19qui a été mai 68.
19:21Fondamentalement, ce sont les forces de la réaction
19:23qui l'ont emporté après 68,
19:25puisque 68 nous amenaient un bilan sans complaisance.
19:29Après 68, les deux forces qui déclinent en France,
19:32c'est le gaullisme communiste,
19:33c'est-à-dire les forces de la résistance.
19:35Quand Cohn-Bendit dit
19:37« Le gaullo-communisme, c'est fini,
19:39je suis un libéral-libertaire »,
19:40rendant d'ailleurs par hommage
19:41une sorte d'hommage indirect à Kluskar,
19:44puisque c'est Kluskar qui a forgé
19:45le concept de libéralisme libertaire,
19:47en 72,
19:48c'est à partir de mai 68
19:49qu'il va y avoir une véritable reconquista.
19:51Reconquista des acquis sociaux
19:54du Front populaire et de la résistance.
19:56Ce côté contre-révolutionnaire
19:57qu'il est le premier et le seul à voir jusqu'à ce jour,
19:59d'une manière développée et théorique,
20:01se manifeste comment
20:02dans une approche sociologique ?
20:04D'abord par l'évacuation progressive
20:08jusqu'à pratiquement totale du social
20:10par le sociétal.
20:12Il est évident que remplacer les deux classes
20:14par le fait de dresser les femmes contre les hommes,
20:16les jeunes contre les vieux,
20:18les Hutus contre les Tutsis
20:19et les Corses contre les Français,
20:20c'est quand même plus profitable
20:21pour le capital.
20:24Donc Kluskar dit très clairement
20:25qu'il a tendance à porter la guerre civile
20:26chez les pauvres.
20:27Ce qu'on a appelé la révolution de mai 68,
20:29c'était avant tout une révolution,
20:31on pourrait dire, culturelle,
20:33pas au sens maoïste du terme,
20:35mais disons qu'elle portait sur le mode de vie,
20:37les valeurs dans la vie privée,
20:39l'épanouissement individuel, etc.
20:41L'émancipation collective,
20:43le sort des travailleurs,
20:44étaient nettement à l'arrière-plan.
20:46Il suffit pour s'en convaincre
20:48de lire les textes et les écrits,
20:49donc des porte-paroles théoriques
20:52de cette révolution,
20:54en tête desquelles on peut évidemment citer
20:55l'inévitable Michel Foucault
20:57ou le non moins inévitable Gilles Deleuze.
21:00Mais cette révolution, effectivement,
21:03prouvait une chose,
21:04sans doute,
21:05c'est que cette petite bourgeoisie intellectuelle
21:07n'était pas progressiste
21:09dans la mesure où son objectif,
21:11ça n'était pas d'en finir, en fait,
21:12avec le capitalisme,
21:13mais d'en finir avec une société
21:15qu'elle considérait comme archaïque,
21:17bloquée,
21:18traditionnaliste,
21:19cadenassée,
21:19verrouillée.
21:20Là, je reprends des qualificatifs
21:21souvent utilisés par Cohn-Bendit.
21:24Et la preuve en est,
21:25c'est que quand on va créer
21:27l'université de Vincennes,
21:30dans le bois du même nom,
21:33ça va être à l'initiative,
21:34d'une part, effectivement,
21:35d'un certain nombre de responsables gouvernementaux,
21:38dont Jacques Chabon-Delmas,
21:39premier ministre à l'époque,
21:41et du ministre d'Éducation,
21:44M. Edgar Ford.
21:45Mais comme interlocuteurs,
21:47ils avaient tout de même
21:47quelques brillants,
21:49j'allais dire,
21:50justement,
21:52représentants du mouvement de 68,
21:54à savoir, entre autres,
21:55Michel Foucault,
21:56Gilles Deleuze,
21:57Hélène Cixous,
21:57quelques communistes,
21:59et Georges Pompidou,
22:01au cours du repas que j'évoquais tout à l'heure,
22:02m'a dit la chose suivante.
22:04Il a dit, c'est très simple,
22:05on s'est dit,
22:07tous ces gens,
22:08ces fameux agités,
22:09eh bien,
22:10si on leur donne des salles de cours,
22:13si on leur donne des amphithéâtres,
22:14ils feront la révolution en vase clos,
22:17et pendant ce temps-là,
22:18nous, on aura la paix dans la rue.
22:20Moi, j'étais enseignant,
22:21à partir de 1976,
22:22déjà, c'était vraiment la fin
22:23de la contestation officielle,
22:25et tout était rentré dans l'ordre.
22:27Les anciens contestataires
22:28étaient devenus des mandarins,
22:30leurs élèves étaient des groupies
22:31face à leurs gourous,
22:33et somme toute,
22:33tout se passait fort bien,
22:35et il n'y a pas eu beaucoup de troubles.
22:36Donc, on peut dire que Paris VIII,
22:38ça a été, finalement,
22:40à la fois l'apothéose
22:41et la fin,
22:42au plan intellectuel,
22:42de la contestation.
22:45S'inscrivant dans la lignée philosophique
22:47de Rousseau,
22:48Hegel et Marx,
22:50Michel Kloskart
22:51engagera une querelle
22:52contre les maîtres à pensée de 68,
22:54Althusser,
22:55Sartre,
22:56Foucault,
22:57Lévi-Strauss,
22:58autant d'intellectuels
22:59qui, pour Michel Kloskart,
23:00ont pour point commun
23:01de reléguer les déterminations économiques
23:04et historiques au second plan.
23:06Ils incarnent la trahison des clercs,
23:08abandonnant les questions sociales
23:10et les enjeux collectifs
23:11au profit des préoccupations sociétales,
23:14chères aux couches moyennes.
23:15Pour prendre quelques exemples
23:16très, très, très, très localisés.
23:19Si je prends Althusser, par exemple,
23:20je prends la manière
23:22dont Althusser fait intervenir
23:23la détermination économique.
23:24C'est pas rien, tout de même.
23:26Dans ce réclame de Marx,
23:27eh bien, c'est pas Althusser,
23:28il ne l'a fait intervenir jamais,
23:30inconcréto.
23:32Et en même temps que toujours,
23:33je m'explique,
23:33il dit, ah bien sûr,
23:34c'est la détermination essentielle,
23:35c'est celle qui a,
23:36moi je suis marxiste,
23:38plus marquise que moi tu meurs,
23:39et l'économie est toujours là
23:41comme détermination,
23:42mais, c'est son expression,
23:43en dernier instant,
23:44c'est pas lui qui l'a forgé,
23:45mais il s'en sert de telle manière,
23:46Althusser,
23:47que finalement,
23:48on arrive à avoir
23:49une théorie marxiste
23:50qui parle jamais d'économie.
23:51Dès qu'on parle d'un cas particulier,
23:52concret, d'esthétique, d'art,
23:54il n'est plus question d'économie.
23:55C'est toujours en dernière instance.
23:56Il est question d'économie
23:57que lorsqu'on parle d'économie.
23:58Jamais il va dire,
23:59tiens, non, non, non,
24:00voilà la détermination économique
24:02qui fait qu'on passe
24:03de la musique céréale
24:03à la musique post-céréale.
24:05On le trouve jamais.
24:06Je raffine un peu exprès.
24:07Et à tout seigneur,
24:08tout honneur,
24:09tout de même,
24:09Lévi-Strauss.
24:10Alors Lévi-Strauss,
24:11c'est quelqu'un de sérieux,
24:12c'est pas du tout un mariole
24:13pour parler comme Glouska
24:14avec son accent.
24:15Il y a un sérieux épistémique,
24:17et puis il y a une formalisation
24:18qui a fait ses preuves,
24:20et qui est efficiente,
24:22à condition qu'on ne parle pas
24:23de nos sociétés.
24:24C'est comme le but du jour,
24:25au lieu d'en faire un maître-penseur,
24:26mais qui est valable,
24:27comme dit d'ailleurs Lévi-Strauss
24:28avec un petit jeu de mots à lui,
24:30c'est valable seulement
24:30pour les sociétés sans histoire.
24:33Au double sens,
24:34sociétés qui sont avant l'histoire,
24:35et en même temps,
24:36sociétés sans palabres,
24:37sans conflit mondialisé.
24:39Ce kantisme sans sujet transcendantal,
24:43dont Lévi-Strauss se réclame
24:45tout à fait explicitement,
24:48a précisément l'avantage,
24:49à l'inverse de Kant,
24:51c'est là qu'il y a une trahison
24:52de ce qu'il y a de meilleur
24:52du kantisme en néo-kantisme,
24:55de nous débarrasser précisément
24:56de l'histoire.
24:57Ce combat,
24:59à contre-courant
24:59de l'idéologie dominante,
25:01vaudra à Michel Kluskar
25:03d'être tenu à l'écart
25:04aussi bien des médias
25:05que des milieux universitaires.
25:07Son œuvre restera
25:09longtemps méconnue
25:10ou ignorée.
25:12Michel Kluskar
25:13a connu aussi
25:15un sort un peu semblable
25:16à celui d'un autre philosophe
25:18qui a été un peu boycotté,
25:20moins que lui,
25:21par les gens de son milieu,
25:23de son milieu universitaire,
25:25on peut dire,
25:25et de chercheurs,
25:26à savoir le philosophe
25:27et sociologue Henri Lefebvre.
25:28Ils avaient tous les deux
25:30le tort aux yeux
25:31des petits bourgeois
25:32anciennement révolutionnaires
25:34entre guillemets
25:34et ensuite recentrés
25:36de ne pas avoir jeté
25:38l'ordre des frocs
25:40progressistes aux orties
25:41et de continuer
25:43à se sentir solidaires
25:44de la classe ouvrière,
25:46ce qu'ils ne pardonnent pas
25:47dans un milieu de renégat.
25:48Alors, Kluskar,
25:49effectivement,
25:51il s'est trouvé
25:51que ses ouvrages
25:54ont été méconnus,
25:55surtout qu'il s'attaquait
25:56à des gourous
25:57de l'idéologie 68 art.
25:59Il s'est payé
26:01à Althusser,
26:01il s'est payé
26:02à Gilles Deleuze,
26:03entre autres,
26:03puis un certain nombre
26:04d'autres gens,
26:05et évidemment,
26:06on ne crache pas
26:07dans la soupe
26:07lorsque la soupe
26:09est préparée
26:09par les maîtres que
26:10de l'idéologie dominante.
26:12C'est au Old Navy,
26:14petit café situé
26:15entre Saint-Michel
26:15et Saint-Germain,
26:17que Michel Kluskar
26:17prend ses quartiers
26:18et y écrit
26:19une grande partie
26:20de son œuvre.
26:21Dans ce lieu
26:22d'observation privilégié
26:23de la mondanité parisienne,
26:25il y retrouve ses amis
26:26qui compteront
26:27dans la genèse
26:28et l'évolution
26:28de sa pensée,
26:30Henri Lefebvre,
26:31son directeur de thèse,
26:32et Lucien Goldman,
26:34dont la méthode
26:34l'inspirera longtemps.
26:37Chacun,
26:37en effet,
26:38des friches des terres
26:39peu fréquentées
26:40par la sociologie
26:41de leur temps.
26:42Les premiers complices
26:46que Kluskar a cru
26:48déceler au quartier,
26:49comme par hasard,
26:50étaient ceux
26:51qui, tel Goldman,
26:52tel Lefebvre,
26:54sortaient d'une mouvance
26:55marxiste
26:55qui ne se contentait pas
26:57de développer
26:58les forces productives
26:59et les rapports
26:59de production,
27:00mais mettait en phase
27:01l'analyse indispensable,
27:02incontournable
27:03et nécessaire
27:04de ces rapports
27:04avec le vécu quotidien,
27:07la quotidienneté,
27:08le concret,
27:09l'intériorité,
27:09bref,
27:10toutes ces catégories
27:11qu'on résume maintenant
27:12dans ces termes
27:13évasifs d'affect
27:15et que Kluskar
27:17concentre dans le terme
27:18de psyché,
27:19réconcilier la praxis
27:21et la psyché,
27:22c'est-à-dire tout le devenir
27:23économique, historique,
27:25celui de la production
27:26matérielle
27:26et la psyché,
27:28ce qui en semble
27:28le plus éloigné
27:29alors qu'elle en est
27:30le plus haut produit,
27:32le plus élevé,
27:34c'est le sens commun,
27:36je n'ai pas le but
27:37parce qu'il est atteint
27:38presque à chaligne
27:39de leurs œuvres magistrales,
27:40c'est le moment commun
27:43à Rousseau
27:44et à Kluskar
27:45de tenir à la fois
27:46le contrat social
27:47et la nouvelle éloïse,
27:48les rêveries
27:49du promeneur solitaire
27:50et le discours
27:50sur l'origine
27:51de l'inégalité.
27:52De même,
27:52vous trouvez
27:52chez Kluskar
27:53la critique
27:54du libéralisme
27:54libertaire
27:55et cet extraordinaire titre
27:56traité de l'amour fou.
27:58Il faut le faire,
27:58ça semble incompatible,
28:00amour fou et traité.
28:01À l'image de Jean-Jacques Rousseau
28:03débarquant de Genève
28:04et découvrant l'hypocrisie
28:05et l'indécence
28:06des salons parisiens,
28:08Michel Kluskar tire
28:09de sa propre expérience
28:10de la mondanité parisienne
28:11le concept de quartier.
28:14Le quartier est pour Michel Kluskar
28:17l'aboutissement
28:18de l'évolution sociale.
28:20Il est le laboratoire
28:21des nouveaux modèles culturels,
28:22marginaux et transgressifs
28:24qui deviendront les normes
28:25de la nouvelle société.
28:27Ce microcosme
28:28qui deviendra la publicité
28:30des nouveaux modes de vie
28:31est constitué
28:32des surplus démographiques
28:34de la bourgeoisie.
28:35Vous avez par exemple
28:36des fils de notables
28:37qui ne s'intègrent pas,
28:39le type qui a raté ses prépas
28:40et qu'on envoie faire
28:41de l'humanitaire
28:42ou l'étudiant
28:44dont on prolonge
28:45les études indéfiniment.
28:47Ces éternels cadets
28:48de la bourgeoisie
28:48occupent des lieux bien spécifiques.
28:52Ils ont tendance
28:52à se regrouper
28:53dans des lieux bien spécifiques.
28:54C'est ce que Kluskar appelle
28:55par une abstraction
28:58conceptuelle nécessaire,
28:59le quartier.
29:00Le quartier,
29:01il pense bien évidemment
29:02par exemple
29:03au Montparnasse des surréalistes
29:04ou au Saint-Germain-des-Prés
29:06des existentialistes.
29:08C'est là que la plupart
29:10de ces gens
29:11qui ne sont plus vraiment
29:12dans le système
29:12de production,
29:15qui vivent,
29:16qui vivent
29:16d'une certaine forme
29:17de bohème,
29:18qui consomment sans produire
29:19d'une certaine manière,
29:21vont créer une culture
29:23tout à fait codée,
29:24spécifique
29:24et surtout
29:25définir une mode.
29:28Cette mode
29:29va servir après
29:30d'être prescriptive.
29:31Elle va pouvoir
29:32prescrire après
29:33un nouveau modèle
29:34selon lequel
29:35les couches moyennes
29:36à la faveur du plan
29:37marchand
29:37vont finir par consommer.
29:40C'est-à-dire que
29:40c'est dans le quartier
29:41qu'on va créer
29:42l'initiation mondaine
29:44à la nouvelle consommation
29:45typique du plan marchand.
29:47Je rappelle que
29:47le quartier,
29:48chez lui,
29:48c'est une figure,
29:49c'est une métonymie
29:50qu'on peut prendre
29:51au sens propre,
29:51c'est le quartier latin,
29:54même si ça a pu être
29:55Montparnasse
29:55à d'autres époques,
29:56mais aussi avec
29:57des annexes géographiques.
29:58Il ne faut pas
29:58prendre au sens très réaliste.
30:00Il me disait souvent
30:00que le Lubéron,
30:02c'était là où
30:04beaucoup de gens
30:04du quartier
30:05avaient leur maison de campagne,
30:06le Lubéron,
30:07c'était là où
30:08Althusserf
30:09s'est soigné sa dépression
30:10par Lacan.
30:10À ce moment-là,
30:11ça ne s'invente pas.
30:11Donc, ce Lubéron-là,
30:12pendant une saison,
30:14le temps des vacances,
30:15faisait partie du quartier.
30:16Son indifférence
30:17au côté réaliste
30:20géographique
30:21est manifeste
30:22dans cette anecdote.
30:23Quelqu'un, justement,
30:24du Hall Navy
30:26lui demande un jour
30:26« Où vas-tu ? »
30:28C'était Teguscar,
30:28il dit « Je vais à Corfou. »
30:29« Ah bon ?
30:30J'ai maintenant dit
30:30qu'il y a la Calvique. »
30:31« Oui, Calvique a pris Corfou. »
30:32Il a répondu.
30:33« Oui, c'est des catégories. »
30:34Voilà, c'est des lieux de vacances.
30:35On retrouve toujours
30:36un peu les mêmes comportements,
30:37les mêmes succursales
30:38de ce qui se passe
30:39entre le café de fleurs
30:40et le Hall Navy. »
30:44Teguscar montre
30:44que ça prend
30:45une importance sociologique
30:46énorme,
30:47surtout au niveau
30:47des années 60.
30:48Parce que ce modèle-là,
30:50de la jouissance
30:50sans l'avoir,
30:51de la consommation
30:54sans la production,
30:55de l'art
30:56sans le contexte
30:58politique concret,
31:00c'est-à-dire l'art
31:01réduit à sa simple
31:02formalisation,
31:03je ne critique pas
31:03le fait des recherches
31:04formelles qui ont
31:05leur sens,
31:06mais un art
31:06qui n'est que formaliste
31:07se coupe en fait
31:08de la société
31:09qui l'exprime.
31:12Alors, il y a
31:12un lieu emblématique
31:13de la victoire
31:14de cette révolution
31:16culturelle
31:16portée par la petite
31:17bourgeoisie intellectuelle,
31:19c'est le centre
31:20Georges-Pompidou,
31:21plus connu
31:21sous le nom
31:22de Beaubourg.
31:23L'initiative
31:24de ce centre,
31:25elle venait
31:26de Georges-Pompidou.
31:28C'est lui-même,
31:29d'ailleurs,
31:29qu'il n'était pas
31:30très chaud pour le projet,
31:31il l'a trouvé
31:31trop avant-gardiste,
31:32mais il était
31:33assez démocrate,
31:34contrairement à Mitterrand.
31:35Il a accepté
31:35le projet
31:36qui a été présenté
31:37et que tout le monde
31:37connaît aujourd'hui
31:38une fois réalisé.
31:39On peut considérer
31:40que cet édifice,
31:42surtout dans les premières années,
31:44on peut dire la fin des années 70,
31:46début des années 80,
31:48a été le temple
31:49de la contestation
31:50institutionnalisée,
31:52dans la mesure
31:52où les expositions
31:53qui étaient présentées,
31:55aussi bien qu'il s'agisse
31:57de peinture,
31:57de sculpture,
31:58de cinéma,
31:59de débat,
32:00étaient des expositions
32:02qui reprenaient une à une
32:03toutes les thématiques
32:0468 Ard,
32:06sur la critique
32:06de la société de consommation,
32:08la mécanisation,
32:09la société industrielle,
32:11l'écologie
32:11qui commençait
32:12à apparaître aussi
32:13parmi la thématique.
32:14J'ai participé
32:14comme concepteur
32:15entre guillemets
32:16à l'une de ces expositions.
32:17Le thème,
32:18c'était
32:18Qui décide de la ville ?
32:19Et notre exposition
32:20était une exposition
32:21très à gauche
32:22qui critiquait
32:24la spéculation immobilière,
32:25la mémisse des promoteurs
32:26sur le centre des villes,
32:28etc.
32:29Et la clientèle
32:30qui était là
32:30que j'ai appelée
32:31dans un article
32:32la petite Beaubourgeoisie,
32:33était parfaitement
32:35en adéquation
32:36avec ces expositions
32:38qui en fait
32:39étaient conçues,
32:40organisées
32:40par des gens
32:41qui étaient d'anciens leaders
32:42ou maîtres à penser
32:43de mai 68.
32:44Je citerai entre autres
32:45un sociologue très connu,
32:46Jean Baudrillard.
32:47Ce genre d'édifice
32:50va se multiplier
32:51dans toute la France.
32:52On peut dire
32:53que la plupart
32:53des maisons de la culture
32:54qui avaient commencé
32:55déjà à être sémées
32:56dans les années 60
32:56mais qui vont se développer après
32:58et tous les lieux culturels
32:59branchés
33:00comme on dira plus tard
33:01sont essentiellement
33:02des mises en spectacle
33:04de la vision du monde
33:05néo-petite bourgeoise.
33:07C'est deux
33:08dont on parle
33:09dans toutes les rubriques
33:09culturelles
33:10des journaux
33:11que lisent
33:12les néo-petits bourgeois
33:14du genre
33:15Libération,
33:15les rubriques culturelles
33:16de Libération,
33:17les Inoccupibles,
33:18Télérama,
33:19etc.
33:20Il faut être dérangeant,
33:21il faut être insolent
33:22mais sans trop déranger,
33:24évidemment.
33:25C'est ce qu'on appelle
33:25de la rébellion de confort,
33:27de la subversion
33:28subventionnée,
33:29pas autre chose
33:30et ça a beaucoup de succès,
33:33ça a beaucoup marché
33:34et ça a satisfait
33:35la grande majorité
33:37et pour ne pas dire
33:38la totalité
33:38des nouvelles couches moyennes.
33:41En 1981,
33:43Michel Cloussard,
33:44alors professeur de sociologie
33:45à l'université de Poitiers,
33:47publie
33:47« Le capitalisme de la séduction,
33:50véritable succès de librairie ».
33:52Dans cet essai,
33:54Michel Cloussard réalise
33:55une anthropologie
33:56de notre modernité,
33:58analysant les gestes
33:59et rituels
33:59d'intégration au capitalisme.
34:02Quand la période coloniale
34:03se terminait,
34:04commençait une nouvelle colonisation,
34:07la colonisation des esprits.
34:09Je reprends
34:09toute une systématique
34:11de gestes,
34:11de rituels
34:12qui sont considérés
34:13comme des gestes
34:14d'émancipation
34:15et de libéralisation.
34:16Et je montre
34:17qu'au contraire,
34:18ce sont les modèles culturels
34:19dont le capitalisme a besoin
34:21pour son nouveau marché,
34:23son énorme marché,
34:24marché de l'industrie,
34:25du loisir,
34:26du plaisir,
34:27du divertissement,
34:28de la mode,
34:30des monopoles commerciaux
34:31sur le sexe,
34:32sur la drogue
34:32et sur le jeu.
34:34Alors là,
34:34il y a un fantastique marché
34:35permissif
34:36qui a besoin
34:37de gestes d'usage.
34:40Coussard montre comment
34:40il y a un véritable
34:42dressage anthropologique
34:43dans la manière même
34:44de consommer.
34:45Et ceci dès l'enfance.
34:47On vous fait croire
34:48à un monde
34:48où il suffirait
34:48d'appuyer sur un bouton
34:49pour que les choses fonctionnent.
34:51Appuyer sur un bouton,
34:52c'est le rêve
34:52du consommateur absolu.
34:55Tout le reste,
34:55c'est des robots.
34:57Comme disait Aristote,
34:57si les navettes
34:58tissaient toutes seules,
34:59il n'y aurait plus besoin
35:00d'esclaves.
35:02Or,
35:02on sait que,
35:03même avec l'automation,
35:04les navettes,
35:05elles ne tissent pas
35:05toutes seules.
35:06concrètement.
35:07Mais on vous fait croire
35:08que tout marche tout seul,
35:09tout fonctionne tout seul.
35:10C'est bien ça le problème.
35:13Donc dès l'enfance,
35:14on a un usage naïf,
35:16péremptoire de la machine.
35:18De tous les dressages,
35:19j'arrive à celui
35:19qui à mon avis
35:20concentre à l'essentiel
35:22du procès de connaissance
35:24que Bloussard développe
35:27à cette occasion.
35:29C'est le dressage,
35:30j'y tiens parce qu'il
35:31pénètre dans l'intimité
35:32du sujet.
35:33Je pense au chant musical,
35:34au chant sonore
35:35et en particulier au chant musical.
35:37Il faut observer
35:38que depuis 1950,
35:39en gros les années 50,
35:40jusqu'à aujourd'hui,
35:41la musique de masse
35:42n'a pas cessé
35:43du point de vue structural
35:43de rester binaire.
35:44C'est quand même extraordinaire.
35:46Dès l'apparition,
35:47sans aucun jouement
35:47de valeur esthétique,
35:48du rock'n'roll,
35:49c'est un jouement d'existence
35:49qu'on peut mesurer,
35:50du rock'n'roll jusqu'aujourd'hui
35:52au rap en passant par le disco,
35:54le techno,
35:55tout ce que vous voulez,
35:55c'est quand même le binaire.
35:57C'est-à-dire la reproduction
35:58à l'identique
36:00du même fragment de durée
36:01avec la mesure bien marquée,
36:03qui caractéristique
36:08des musiques dites de variété.
36:09C'est la métrique rock
36:11qui vient tuer le swing jazz,
36:13qui vient tuer le savoir musical,
36:16qui vient tuer autant
36:17les musiques savantes
36:18que les musiques populaires.
36:19Et bien sûr,
36:20le jazz qui est le plus savant
36:21des musiques populaires
36:22et le plus populaire
36:22des musiques savantes.
36:24Tout ça, c'est cette idéologie,
36:26le rock n'est qu'une analogie
36:29de cette société-là.
36:30Il présente souvent cet exemple,
36:31il dit,
36:31il n'y a pas si longtemps,
36:32avant les années 50.
36:33Dans le nord-est,
36:34vous aviez de l'accordéon
36:35pour les musiques populaires.
36:36Dans le sud-ouest,
36:37c'est un peu le tango.
36:38L'Espagne n'est pas loin,
36:39d'ailleurs ce sera ceci ou cela.
36:42Et ça, ce sont les vraies
36:43musiques populaires,
36:44c'est-à-dire au sens
36:45où telle fleur ou telle plante
36:47ne peut apparaître
36:47que sur un terreau déterminé.
36:49Je laisse là
36:50les connotations naturalistes
36:51de mon exemple.
36:52De même,
36:53il était visant
36:53que la musique traditionnelle
36:55des abrogènes australiens
36:56ne peut apparaître
36:57que dans une géographie,
36:57une histoire
36:58et un mode de production déterminé.
36:59Et en ce sens,
37:01on peut les dire populaires.
37:01Elles sont l'expression
37:02du peuple qui les fait éclore.
37:04Par contre,
37:05parler de pop music,
37:06pour lui,
37:06c'est exactement le contraire
37:07de la musique populaire.
37:08C'est là où il y a
37:08de même que people
37:09et c'est contre le peuple.
37:11C'est intéressant
37:12ce double décalage.
37:13À savoir,
37:14qu'à partir du moment
37:15où un tube est lancé le matin,
37:17puis quand je me rase,
37:18je le réentends,
37:18puis quand je vais dans ma voiture
37:19au boulot,
37:20je le réentends, etc.
37:20C'est le contraire.
37:21Ce n'est pas l'expression
37:22qui vient d'en bas,
37:23d'une substance populaire
37:25qui devient sujet
37:25chez un musicien.
37:27C'est tout le contraire.
37:28C'est un truc
37:28qui vient d'en haut.
37:30C'est en ce sens
37:30que c'est antipopulaire
37:31pour Kulskar
37:31et qui est un conditionnement.
37:32C'est là qu'on parlait
37:33de dressage anthropologique.
37:36Or, le fait que
37:37dans l'exemple
37:37de la consommation musicale
37:39de masse,
37:40il y ait cette prégnance
37:41exorbitante du binaire
37:43au point de dire
37:43que l'histoire de la musique
37:44s'est arrêtée.
37:45Si vous voyez,
37:45il y a une histoire
37:45qui est finie,
37:47c'est bien celle-là.
37:48La culture populaire
37:48est une culture
37:49en voie de disparition.
37:50C'est celle qui est
37:51indirectement
37:51des classes populaires
37:52dans la mesure
37:53qu'elles sont encore
37:53autonomes,
37:54indépendantes,
37:56qu'elles échappent
37:56à la domination idéologique
37:57de la bourgeoisie.
37:58En revanche,
37:58la culture de masse
37:59est une culture,
38:00j'allais dire,
38:01de grande distribution,
38:02bas de gamme,
38:03qui est fabriquée
38:04à destination
38:04des classes populaires
38:05pour l'aliéner,
38:07pour lui faire adopter
38:10des positions conformistes
38:12et consuméristes.
38:13C'est quand même
38:14un domaine décisif
38:15parce qu'avec la musique,
38:17on touche un peu
38:18à cette fameuse
38:18capture des âmes
38:19que Gloussard dénonçait
38:21dans les formes
38:22de prédation
38:23plus insidieuses
38:24du capitalisme.
38:26Et ce qu'il dénonce,
38:26c'est précisément
38:27le fait d'avoir,
38:31qu'on ait élaboré
38:32un canon,
38:34un canevas musical
38:36dans lesquels
38:37il disait,
38:38un peu pour se moquer
38:38par antiphrase
38:39de Foucault,
38:40dans lequel il voyait
38:41le véritablement
38:42grand renfermement,
38:43l'expression de Foucault,
38:44que Foucault situe
38:44dans l'apparition
38:45de la raison
38:46du 7e siècle,
38:47non, lui,
38:47c'est le contraire,
38:47le grand renfermement,
38:48c'est ça,
38:49c'est le boum,
38:49boum, boum,
38:50comme si les barres
38:51de mesure du rock
38:52au sens extensif,
38:53pas du rock'n'roll
38:54précisément,
38:55mais de l'esthétique rock,
38:56ça comprend ici
38:56le disco,
38:57le techno,
38:57ce que vous voulez,
38:58comme si ces barres
38:59de mesure répétitives
39:00étaient les barreaux
39:01de la prison
39:02et des ghettos
39:02dans lesquels
39:02on enferme ses jeunes,
39:03en gros.
39:04Et donc,
39:05on fait passer
39:05comme émancipateur
39:06et transgressif
39:07une musique
39:07qui est une musique
39:08de soumission
39:08quelque part,
39:09à l'ordre
39:09de la répétition.
39:13Circuler,
39:13il n'y a rien à voir,
39:14il n'y a pas d'autres horizons,
39:15notre système
39:15n'est pas le meilleur,
39:16mais tous les autres
39:17sont pires,
39:18il n'y a pas d'alternative,
39:19on va dans le mur,
39:20mais notre système
39:20est quand même le meilleur
39:21et tous les autres
39:21sont encore pires.
39:22C'est ce côté-là
39:23qui est désespérant
39:24pour nous.
39:26Le dressage
39:26à la société
39:27de consommation
39:28prend ainsi
39:28les habits
39:29de la transgression.
39:31Si les modes changent,
39:32le parcours
39:33reste le même.
39:34Qu'elles viennent
39:35des pratiques sexuelles,
39:36de la musique
39:36ou de la mode,
39:38la transgression
39:38passe invariablement
39:40de la marginalité
39:41à l'éclosion
39:42de nouveaux marchés,
39:43que Michel Kluska
39:44rappellera le marché
39:46du désir.
39:47On a pu considérer
39:48longtemps que le capitalisme
39:49était méchant,
39:50il l'est dans les pays
39:52en voie de développement,
39:53mais dans les pays
39:53post-industrialisés,
39:54au contraire,
39:55il a toute une stratégie
39:56de l'intégration
39:57parce qu'il a tout
39:57un nouveau marché
39:58qui a échappé à l'analyse
39:59des économistes bourgeois
40:00et marxistes d'ailleurs,
40:02et tout un nouveau marché
40:03qui rapporte
40:05d'énormes profits,
40:06d'une part,
40:07permet de dynamiser
40:08le marché traditionnel
40:09et troisièmement,
40:10je crois,
40:11même permet d'une régulation,
40:12une normalisation
40:13de la crise.
40:14Société de consommation,
40:16voilà un fait
40:16peu remis en cause.
40:18Michel Kluska
40:19se demande avec ironie,
40:21une société de consommation,
40:22cela ne voudrait-il pas dire
40:24que les travailleurs
40:24consomment ce qu'ils produisent
40:26et que par conséquent,
40:28nous ne sommes déjà plus
40:29dans une société capitaliste ?
40:31Il n'y a pas de société de consommation,
40:33c'est-à-dire qu'il y a une classe
40:34qui se consomme.
40:36C'est pour ça qu'il fallait
40:37quand même faire une analyse
40:37marxiste de la consommation,
40:40ce que nous n'avons sans doute
40:40pas fait la plupart des marxistes
40:42dits traditionnels
40:43ou californiens dogmatiques,
40:44mais ils n'ont plus rien
40:45de marxistes au sens
40:46où ils ne font pas du marxisme
40:46appliqué,
40:47comme l'a fait Kluska.
40:49Parce que Kluska
40:49ne s'est pas contenté
40:50de faire comme on faisait
40:51au XIXe siècle
40:51parce que, de toute façon,
40:53on ne pouvait pas faire autrement.
40:55On étudiait les classes
40:56en fonction de la production,
40:57mais il a aussi étudié les classes
40:58en fonction de la consommation.
41:00C'est une très très grande
41:01originalité de Kluska
41:02et c'est un des seuls
41:03à l'avoir fait réellement.
41:05Je prends un exemple simple.
41:07Le mineur, par exemple,
41:09qui est pour un secteur particulier
41:11de la classe ouvrière à l'époque.
41:12Le mineur qui a craché
41:14ses poumons dans les mines
41:15pendant 40 ans
41:16et qui a la chance statistique
41:19d'arriver à la retraite
41:19parce que pas mal mourait
41:20de la silicose tout de même.
41:21On ne parlait pas de pollution,
41:22vous remarquez,
41:23quand il y avait des millions
41:24de mecs qui mouraient
41:24de la silicose,
41:25je veux dire,
41:25on parlait de l'exploitation,
41:26ce qui me semble plus approprié,
41:28ils n'ont pas de la pollution.
41:29Et quand ça polluait
41:30les poumons du travailleur,
41:31on s'en foutait de la pollution.
41:32Et quand elle atteint
41:33les résidences secondaires,
41:34c'est bien terrible.
41:35Ce mineur-là,
41:36lorsqu'il a la chance
41:36d'arriver à la retraite
41:37et de s'acheter
41:38sa première télé-couleur
41:39dans les années 60,
41:41salaud, tu es un vendu,
41:43tu es un bourgeoisé,
41:44tu es plus bon pour la révolution.
41:45Et ça, c'est dit par qui ?
41:47Par ces jeunes
41:48qu'on envoyait les pauvres
41:49grâce à l'argent de papa
41:52élevé des moutons en Ardèche.
41:54Je prends un exemple
41:54de sociétalité conviviale,
41:56typiquement en 68 ans.
41:57C'est lui qui est très ouvrigé.
41:59Ouvrigé, c'est que c'est...
42:00Qu'est-ce qu'il a eu
42:01pendant 40 ans
42:02d'intégrer dans Bourgeoisie
42:03parce qu'il s'est acheté
42:05une télé-couleur
42:06juste avant sa retraite.
42:07C'est quand même monstrueux.
42:08Il y a une violence
42:09dans ce discours
42:10qu'on n'imagine pas,
42:11une violence qui s'exerce encore
42:12aujourd'hui
42:13sur l'évacuation complète
42:15de la notion
42:15de prolétariat du décor.
42:18La cohésion de Blouskar
42:19n'est pas une cohésion totalisante.
42:20Elle tient au côté
42:21au contraire totalitaire
42:22de l'idéologie.
42:23Il dénonce
42:24cette manière
42:27d'évacuer
42:28à chaque fois,
42:29c'est la même chose
42:30qui est évacuée,
42:31anéantie,
42:32refoulée,
42:33censurée.
42:34Pour prendre le terme
42:34que vous voulez,
42:35ça dépend un peu
42:35des instances
42:36et des contextes.
42:37C'est le moment du labeur,
42:38précisément.
42:39Le moment obscène.
42:40Le moment qui fait
42:41que Vulcain est plus laid
42:43que Narcisse.
42:43C'est comme ça.
42:44C'est là où
42:45l'analyse de Blouskar
42:48est absolument décisive.
42:49Il a fait une analyse
42:49qui est vraiment
42:50devenue classique
42:51en sociologie
42:51et en politique.
42:53Il a distingué
42:54d'un côté
42:54les biens d'équipement
42:55des biens dits
42:56de consommation
42:57libidinal,
42:59ludique,
43:00marginale.
43:00Ce qu'il a montré,
43:01c'est que vous avez
43:02fondamentalement
43:02une société à deux vitesses.
43:05Disons,
43:05les ouvriers
43:06et les employés
43:06qui sont la majorité
43:08de la population française,
43:09qui ne peuvent
43:10consommer que des biens
43:11dits d'équipement.
43:12Pour vous donner un exemple,
43:14c'est par exemple
43:15la voiture
43:16pour se rendre au boulot
43:17puisque pas tant
43:18tous les gens sont en banlieue
43:19et il faut bien
43:19qu'ils aillent au travail
43:20en voiture.
43:21C'est la machine à laver
43:22pour permettre
43:22le travail généralisé
43:23des femmes.
43:24Bien sûr,
43:24les femmes commencent
43:25à travailler
43:25déjà massivement
43:26surtout dans la classe ouvrière.
43:28Les biens d'équipement,
43:29c'est aussi
43:29des équipements collectifs,
43:31des routes.
43:33Est-ce qu'on consomme
43:33une route ?
43:34Tout ça,
43:35ça favorise
43:35l'organisation même
43:37de la production.
43:38C'est ce à quoi
43:38la classe ouvrière
43:40et les employés,
43:41grosso modo
43:42les travailleurs
43:43de ce pays,
43:44ont accès.
43:45C'est complètement différent
43:46de ce que Poussard appelle
43:47la consommation libidinale,
43:48ludique,
43:49marginale,
43:49qui est l'apanage
43:50de privilégiés.
43:52Poussard dit très bien
43:53que ce n'est pas
43:53parce que la misère
43:54roule en voiture
43:54que ce n'est pas la misère.
43:55Si on regarde
43:57dans l'organisation même
43:59de la société,
44:00le fait d'accéder
44:01à la voiture
44:02pour se taper
44:03trois heures de bouchon
44:04et se faire exploiter
44:05douze heures par jour,
44:08ce n'est pas
44:08le strass et les paillettes
44:10qu'on vous fait voir
44:11à la télévision.
44:12La modernisation,
44:13il y avait quand même
44:13des choses qui étaient
44:14importantes.
44:16Bêtement,
44:17une machine à laver,
44:17ce n'est pas rien.
44:19Un frigo,
44:19ce n'est pas rien.
44:20Et donc,
44:20que tout le monde aspire
44:21à avoir ça,
44:22ça peut se concevoir,
44:23mais après,
44:25on nous donne du rêve
44:26et voilà,
44:28rêvez,
44:29rêvez,
44:29mais soumettez-vous.
44:31Pour Michel Kluskar,
44:33la magie des objets
44:34de consommation
44:34ne peut opérer
44:35que si on relègue
44:36dans l'oubli
44:37ceux qui les produisent.
44:39Le travail devient
44:40l'inconscient de la société,
44:42devenu une société
44:43où le ludique
44:44est omniprésent.
44:46Ironie de l'histoire,
44:48les mines de Carmo
44:49où le père
44:50de Michel Kluskar
44:50travaillait,
44:52ont été transformés
44:53en un parc de loisirs.
44:55La mémoire du travailleur
44:56s'efface
44:56au profit
44:57de la jouissance
44:58du consommateur.
44:59La classe ouvrière
45:00est devenue invisible.
45:03Elle a disparu
45:04des magazines.
45:05On ne voit plus
45:06de prolo.
45:07On ne voit plus...
45:08Les bleus,
45:09on est disparu
45:09même dans les usines.
45:11On est rarement
45:11habillés en bleu maintenant
45:12puisqu'avant,
45:13c'était toute la classe ouvrière.
45:15C'était facile.
45:16En 1936,
45:16quand ils descendaient
45:17dans la rue,
45:17ils étaient tous en bleu.
45:18Maintenant,
45:19ça fait partie aussi
45:20de l'individualisation
45:23des gens
45:24et qui ne se reconnaissent plus
45:26en une seule classe.
45:27Tu vas dans une usine
45:28comme la mienne,
45:29nous,
45:30on a un bleu
45:31qui est un peu bleu
45:31avec un liseré rouge.
45:33Mais on a ceux
45:34qui interviennent
45:35sur les mécanos,
45:36leur bleu est noir,
45:37d'autres,
45:38les gris et tout ça.
45:39Alors qu'avant,
45:40on était tous pareils.
45:41On avait le même rapport,
45:43c'était le même patron
45:43et tout ça.
45:44Maintenant,
45:44c'est des entreprises
45:45extérieures
45:46qui interviennent
45:46et on est tous différents.
45:48Et ça fait partie
45:49d'une idéologie
45:52qui est de
45:53on ne veut plus vous voir.
45:55Vous n'existez plus.
45:57Alors que les gens
45:58qui font ça
45:58et qui sont quand même nombreux
46:00et les gens qui sont
46:01dans leur famille,
46:02ce n'est pas rien,
46:03mais on ne veut plus de vous.
46:05Vous êtes asbine.
46:06Le prolétariat est asbine.
46:07La classe ouvrière,
46:09contrairement à ce qu'on raconte,
46:10n'a pas diminué en nombre.
46:12Elle a peut-être diminué en nombre
46:13dans les pays
46:14les plus développés,
46:16ceux qui se sont
46:16désindustrialisés,
46:18entre guillemets.
46:19Mais à l'échelle planétaire,
46:20il est bien évident
46:21qu'on regarde des pays
46:21comme l'Inde,
46:22comme la Chine
46:23ou les pays dits émergents.
46:24Ce qui émerge aussi,
46:25c'est une nouvelle classe ouvrière.
46:26Et globalement,
46:27aussi bien en chiffre absolu
46:28qu'en chiffre relatif,
46:29la part de la classe ouvrière
46:30à l'échelle mondiale
46:32continue d'augmenter.
46:33Pour en revenir à la France
46:35ou à un pays dits développés
46:36ou avancés,
46:38on peut dire que les classes populaires
46:40se divisent en deux catégories.
46:42Les ouvriers,
46:43qui ne sont plus majoritairement
46:45concentrés dans des grandes entreprises,
46:47mais plus disséminés qu'avant
46:48parce qu'il y a aussi
46:49des transformations concernant
46:51ce qu'on appelle le management,
46:52l'organisation du travail,
46:54qui est en fait
46:55la réorganisation des modalités
46:57de l'exploitation.
46:58Il ne faut pas se cacher
46:59derrière les mots.
47:01Donc, cette classe ouvrière
47:02s'est dispersée,
47:03c'est un peu diluée,
47:05mais parallèlement
47:06au maintien
47:07de cette classe ouvrière,
47:08il y a aussi
47:08l'expansion
47:11d'un nouveau type
47:13de prolétariat
47:14qui est celui
47:14des employés.
47:15Quand on dit
47:16des industries
47:16de l'information
47:17et de la communication,
47:18ça veut dire
47:18qu'il y a aussi
47:19des prolétaires
47:19dans ces secteurs.
47:21Simplement,
47:21ils sont classés
47:22comme employés.
47:23La néo-domesticité
47:24des emplois de services,
47:26que ce soit
47:27des laveurs de carreaux,
47:28des vendeurs de pizzas
47:28ou des caissières
47:29de supermarchés,
47:30il y a toute une foule
47:31d'emplois nouveaux
47:32occupés par des gens
47:33qui sont aussi
47:33des prolétaires
47:34dans des situations
47:35de précarité croissante.
47:39Leurs enfants,
47:39d'ailleurs,
47:40risquent de vivre
47:41moins bien que leurs parents.
47:42Le chômage augmente,
47:44la précarité aussi,
47:45les emplois temporaires,
47:46etc.,
47:47à temps partiel.
47:48Et que,
47:48somme toute,
47:49il faut quand même savoir
47:50qu'on a presque 60%
47:52de la population active
47:52qui est composée
47:54de ces ouvriers,
47:55de ces employés.
47:55L'isolement
47:56dans lequel se trouvait
47:56la classe ouvrière
47:57dans ce discours sociétal
47:58est quand même extraordinaire
47:59s'il y en a un
47:59qui est abandonné,
48:01parce qu'il n'a pas
48:02d'identité naturelle
48:05à laquelle il peut
48:05se raccrocher,
48:06soit par l'ethnie,
48:07soit par l'origine,
48:08soit par le sexe,
48:09soit par la naissance
48:10qui est le positionnement
48:11social par excellence.
48:13Justement,
48:14il n'en est jamais question.
48:15Le prolétaire
48:16qu'un quart de Jean Gabin
48:17dans Le Jour se lève,
48:18il a disparu du décor.
48:20Enfin, du discours
48:21dans le décor.
48:23Il ne faudrait pas croire.
48:24Des localisations sont faites.
48:26Il n'y a jamais eu
48:26autant d'esprit,
48:27il n'y a jamais eu
48:27autant d'ouvriers.
48:28Je rappelle tout de même
48:29que le couple moyen
48:31en France,
48:31c'est ouvrier employé,
48:32statistiquement.
48:33Quand on parle
48:34de la disparition
48:35de la classe ouvrière
48:35ou de la classe populaire,
48:38il faut faire attention
48:38à ce qu'on raconte.
48:39Elle a disparu
48:40des discours des élites,
48:42qu'il s'agisse
48:43des politiciens,
48:44qu'il s'agisse
48:45des journalistes,
48:46qu'il s'agisse
48:46d'un certain nombre
48:47de chercheurs
48:48en sciences sociales
48:49inféodés au pouvoir,
48:50mais en fait,
48:52elle n'a pas disparu.
48:52On l'a simplement
48:53perdu de vue.
48:54Classe fantôme,
48:54puisque plus personne
48:55en parle,
48:56alors qu'il y a
48:56plus de 6 millions
48:57ou presque 7 millions
48:58de gens
48:59qui sont classés
49:00sociologiquement
49:01comme étant ouvriers.
49:02On nous fait croire
49:03qu'avec les techniques,
49:05les métiers ont changé
49:06et que les ouvriers
49:07n'existent plus,
49:08qu'il n'y a plus
49:08que des classes moyennes
49:10et en fait,
49:11elles existent encore.
49:12Et en plus,
49:14au niveau mondial,
49:16c'est un...
49:18comment dire...
49:19la classe ouvrière
49:19est celle qui se multiplie
49:22partout.
49:23les paysans
49:24deviennent des ouvriers
49:25partout,
49:27dans le monde entier.
49:28Voilà.
49:28Donc c'est pour ça
49:29que j'ai parlé
49:29de classe fantôme,
49:31puisqu'on la cache
49:32depuis les années 70.
49:35L'exclusion des travailleurs
49:37n'est pas seulement
49:37d'ordre symbolique,
49:39elle est aussi géographique.
49:41Le centre des villes
49:42est désormais dévolu
49:44au loisir
49:44et à la consommation.
49:46Dès lors,
49:47les travailleurs
49:48y sont indésirables.
49:50Cela se traduit
49:50par un exil forcé,
49:52une éviction,
49:53une expulsion
49:54des classes populaires
49:55dans des endroits
49:56de plus en plus éloignés
49:58du centre des villes.
49:59Il y a une véritable émigration
50:01obligée de ces classes-là
50:03qui ne peuvent plus
50:04habiter au centre.
50:05Il y a des opérations
50:05soit de rénovation,
50:07table rase,
50:07on détruit les quartiers,
50:08soit dites de réhabilitation,
50:10de rénovation urbaine
50:11où on restaure,
50:12on retape des anciens
50:13immeubles,
50:14mais pour les rendre
50:16accessibles,
50:16une fois rénovés,
50:17à des couches
50:18qui peuvent se les payer.
50:18Je prends un exemple
50:19très rapide
50:20parce que c'est
50:20que l'Oscar
50:21qui m'a suggéré
50:21lorsqu'on a
50:23les premières années
50:26avant sa mort,
50:28la rue Mouffetard
50:29avait déjà pris
50:29son aspect actuel.
50:31C'est-à-dire qu'on avait
50:31connu tous les deux
50:32l'époque où la rue Mouffetard,
50:35comme presque
50:36le quartier de Paris,
50:37avait des étages
50:37où il y avait la misère
50:38là-haut au 6ème
50:39et où il y avait
50:39des petites dames
50:40qui étaient toutes seules
50:41avec leur chat
50:41avec des toutes petites retraites
50:43qui tenaient
50:44de se bouffer
50:44à leur chat qu'à elles-mêmes,
50:45mais qui se rencontraient
50:46en bas chez le boucher
50:47avec la bourgeoise
50:50qui habitait
50:51les étages nobles.
50:51Bref, tout cela
50:52constituait un monde.
50:53C'est ce que je veux illustrer.
50:55C'était une totalité.
50:56Dans un monde,
50:56il y a une totalité.
50:57Totalité trompeuse,
50:58fallacieuse, injuste,
50:59mais enfin,
51:00une totalité.
51:01D'ailleurs,
51:02l'adage dit
51:03il faut de tout
51:03pour faire un monde.
51:04Alors que maintenant,
51:05les pauvres sont expulsés
51:06à la Courneuve
51:06par les contraintes
51:07de prix de loyer,
51:08etc.
51:09depuis quelques années
51:09ou à Évry
51:11pour changer de point cardinal
51:14et vont se faire voir ailleurs
51:16et puis l'habitant humain
51:18est très homogène.
51:20Et donc là,
51:20quelque part,
51:21la Rimouffetard
51:22n'est plus le monde
51:23qu'elle constitue à une époque.
51:24Ce n'est plus
51:25que l'élément
51:27d'un parcours touristique.
51:28Le résultat,
51:29c'est que,
51:29contrairement à ce qu'on raconte,
51:30la majeure partie
51:31des classes populaires
51:32n'habite pas,
51:32pour la France,
51:33dans les cités.
51:34Dans les cités
51:35dites urbaines sensibles,
51:37dans l'engave technocratique,
51:38on a au maximum
51:404,4 millions d'habitants.
51:42La major partie
51:42de la population
51:43populaire française
51:45habite
51:45soit dans ce qu'on appelle
51:47le périurbain,
51:48c'est-à-dire au-delà
51:48de l'approche banlieue,
51:50soit déjà maintenant
51:52dans les zones rurales,
51:53dans un rayon
51:54pour ce qui est de Paris,
51:55de 40 à 50 km
51:56du centre de Paris,
51:57soit, évidemment aussi,
51:59on a tendance à l'oublier,
52:00dans toutes ces petites villes
52:01ou ces villes moyennes
52:02qui étaient des villes industrielles
52:03et après les fusions,
52:05acquisitions,
52:06délocalisations,
52:07restructurations,
52:08ces villes ont été sinistrées,
52:10les gens ont perdu leur emploi
52:11et elles se retrouvent
52:12avec des taux de chômage
52:13qui avoisinent souvent
52:14les 30 et 35 %
52:16des populations
52:17qui ont entre 18 et 50 ans.
52:20L'occultation de la classe ouvrière
52:21répond à la logique même
52:23de la société libérale-libertaire,
52:25répressive envers le producteur,
52:28permissive pour le consommateur.
52:30Le système capitaliste
52:32cherche à masquer une réalité,
52:34la consommation des uns
52:35n'est que la consommation
52:36du travail des autres.
52:38Pour réconcilier ces deux facettes
52:40de l'individu et de la société,
52:42Michel Cloussard propose
52:44la création du Parlement
52:45du Travailleur Collectif.
52:46Loussard proposait dans ces dernières années
52:50de doubler le Parlement,
52:51la Chambre des députés,
52:53une deuxième Chambre,
52:54exprimer le Sénat
52:55et le remplacer
52:55par le Parlement
52:56du Travailleur Collectif.
52:57C'est-à-dire un Parlement
52:58qui regrouperait
52:59tout ce qu'on appelle en général
53:00les forces vives de la nation,
53:01pour simplifier.
53:02Les producteurs de richesses
53:04sont après tout
53:04les mieux placés
53:05pour décider du destin
53:07et du destin quotidien
53:09d'une collectivité.
53:09ça a l'air tout simple,
53:12c'est d'autant plus incroyable
53:12que la proposition
53:14ne soit pas plus récurrente.
53:15C'est une manière
53:16pour lui
53:18de faire en sorte
53:20que la législation
53:21précisément échappe
53:22soit au danger
53:23du droit formel,
53:25suffisamment dénoncé
53:26je ne m'attraperai pas,
53:28soit aux habituels
53:30déviations
53:32de prévarication,
53:35de corruption,
53:35de lobbying, etc.
53:37Mais c'est une manière
53:38beaucoup plus rationnelle
53:39de donner
53:40des garanties institutionnelles
53:43à ce que ce monde
53:45de la praxis
53:45soit non plus seulement
53:47évacué du décor
53:48mais occupant une place
53:49au contraire décisive
53:50et déterminante
53:51dans l'institution elle-même.
53:52En 1995,
53:55Michel Kluskar
53:55se retire à Gaillac
53:56dans la maison familiale
53:57afin de poursuivre
53:58la rédaction de son œuvre.
54:00Il y décède
54:01des suites
54:01de la maladie de Parkinson
54:02le 21 février 2009.
54:06Comme Rousseau,
54:07Michel Kluskar
54:08a refusé toute sa vie
54:09de succomber au mode
54:10de l'époque
54:11en nous offrant
54:12un nouveau regard lucide
54:13et engagé sur la société.
54:16Il nous aura invités
54:17à trouver dans les valeurs humaines
54:18de solidarité et d'amitié
54:20les bases d'une refondation
54:22progressiste.
54:24Il s'agit de proposer
54:25un nouvel horizon
54:26pour la vie humaine
54:27à la fois concret
54:28et spirituel,
54:30le partage de l'amour
54:31et de l'amitié,
54:32l'unité du sujet
54:33et du citoyen,
54:34en marchant dans les pas
54:36des grands refondateurs
54:38qui comprenaient
54:39l'amitié,
54:40philia,
54:41comme une vertu politique
54:42et une parente
54:43de l'amour.
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