Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Vous écoutez Culture Média sur Europe 1 avec Jean-Pierre Foucault et ce matin, Jean-Pierre, vous recevez Michel Bougna pour une date très particulière.
00:09En effet, c'est le 12 mai prochain, Michel, à 20h au Folie-Bergère.
00:13Ce sera donc la toute dernière représentation de votre spectacle, Adieu des Magnifiques.
00:17Vous êtes dans quel état d'esprit ? Angoissé, stressé, heureux ?
00:20Je suis assez heureux parce qu'il est temps que j'arrête de jouer ces personnages, en tout cas, comme ça.
00:26En même temps, comme je suis complètement cinglé, je vais faire un film qui s'appelle Les Magnifiques.
00:32C'est 40 ans de votre vie, Les Magnifiques.
00:35C'est énorme.
00:36C'est trois versions différentes de la même histoire.
00:40On ne peut pas savoir où on va, si on oublie d'où on vient.
00:42Vous savez, il y a une phrase dans le spectacle qui m'a...
00:46J'aurais jamais dû l'écrire, cette phrase.
00:49Elle dit, tant qu'il y aura des auteurs pour nous écrire et des acteurs pour nous jouer, on sera éternel.
00:54Et elle me hante, cette phrase.
00:57C'est-à-dire que si j'arrête de jouer, il meurt.
01:01Et c'est vrai.
01:04Moi, j'ai joué Lavarre.
01:05Quand je jouais Lavarre, Molière était vivant, mais vivant d'une manière incroyable.
01:10Donc, quand je joue Les Magnifiques, ils sont vivants.
01:13C'est pour ça que je veux faire un film comme ça.
01:15Ils seront vivants et ils vont me foutre la paix.
01:17Parce que le temps qui me reste, j'ai envie de faire d'autres choses.
01:20Mais Les Magnifiques, c'est quand même rester un peu accroché à la Tunisie.
01:23Tout le temps.
01:24Mais c'est surtout symbolique, la Tunisie, dans le spectacle.
01:29C'est surtout de dire que, effectivement, on ne peut pas savoir où on va si on oublie d'où on vient.
01:34On peut être dans Internet, on peut être dans toutes les technologies que vous voulez.
01:39Mais si on oublie qui est son grand-père,
01:41même si ce n'est pas un grand-père qu'on a forcément aimé,
01:44même si ce n'est pas forcément un type bien,
01:46c'est notre histoire.
01:47On doit l'assumer.
01:49On doit se construire avec.
01:51Mais moi, je ne suis pas passé du tout dans le spectacle et donc dans le film.
01:55Je parle d'aujourd'hui, beaucoup d'aujourd'hui, de la jeunesse d'aujourd'hui.
01:59Ils sont confrontés.
02:00Vous vous rendez compte en 40 ans, comment les choses ont été vite ?
02:03Moi, je fais partie de la génération où on a vu le téléphone portable arriver,
02:07Internet arriver.
02:09Vous, là, les jeunes...
02:10Les réseaux sociaux !
02:11Mais vous n'avez pas connu, quand on te mettait sur Internet,
02:15ça faisait cric, cric, cric, cric !
02:18Ça a duré trois heures pour envoyer un mail.
02:21Alors, pourtant, vous dites que vous ne vous inspirez jamais de ce que vous avez vécu.
02:25C'est curieux, ça vient d'où ?
02:26Non, ben...
02:28C'est compliqué.
02:29Je retire la question.
02:30Non, non, c'est pas ça.
02:33C'est qu'évidemment qu'on s'inspire de ce qu'on a vécu,
02:37mais on le transforme tellement, on ne le sait même pas.
02:41Quand j'écris, je ne pense pas au fait que j'ai vécu ou pas vécu.
02:46J'imagine des choses.
02:47Quand je joue Simone Boutboule...
02:49Oui, qui est un nouveau personnage, la mère juive par excellence.
02:54C'est moi, si j'étais une mère.
02:57Mais dans cette mère-là, il y a vraisemblablement beaucoup de femmes
03:00qui ont traversé ma vie.
03:03J'ai volé une phrase dans ma vie.
03:05À quelle ?
03:06J'ai volé une phrase de la vraie vie.
03:08C'était une femme qui s'appelait Ginette.
03:10C'était une femme très belle.
03:11Elle ressemblait à Elizabeth Taylor.
03:13Elle avait un humour incroyable.
03:15Et ça a été, au fond, une des personnes dans ma vie
03:18qui, avec le temps, je me suis rendu compte
03:19qu'elle m'avait énormément influencé.
03:21Elle a dit une chose géniale que je dis dans le spectacle.
03:24Elle a dit...
03:25J'arrête de fumer.
03:27Et sa copine, elle fait...
03:27Pourquoi ?
03:28Pourquoi tu arrêtes de fumer à 92 ans ?
03:29Elle fait...
03:30Parce que je viens d'apprendre que ça rendait stérile.
03:32Est-ce que vous imaginez l'humour que ça veut dire ?
03:37C'est-à-dire que, moi, mes personnages, je les adore parce que c'est eux qui ont l'humour.
03:41Moi, je ne me moque pas d'eux.
03:42Jamais.
03:42Ils sont bien plus intelligents que moi.
03:44Une femme qui est capable de tourner en dérision la vieillesse,
03:48le fait qu'elle ne pourra plus jamais avoir d'enfant,
03:51parce qu'elle est vieille, parce que c'est une vieille femme,
03:53et qu'elle a de l'humour là-dessus.
03:55C'est ce qui me rapproche, vous savez,
03:57c'est ce qui me rapproche d'Albert Cohen
03:58et ce qui me rapproche de votre maître à vous, qui est Pagnol,
04:01qui était un des plus grands amis d'Albert Cohen.
04:04Pagnol, jamais, il ne s'est moqué des personnages qu'il a écrits.
04:08Jamais.
04:08Par contre, les personnages qu'il a écrits ont de l'humour.
04:11Et c'est ça, toute la différence.
04:12Et l'autodérision.
04:13Justement, à chaque fois dans votre spectacle, on rit beaucoup,
04:16mais il y a aussi une immense part d'émotion.
04:18L'un ne va pas sans l'autre.
04:19Bien sûr !
04:20Mais pourquoi dans La fille du Puisatier,
04:22une des plus belles scènes,
04:26moi qui m'a bouleversé, qui m'a marqué,
04:28de Rému qui arrive chez l'autre,
04:30avec toutes ses filles qui les met les plus petites sur la table,
04:35comme ça, et qu'elles sont bien habillées,
04:36et il a toute une scène sublime
04:38où il parle de ses filles et de l'éducation,
04:41et de sa dignité.
04:43De père,
04:45ça fout les larmes aux yeux,
04:47c'est bouleversant,
04:49c'est d'une force incroyable,
04:50et cinq minutes après, dans le film,
04:52on meurt de rire.
04:53Exactement.
04:54Mais nous sommes comme ça, nous les Méditerranéens.
04:57Nous, nous cachons nos émotions dans l'humour,
05:00et on cache notre humour dans nos larmes.
05:03Et on n'a pas le choix, on est comme ça.
05:05On en revient à ce que vous disiez tout à l'heure,
05:07un film qui est en préparation à partir des Magnifiques.
05:10Oui, absolument.
05:11Je suis en train de l'écrire dès que j'ai le temps,
05:14mais en ce moment,
05:15avec cette représentation du 12 mai,
05:18avec la préparation du festival de Ramatuel,
05:20qui arrive,
05:21avec les dates que j'ai encore à faire du spectacle.
05:26Quand je trouve trois jours pour écrire,
05:28parce qu'en plus, je suis feignant.
05:30Non.
05:31Oui.
05:31En plus, maintenant, c'est la pêche qui commence,
05:33c'est le moment de la pêche.
05:34Non, c'est quoi la perte d'Edoran ?
05:36C'est la pêche de tout,
05:37sauf que je n'ai jamais attrapé un poisson.
05:39Maintenant, tu vas à la pêche.
05:40Je vais à la pêche.
05:41Tu n'es pas obligé de pêcher.
05:42J'ai tellement...
05:43Vous savez ce qu'ils ont fait au port
05:44sur un bateau que j'avais avant ?
05:46Non.
05:46Ils avaient mis Bredouille.
05:48Oh, c'est adorable.
05:49Puis, vous avez un autre projet.
05:50Vous allez vendre des pantalons ?
05:52Oui.
05:54Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
05:55Non, mais c'est parce que les magnifiques,
05:58ils vendent des pantalons.
05:59Oui.
06:00C'est leur boulot.
06:02Ils sont bien embêtés, d'ailleurs,
06:03parce qu'ils disent,
06:04mais pourquoi tu veux qu'on se souvienne de nous ?
06:06Alors, qu'est-ce qu'on a fait de notre vie ?
06:07On n'a fait que vendre des pantalons.
06:09Parce qu'en plus, ils ne sont pas riches.
06:10Ils vendent juste de quoi.
06:11D'ailleurs, au début du film,
06:12il y a un type qui arrive et qui fait
06:13je cherche un pantalon taille 44
06:16et Guigui lui fait, on n'a pas.
06:17Il fait, mais enfin,
06:18vous avez un magasin de pantalons ?
06:19Il y a plein de pantalons.
06:20Il fait, non, on n'a pas.
06:20Ils sont tous vendus.
06:21Et il s'en va,
06:22et il y a Maxo qui fait,
06:23qu'est-ce que c'est en train de faire ?
06:25Ça fait le cinquième à qui tu dis ça ?
06:26Il dit, aujourd'hui,
06:27je vends des pantalons qu'aux gens que j'aime.
06:30Et ça aussi, tu vois,
06:32Pagnol aurait pu l'écrire, ça.
06:33Je le sais.
06:34Oui, et donc,
06:37comme on va faire le film,
06:39ça m'amuse beaucoup d'imaginer
06:41que pour la première fin de ma vie,
06:42puisqu'il y a un magasin de pantalons,
06:44il va bien falloir mettre des pantalons dedans.
06:45Eh bien, on va les fabriquer.
06:46Dernière représentation de
06:48Adieu les Magnifiques,
06:49le 12 mai, c'est à 20h,
06:50au Folie-Bergère à Paris.
06:51Et 41e édition déjà du Festival de Ramatuel
06:54du 29 juillet au 12 août
06:56avec Michel Bougenard.
06:57En fait, c'est 41e,
06:58mais c'est 40 ans.
07:01C'est très compliqué.
07:02D'accord, tu m'expliqueras.
07:03Moi aussi.
07:04À tout de suite.
07:05On va continuer à en parler dans un instant.
07:07On va parler serré aussi
07:08avec Héloïse Goua sur Europe 1.