Aujourd'hui dans le grand entretien, le psychiatre Amine Benyamina, spécialisé en addictologie et titulaire d’un doctorat en neurosciences, auteur de “Addictions. Manuel de premier secours” (Marabout). Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-du-we-du-samedi-12-avril-2025-7685504
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00:00C'est l'un des grands mots, l'un des grands désordres du siècle ce matin.
00:04Dans le grand entretien, nous avons le bonheur de recevoir un grand professeur spécialiste des addictions.
00:11Président de la Fédération Française d'Addictologie, il publie un livre important,
00:17Addiction, manuel de premier secours chez Marabou.
00:20Le sous-titre, Nouvelles drogues, alcool, médicaments, cocaïne, écran.
00:25On pourrait rajouter les jeux, les mêmes, les efforts sportifs.
00:28On va s'y arrêter dans le détail, livre important parce qu'il dresse un état des lieux.
00:34Il décrit les symptômes, les effets de ces différents types d'addictions et les étapes surtout pour s'en sortir.
00:41Les témoignages également de patients qu'il a eu la chance ou qui ont eu, eux, la chance d'être accompagnés par lui.
00:49Bonjour Amine Benyamina.
00:51Bonjour Ali.
00:52Et bienvenue professeur.
00:54Nos auditeurs pourront dialoguer avec vous dans un instant au 01 45 24 7000.
00:59Ils peuvent également partager leurs réactions, leurs inquiétudes, leurs interrogations sur l'application de Radio France.
01:06On va partir d'abord d'un mot, puisque c'est un mot au pluriel qui s'affiche en rouge sur la couverture de votre livre.
01:14Pour commencer, définition de l'addiction, professeur.
01:18Alors je vais prendre une définition que tout le monde va comprendre, parce que ce livre s'adresse à tout le monde.
01:23C'est d'abord une pathologie de la liberté.
01:25Quand on est addict, on perd toute capacité à s'abstenir, soit de consommer un produit, soit de reproduire un comportement qui est dommageable pour nous.
01:34Et pour notre entourage, on le verra tout à l'heure.
01:36Et comme vous l'avez si bien dit, il y a un point dans mon titre, parce qu'on peut s'en sortir.
01:43Il y a un point, parce qu'on peut s'en sortir, ça dépend de vous, médecin, ça dépend de nous aussi.
01:49Et vous nous incitez à trouver la force en nous-mêmes pour nous libérer de ces addictions.
01:55Mais on va faire le tour de l'horizon de ces addictions.
01:59Mais vous connaissez la phrase « j'arrête quand je veux » ?
02:02Clairement, c'est celle que j'ai apprise très vite lorsque j'ai construit la première consultation en cannabis, au milieu des années 2000.
02:10Et je commençais à avoir des jeunes à qui je disais « mais tu vois, tu consommes ».
02:14J'étais très maladroit, comme la plupart de ceux qui commencent dans le métier.
02:18Je leur disais « mais tu sais, tu consommes du cannabis, il serait utile peut-être que tu maîtrises ou bien que tu diminues parce que tu consommes beaucoup, tu as des problèmes à l'école, tout ça. »
02:29J'arrête quand je veux, je maîtrise. Et ce n'est pas que les jeunes qui font cela.
02:33Évidemment, il n'y a pas d'âge pour devenir dépendant.
02:35Vous êtes, je le disais, à la tête d'un service de psychiatrie et d'addictologie à l'hôpital Paul Brousse.
02:41Vous enseignez ses spécialités, la psychiatrie et l'addictologie à l'université de Paris-Saclay.
02:47Mais quoi de commun d'abord pour qu'on y comprenne quelque chose ?
02:51Quoi de commun entre l'addiction à l'alcool, à la cigarette, aux jeux de hasard par exemple, aux jeux vidéo, au sucre Amine Benyamina ?
03:01Trois éléments. Le premier, c'est qu'on s'est rendu compte, grâce à la recherche, qu'il y a un système dans le cerveau qu'on appelle le système de récompense
03:09qui est actionné par la consommation de ces produits.
03:14Ce système de récompense vient prendre en otage une partie de notre capacité à s'abstenir.
03:20Il vient, après le plaisir, il nous rend finalement otage.
03:25C'est ce système qui commence à être quasi-autonome.
03:28Mais d'abord le plaisir, ensuite on devient prisonnier.
03:31D'abord le plaisir, et ensuite les produits, le comportement, viennent annuler notre capacité à nous abstenir.
03:38Ça, c'est le système de récompense qu'on connaît, je ne vais pas entrer dans les détails, je le dis dans le livre, c'est des ondes dans le cerveau.
03:43Deuxième élément, la capacité à, par une thérapie, essentiellement une thérapie comportementale, à pouvoir diminuer en quelque sorte les problématiques liées à ce type de comportement.
03:58Voilà, ça c'est deux éléments extrêmement importants.
04:01Le troisième élément, et il va me revenir, c'est aussi le fait que ces pathologies, elles ont hélas dans leur définition une capacité à engendrer des dommages.
04:12Alors Amine, Benyamina, vous dites qu'on est plus susceptible de contracter, je dis contracter parce que c'est vraiment une maladie,
04:18contracter une addiction au moment où on a des grands changements dans sa vie.
04:23Mais est-ce que tout le monde peut devenir addict ou est-ce que c'est quelque chose de génétique ?
04:28Est-ce qu'on n'est pas tous les mêmes finalement face à l'addiction ?
04:32Alors, oui et non.
04:34Le spectre de l'addiction concerne pratiquement tout le monde, mais on peut avoir finalement, on peut tirer les mauvais points.
04:41Pour vite comprendre comment ça fonctionne et être un peu audible, c'est le cas de le dire pour les gens qui nous écoutent,
04:48ce matin, il y a trois grands éléments qui concourent, qui sont un brique pour faire de nous des addicts.
04:55C'est ce qu'on appelle le triptyque.
04:57Il y a les vulnérabilités à la personne, c'est-à-dire ma psychologie.
05:00Je suis quelqu'un qui aime bien faire des expériences, qui aime bien la nouveauté, ce qu'on appelle les traits de caractère.
05:05Il y a ma biologie.
05:06Ma biologie, c'est, je parlais tout à l'heure du système de récompense, il n'y a pas la génétique.
05:10C'est le côté génétique, non ?
05:11Non, non, pas que.
05:12La génétique, c'est particulier.
05:13Il n'y a pas du gène, de la dépendance ou de l'addiction.
05:15D'accord.
05:16Il y a des marqueurs qui peuvent s'imbriquer, qui font qu'à un moment donné, ça peut nous arriver.
05:22Ça, c'est la partie humaine.
05:24Ensuite, il y a le produit.
05:25Il y a des produits qui nous font, qui nous rendent plus ou moins dépendants.
05:28Il y a des jeux, il y a des comportements qui nous rendent plus ou moins dépendants.
05:31Et puis, un élément central que l'on connaît de mieux en mieux, l'environnement, l'environnement social, l'environnement économique.
05:39Il y a des situations dans lesquelles on a tendance à aller chercher finalement le produit pour s'en sortir.
05:44Il y a les crises économiques, il y a les guerres, il y a les maltraitances, il y a le harcèlement, il y a les viols.
05:50Ce sont des éléments extrêmement importants.
05:52Ces trois éléments, quand ils s'associent, peuvent, je ne dis pas vont, peuvent augmenter nos chances de devenir dépendants ou addicts.
05:59Quand on vous lit, vous écrivez que la puissance de l'addiction et de ses conséquences fait qu'une personne victime d'addiction n'est jamais la seule concernée.
06:07Elle emporte son entourage dans son tourbillon de souffrance.
06:11C'est extrêmement fort, mais vous faites aussi le tableau des addictions en France.
06:15On va évidemment parler de la drogue, le tableau, il est alarmant.
06:18Mais tabac et alcool, caracol en tête avec une belle constance, ce sont les mots que vous utilisez.
06:26Il représente les addictions les plus coûteuses en termes de vie humaine.
06:29Le tabac, c'est 79 000 décès par an, l'alcool, 42 000.
06:36C'est énorme.
06:36Alors, j'ai pris cette image parce qu'elle est marquante.
06:38C'est un Covid tous les ans.
06:40C'est un Covid par an.
06:41Oui, c'est l'épidémie Covid.
06:43Ça a fait 120 000 morts.
06:44C'est tous les ans, tous les ans, tabac et alcool.
06:46Évidemment, on a un peu baissé, mais pas totalement.
06:49On a un peu changé, mais pas totalement.
06:51On reste à des niveaux très élevés.
06:53Ça coûte en vie humaine, mais ça coûte...
06:54On boit un petit peu moins.
06:56Voilà.
06:57On boit depuis 30 ans.
06:59Depuis 30 ans, on a baissé notre quantité d'alcool par personne et par an.
07:04On est à 11 litres d'alcool pour pas.
07:08Mais on consomme beaucoup en France.
07:10Ça coûte cher, ça coûte cher sur le plan pécuniaire, ça coûte cher sur le plan humain.
07:14Il y a une phrase célèbre, lorsqu'une personne boit, 5 personnes trinquent autour.
07:17C'est un peu ça, la problématique.
07:19Et c'est très difficile d'engager une politique de santé publique contre l'alcool.
07:24Parce qu'il y a les responsabilités, notamment la responsabilité des lobbies,
07:28qui font vraiment prévention, qui font vraiment obstacle à la prévention
07:33et à la possibilité de sortir de l'addiction.
07:35Clairement, l'alcool est l'exemple typique d'un empêchement de mettre en place une politique claire
07:44d'information de tous les Français sur les dangers.
07:46On a évidemment des pastilles par-ci par-là sur des campagnes,
07:51mais la grande information en politique générale n'a jamais été vraiment portée.
07:55Agnès Buzyn, l'ancienne ministre de la Santé, dit que c'est une bataille quasiment impossible
07:59à mener, la bataille contre la surconsommation d'alcool.
08:03Oui, parce qu'en France, on est un pays dans lequel on a une culture au vin.
08:07Et quand on n'a pas une culture au vin, on a une culture à la bière.
08:10Et puis, on a aussi une représentation des intérêts et des lobbies dans tous les cénacles,
08:16dans tous les milieux de pouvoir et de décision.
08:18Alors évidemment, c'est extrêmement important de le dire,
08:21mais en même temps, les associations luttent et puis parfois, on a quelques politiques
08:25qui peuvent nous aider, il faut le reconnaître aussi.
08:27Mais bon, ils sont parfois un peu seuls à pédaler face à la majorité en face.
08:32Alors on le disait, malgré le lobbying, donc baisse de la consommation d'alcool.
08:36Par contre, vous faites un tableau assez effrayant dans votre livre Addiction,
08:38c'est qu'il y a d'autres consommations de drogue qui augmentent,
08:42par exemple celle de cocaïne, celle des médicaments, les nouvelles drogues chimiques aussi.
08:46Il y a des espèces de tendances lourdes de ce côté-là.
08:48Alors les tendances sont là, elles ne sont pas majoritaires,
08:51mais la dynamique est effrayante, vous l'avez dit,
08:53notamment les nouveaux produits de synthèse,
08:55tout ce qui est produits fabriqués dans les laboratoires.
08:58MDMA, par exemple.
08:58MDMA, extasi, 3MMC, évidemment.
09:00L'actualité que vous connaissez tous les matins ici, toute la journée,
09:05a amené ce phénomène qui fait effraction dans notre société.
09:10Et puis on a des tendances nouvelles, c'est-à-dire le mise d'usage des médicaments.
09:14Vous n'en parliez pas plus tard qu'il y a.
09:15Il y a une alerte d'ailleurs.
09:16Une alerte sur les benzodiazépines, il y a les anthalgiques.
09:19Les benzodiazépines, il faut le dire, sont des médicaments contre l'anxiété ?
09:23L'anxiété, parfois aussi pour les troubles du sommeil.
09:27Et donc il y a des règles, il faut les rappeler.
09:29Il y a de très nombreux appels d'auditeurs, Amine Benyamina, vous vous en doutez.
09:33Et justement, alors sur le mise d'usage des médicaments,
09:36Anthony, bonjour.
09:37Bonjour.
09:38Et bienvenue dans le grand entretien d'Inter.
09:41Vous avez une question pour le professeur Benyamina.
09:44Oui, absolument.
09:46Professeur Benyamina, j'aimerais savoir ce que vous pensez de l'utilisation de l'ozampic
09:51pour le traitement de l'alcoolisme.
09:53Je n'ai pas entendu le milieu de la phrase.
09:55Que pensez-vous du traitement de l'alcoolisme par ce médicament, l'ozampic ?
10:01Alors, il n'y a pas d'indication pour le traitement de l'alcoolisme par l'ozampic.
10:05L'ozampic, ce sont les nouveaux médicaments qui traitent l'obésité et qui traitent les syndromes métaboliques.
10:10Et à titre personnel, je ne le prescrirai pas.
10:12D'ailleurs, ce sont des prescriptions très encadrées.
10:14Mais si vous me dites ça, c'est que probablement, il doit y avoir une tendance
10:17finalement de déviation de l'autorisation de mise sur le marché de ce médicament.
10:22Vous en avez une expérience ? Je ne sais pas.
10:24Mais pour ma part, je ne le prescrirai pas et mes collègues non plus.
10:28Vous parliez du cannabis, professeur. Bonjour Laurent.
10:31Oui, bonjour.
10:32Vous avez une question qui concerne justement le cannabis et la loi et les lois qui encadrent
10:38son utilisation ou qui interdisent d'ailleurs sa consommation.
10:44Exactement. Je voulais connaître l'avis de votre invité sur la dépénalisation du cannabis,
10:48mais aussi sur le détricotage de la loi EVEN avec notamment récemment l'autorisation
10:54d'installation de licence 4 sans aucune restriction.
10:57Merci Laurent.
10:59Bon, si on a une heure, on y va.
11:00Deux questions, mais deux questions rapidement.
11:01Alors d'abord, la dépénalisation du cannabis.
11:03Alors pas la dépénalisation parce que je ne suis pas favori,
11:06mais je suis pour le changement du cadre légal, non pas pour inciter à la consommation.
11:10D'abord, c'est pour pouvoir retirer, entre guillemets, je ne peux pas choquer par ces mots,
11:14le marché aux trafiquants.
11:16Ils proposent du cannabis de mauvaise qualité, ils ciblent les jeunes.
11:19Alors, à l'instar de ce qui se fait ailleurs,
11:21Aux Etats-Unis par exemple ?
11:22Au Canada, en Allemagne, une politique de réduction des risques,
11:25c'est une politique qui encadre la vente du cannabis par les pouvoirs publics
11:28pour protéger les jeunes et les personnes souffrantes.
11:31Donc il faut impérativement ouvrir ce débat.
11:33Deuxièmement, ça n'a pas été dit, vous me l'avez dit Ali,
11:36le cannabis thérapeutique ouf, le ministre actuel a signé le décret, tant mieux.
11:41Il faut lui reconnaître un acte extrêmement important
11:43pour pouvoir maintenir sous traitement les personnes qui souffrent
11:47et qui répondent à cet aspect.
11:49On a parlé de l'ouverture de licence 4, c'est un scandale.
11:52Alors justement, la licence 4, c'est tout le monde qui est rentré dans un bar
11:55ou un restaurant a vu la petite pancarte ovale licence 4.
11:59Qu'est-ce que c'est et à quoi ça sert ?
12:00C'est le fait de pouvoir évidemment vendre de l'alcool dans un troquet ou je ne sais quoi.
12:05Alors évidemment, la fausse bonne idée, c'est de dire
12:08nous allons permettre aux campagnes qui sont un peu désertées
12:11de pouvoir remettre de la convivialité.
12:14Cette association de la convivialité à l'alcool,
12:17c'est une erreur fondamentale et c'est assez malsain
12:20parce qu'on peut être conviviaux, regarder un film, jouer, tout ça
12:25et ne pas mettre de l'alcool.
12:27C'est quelque chose d'absolument inique et cynique.
12:29Et d'ailleurs, je rappelle...
12:30Cynique ?
12:31Complètement.
12:32Je rappelle que quand même notre association Addiction France
12:34a mis une alerte là-dessus
12:37et a défendu le fait, dans une réunion récente,
12:41que ce n'était pas une bonne idée
12:42et qu'il y avait des intentions mercantiles
12:44qui ne vont pas très loin derrière cette idée,
12:47qui est une mauvaise idée.
12:48Alors, je reviens sur ce que vous disiez concernant le cannabis.
12:51D'abord, ce que vous dites dans le livre, c'est intéressant,
12:52c'est qu'au départ, vous étiez vraiment opposé
12:54à dépénaliser, même à changer le cadre
12:58et puis que vous avez un peu évolué sur le sujet.
13:01Mais vous savez ce que disent les opposants ?
13:02C'est qu'en fait, quand on dépénalise
13:04ou quand on libéralise un peu la consommation de cannabis,
13:08par exemple en Uruguay ou au Canada,
13:09on a vu augmenter la consommation dans les années
13:12qui ont suivi la légalisation ?
13:13Alors, vous le dites bien, qui a suivi.
13:15Il y a eu un effet, un effet finalement de mise à niveau
13:18pendant un, deux, trois ans.
13:20Ensuite, on a une stabilisation.
13:21Les jeunes n'ont pas augmenté leur consommation.
13:23On a diminué, ce qui est très clairement
13:26l'actualité du matin au soir,
13:28le trafic et la violence, évidemment.
13:31Et on a maîtrisé finalement le contenu.
13:34L'idée, ce n'est pas d'inciter les gens à consommer.
13:36Mais quand une voiture folle déboule
13:39et que vous ne savez pas quoi faire,
13:40vous sautez sur le volant,
13:41vous remettez un peu dans le cadre
13:43et vous essayez de maîtriser le système.
13:46Dire qu'on arrête par un changement de cadre illégal,
13:49le trafic, c'est faux.
13:50Pas le trafic, la consommation, c'est faux.
13:52Mais on a un delta qui permet
13:54de perturber finalement ce trafic qui est à l'aise.
13:57La prohibition, c'est le moteur du trafic.
13:59Que ce soit le cannabis ou autre drogue
14:01ou autre tendance.
14:02Alors, il y a de nombreux témoignages,
14:04je le disais, dans ce livre,
14:05Addiction, professeur Benyamina.
14:07Et puis, il y a le témoignage de Sylvie
14:09qui est auditrice d'Inter
14:10et qui est avec nous ce matin.
14:12Bonjour Sylvie et bienvenue.
14:14Bonjour Ali Badou.
14:17Bonjour docteur.
14:18Je vais essayer de dire
14:20ce qui n'est pas facile à dire.
14:23Je suis une malade alcoolique.
14:25J'ai 64 ans
14:26et je pense que je consomme
14:28de manière déraisonnable
14:31depuis 15 ans.
14:33Déraisonnable ?
14:34Qu'est-ce que vous entendez justement, Sylvie ?
14:35Pour qu'on comprenne.
14:36C'est-à-dire qu'il n'y a plus de limites.
14:39C'est-à-dire que
14:40c'est très insidieux
14:43la consommation d'alcool.
14:44On m'a dit qu'il fallait que je fasse bref.
14:46Mais bon,
14:47la consommation d'alcool
14:49chez n'importe quel individu,
14:51c'est très insidieux.
14:52Moi, ça a commencé par des choses
14:54qui ne m'étaient pas fatales.
14:57Le week-end, on sort,
14:58on a envie de s'amuser,
14:59on va danser,
15:01on va au restaurant, etc.
15:03Et puis après,
15:03ça a pris une importance démesurée.
15:09Certainement,
15:10ça a été consécutif
15:11à des épreuves
15:13que j'ai connues dans ma vie
15:15et auxquelles je n'étais pas du tout préparée.
15:18Mais en fait,
15:18la question que je voulais poser au docteur
15:20pour ne pas mobiliser l'antenne,
15:22est-ce qu'ils pensent
15:25qu'il y a une des spécificités
15:28concernant l'alcoolisme
15:30chez les femmes ?
15:32Parce qu'en fait,
15:33les femmes se cachent pour boire.
15:36Merci infiniment
15:37pour votre témoignage
15:38et votre question.
15:39Sylvie,
15:40merci aussi pour le courage
15:41que vous avez eu
15:42pour la poser
15:43et vous adresser
15:44au professeur Benyamina.
15:45Oui, là,
15:46il y a une spécificité.
15:47C'est d'abord
15:48la culpabilisation des femmes,
15:49le retard que les femmes prennent
15:52à se faire aider,
15:54le regard de la société
15:56chez les femmes,
15:57c'est terrible.
15:57Et puis surtout,
15:59hélas,
16:00lorsque l'on a dans notre fil active
16:02la prise en charge des femmes,
16:04l'évocation des histoires terribles,
16:06notamment dans l'enfance,
16:07dans les maltraitances
16:07et parfois dans les sévices,
16:09sexuelles,
16:10ou bien dans les accidents de la vie,
16:12les femmes payent un lourd tribut.
16:13Et ça,
16:14c'est une réalité.
16:15Et elles arrivent dans le soin
16:16tardivement,
16:16avec des dommages installés.
16:18Par contre,
16:19une note d'espoir,
16:20on peut toujours s'en sortir.
16:21Il y a toujours des équipes
16:22pour vous aider, madame.
16:23Et parce que c'est un livre
16:24qui est toujours un livre
16:25de solutions,
16:25d'accompagnement
16:26pour toutes les personnes
16:27qui seraient malades d'addiction
16:28et vous donnez d'ailleurs
16:29toutes les étapes,
16:30les six étapes
16:31pour entamer un processus de sortie.
16:33Énormément de questions
16:34sur l'application Radio France.
16:35Oui, notamment celle de Laurent
16:36et ça rejoint un peu
16:37celle de Sylvie
16:39sur le rôle de la société
16:41finalement dans les addictions.
16:42Laurent, lui, demande
16:43est-ce que les addictions
16:44ne sont pas le revers
16:45de la médaille
16:46de la société de consommation
16:47et de performance ?
16:48On a toujours parlé
16:49de la société addictogène.
16:50Moi, je n'adhère pas
16:51à ce concept.
16:53Je ne suis pas le seul.
16:54Toutes les sociétés,
16:55toutes les sociétés
16:56à un moment ou à un autre
16:57d'une certaine manière
16:58contribuent finalement
16:59au phénomène
17:00qui est celui des addictions.
17:02La société,
17:02elle peut exposer
17:03mais elle peut aussi protéger.
17:04On oublie qu'il y a
17:05des facteurs de protection.
17:06Tout le monde n'est pas dépendant
17:07alors que tout le monde
17:08est soumis au même stress
17:09sociaux d'une certaine manière.
17:11Lorsqu'on a des informations
17:13terribles sur l'économie,
17:14sur les problèmes,
17:16sur un Covid,
17:17tout ça.
17:18Et ensuite,
17:18il y a les individualités
17:19plus ou moins vulnérables
17:22qui se retrouvent
17:23à trouver une fausse solution.
17:24C'est ça qui fait qu'on est inégo
17:24devant la dépendance ?
17:26On est inégo.
17:26On est inégo.
17:27On est totalement inégo.
17:29Évidemment,
17:29on reçoit le même stress social,
17:31on reçoit les mêmes
17:32modifications sociétales
17:34mais tout le monde
17:34ne tombe pas finalement
17:36dans le travers
17:37entre guillemets
17:37de consommer
17:38pour s'en sortir.
17:38Alors,
17:39la liste des addictions,
17:40elle est longue,
17:40je le disais
17:41et c'est assez intéressant
17:42parce qu'on en parlait
17:43tout à l'heure
17:43dans la revue de presse,
17:44c'est l'équipe magazine
17:45qui consacre
17:46son numéro hebdomadaire
17:48au marathon,
17:49au marathon de Paris
17:50qui aura lieu demain
17:51et je sais que vous vous êtes inscrit,
17:53professeur Beniamina.
17:54Je suis inconscient
17:54d'aller faire ce marathon.
17:56J'espère que vous vous êtes entraîné
17:58mais vous allez donc
17:59et je l'espère arriver
18:00au bout des 42 kilomètres 195
18:02et dans le dossier
18:04de l'équipe magazine,
18:05il y a la description
18:06du running,
18:08de la course à pied
18:09comme finalement
18:10d'une drogue,
18:11comme quelque chose
18:12qui envahit la vie,
18:14qui occupe l'esprit,
18:15qui change les comportements
18:16où l'on devient quasiment associable
18:19ou en tout cas
18:19on est détesté par sa famille
18:22pour ce qu'on leur impose.
18:23Il y a de la bicorrexie.
18:24Alors justement,
18:25ça porte un nom.
18:26Oui, la bicorrexie,
18:27bon écoutez,
18:27il n'y en a pas beaucoup
18:28qui sont bicorrexiques
18:29mais quand ils existent,
18:29c'est le fait d'être dépendant
18:31à l'effort sportif
18:32parce qu'on emballe
18:34le système de récompense
18:35de manière excessive
18:36avec cette sensation
18:38quand on court
18:38quelle que soit la distance
18:39de se sentir tellement bien
18:40sous l'effet
18:41malgré la douleur,
18:42malgré la douleur,
18:43malgré les problèmes,
18:44les tendinites,
18:45malgré tout ça.
18:46Donc c'est une réalité
18:46mais il y en a très peu.
18:47Je n'ai pas envie
18:48de me faire taper dessus demain
18:49lorsque je serai dans mon sas.
18:50Non.
18:50Il y en a très peu.
18:55qui est celui de la pureté
19:01dans l'alimentation,
19:03ce qu'on appelle l'orthorexie.
19:04On mange ce qu'il faut manger
19:05et on oublie
19:06quelque chose d'extrêmement important,
19:07le plaisir.
19:09On oublie le plaisir
19:10de manger du gras.
19:11Mais c'est ça qui est incroyable
19:11quand on oublie le plaisir
19:12de manger du sucre.
19:13C'est qu'il n'y a jamais
19:15de point de vue moral.
19:16Oui, il n'y en a pas.
19:17Oui, mais en général
19:17quand on parle d'addiction
19:18au tabac, à l'alcool,
19:20à la drogue, aux écrans,
19:22il y a toujours
19:22un jugement moral derrière.
19:23Il n'y en a pas dans mon lit.
19:24Pas chez le médecin.
19:25Non, c'est impossible.
19:26Alors justement,
19:27autre sujet qui est assez compliqué
19:28et là pour le coup,
19:29c'est Grégoire
19:30qui ne veut pas passer à l'antenne.
19:32Il nous le dit sur l'appli.
19:33Il ne veut pas passer à l'antenne
19:34parce qu'il veut parler
19:35d'une addiction
19:36qu'il dit ne pas être une maladie
19:38et que vous abordez
19:39dans votre livre.
19:40C'est l'addiction
19:41à la sexualité,
19:42à la pornographie.
19:44Il dit qu'elle est mal documentée
19:45sur Internet.
19:46Il faut la replacer
19:47dans son contexte.
19:48Qu'est-ce que vous pouvez lui dire
19:50Grégoire pour l'éclairer ?
19:51Qu'elle existe,
19:52qui sont plus nombreux
19:53qu'il n'y paraît
19:54et que l'addiction
19:55au porno,
19:56à la sexualité,
19:57ce n'est pas le plaisir
19:58tel que je l'ai évidemment
20:00énoncé tout à l'heure.
20:01Ce sont des personnes
20:02qui ont une activité
20:03effrénée, permanente
20:04avec parfois
20:06la chosification du partenaire.
20:09On a affaire à des personnes
20:11qui ont une activité
20:12qui les obsèdent.
20:13Il n'y a plus vraiment de plaisir.
20:14Vous le dites d'ailleurs.
20:15Il n'y a plus de plaisir.
20:15Il y a même des douleurs
20:16parfois à une autosatisfaction.
20:19Je ne rentre pas dans les détails.
20:20Les gens ont compris.
20:21On est sur quelque chose
20:22qui est obsédant
20:24et qui n'est plus
20:26en relation avec l'autre.
20:28Ce qui est rassurant
20:29quand on vous lit,
20:29c'est que les addictions
20:31évoluent.
20:32Il y en a de plus en plus
20:33dans certains domaines.
20:34Mais il y a aussi
20:35des solutions qui évoluent.
20:37En revanche,
20:37la réponse des pouvoirs publics,
20:39comment vous la voyez ?
20:40Il y a eu un grand plan
20:42de lutte contre le narcotrafic
20:43qui a été annoncé
20:45avec un parquet spécial,
20:47un régime carcéral spécial,
20:49qui ne vous concerne pas
20:50directement, vous, médecin.
20:52Mais comment vous observez
20:54cette réponse ?
20:54Aussi, par exemple,
20:55le Sénat qui veut pénaliser
20:56la consommation du protoxyde d'azote,
20:58le gazilaron.
20:59Moi, je vois ça
20:59comme un dispositif boiteux
21:01pour qu'une politique drogue,
21:03disons, je me mets à la place
21:04des ministres, entre guillemets,
21:05marche et elle doit marcher
21:06chez les deux jambes.
21:07Très bien,
21:08le narcotrafic,
21:09très bien,
21:10la sécurité,
21:11très bien,
21:11la protection des Français,
21:13couille de la santé.
21:14Et je pense que c'est
21:14extrêmement important.
21:15Et ça, ça manque aujourd'hui.
21:16Ça manque,
21:17mais honnêtement,
21:18je vais être...
21:19Vous m'avez évidemment
21:21présenté comme président
21:22de la Fédération française
21:22d'addictologie.
21:23Des contacts ont été établis
21:25avec le ministre de la Santé
21:26et je sais qu'il y a des choses
21:27qui sont en cours
21:28d'organisation.
21:30J'espère qu'ils seront
21:30à la hauteur,
21:31qu'on aura les moyens
21:32de mettre en place
21:33la deuxième jambe.
21:34Vous êtes répliqués,
21:34la deuxième jambe qui m'en...
21:35rarement satisfait,
21:37malgré tout,
21:37par les pauvres.
21:38Oui, mais on a parlé
21:39des lobbies,
21:40on a parlé des difficultés aussi
21:41à amener des sujets
21:42parce que les Français,
21:44on pense qu'ils ne sont pas prêts.
21:45C'est faux.
21:46Nous avons, avec la plateforme
21:48et le fonds Addicted,
21:50lancé un sondage
21:52à risque interactif.
21:53Les Français sont conscients
21:54que l'addiction est une maladie.
21:56Les Français, maintenant,
21:57ils sont très nombreux
21:57à le savoir
21:58et donc ce n'est pas un vice,
22:00ce n'est pas une perturbation
22:01de la société.
22:02C'est quelque chose
22:03qu'il faut prendre,
22:04comme toutes les maladies,
22:05à bras-le-corps
22:05et mettre en place
22:06tout ce qu'il faut
22:07pour pouvoir aider les Français
22:07à sortir
22:08et sortir de la culpabilité.
22:10Là est la culpabilité aussi.
22:11Avec des protocoles ciblés,
22:13comme vous le dites,
22:14culpabiliser n'est pas la solution.
22:15D'ailleurs, c'est le titre
22:16d'un des encadrés
22:17de votre livre
22:18et il y a un mot
22:19que je trouve important,
22:21essentiel même.
22:22Vous parlez de liberté.
22:24Vous dites que vous préférez
22:25l'expression
22:26en route vers la liberté,
22:28même à celle de guérison.
22:30En tout cas,
22:30c'est passionnant.
22:31Il y avait encore
22:32énormément de personnes
22:34à l'appel
22:35au standard d'Inter
22:36pour vous interroger,
22:37professeur Amine Benyamina.
22:39Addiction,
22:40point,
22:41et addiction au pluriel.
22:42manuel de premier secours,
22:44c'est d'utilité publique
22:46et c'est publié
22:46chez Marabou.
22:48Bonne journée,
22:49bon courage
22:49pour le marathon.
22:50Merci beaucoup.
22:51On prendra de vos nouvelles
22:52et de vos courbatures.
22:53Ça roule.
22:54Merci.
22:54Merci.
22:55Merci.
22:56Merci.
22:56Merci.
22:56Merci.
22:56Merci.