Réjouissances monarchiques et joie publique à Paris au XVIIIe siècle
Par Pauline VALADE, professeure agrégée et docteure en histoire moderne, chercheuse associée au centre d’étude des mondes moderne et contemporain de l’Université de Bordeaux – Montaigne.
Séance du mardi 10 décembre 2024, qui s’est tenue de 14h00 à 17h30 dans les salons de l’hôtel de Soubise (60 rue des Francs-Bourgeois, 75003 Paris), dédiée au thème des réjouissances, du divertissement et de la fête, de la fin du Moyen Âge au siècle des Lumières.
Par Pauline VALADE, professeure agrégée et docteure en histoire moderne, chercheuse associée au centre d’étude des mondes moderne et contemporain de l’Université de Bordeaux – Montaigne.
Séance du mardi 10 décembre 2024, qui s’est tenue de 14h00 à 17h30 dans les salons de l’hôtel de Soubise (60 rue des Francs-Bourgeois, 75003 Paris), dédiée au thème des réjouissances, du divertissement et de la fête, de la fin du Moyen Âge au siècle des Lumières.
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00:00Bonjour à tous et merci pour cette invitation qui m'a permis de me replonger avec joie dans les archives du Caran,
00:25des archives que je n'ai jamais vraiment quittées, mais ça m'a permis de refaire un tour dans mes travaux de thèse.
00:31Alors ce que je vais vous raconter, c'est exclusivement sur le XVIIIe siècle.
00:34Il y a des choses qui vont faire écho, bien sûr, avec ce que vous venez d'entendre,
00:38même si je vais vous présenter quelques évolutions notables qui sont conservées ici aux archives nationales.
00:45Alors au cours du XVIIIe siècle, tous les événements heureux de la couronne, les naissances, les mariages, les victoires, les paix,
00:51les convalescences royales aussi, donnent lieu à des festivités, mais qu'on appelle à l'époque plus précisément des réjouissances monarchiques.
00:59Et l'idée de se réjouir, l'idée de l'émotion de joie est fondamentale dans ce que je vais vous raconter.
01:06À deux heures de carrosse de Versailles, la ville de Paris vit au rythme de ces événements dynastiques,
01:12selon des rites, certes, mais selon aussi une tradition politique bien rôdée.
01:16Avant de commencer, il faut comprendre un tout petit détail qui n'en est pas un, vous allez vite le comprendre,
01:21c'est que ces manifestations de joie, quand j'en parle, j'évoque des acclamations, des buffets de distribution,
01:28jetez, vous allez le voir, du pain, des cervelas à la population, des fontaines de vin, un feu d'artifice,
01:33sur lequel nous allons bien sûr revenir, des orchestres, etc.
01:36Bref, toutes ces manifestations de joie semblent, dans les archives, être toujours un processus tout à fait naturel.
01:43Alors que ça ne l'est pas, c'est ce que je vais vous montrer.
01:47Ce n'est pas un hasard, parce que nous sommes, il faut le rappeler, dans une monarchie de droit divin,
01:53et donc la joie du souverain, pour la naissance du dauphin, une victoire, une paix, n'importe quoi,
01:57la joie du souverain ne peut pas, c'est pas pensable, être dissociée de la joie des sujets.
02:03Donc, comme la distinction n'est pas pensable, ça vient du fait qu'on est dans une monarchie de droit divin,
02:08la joie du roi est en réalité un cadeau divin, donc il est évident que les parisiens doivent se manifester leur propre joie.
02:17Et donc, toute la procédure que je vais vous expliquer, dans les mentalités de l'époque, pour le dire un peu vite,
02:23semble tout à fait naturelle.
02:26Cette idée pourrait au fond se résumer à l'analyse de cette gravure.
02:30Alors, je m'en excuse, je déroge un petit peu à la règle tout de suite,
02:33ce n'est pas une gravure conservée ici, mais au musée Carnavalet.
02:39Alors, cette gravure, elle a été faite à l'occasion de la naissance de Marie-Thérèse,
02:44le premier enfant de Louis XVI avec Marie-Antoinette, en décembre 1778.
02:49Vous le voyez, cette gravure, elle est intéressante parce qu'elle met en parallèle l'événement,
02:53sur la gauche, et les réjouissances corrélatives, juste à côté.
02:57On repère le blason aux fleurs d'Elysée, tout en haut, à gauche, dans l'espace urbain,
03:02pour rappeler justement que ce sont des réjouissances urbaines.
03:05Et je parle ici dans le cadre parisien, mais ce dont je vais vous parler se retrouve dans toutes les villes du Royaume.
03:12Pas du tout dans les espaces ruraux, ce sera autre chose.
03:15Alors, à l'événement royal répond immédiatement une série de réjouissances qui est représentée ici.
03:22Vous avez au centre le feu de joie, les canons, la fontaine de vin, les violons, les danses,
03:29et même, le graveur a représenté ce qui est très présent dans les archives,
03:34les excès de l'ivresse, les excès de la joie, qui sont toujours attendus,
03:38et qui sont très observés par les milieux policiers.
03:41Alors, ça peut paraître anecdotique, en réalité, tout ça est politique, on va le voir.
03:45Alors, il s'agit de l'idée d'une rencontre organisée pour manifester une joie publique
03:50qui est décrétée par le pouvoir et pour les sujets.
03:53Tout cela impose donc une recherche active dans de nombreux points d'archives,
03:57et notamment, bien sûr, ici, au Caran, où, pour essayer d'expliquer ce processus,
04:03il faut aller consulter les archives de la Maison du Roi, du Bureau de la Ville,
04:08du Conseil du Roi, du Parlement, du Châtelet, évidemment, tout ça,
04:12en apparence, ne donne pas des archives sur la joie publique,
04:15et en réalité, si, on trouve de la joie absolument partout.
04:18Cela étant, il s'agit aussi de mesurer comment la population répond à ces injonctions,
04:24dans quelle mesure les Parisiens consentent-ils, finalement, à manifester les gestes de la joie publique,
04:29quel était le sens de ces gestes, qu'ils accordaient quel sens à ces gestes qui leur étaient, finalement, imposés.
04:36S'agissait-il d'une obéissance mécanique, un peu aveugle ?
04:39Évidemment, non. Et pour le comprendre, pour donner le poids aussi à toutes ces archives conservées,
04:45ici, au Caran, il est nécessaire, parfois, d'aller fouiller dans d'autres points d'archives,
04:51et notamment les archives des papiers du procureur général, par exemple,
04:55les recueils de chansons, les écrits du fort privé.
04:58Beaucoup sont conservés à la Bibliothèque nationale de France.
05:01J'y reviendrai surtout dans ma troisième partie.
05:03Alors, c'est ce retour aux sources que je vous propose en trois temps,
05:07puisque nous allons essayer de voir, ici, aux archives nationales,
05:11où sont les sources d'une joie qui est, avant tout, décrétée.
05:14Puis, nous allons nous balader, dans les archives aussi,
05:17pour voir quelles sont, réellement, ces manifestations de joie dans l'espace parisien.
05:22Et puis, quelles sont les sources pour approcher une joie qui, nous le verrons, est souvent détournée,
05:26ou, en tout cas, la population parisienne se l'approprie pour envoyer un autre message
05:31qui n'est pas celui seulement des acclamations, d'une cohésion autour du souvoir.
05:35C'est beaucoup plus complexe que ça.
05:37Alors, je vous prie de m'excuser d'abord, parce que je ne vais pas vous présenter,
05:41comme ça a été le cas précédemment, des photos de documents,
05:44parce que la plupart des documents que j'ai consultés pendant ma thèse sont sous microfilms,
05:48et les photographies des microfilms ne sont pas souvent de bonne qualité.
05:52Donc, voilà, il y a moins de poésie, vous n'aurez que mes transcriptions.
05:56En tout cas, voilà, tout est ici.
05:58Alors, aux origines des réjouissances, les sources d'une joie décrétée,
06:02il faut d'abord s'intéresser au processus légal.
06:05Alors, en effet, à quelques heures après une victoire militaire ou une naissance royale,
06:10ce sont les bureaux de Versailles, les bureaux de la chancellerie qui s'activent,
06:15et qui tâchent de rédiger le tout premier document qui est conservé ici aux archives nationales,
06:20à savoir la lettre royale, la lettre du roi,
06:23qui est le premier acte légal pour informer les sujets de l'événement à célébrer.
06:27Elle est écrite par les commis de la chancellerie, je le répète, c'est un acte, un document légal.
06:33Elle est visée par le chancelier, puis elle est envoyée à toutes les autorités urbaines,
06:37c'est-à-dire, on va toujours retrouver les mêmes, le Parlement, la ville, la municipalité,
06:42et le châtelet, donc la police de Paris.
06:45Tout au long du XVIIIe siècle, il y a à peu près 80 événements qu'on peut étudier,
06:49et il y a autant de lettres qui sont conservées dans la série O1, ici.
06:54Alors, on ne va pas tout lire, rassurez-vous,
06:58simplement pour vous montrer qu'à chaque événement qui était digne de réjouissance,
07:02le roi, donc, et les bureaux de la chancellerie rédigent une lettre.
07:06Ici, par exemple, voilà, c'est la prise de démons en septembre 1744,
07:11on est sur une victoire militaire, mais qu'il s'agisse de la naissance d'un prince,
07:14c'est à peu près la même chose aussi.
07:16Il s'agit à chaque fois, dans la première partie,
07:19et vous le voyez dans la partie surlignée en jaune en particulier,
07:23je manque de temps pour le lire,
07:24mais il s'agit à chaque fois de faire savoir, de faire admirer,
07:29de faire imaginer la population à qui on va lire cette lettre.
07:33Donc, il faut bien comprendre que cette lettre,
07:35elle est écrite dans les bureaux de la chancellerie, certes,
07:37mais il va y avoir tout un mécanisme de papier
07:41qui va reprendre petit à petit le contenu de cette lettre,
07:45si bien que la partie surlignée,
07:47notre frère, cousin et Jean de le prince de Conti,
07:49a réduit en peu de jours après la forteresse de démons, etc.
07:52On raconte, on fait le récit de la bataille,
07:55et ce récit, on va l'écouter dans tous les carrefours de Paris,
07:59près des bureaux, des commissaires,
08:00on va entendre et on va imaginer, en réalité, ce qu'a été cette bataille.
08:06Alors, dans un premier temps, on fait donc admirer,
08:10on va imaginer la force de l'armée royale, puisqu'il s'agit de ça.
08:14Et puis, dans un second temps seulement,
08:17on va exiger, le roi va exiger les marques traditionnelles de la joie publique,
08:22et en l'occurrence ici, systématiquement,
08:24il s'agit à minima du champ d'un tédéum,
08:27d'un tédéum dans la cathédrale Notre-Dame,
08:30pour exprimer la reconnaissance de tout le royaume envers Dieu.
08:33Et donc, ça permet aussi de rappeler la sacralisation de la royauté
08:37à l'esprit de tout un chacun.
08:40Alors, il s'agit là, donc, de décréter les réjouissances,
08:42et on le voit, ça fait vraiment partie des fonctions régaliennes du souverain au départ.
08:47On crée l'événement à célébrer,
08:49et on lance la procédure légale pour exiger,
08:53je me répète, mais légalement, des manifestations de joie des sujets parisiens.
08:57À partir de là, va intervenir celui qu'on appelle le ministre de Paris,
09:03de manière officieuse, le secrétaire d'État de la Maison du Roi,
09:06qui va envoyer cette lettre aux principaux agents du royaume.
09:10Et se met en marche une très importante communication en réseau,
09:14que l'on perçoit toujours dans les archives de la Maison du Roi, ici.
09:19D'abord, nous allons trouver celui qui représente officiellement la royauté dans l'espace urbain,
09:24c'est le gouverneur. Le gouverneur de Paris, c'est un intermédiaire entre Versailles
09:29et les autorités urbaines, la ville, notamment la municipalité.
09:34Alors, on va trouver une véritable navette de courrier,
09:38c'est ça qui est très intéressant, puisque, vous le voyez ici,
09:40alors là, on est en novembre 1728, Louis XV a été malade,
09:45il faut célébrer sa convalescence classique.
09:47Et là, vous avez, dans la série K, les archives de la ville,
09:55on va trouver sur la partie droite ce que propose la municipalité pour fêter l'événement,
10:00vous le voyez, de ce que l'on propose de faire à l'hôtel de ville en signe de Région Saint-Denis.
10:04On chantera le tédéum à l'église, on fera une décharge de boîtes et de canons le matin,
10:09et en face, le gouverneur ne cesse d'annoter,
10:12bon, très bien, une le soir avant d'allumer le feu et tirer les fusées,
10:17on fera un feu de fagot, etc., à merveille, tout au mieux,
10:20il faut en tirer davantage, car le français est approximatif, on le voit,
10:24car c'est Dieu qui se doit l'aimer, il faut rappeler la présence divine,
10:28on fera une illumination parfaitement bien,
10:30on soupera à l'hôtel de ville et on boira à la santé du roi,
10:33il faut boire beaucoup à la santé du roi, nous écrit le gouverneur.
10:37Donc là, le gouverneur anote systématiquement les propositions du bureau de la ville,
10:42il rappelle aussi le bon du roi, quand le roi a noté certains textes de loi,
10:50je passe un petit peu vite.
10:51Donc là, il matérialise l'accord royal sur les propositions qui relèvent légalement,
10:56nous allons voir, des ordonnances royales.
11:00Alors, on l'a dit, la lettre royale était copiée,
11:03puis expédiée au Parlement de Paris, à son premier président, aux gens du roi,
11:08ainsi qu'à toutes les autres cours souveraines,
11:10la Chambre des Comptes, la Cour des Aides, etc.,
11:12tout le monde a droit à la lettre,
11:14parce qu'encore une fois, c'est légaliser l'exception dans l'espace public parisien.
11:20Cela étant, seul le Parlement de Paris,
11:23dont les archives ici sont conservées dans les registres du Conseil secret,
11:27la série X1A, entre autres,
11:30seul ce Parlement a un droit réglementaire en matière de réjouissance.
11:34Donc, on peut ainsi analyser l'un des aspects de son activité extrajudiciaire.
11:38Le Parlement, en l'occurrence, n'est pas qu'une cour de justice,
11:40on le voit ici.
11:43Il détient la grande police.
11:45Alors, on a effectivement, je vous l'ai dit, la lettre royale,
11:50mais cette lettre royale, elle va donc être reçue par le Parlement,
11:53et le Parlement va vite se dépêcher de...
11:57En tout cas, le procureur général, donc le chef du parquet du Parlement,
12:01va rédiger ce qu'on appelle un réquisitoire,
12:04et dans ce réquisitoire, c'est le seul document qui va ordonner,
12:09au sens littéral du terme,
12:11ordonner les manifestations de joie dans l'espace public.
12:14Si on n'a pas ce réquisitoire,
12:16la manifestation de joie dans l'espace public n'est pas légale,
12:19et donc elle est immédiatement arrêtée, supprimée.
12:23C'est arrivé.
12:24En tout cas, ça ne doit pas arriver.
12:26Il faut que tout soit absolument légal.
12:29Qu'est-ce qu'il nous dit dans ce réquisitoire, par exemple ?
12:32Il va vouloir, par exemple, il va exiger la fermeture des boutiques
12:37pendant les réjouissances, il est hors de question de travailler.
12:40Eh bien, légalement, là aussi, il faut que la fermeture des boutiques,
12:44des ateliers soient dites.
12:46Il va aussi exiger de faire des feux de joie devant les portes,
12:50jusqu'en 1734, parce qu'après on se rend compte que c'est beaucoup trop dangereux,
12:53donc on arrête les feux de joie.
12:55Voilà, on va faire sonner les cloches de toute la ville,
12:59de toutes les églises, de toutes les paroisses,
13:01et tout doit se faire au bruit des carillons.
13:03Je précise que c'est dans ce réquisitoire,
13:06quelque chose qu'on va trouver dans les chroniques et les mémoires de l'époque,
13:09c'est dans ce réquisitoire que le procureur général va exiger,
13:12d'accord, le tédéum, les cloches, etc.
13:15Mais ces cloches vont teinter pendant, souvent, trois jours d'affilée,
13:20nuit et jour.
13:21Donc, dans d'autres fonds d'archives, évidemment,
13:24on va se rendre compte que les gens n'en peuvent plus,
13:26parce que c'est assourdissant, c'est assommant.
13:30Et voilà, c'est quelque chose qui est dit,
13:32l'espace sonore de la ville doit être exceptionnel,
13:36et personne n'a rien à redire,
13:37puisque c'est dans le réquisitoire du procureur général.
13:40Donc, tout ce qui est l'approche sensorielle
13:42qu'on va pouvoir avoir de ces réjouissances,
13:44tout est là, dans ce document un peu froid,
13:46qu'on appelle le réquisitoire du procureur général.
13:48Une fois qu'il a requis les réjouissances,
13:52eh bien, le Parlement de Paris va rédiger un arrêt réglementaire,
13:57et dans cet arrêt réglementaire, c'était ce document, excusez-moi,
14:00voilà, une fois qu'eure retirée, donc les gens du roi,
14:03le parquet s'en va, quitte la Chambre du Parlement,
14:06et là, les magistrats, eh bien, délibèrent
14:07et vont rédiger un arrêt réglementaire
14:10dans lequel on va reprendre le contenu du réquisitoire,
14:12le tédéum, les boutiques seront fermées,
14:14la cloche du palais, le feu de joie, etc.
14:17Alors ça, ce sont des documents conservés ici,
14:20ce sont des documents qui ne sont pas communiqués directement aux Parisiens.
14:24Là, on est vraiment dans le processus légal,
14:26dans l'histoire de la monarchie.
14:29En revanche, cet arrêt réglementaire va,
14:32il faut quand même informer les Parisiens
14:34de ce à quoi ils doivent se plier, si je puis dire,
14:36et donc, c'est cet arrêt qui va être transformé en ordonnance.
14:41L'ordonnance de la ville et l'ordonnance de la police, du châtelet,
14:44ce sont des documents conservés ici, mais qui vont être placardés
14:48sur les murs de la ville et en particulier sur les murs des bureaux
14:52des commissaires de quartier.
14:53Parfois, on peut en trouver à côté de la porte d'une église,
14:58voilà, pour les gens de la paroisse.
15:00C'est cette ordonnance-là qui va reprendre systématiquement
15:03le contenu de l'arrêt réglementaire,
15:05fermeture des boutiques, on fait attention aux incendies,
15:07les feux de joie, etc.
15:08Mais c'est ce document que les Parisiens vont entendre
15:12ou lire à chaque fois, finalement.
15:17Voilà, alors, juste un exemple, mais non, c'est un petit peu plus tard.
15:22Alors, pourquoi la ville et le châtelet ?
15:25Parce que la ville, on va en parler très vite,
15:26c'est elle qui, à partir des années 1730,
15:29va être la première administration de la monarchie.
15:32Et donc, ça va faire écho à ce que vous venez d'entendre
15:34au XVIIe siècle, c'est elle qui va financer
15:36l'intégralité des réjouissances dans la ville de Paris.
15:39Donc, cette ville a tout intérêt à réduire les coûts
15:43et à faire en sorte que ça se passe bien aussi,
15:45parce que la ville a, non pas la police de Paris,
15:48puisque ça, c'est au châtelet,
15:50mais la ville a la police sur les espaces de réjouissance,
15:53et en particulier l'actuelle place de l'hôtel de ville,
15:56qu'on appelait la place de grève,
15:58mais aussi tous les bords de Seine.
16:00Or, sur les bords de Seine, on l'a dit,
16:02il y a souvent des feux d'artifice,
16:04et donc tout doit le mieux se passer possible.
16:07Et donc, c'est pour ça que la ville intervient
16:09beaucoup à ce sujet.
16:12Alors, les ordonnances sont placardées partout,
16:14mais il faut interroger les normes de la joie publique
16:17dans l'espace parisien.
16:18Parce que ces ordonnances répètent, finalement,
16:21à chaque fois les mêmes choses,
16:23on exige toujours les mêmes manifestations de joie,
16:26et elles vont construire petit à petit une norme,
16:30une norme pour se réjouir,
16:31de laquelle il est strictement interdit de s'écarter.
16:34On ne peut pas déroger publiquement,
16:37enfin, collectivement, ou encore moins individuellement,
16:40à ce qui est exigé dans ces ordonnances.
16:43Vous avez, par exemple, quelques années plus tard,
16:45en 1730, pour la naissance du duc d'Anjou,
16:48le fils cadet de Louis XV,
16:50voilà une ordonnance du châtelet ici.
16:54On reprend l'événement, toujours pareil,
16:56nous faisons droit sur le réquisitoire du procureur du roi,
16:59ordonnant à tout bourgeois,
17:01ça c'est important comme mention,
17:02bourgeois et habitants de cette ville,
17:04d'allumer des feux devant les portes,
17:06d'illuminer les fenêtres.
17:07Donc, chacun doit illuminer sa fenêtre à ses frais,
17:11on peut y revenir après,
17:13tout le monde n'a pas les moyens,
17:13mais j'y reviendrai.
17:15À tout marchand, de tenir leur boutique fermée,
17:17aujourd'hui, le jour indiqué de Tédéum, etc.,
17:19de faire fermer et boucher exactement les fenêtres,
17:22lucarne, les yeux de bœuf, etc.,
17:23parce qu'on a très peur des incendies,
17:25vous l'avez compris.
17:26On va aussi exiger, de manière plus implicite,
17:33mais je n'ai pas un document suffisamment net à vous présenter,
17:37il faut se rendre aux réjouissants sur la place de grève.
17:40On a d'ailleurs, surtout en province,
17:43et moins dans la capitale,
17:44on a des ordonnances imprimées
17:46qui expliquent que si on ne se rend pas
17:47sur les lieux de réjouissance,
17:49on encourt une amende.
17:50Alors, je pense que c'était une dimension
17:53plus dissuasive qu'effective,
17:56puisque la police n'avait pas les moyens
17:58de contrôler toute cette population.
18:00Ça, c'est une mention qu'on ne retrouve pas
18:02dans les archives parisiennes,
18:04du moins pas aussi directement.
18:06Donc, toutes ces ordonnances réglementent
18:08à chaque fois les manières de prendre part
18:10aux réjouissants,
18:11en fixant le jour, l'heure,
18:12les manifestations attendues.
18:15On a donc ici une véritable culture de l'approbation,
18:19parce qu'on explique aux Parisiens,
18:22réjouissance après réjouissance,
18:23des manières dont ils doivent exprimer
18:26une cohésion, un assentiment,
18:28une approbation avec la royauté
18:31et, en tout cas, les événements
18:32qui marquent la dynastie.
18:35Alors, à l'échelle du quartier,
18:36ces ordonnances, je l'ai dit, sont lues.
18:39Il faut imaginer que dans chaque quartier,
18:40le commissaire de police va sortir
18:43avec une petite sonnette,
18:45une petite clochette.
18:46Et cette petite clochette,
18:47il va s'en servir pour passer dans les rues,
18:49pour rappeler que l'ordonnance est collée
18:51près de son bureau
18:52et que, donc, la clochette teinte,
18:55il faut se plier très vite
18:56à ces injonctions
18:59et, en particulier,
19:00il faut illuminer les fenêtres.
19:03Alors, toute petite parenthèse
19:04qu'on retrouve dans les archives de police
19:06conservées ici,
19:08petite parenthèse,
19:08mais moi, ça fait tout le sel
19:10de la recherche en histoire, je trouve.
19:11comment est-ce qu'on illumine
19:14ces fenêtres ?
19:15Tout le monde le suif,
19:17la cire, tout ça,
19:18ça a un coût, évidemment.
19:20Alors, on fait ce qu'on peut
19:21et on va trouver, par exemple,
19:22tout le monde ne peut pas mettre une bougie,
19:23ça coûte trop cher.
19:25Surtout qu'il faut la laisser brûler
19:26pendant le temps des réjouissances.
19:28Donc, on va...
19:29Non, ça coûte beaucoup trop cher.
19:30Donc, on va utiliser
19:31des coquilles d'escargot,
19:33des coquilles d'huître,
19:34puisqu'on en consomme beaucoup dans Paris,
19:35et on va faire couler
19:36un tout petit peu de cire,
19:38un petit peu tous les jours,
19:39pour essayer de créer une petite flamme.
19:42Au moins, le temps du passage du commissaire,
19:44et on sera exactement
19:45dans ce qu'on attend de nous.
19:46On aura illuminé nos croisés,
19:49les fenêtres.
19:50Alors, ces ordonnances
19:52s'adressent théoriquement
19:53à tous les Parisiens.
19:54Mais, en réalité,
19:56s'agit-il vraiment
19:57de tous les Parisiens ?
19:58La réponse est non,
19:59parce que vous le voyez
20:00dans cette ordonnance,
20:01comme dans tous les documents
20:02de cette procédure,
20:03on s'adresse aux bourgeois
20:05et aux habitants
20:07de cette ville.
20:08On s'adresse
20:09à ceux qui doivent
20:09fermer leur atelier,
20:11fermer leur boutique.
20:12Donc, on s'adresse
20:13uniquement
20:14au monde
20:16de la corporation,
20:18au monde
20:19très cadré,
20:20très contrôlé,
20:21très structuré
20:23de l'artisanat.
20:25Donc, toute la population,
20:26plus ou moins marginalisée,
20:28n'est pas...
20:29Ce n'est pas qu'on ne veut pas
20:30la voir pendant les réjouissances,
20:31au contraire,
20:32il faut que cette population
20:33soit là,
20:34mais elle est d'ores et déjà
20:35complètement marginalisée
20:36des injonctions,
20:37comme si finalement,
20:38il fallait...
20:38Tout le monde doit se réjouir,
20:40c'est un événement collectif,
20:41mais avec
20:42des petits bémols.
20:47Alors, en plus de ces ordonnances,
20:49justement,
20:49pour cette population
20:51moins identifiable,
20:52eh bien, il faut,
20:53elle aussi,
20:53je l'ai dit,
20:54qu'il faut qu'elle soit
20:55sur les lieux de réjouissance.
20:56Alors, comment fait-on
20:56tout de suite la ville,
20:59puisque c'est sur la place de grève
21:01que vont se concentrer
21:02les réjouissances,
21:02la ville va mettre en place
21:04un système d'informations
21:05beaucoup plus, peut-être,
21:07éloquent aux yeux de tout le monde,
21:09qui va se fonder sur le bruit,
21:10notamment.
21:11Comme vous le voyez ici,
21:13dans la série K,
21:14sur le champ,
21:14le bureau ordonna
21:15que l'on fie une décharge
21:16des boîtes et des canons,
21:17qui sont donc le long des quais
21:19tournés vers la Seine,
21:21bien évidemment,
21:21pour annoncer cette nouvelle
21:22à toute la ville,
21:23le clocher de l'hôtel de ville
21:25sonna pendant trois jours
21:26et trois nuits,
21:27le corps de garde
21:27de l'hôtel de ville
21:28composé de 36 hommes,
21:29etc.,
21:30accompagné de tambours,
21:31trompettes et au bois
21:32pour faire trois fois,
21:34trois tours de la place
21:35devant l'hôtel de ville,
21:36déjà rempli d'une multitude,
21:38nous dit-on,
21:39et les messieurs du bureau,
21:40donc de la municipalité,
21:42jettent de l'argent
21:43au peuple par les fenêtres.
21:45Les jets d'argent
21:45sont très importants,
21:48j'y reviendrai.
21:49Donc, tout ça est intégré
21:50dans les fameuses cérémonies
21:52de l'information,
21:53strictement ritualisées,
21:54tous ces gestes diffusent
21:56une information politique
21:57tout en activant
21:58quelque chose
21:59qui est très ancien,
22:00à savoir les principes
22:01du don contre don.
22:02Le don, on jette de l'argent,
22:04mais le contre don,
22:04c'est on veut des acclamations,
22:06on veut une population
22:06qui sera là
22:08le soir des réjouissances.
22:09C'est essentiel
22:10pour la couronne,
22:12là aussi j'y reviendrai.
22:14Les archives du Caran
22:15permettent donc
22:15de mesurer l'origine légale
22:17des réjouissances,
22:18mais aussi la construction
22:18d'une norme,
22:19d'une véritable culture
22:21de l'approbation.
22:21Se réjouir est avant tout
22:23un devoir de chacun
22:24des sujets de sa majesté.
22:27Voyons maintenant
22:28dans ces archives
22:29quelle est la matérialité,
22:31qu'est-ce que c'est
22:32la place de grève
22:33un soir de réjouissances.
22:36Alors,
22:37ce qui est formidable
22:38dans les archives du Caran,
22:39c'est qu'on peut
22:40restituer toute la matérialité
22:42de la joie publique.
22:43Alors,
22:44il faut
22:44s'intéresser aux archives
22:47du bureau de la ville
22:48qui sont parfois
22:49assez fastidieuses
22:50parce que c'est beaucoup
22:51de chiffres,
22:51beaucoup de comptes,
22:52beaucoup de listes.
22:54Voilà,
22:54c'est assez fastidieux
22:55mais ça permet
22:56de reconstituer
22:57beaucoup de choses
22:57et en particulier
22:58de rappeler
22:59que dans les années 1730,
23:01je l'ai dit,
23:01la ville devient
23:02la première administration
23:03de la monarchie.
23:05Donc,
23:05c'est à elle
23:06que revient la charge
23:07matérielle et financière
23:08d'organiser les réjouissances.
23:10Donc,
23:10on va le voir
23:11dans un instant,
23:11c'est à elle
23:12de payer
23:12mais aussi
23:13de conserver
23:14les matériaux.
23:15Et en 1729 notamment,
23:17juste après
23:18les réjouissances
23:19pour la naissance
23:20du Dauphin
23:20qui ont coûté
23:21particulièrement cher,
23:22la ville va mettre
23:22en place
23:23une nouvelle politique
23:24qui est assez
23:26innovante à l'époque.
23:27Elle va instituer
23:27une sorte d'entrepôt,
23:30un magasin,
23:31nous dit-on,
23:31un magasin
23:32qui est situé
23:33en 1729
23:34près de la porte
23:35Saint-Martin
23:35sur les remparts
23:36parce que tout simplement
23:37c'est un entrepôt
23:37où il fallait de la place
23:38donc c'est sur
23:39près des murs
23:41de la ville
23:42et dans les archives
23:43du bureau de la ville
23:44on a trois inventaires
23:45dans lesquels
23:47il y a un gardien
23:48de cet entrepôt.
23:49Je vous le montre
23:49tout de suite
23:50parce que c'est
23:50beaucoup plus agréable.
23:51On a des plans
23:52de ce magasin
23:53donc là
23:55c'est le plan
23:55de 1760
23:56lorsqu'il va être transféré
23:58rue du Faubourg
23:59du Roule
24:00qu'on connaît
24:02encore aujourd'hui.
24:03Vous avez ici
24:04en bas
24:04je ne sais pas
24:05si je peux l'utiliser
24:05vous avez l'atelier
24:09des peintres
24:10vous avez tout le long
24:11sur la droite
24:12les canons
24:13les canons de la ville
24:14qu'on va sortir
24:15sur les quais
24:15pour les décharges
24:18pour annoncer
24:19à tout le monde.
24:20J'ai des plus gros plans
24:21peut-être
24:22voilà l'atelier
24:23des peintres
24:23vous allez avoir
24:24les ateliers
24:27de tous les artisans
24:28qui vont travailler
24:29aux réjouissances
24:30donc ça c'est conservé
24:31dans la série K
24:31ici.
24:32Alors
24:33on les a tous
24:34on a la grande cour
24:35vous voyez les canons
24:36on les voit mieux
24:36ici vous avez en haut
24:37le magasin au fer
24:39parce que toutes les réjouissances
24:40vous allez voir
24:41c'est du bois
24:41mais c'est aussi du fer blanc
24:42parce que c'est
24:44facile à peindre
24:45ça se conserve très bien
24:47bref
24:47on utilise beaucoup de fer
24:49on va avoir juste à côté
24:50regardez l'atelier
24:51des menuisiers
24:52l'atelier des sculpteurs
24:53petites cours
24:54etc.
24:54alors pourquoi
24:55avoir voulu centraliser
24:57ces centaines d'artisans
24:59qui travaillent pour la ville
25:00et bien c'était
25:01d'abord un moyen
25:02d'avoir un oeil sur eux
25:04de contrôler
25:05leur stock
25:05de contrôler leur travail
25:07mais aussi
25:08de leur demander
25:10c'était stipulé
25:10dans le contrat
25:11de laisser leur matériel
25:13dans le magasin
25:14puisque ce matériel
25:15devait être
25:15progressivement réutilisé
25:17parce que ça coûte
25:18très très cher
25:19à la ville
25:19et donc
25:20contrairement à ce qu'on disait
25:21tout à l'heure
25:22il y a cette idée
25:23au XVIIIe siècle
25:24il faut
25:25recycler
25:27dirions-nous
25:27aujourd'hui
25:28réutiliser
25:29ce qui pouvait l'être
25:31en tout cas
25:31on a
25:31quelque chose d'intéressant
25:33puisqu'on a
25:34ces lieux de travail
25:35où s'activer
25:36ces centaines
25:38d'artisans
25:40alors
25:40à l'intérieur
25:41je vous l'ai dit
25:42on a le stock
25:42de ce matériel
25:46beaucoup de bois
25:47beaucoup de bois
25:47de sapin
25:48qu'on va utiliser
25:49pour les décors
25:50du feu d'artifice
25:50j'y reviendrai
25:51le sapin pourquoi
25:52parce que c'est un bois
25:53blanc
25:54peu véné
25:56et donc on peut le peindre
25:57très vite
25:58beaucoup de fer blanc
25:58aussi
25:59etc
25:59de surcroît
26:01dans ces mêmes archives
26:02nous avons
26:02les deux vies
26:03les notes de travail
26:05de ce qu'on appelait
26:06un peu le maître d'oeuvre
26:07de l'époque
26:08le maître général
26:09des bâtiments
26:09de la ville
26:10de la famille
26:11des Beaucires
26:12il y a une rue
26:13aujourd'hui
26:13qui garde le nom
26:14de cette dynastie
26:16de maître général
26:17et ce Jean Beaucire
26:18au XVIIIe siècle
26:19avec son fils
26:20il va faire la tournée
26:21de tous les travaux
26:22dans la ville
26:23lors des préparations
26:25de ses réjouissances
26:26et donc on a
26:26ces sources
26:27on a ces archives
26:28qui sont formidables
26:29à lire
26:29parce que par exemple
26:30il se plaint
26:30qu'il se déplace
26:31mais qu'il n'est jamais
26:32défrayé par exemple
26:33pour aller inspecter
26:35les travaux
26:36donc on a aussi
26:38les devis
26:39je vous le disais
26:39à l'instant
26:39et avec ces devis
26:42on a donc
26:42le matériel
26:44le coût
26:44mais aussi
26:45c'est très intéressant
26:46comment la ville
26:47va payer
26:47et la ville
26:49paie mal
26:49et ça c'est quelque chose
26:50d'important
26:51pour ça
26:52parce qu'on se rend compte
26:53que la ville
26:54use et abuse
26:56d'acompte
26:56pour payer
26:57tous les artisans
26:59je vous montre
27:00très très rapidement
27:00ce tableau
27:01je ne vais pas le commenter
27:03en détail
27:03mais on le voit
27:04ici par exemple
27:06en 1739
27:07on va
27:08on va célébrer
27:10le mariage
27:12de madame première
27:12la première fille
27:13de Louis XV
27:14grosse réjouissance
27:15sur le pont neuf
27:16ce qui se fait
27:17en 1739
27:18tous les artisans
27:19qui travaillent dessus
27:20vont être payés
27:21jusqu'en 1750
27:23donc avant 1750
27:25tout le monde
27:25n'est pas payé correctement
27:26et ainsi de suite
27:27ce qui se passe
27:28en 1744
27:29sera payé
27:30jusqu'en 1755
27:31etc.
27:32alors évidemment
27:33on est dans une autre économie
27:34où le crédit
27:35est peut-être
27:36beaucoup plus important
27:36qu'aujourd'hui
27:37il est beaucoup plus
27:37structurel
27:38à l'économie
27:39d'ancien régime
27:39mais il faut avoir
27:42une idée
27:42de tout ça
27:43pour établir
27:46une économie
27:47de la joie publique
27:48et en l'occurrence
27:49les archives ici
27:49le permettent
27:51alors en plus
27:53de cette matérialité
27:55il faut aller voir
27:56de quoi est faite
27:57finalement
27:57cette joie publique
27:59alors ce sont
28:00les lumières
28:00de la monarchie
28:01qui sont
28:01avant le feu d'artifice
28:03c'est ce qui va être
28:05le plus long
28:06sur le temps
28:08des festivités
28:09alors
28:10toujours grâce aux deux vies
28:11on voit que les illuminations
28:13sont adaptées
28:14aux jours
28:15de la festivité
28:16on n'illumine pas
28:17n'importe comment
28:18c'est très codifié
28:19là encore
28:20alors ce sont les seules photos
28:21de microfilms
28:21que je vais vous montrer
28:22pardonnez-moi
28:22elles ne sont pas
28:23magnifiques
28:24mais visuellement
28:26elles sont peut-être
28:27un peu éloquentes
28:28je vous montre ici
28:29la façade
28:30de l'hôtel de ville
28:31voilà
28:32en 1751
28:33pour la naissance
28:34du duc de Bourgogne
28:36alors
28:36ces dessins ont été faits
28:37par Jean Bossir
28:38le maître général
28:39des bâtiments
28:40dont je vous parlais
28:41à l'instant
28:41et donc il va dessiner
28:42ce qui doit se voir
28:44le soir des réjouissances
28:45ici vous avez
28:46toute une série
28:47donc de lumières
28:48pour annoncer
28:50la nouvelle
28:50donc pour annoncer
28:51la nouvelle
28:52le jour où
28:53on jette l'argent
28:54où il y a les tambours
28:56sur la place de ville
28:56etc
28:57c'est ça
28:58mais petit à petit
28:59plus les réjouissances
29:00vont s'intensifier
29:02plus le code lumineux
29:03sur les façades
29:04et ici de l'hôtel de ville
29:05aussi
29:06vont s'intensifier
29:07ici vous avez
29:07le 16 septembre
29:09pour les préparatifs
29:11du feu d'artifice
29:12on a intensifié
29:13la luminosité
29:14donc tout ça coûte
29:14très cher
29:15par ailleurs
29:16et puis enfin
29:16on a une sorte
29:17d'apothéose lumineuse
29:19le jour du tédéum
29:20et du feu d'artifice
29:22évidemment
29:22les illuminations
29:23ont un rôle
29:24de communication politique
29:25puisque sur les pierres
29:27les autorités de la ville
29:28écrivent en un langage
29:29de feu
29:30leur obéissance
29:31à l'impératif
29:32d'une joie
29:32hiérarchisée
29:33jour après jour
29:34alors c'est aussi
29:36évidemment
29:37les marchés conclus
29:38avec les artificiers
29:39les artificiers
29:39on en parlait tout à l'heure
29:40qui parfois font des siennes
29:42ils en font aussi
29:45au 18e siècle
29:46et on trouve par exemple
29:47dans les jôles
29:49de l'hôtel de ville
29:50dont on a les archives
29:51qui sont passionnantes aussi
29:53certains artificiers
29:55et une fois
29:55se font emprisonner
29:56parce qu'ils ont
29:57volontairement fait
29:58capoter le feu d'artifice
30:01pour des raisons
30:01de concurrence étrangère
30:03et donc on a un cas
30:04où les artificiers
30:05en l'occurrence
30:06trois artificiers
30:07ont passé un mois
30:08dans les jôles
30:09de l'hôtel de ville
30:10donc on trouve
30:10beaucoup de choses
30:11dans ces archives
30:12de la ville
30:13toujours est-il
30:13que ces deux vies
30:15nous permettent
30:15de voir un peu
30:18une évolution lumineuse
30:19une évolution du coût
30:20là vous avez
30:22sur l'année 1745
30:24le nombre de fusées
30:26que l'on va tirer
30:27que l'on va utiliser
30:28en fonction des événements
30:30donc lorsque c'est
30:31une victoire militaire
30:32relativement mineure
30:34comme en mai 1745
30:361248 fusées
30:37ce qui est déjà beaucoup
30:38une victoire
30:39avec une moindre stratégie
30:41militaire derrière
30:4260 fusées seulement
30:44et puis évidemment
30:44la victoire
30:45de Dandermonde
30:46à la fin
30:47juste après
30:47une petite convalescence royale
30:50là il faut marquer
30:51les esprits
30:52on va utiliser
30:54plus de 3000 fusées
30:56dans l'espace
30:57dans l'espace public
30:58mais vous l'aurez compris
31:00en dehors de ces illuminations
31:01ce sont les feux d'artifice
31:02qui sont les plus
31:03les plus attendus
31:04les plus merveilleux aussi
31:06et la communication politique
31:08se fait beaucoup
31:08ici parce que
31:09c'est tout simplement frappant
31:10on vient de vous le dire
31:12alors juste un tableau
31:13pour que
31:14parce que c'est mon préféré
31:16mais c'est aussi
31:16il permet de restituer
31:18quand même un petit peu
31:18cette ambiance
31:20il est conservé
31:21Nicolas Ragonet
31:22il est conservé
31:22au musée Carnavalet
31:23et c'est une fête
31:24donnée en 1746
31:25pour la naissance
31:27de la fille du Dauphin
31:28bref
31:29vous le voyez
31:29nous sommes sur la place de grève
31:30vous avez ici
31:31donc les canons
31:33dont je vous parlais
31:34tout à l'heure
31:35vous avez ici
31:36on en reparlera
31:37des buffets
31:38de distribution
31:39où on va jeter
31:40de la nourriture
31:41à la population
31:41un orchestre
31:43puisqu'il faut danser
31:44autour
31:44et puis vous avez
31:45je vais zoomer ici
31:46le décor
31:47du feu d'artifice
31:48on vous donnait tout à l'heure
31:49la hauteur
31:50l'impression
31:52que ça devait fournir
31:53alors je zoom
31:54la qualité n'est pas exceptionnelle
31:55mais effectivement
31:56on est en plein
31:58dans la ville
31:58on n'est plus du tout
31:59dans l'espace
32:00des jardins de Versailles
32:01et on a à peu près
32:02des structures
32:03des architectures
32:04entre 12 et 16 mètres
32:06et donc tout ça
32:07en bois de sapin
32:08peint
32:08dans les ateliers
32:10de la ville
32:11et donc beaucoup
32:13sont des peintures
32:15en trompe l'œil
32:16alors par rapport
32:18à ce que vous avez entendu
32:18tout à l'heure
32:19l'évolution au 18ème siècle
32:20c'est que
32:21ça c'est pas une bonne
32:22représentation
32:23mais c'est que
32:25l'architecture
32:28de ces décors
32:30du feu d'artifice
32:31on va les vouloir
32:32de plus en plus réalistes
32:34ou en tout cas
32:35toute proportion gardée
32:36parce que par exemple
32:37pendant les victoires
32:38militaires que l'on fêtait
32:39il était hors de question
32:41de restituer
32:42l'horreur des combats
32:43bien évidemment non
32:44par contre
32:45on va effacer
32:48au fur et à mesure
32:48du siècle
32:49les représentations
32:50mythologiques
32:51les allégories
32:51dans les décors
32:52parce qu'on s'est rendu compte
32:54que ces allégories
32:55ne parlaient pas
32:56en fait
32:56ne signifiaient pas
32:57grand chose
32:58aux yeux de la population
32:59qu'on attend
33:00autour des feux d'artifice
33:01donc on va essayer
33:02de construire
33:03des architectures
33:04beaucoup plus
33:04éloquentes
33:06beaucoup plus réalistes
33:07ici vous avez
33:08Ypres
33:08en 1744
33:10on va fêter
33:11la prise de cette ville
33:12et vous le voyez
33:13on va reconstituer
33:14alors on voit
33:15les canons
33:15on va reconstituer
33:16la porte
33:17les tours crénelées
33:18etc
33:18parfois même
33:20on va demander
33:21aux artificiers
33:22puisque c'est leur travail
33:23derrière
33:23de faire vivre
33:24une restitution
33:27d'un moment
33:28du combat
33:28et par exemple
33:29ici
33:30alors c'est un dessin
33:31mais on a les relations
33:31le travail des artificiers
33:33avec les peintres
33:34qui était important
33:35ici vous avez
33:36un soldat
33:37qui tire
33:38sur le bas
33:39alors il fait partie
33:40du décor
33:41ce soldat
33:42en revanche
33:42il y a tout un travail
33:43avec les artificiers
33:44qui va vouloir
33:45au moment de la scénographie
33:47comme on dirait aujourd'hui
33:48les artificiers
33:50vont faire en sorte
33:50que de ce dessin
33:52du soldat qui tire
33:53et bien il y ait
33:53une déflagration
33:54et que la population
33:55puisse revivre
33:56quelque part
33:56l'événement
33:58célébré
33:59mais sur
34:00la place de grève
34:01alors j'accélère
34:03un tout petit peu
34:03pour être
34:04dans les temps
34:06donc le visuel
34:08est extrêmement important
34:09vous l'avez compris
34:10il supplante
34:10tous les autres sens
34:11mais il y a quand même
34:13les plaisirs
34:14de la joie publique
34:15qui sont fondamentaux aussi
34:16et ces plaisirs
34:17sont visibles
34:18avec les fontaines de vin
34:20les buffets de distribution
34:21dont je parlais tout à l'heure
34:22les orchestres
34:23tout ça c'est
34:24dans les archives
34:26de la série
34:27H2 et K
34:28ici
34:29alors à partir
34:31de ces dessins
34:33bien sûr
34:33mais encore une fois
34:34des devis
34:35on sait par exemple
34:36qu'on sait
34:38combien de litres de vin
34:39vont être distribués
34:41dans ces fontaines de vin
34:43on sait le nombre
34:44de petits pains
34:45de cervelas
34:45de langue de bœuf
34:46de fromage
34:47jamais de sucrerie
34:49toujours du gras
34:50qui vont être jetés
34:51de ces buffets
34:53et stupéfaction
34:54c'est qu'on se rend compte
34:55qu'il n'y en a jamais
34:58assez pour tout le monde
34:59bien au contraire
35:00tout ça est fait
35:00pour créer de l'illusion
35:01l'illusion des trompe-l'œil
35:03sur les architectures
35:06illusion aussi
35:06de l'abondance
35:07pendant ces réjouissances
35:11alors à partir
35:12de ces documents
35:14on peut
35:14je passe très vite
35:15mais on peut cartographier
35:16les endroits
35:17où on se réjouissait
35:18et voilà
35:19on va trouver
35:20exactement
35:21ces orchestres
35:22ces buffets
35:23etc
35:23on va les trouver
35:24sur le pont neuf
35:27ici
35:27on va les trouver
35:28un peu plus loin
35:29sur la place des Victoires
35:30la place royale
35:31etc
35:31je suis désolée
35:32je passe un petit peu
35:33un petit peu vite
35:34bien sûr
35:36la place de grève
35:37qui vient de s'afficher ici
35:38la place Maubert
35:39la place Saint-Michel
35:40pourquoi tous ces lieux
35:42en particulier
35:43parce que soit
35:44il y a une statue royale
35:45et donc là aussi
35:46sur les devis
35:47c'est indiqué
35:47les devis des menuisiers
35:48le disent
35:49attention
35:49il faut bien placer
35:50la fontaine de vin
35:52ou le buffet
35:52de distribution
35:54au pied
35:55de la statue royale
35:57il faut bien associer
35:58dans l'esprit des gens
35:59que la largesse royale
36:01elle vient de Louis XV
36:02et donc il faut acclamer
36:04quand vous attrapez
36:04votre petit pain au vol
36:05il faut acclamer
36:06c'est ça le message
36:07qu'on veut faire passer
36:08évidemment
36:09et puis on va privilégier aussi
36:11les marchés
36:13parce qu'on sait
36:15qu'il va y avoir
36:15une population
36:16plus modeste
36:19et c'est elle
36:19qu'on veut toucher
36:20c'est elle
36:20qu'on veut aller chercher
36:21avec ces plaisirs
36:23de la joie publique
36:25alors
36:27tout ça
36:28ce sont
36:28ce qui est
36:29un peu plus
36:30comment dire
36:31classique
36:32mais il faut aussi
36:33aller chercher
36:34dans d'autres fonds d'archives
36:35ici
36:36aux archives nationales
36:37comment on suscite
36:38la joie publique
36:39parce que parfois
36:40on va le voir
36:41la population n'a pas envie
36:42de se réjouir
36:42le contexte ne s'y prête pas
36:44deux façons
36:44que l'on retrouve
36:45dans les archives ici
36:46d'abord les jets d'argent
36:47les jets d'argent
36:48je vous le dis tout de suite
36:48font toujours illusion
36:49mais ça marche
36:50systématiquement
36:51alors théoriquement
36:53seul
36:53là ce sont les papiers
36:55du secrétaire d'état
36:56de la maison du roi
36:57donc dans la série
36:57O1
36:58qui nous le disent
36:58théoriquement
36:59seul
37:00le roi peut jeter
37:01de l'argent
37:02éventuellement
37:02sur permission
37:03c'est le dauphin
37:04qui peut jeter de l'argent
37:05parce qu'en fait
37:06c'est un geste de largesse
37:07c'est le trésor royal
37:08qui est distribué
37:09donc tout ça
37:09est très codifié
37:11et dans ces archives
37:12de la maison du roi
37:13c'est un petit bonheur
37:14à lire
37:15parce qu'on se rend compte
37:16alors qui a le droit
37:17qui n'a pas le droit
37:18combien peut-on jeter
37:20et puis surtout
37:21avec quelle monnaie
37:22parce qu'on se rend compte
37:23parfois que la monnaie
37:24les pièces
37:25qui sont distribuées
37:26c'est une monnaie
37:27qui n'a plus cours
37:28mais c'est pas grave
37:29ça fait illusion
37:30alors évidemment
37:31il faut aller chercher
37:32dans d'autres fonds d'archives
37:33cette fois
37:34les gazetins de police
37:35qui sont conservés
37:36à la bibliothèque
37:37de l'arsenal
37:38où là
37:39on va lire
37:40d'autres sources
37:41qui contredisent un petit peu
37:42ou qui enrichissent
37:43ce que nous disent
37:44les archives
37:45de la maison du roi
37:45parce que la population
37:46dans ces archives
37:47de la Bastille
37:48n'est pas dupe
37:49et c'est très bien
37:50qu'en réalité
37:50tout ça s'est fait
37:52pour faire illusion
37:53donc il y a une croisée
37:55évidemment
37:55les fonds d'archives
37:56est toujours très instructif
37:58jet d'argent
37:59certes
38:00mais il y a aussi
38:01vous l'avez indiqué
38:01les cadeaux fiscaux
38:02et là
38:03il faut aller chercher
38:04dans les archives
38:05du conseil royal
38:07des finances
38:07donc ici
38:08et on le voit
38:10par exemple
38:10ici en 1749
38:12pour le dire
38:15très très vite
38:15l'année 1748
38:17est très complexe
38:18on vient de finir
38:19une guerre
38:20la guerre de succession
38:21d'Autriche
38:21la façon dont on a mené
38:23la paix
38:23ne satisfait pas
38:24la population parisienne
38:25c'est un euphémisme
38:26que de le dire
38:27les récoltes ont été
38:28très mauvaises
38:29on critique
38:30on ne cesse de critiquer
38:32les maîtresses du roi
38:33qui sont complètement indignes
38:34bref
38:34on n'a pas du tout
38:36envie de se réjouir
38:37au mois de février
38:401749
38:41ça n'est pas supportable
38:43ça n'est pas du tout
38:44tolérable
38:44qu'on ne se réjouisse pas
38:45donc le gouvernement
38:46doit prendre les choses
38:47en main
38:47si je puis dire
38:48et on le voit
38:49dans ses archives
38:50du conseil royal
38:51puisque le 4 février
38:53soit une semaine
38:55avant les réjouissances
38:56et bien on va produire
38:57un arrêt
38:58un acte légal
38:59où l'on va
39:00je ne lis que
39:01ce qui est sur le nier
39:02supprimer le dixième
39:03tiens on supprime
39:04un impôt
39:04à une semaine
39:05des réjouissances
39:05et on va supprimer
39:07aussi les droits
39:08sur les cuivres
39:08les poudres
39:09les cires
39:10etc.
39:10donc tout ce qui est
39:11à charge
39:12de la population
39:13la plus modeste
39:14disparaît
39:15fiscalement
39:15avant les réjouissances
39:17et c'était une manière
39:19qui ne fonctionnait pas
39:20en réalité
39:20mais c'était une manière
39:21de s'assurer
39:22peut-être
39:23la présence
39:24de la population
39:24ou en tout cas
39:25quelques acclamations
39:26évidemment encore une fois
39:29on le voit dans les sources
39:30personne n'est dupe
39:32alors l'absence de joie publique
39:33est quelque chose
39:34qui hante le pouvoir
39:36au XVIIIe siècle
39:37pas seulement
39:38mais en particulier
39:39sous Louis XV
39:40les années 1750
39:42le montrent en particulier
39:43parce qu'on a
39:44beaucoup de crises
39:45politiques
39:47religieuses
39:47par exemple
39:49l'année 1750
39:50c'est l'année
39:50où on va avoir
39:51l'affaire des enlèvements
39:52d'enfants
39:53au mois de mai 1750
39:55lorsqu'en 1751
39:58il faut se réjouir
39:59pour la naissance
39:59du duc de Bourgogne
40:00Louis XV
40:01les cadeaux fiscaux
40:04ne fonctionnent pas
40:05les jets d'argent
40:06ne font pas illusion
40:06donc il va estimer
40:08qu'il ne faut plus
40:09payer autant d'argent
40:10pour de la poudre
40:11et un peu de fumée
40:11nous dit-il
40:12donc il va
40:13on va changer
40:14un petit peu
40:14on va réorienter
40:15les réjouissances
40:16qui sont
40:17voilà
40:17ce sont des choses
40:18qui sont conservées
40:18ici aussi
40:19et on va
40:20faire des actes
40:21de charité
40:21et en particulier
40:22en 1751
40:24on va
40:24payer
40:25l'intégralité
40:27du mariage
40:28de 600
40:28orphelines
40:29parisiennes
40:30alors ce qui est
40:31très intéressant
40:31c'est que c'est
40:32avec des conditions
40:32il faut que les orphelines
40:34soient jolies
40:34il faut qu'elles soient
40:36pas pauvres
40:38mais pas trop
40:38il ne faut pas qu'elles soient
40:39vagabondes
40:40évidemment
40:40ce n'est pas possible
40:41et donc dans ces archives
40:42ici
40:42on a absolument tout
40:44le coup de l'anneau
40:45on a même des échantillons
40:46de tissus
40:47des robes
40:48qui vont
40:48donc ma photo
40:49n'était pas claire du tout
40:50donc je vous prie d'excuser
40:51je ne vous montre pas
40:52les échantillons
40:52bref
40:53on a un effort de la monarchie
40:55pour essayer
40:55d'être présent
40:58d'une manière
40:59beaucoup plus
41:00à travers un acte de charité
41:02tout simplement
41:03ici aussi
41:04alors
41:05évidemment
41:06je vais passer un peu plus
41:07un peu plus vite
41:08au-delà de ces volontés politiques
41:11il faut savoir
41:12que la joie publique
41:14elle est vécue
41:14en tant que telle
41:15mais elle est parfois
41:16détournée aussi
41:17évidemment
41:18la population
41:19n'est pas aveuglément
41:20en train d'acclamer
41:21non
41:21c'est absolument pas
41:22absolument pas ça
41:23d'abord un tout petit détour
41:25sur qu'est-ce que c'est
41:26que vivre
41:27la joie publique
41:27sur la place de grève
41:29c'est quelque chose
41:30qui est très sensoriel
41:31et c'est quelque chose
41:32qu'on perçoit
41:33dans les archives
41:33conservées
41:34au Caran
41:35en particulier
41:36les sensations sont perceptibles
41:38absolument partout
41:39dans les archives de la ville
41:40on va parler de l'odeur
41:42de la bergamote
41:43dans les cadeaux
41:44que la ville va faire
41:45à certains nobles
41:47mais aussi parfois
41:48des mises en scène
41:50lorsqu'elle offre des cadeaux
41:52sur la place publique
41:53donc on peut sentir
41:54l'odeur de la bergamote
41:55on parle toujours
41:56d'un superbe coup d'œil
41:57ça ce sont les illuminations
41:58les façons de distribuer
42:00les vivres
42:01c'est le vin et froid
42:02c'est le goût du gras
42:03aussi
42:03il n'y a jamais de sucré
42:05dans le goût
42:06des réjouissances
42:07l'odeur aussi
42:09évidemment
42:10de la fumée
42:10des pétards
42:11et des fusées
42:12absolument partout
42:13et puis il y a le toucher
42:14qu'on perçoit aussi
42:15dans les archives
42:16de la ville
42:16puisque les réjouissances
42:18on danse beaucoup
42:21il y a une forte promiscuité
42:23une grande presse
42:24nous disait-on
42:24mais il y a aussi
42:25beaucoup de bousculade
42:26et d'étouffement
42:27et ça on le voit
42:28dans les archives
42:29des geôles
42:29de la ville de Paris
42:31puisqu'il y avait
42:31un médecin légiste
42:33comme on dirait aujourd'hui
42:34qui constatait
42:35les étouffements
42:36pendant les réjouissances
42:39donc on a quand même
42:40une idée
42:40de ces réjouissances
42:42qui étaient
42:43suffocantes
42:45et mortelles aussi
42:46donc on a une idée
42:47quand même
42:48assez précise
42:49de tout ça
42:50alors
42:51c'est là où je vais
42:52compléter un peu
42:53les archives du Caran
42:54je vais le faire
42:55un peu plus vite
42:55avec des fonds d'archives
42:56différents
42:57notamment
42:58qui sont conservés
42:59à la BNF
42:59mais qui sont un écho
43:00pardon
43:01excusez-moi
43:02qui sont un écho
43:03aux archives conservées
43:04ici
43:05les réjouissances
43:06sont toujours
43:07un moment
43:08où certes
43:09on peut acclamer
43:09mais on abdique
43:10jamais
43:11de sa liberté
43:12de penser
43:12et surtout
43:13de sa liberté
43:13de critiquer
43:14le pouvoir royal
43:15se réjouir
43:18n'anéantit jamais
43:18la capacité
43:19de penser
43:20et on le voit
43:21par exemple ici
43:22avant de quitter
43:22les archives nationales
43:24on a des
43:25dans les archives
43:26du Châtelet
43:27on a évidemment
43:29des inspecteurs
43:30des gardes
43:30qui circulaient
43:31beaucoup
43:32au cours
43:33les soirs
43:33de réjouissance
43:34et il y a
43:35parfois
43:35des inspecteurs
43:36qui retranscrivent
43:37des cris
43:37des cris
43:38de la population
43:39alors
43:39c'est assez émouvant
43:40aussi
43:41je vous donne
43:41un seul exemple
43:42le soir du Sacre
43:44de Louis XVI
43:45en juin 1775
43:47on sort
43:48de la guerre
43:49des farines
43:50on a
43:50des conditions
43:52frumentaires
43:52absolument dramatiques
43:53et un inspecteur
43:56note qu'il a arrêté
43:57un boulanger
43:57parce que ce boulanger
43:58s'est mis au milieu
43:59de sa rue
44:00non loin de la place
44:01de grève
44:02et il aurait crié
44:03plusieurs fois
44:03je cite
44:04du pain
44:05plutôt que des lampions
44:06et l'inspecteur
44:07nous dit
44:08il a crié ça
44:08plusieurs fois
44:09ça gâche la fête
44:09on l'a arrêté
44:10donc évidemment
44:11qu'il y a des cris
44:12un peu disruptifs
44:13comme ça
44:13dans les acclamations
44:15bien sûr
44:15et puis on a aussi
44:17des traces
44:17plus fines
44:19moins évidentes
44:21dans les archives
44:21du Caron
44:22c'est pour ça
44:22qu'il faut aller les chercher
44:23un petit peu ailleurs
44:24on va critiquer
44:25les réjouissances
44:25toujours en chantant
44:26on ne tient jamais
44:27de mauvais discours
44:28c'est très dangereux
44:29et donc on a des
44:30on a des chansons
44:31comme ça
44:32monsieur le prévôt
44:32des marchands
44:33ma foi
44:33vous vous moquez des gens
44:34d'élever si haut
44:35l'édifice du feu
44:36que tout Paris attend
44:38etc.
44:38parce que plus
44:39on élevait
44:40les échafaudages
44:41pour assister
44:42au feu
44:43notons que
44:45ces échafaudages
44:45la place
44:47était payante
44:48et donc
44:49quand on ne pouvait pas
44:50s'offrir la place
44:51on restait derrière
44:51les échafaudages
44:52et donc
44:52on ne pouvait pas
44:53se réjouir
44:54et donc
44:55ça permettait
44:57de critiquer
44:57aussi les élites
44:58urbaines
45:00on chante
45:01mais on fait aussi
45:02silence
45:03voilà je vais terminer
45:04avec ça
45:05on fait très souvent
45:06silence
45:06quand on ne veut pas
45:07acclamer
45:08donc on est là
45:08la population est là
45:09parce que
45:10pourquoi se priverait-on
45:11de danser
45:12autour des fontaines de vin
45:13mais par contre
45:14on ne va pas acclamer
45:14et un témoignage
45:16par exemple
45:17qui est assez saisissant
45:18et qui retranscrit bien
45:19quand même
45:19ce qu'on trouve
45:20par ailleurs
45:20dans les archives
45:21c'est Sophie von Laroche
45:22une noble allemande
45:24qui va circuler
45:25dans tout le royaume
45:26et quand elle est à Paris
45:27en 1785
45:29elle va assister
45:30à une des réjouissances
45:31et elle va être absolument
45:33stupéfaite
45:34de ce qui est imposé
45:36à Marie-Antoinette
45:37elle le dit
45:37que se passe-t-il
45:38les rues sont pleines de monde
45:39et personne ne crie
45:40vive la reine
45:40le silence était frappant
45:42comparé aux acclamations
45:43entendues lors de l'entrée
45:44du roi
45:44ça c'est quelque chose
45:46qu'on va trouver ici
45:46dans les archives du Châtelet
45:48mais avec beaucoup moins
45:49beaucoup moins d'éloquence
45:51donc voilà
45:51encore une fois
45:52il faut croiser
45:53il faut croiser tout ça
45:54alors si je termine
45:55vraiment en deux mots
45:56cette fois
45:57les archives du Caran
45:59nous montrent que
46:00oui il y a une culture
46:01de l'approbation
46:02qui est instillée
46:03qui est institutionnalisée
46:05petit à petit
46:05parmi la population
46:07mais cette population
46:08au fur et à mesure du siècle
46:10dans les années 70
46:11et bien sûr 80
46:12elle va savoir
46:13s'approprier
46:14ces normes
46:15de réjouissance
46:16qu'on lui a inculquées
46:17pour les détourner
46:18et elle va les détourner
46:20par exemple
46:20dans toutes les ordonnances
46:21on me dit
46:22que je ne peux utiliser
46:23qu'un ou deux pétards
46:24là je vais en utiliser
46:25beaucoup plus
46:26parce que c'était une manière
46:27de contredire
46:29ce qui était imposé
46:31c'était une manière
46:31de faire du bruit
46:32dans l'espace public
46:33et donc de se jouer
46:34des interdits
46:35et donc une manière
46:36de critiquer
46:36le pouvoir
46:37on va aussi
46:39de plus en plus
46:39tourner les réjouissances
46:41vers des figures
46:41qu'on pense
46:43plus consensuelles
46:44notamment
46:44la statue
46:46d'Henri IV
46:47sur le pont Neuf
46:48on critique de plus en plus
46:50Louis XVI
46:50qu'à cela ne tienne
46:51on ne va plus se réjouir
46:52autour de Louis XVI
46:53on va se réjouir
46:54autour d'Henri IV
46:55parce qu'on va estimer
46:56qu'Henri IV
46:56est un roi
46:57beaucoup plus consensuel
46:58même si tout ça
46:59est absolument mythifié
47:00c'est ainsi qu'on manifeste
47:02sa joie à la fin du XVIIIe siècle
47:05comme si finalement
47:06on est passé d'un devoir
47:07de se réjouir
47:08à un droit
47:08de se réjouir
47:09je me réjouis
47:10pour ce que j'estime
47:11être digne
47:11de mes manifestations
47:13de joie
47:14alors je termine vite
47:16excusez-moi
47:16ce retour aux sources
47:18permet donc je l'espère
47:19de mesurer la richesse
47:20des archives
47:20de la joie publique
47:21de la jeunesse
47:22des réjouissances
47:23à leur détournement
47:24populaire
47:25elle dessine aussi
47:26je trouve
47:26j'espère
47:27un brillant phénomène
47:29impressionnant
47:30sensoriel
47:30qui ne laissait
47:31bon gré mal gré
47:32personne indifférent
47:33l'analyse minutieuse
47:35des structures politiques
47:36institutionnelles
47:37économiques et culturelles
47:38révèle un moment
47:38toujours précieux
47:39pour la couronne
47:41cela étant
47:42sortir des archives nationales
47:44pour enrichir
47:45ce qu'on y trouve
47:47avec d'autres gisements
47:48permet d'élargir
47:49les questionnements
47:49et de se rendre compte
47:50à quel point
47:51la culture de l'approbation
47:52est imparfaite
47:53parce qu'en s'en emparant
47:55et en la détournant
47:56les parisiens
47:56sur faire évoluer
47:57le droit de se réjouir
47:58le devoir
48:00de se réjouir
48:01vers un droit
48:02de se réjouir
48:03et ils ont ainsi posé
48:04les fondements
48:05d'une nouvelle culture politique
48:06une culture plus citoyenne
48:08qui a pris son ampleur
48:10à la fin du siècle
48:11je vous remercie
48:26et ils ont à la fin de se réjouir
48:30et ils ont à la fin de se réjouir