Zoom ce matin sur la néonatologie, discipline qui consiste à soigner les nouveaux nés de moins d'un mois, avec Alexandre Lapillonne, chef du service de néonatologie de l’hôpital Necker-Enfants malades à Paris et Clémentine Goldszal, autrice de “Premiers cris, le mystère de la neónatologie”.
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end
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00:00« Circonstances difficiles, comment se faire entendre dans un univers hospitalier quand
00:04on n'a pas encore de mots, parfois même pas de voix à cause d'une intubation qui bloque
00:08les cordes vocales ? »
00:09Grand entretien ce matin sur les mystères de la néonatologie, ces services qui prennent
00:14en charge les nouveau-nés de moins d'un mois, avec les contraintes que l'on connaît,
00:18des effectifs tendus, des cadences évidemment soutenues à l'hôpital, c'est le sujet
00:22du livre que vous publiez.
00:23Bonjour Clémentine Goldzahl.
00:24Bonjour Marion.
00:25Journaliste et autrice donc de ce livre passionnant, premier cri, c'est à la fois une réflexion
00:29et un véritable reportage de terrain, et avec nous en studio celui qui a accepté
00:33votre présence pendant six mois dans son service de l'hôpital Necker Enfants Malades
00:38à Paris.
00:39Bonjour Alexandre Lapillonne.
00:40Bonjour.
00:41Chef de service donc en néonatologie, un service qui a une dizaine d'années seulement
00:44je crois.
00:45Question, réaction chers auditeurs, 0 à 1, 45, 24, 7000 ou sur l'application France
00:50Inter.
00:51On va commencer par parler de ce livre Clémentine Goldzahl, de sa genèse, vous décidez de
00:54partir en immersion six mois dans un service de néonatologie, ça n'a rien d'évident.
00:59Ça part d'une histoire personnelle en fait ?
01:01Ça part un peu d'une histoire personnelle en fait, je construis un petit peu une histoire
01:06officielle.
01:07J'essaye moi-même de me rappeler pourquoi j'ai décidé de faire ça, et effectivement
01:10j'ai eu un enfant il y a bientôt 4 ans, et c'est vrai que ça m'a mis quand même
01:15de manière très spectaculaire en face de ce mystère.
01:18Et j'avais vraiment l'impression d'être face à un livre que j'aimais beaucoup, il
01:23me passionnait, mais il était écrit, même pas dans une langue étrangère, il était
01:26écrit dans un alphabet que je ne comprenais pas.
01:28Et je voyais autour de lui, sa pédiatre, les gens depuis sa naissance à l'hôpital,
01:33puis ensuite une ostéopathe, une psychomotricienne, des gens qui comme ça comprenaient ce qui
01:39se passait dans son corps et captaient des signaux qui m'échappaient.
01:43Et donc je me suis dit où est-ce qu'il y a des nouveau-nés et des gens très très
01:45compétents pour les comprendre en néonatologie, et j'ai commencé à les taper aux portes.
01:50Et vous avez aussi réalisé que ce moment-là de la vie, même dans l'art, même dans les
01:54films, même dans les livres, il est très peu représenté en fait.
01:57C'est ça, parce que quand je me suis retrouvée face à ce mystère, ça a commencé un peu
02:00avant quand même.
02:01Parce que j'avais lu le bébé de Marie Dariussecq qui m'avait passionnée, que je cite dans
02:05le livre.
02:06Et puis enceinte, j'ai commencé à chercher des choses sur ce qui allait arriver à cet
02:11être que je portais.
02:12Et j'ai trouvé très peu de ressources en fait, en littérature, alors que d'habitude
02:16moi j'ai l'impression que je trouve tout dans les livres.
02:18C'est là que je vais chercher quand j'ai des questions, je me tourne vers les livres
02:21et j'ai trouvé très peu de choses.
02:23Et donc du coup, je me suis dit oui, qu'il y avait effectivement un vide.
02:27Alexandre Lapillonne, Clémentine Golsal, salut votre générosité à la fin du livre.
02:32Vous l'avez lu, son livre ?
02:33Bien sûr, je l'ai lu avec grand plaisir et grande attention.
02:37Peut-être rappeler que Clémentine un jour est venue frapper à la porte de mon bureau
02:44en me proposant de venir pour faire un livre.
02:48Et là, grande question pour nous, pour moi, est-ce que j'accepte Clémentine dans le
02:53service ou non ? Elle est journaliste, que va-t-elle dire ? Quels sont ses objectifs ?
02:57Donc, on a discuté quand même plusieurs fois ensemble.
03:00Méfiance, forcément.
03:02Méfiance, méfiance, incertitude.
03:04Et après avoir finalement pas mal discuté, Clémentine me propose de faire un livre centré
03:15sur le nouveau-né, sur le nouveau-né malade.
03:18Et en essayant de comprendre quel était son vécu, je me suis dit que là, c'était une
03:21approche qui était intéressante, assez originale et ne pas retracer forcément uniquement la
03:27vie des soignants, mais repartir du bébé.
03:29Vraiment, c'est comme ça qu'elle a construit, je pense, un peu son livre.
03:32Et donc, après avoir discuté, on en a parlé en équipe, parce qu'il faut l'adhésion des
03:38équipes pour pouvoir rentrer dans un tel projet.
03:42L'adhésion de l'équipe étant obtenue, on lui a ouvert les portes.
03:47C'est vraiment ça qui vous a décidé ?
03:49Oui, mais avec certaines contraintes, on a mis un peu des limites.
03:53Pas de photo, pas d'enregistrement audio, ne pas toucher les bébés.
03:56Oui, mais c'est vrai que c'était important de le dire, il fallait fixer quand même une
03:59sorte de cadre.
04:00Parce que, comme je le dis dans le livre, en fait, c'est des gens qui travaillent beaucoup,
04:03les soignants.
04:04Et le professeur Lapillonne m'a quand même dit « bon, je vous ouvre les portes, mais
04:07ensuite, moi, je ne pourrai pas m'occuper de vous ». Il n'y avait personne pour me
04:10bébiciter dans le service.
04:11C'est pas votre maître de stage, en clair.
04:13Non, c'est ça.
04:14Ils sont très occupés, quand même, tous.
04:16Et donc, il a fallu établir un cadre, effectivement, qui avait l'impression, quand même, pour
04:20but de protéger toujours les patients, et leurs parents, et la confidentialité des espaces.
04:25Oui, la confidentialité médicale est essentielle dans un travail comme cela.
04:29Obtenir l'autorisation des parents, bien sûr, l'autorisation des soignants, qu'une
04:36partie de leurs émotions, de leur vie, soit retracée dans un livre.
04:40C'est un process un peu compliqué, mais qui nécessite beaucoup d'adhésion, beaucoup
04:47de discussion.
04:48Et une fois Clémentine lancée, elle a vraiment respecté toutes les consignes données.
04:54Et elle a pu aller, finalement, assez loin dans son investigation autour du nouveau-né
05:01malade.
05:02Mais Alexandre Lapillonne, pourquoi c'est intéressant, pourquoi c'est important ce
05:04genre de projet ? Qu'est-ce que ça apporte, en fait, à vous, à votre service ?
05:07Pour nous, ça apporte beaucoup de choses.
05:11Tout d'abord, je trouve qu'on retrouve bien dans ce livre le vécu de l'enfant, des parents,
05:20de la famille, dans la société.
05:22Et ce vécu, il est important à traduire.
05:25Et comme l'a dit Clémentine très bien, finalement, c'est peu dit, peu exploré.
05:31Et c'est très bien de l'avoir fait de cette façon-là.
05:34Ça nous donne une certaine visibilité.
05:36La néonatologie, on est au début de la vie.
05:39Il y a beaucoup de moyens qui sont mis en néonatologie.
05:42Mais on a des conditions de travail qui sont quand même difficiles.
05:46On n'est pas forcément toujours entendus.
05:49Les politiques gouvernementales prennent en compte, bien évidemment, les problématiques
05:54de la périnatalité.
05:55Mais l'évolution technologique, l'évolution des prises en charge nécessitent de réviser
06:02les programmes de périnatalité.
06:05Et je pense que ce livre aussi va contribuer à nous faire un peu mieux connaître, à
06:10reconnaître notre profession et nos difficultés.
06:12Vous nous dites que la photo est fidèle.
06:14Il faut se figurer, l'espace, vous le décrivez, il y a une fresque de Keith Haring.
06:19C'est un espace à la fois moderne et puis un vieux bâtiment où on élevait des chèvres
06:22et des ânes autrefois pour produire du lait pour les bébés.
06:26Vous êtes là-dedans, vous êtes dans les services, la salle des couveuses.
06:31Racontez-nous à quoi il ressemble ce service.
06:33Il y a 1300 nouveaux-nés par an, 63 berceaux.
06:36Qu'est-ce qui vous frappe d'emblée ?
06:37Ce qui me frappe d'emblée, en fait, la toute première fois où j'ai été.
06:41J'ai d'abord été dans le service pour rencontrer le professeur Lapillonne, lui proposer
06:45mon projet et tout ça.
06:46Et ensuite, une fois qu'il m'a dit « ok », j'y suis retournée, il m'a dit « venez
06:49présenter votre projet à l'équipe ». Donc j'ai été pour une réunion d'équipe
06:53au début de l'été.
06:54Et j'avais par exemple pas compris où était l'entrée du service.
06:59Parce qu'en fait, vous arrivez, il y a les ascenseurs, tata, vous arrivez, il y a un
07:02petit salon, une sorte de salle d'attente.
07:03Et il y avait une petite porte un peu mystérieuse protégée par un digicode avec un interphone.
07:08Et je voyais bien qu'il y a des gens qui rentraient et sortaient.
07:11Mais je n'avais pas compris que c'était l'entrée du service.
07:13C'est comme vraiment dans Alice au pays des merveilles, c'est une sorte de petite
07:15porte dérobée.
07:16Et en fait, derrière cette porte, tout le service se déploie.
07:19Et c'était une première surprise pour moi un peu ergonomique, qui en fait incarnait
07:26la confidentialité de ce service, c'est-à-dire la protection des bébés, qui est, corrigez-moi
07:32si je me trompe Alexandre, mais une protection qui est à la fois immunologique, c'est-à-dire
07:36il ne faut pas qu'ils soient contaminés, il ne faut pas qu'il y ait trop de passages
07:39dans le service.
07:40Mais qui est aussi une protection de leur vie privée.
07:42Et ça, c'est une notion à laquelle moi je tenais beaucoup et que j'ai vraiment eu
07:47à cœur de respecter dans mon reportage.
07:49C'est de me dire, ces bébés qui sont constamment donnés à voir, qui sont soumis au regard,
07:54aux manipulations, à plein de choses auxquelles finalement ils ne consentent pas, je ne veux
07:58pas, moi, être un autre regard qui leur vole quelque chose qu'ils n'auraient pas voulu
08:04me donner.
08:05Et sur la vie privée, c'est intéressant, vous racontez qu'un parent n'a pas le droit
08:08d'aller observer les autres bébés, ceux qui ne sont pas les siens par exemple.
08:11Ou qu'on cache leurs fesses pour pas qu'elles soient exposées en permanence même quand
08:15ils ne sont pas en couche.
08:17Alexandre Lapillonne, ce service de néonatologie de Necker, c'est une petite partie de l'hôpital,
08:23c'est un service d'exception qui a été salué notamment par Newsweek.
08:27La néonatologie, c'est une discipline récente, ça veut dire qu'il y a quelques années,
08:31ces patients qui vous arrivent, 1300 chaque année, ils ne seraient pas là, ils n'auraient
08:37même pas survécu ?
08:38C'est une spécialité relativement récente, mais somme toute quand même pas complètement
08:45nouvelle, qui date d'il y a environ une cinquantaine, soixantaine d'années et avec énormément
08:53de progrès techniques qui se sont développés.
08:56Il y a des services de néonatologie sur toute la France, avec comme mission principale la
09:05prise en charge de la prématurité, des bébés qui sont nés en avance, immatures et petits.
09:13Vous décrivez 1,2 kg, 1,3 kg ?
09:16Oui, parfois beaucoup moins, 500 grammes, 1 kg.
09:20Ce n'est pas la prouesse technique qui est importante, mais c'est la prise en charge
09:23de ces enfants qui sont immatures et qui nécessitent des soins très particuliers.
09:27Il y a environ 90 services de réanimation néonatale en France.
09:35La particularité du service de NECER et de certains autres services en France, mais en
09:41particulier chez nous, c'est la prise en charge des enfants avec une pathologie complexe,
09:48des pathologies congénitales, des malformations, des syndromes génétiques.
09:52Et là, c'est la particularité de ce service qui est relativement récent, puisqu'il a
09:59ouvert en 2013 et il a permis de regrouper dans une unité de lieux consacré à la prise
10:10en charge du nouveau-né, en gros dès la naissance au premier mois de vie, de tous
10:14ces enfants avec des pathologies extrêmement graves.
10:17Par exemple, il y a Fiona Clémentine-Golzal, c'est elle qui ouvre le livre, elle arrive
10:21en hélicoptère, parce qu'elle vient se faire opérer des yeux au laser.
10:26Il y a par exemple ces opérations, on en parlait sur ces bébés très prématurés
10:29qui sont minuscules en fait, vous dites une aberrante fragilité.
10:34Et par exemple, des choses qui ressemblent à de l'orthodontie aussi sur des bébés
10:37qui ont un syndrome de Pierre-Robin, c'est-à-dire qu'ils risquent d'avaler leur langue.
10:41C'est très impressionnant, c'est très technique tout ça.
10:44Oui, c'est très technique.
10:45Moi, c'est des pathologies qu'évidemment, je n'ai pas de formation médicale, moi j'adore
10:49la médecine, mais je suis vraiment une touriste de la médecine, donc j'adore ça et j'essaye
10:53de comprendre, mais c'est vrai que c'est des pathologies que je ne comprends évidemment
10:57pas beaucoup.
10:58Mais le syndrome de Pierre-Robin, je crois que, corrigez-moi professeur Lapillonne, mais
11:01Necker est un centre de référence pour le syndrome de Pierre-Robin ?
11:04Oui, Necker est un centre de référence pour beaucoup de maladies rares, dont le syndrome
11:08de Pierre-Robin puisque c'est celui que vous citez, c'est ainsi une prise en charge
11:13de la naissance respiratoire et aussi une prise en charge pour l'alimentation de l'enfant.
11:19C'est soit un syndrome génétique dans 50% des cas où ça peut être un peu isolé.
11:24Et c'est vrai qu'on concentre dans le service ce type de pathologie.
11:28C'est parfois assez impressionnant, mais ça nécessite beaucoup d'expertise et donc
11:32cette concentration finalement, alourdit les prises en charge, alourdit notre travail,
11:37mais nous permet d'offrir des prises en charge qui sont assez optimisées.
11:43Le service de l'onanatologie, il va fonctionner, mais vous l'avez vu Clémentine, aussi en
11:49collaboration avec tous les spécialistes de l'hôpital, donc c'est un balai incessant
11:54de spécialistes qui passent dans le service pour rapporter leur compétence, en particulier
12:00par exemple dans le cadre du syndrome de Pierre-Robin.
12:03C'est ça, mais c'est vrai que ça donne lieu à des pathologies dont le traitement
12:06est visuellement très spectaculaire et en fait les médecins, l'ensemble des médecins
12:11qui se relaient et des infirmières et des soignants qui se relaient aux cheveux des
12:14bébés, je pense que quand on est au contact quotidien de ces pathologies-là, on oublie.
12:18Et moi c'est vrai que j'arrivais avec mon regard profane et du coup je vois ces bébés
12:23qui ont un appareillage, donc pour Pierre-Robin par exemple, et je crois que c'est une technologie
12:27assez récente, mais ils ont un appareillage qui ressemble à un appareil pour les adolescents,
12:31mais qui ressort de leur bouche avec des courbes en acier qui ressortent sur leur visage,
12:38qui est fixé à leur visage.
12:39Et c'est à la fois vraiment la brutalité du soin, parce que c'est des matériaux en
12:44plus qui sont vraiment de la vie quotidienne, c'est du métal dans la bouche d'un tout
12:48petit bébé, et en même temps qui sont la douceur de la prise en charge et du désir
12:54qu'ils aillent mieux.
12:55Alors ça c'est intéressant justement, la brutalité du soin Alexandre Lapillonne,
12:58parce qu'effectivement ces bébés sont minuscules, ils sont fragiles, on les soigne, on les aide,
13:03on les sauve, on les aime aussi, mais vous écrivez Clémentine, la médecine est brutale
13:08par essence, et on comprend qu'il y a plein de choses qui ne sont pas forcément adaptées
13:11à des bébés aussi petits, même des pansements qui sont un peu trop grands, un peu trop rêches,
13:16est-ce que cet aspect des choses, cette sorte d'objectivation, puisqu'on sauve leur vie
13:20et du coup on ne pense pas forcément à leur parler par exemple, ou à les caresser, est-ce
13:24que ça c'est réfléchi, c'est un vrai sujet ?
13:26Oui, alors en fait il y a deux aspects dans la question que vous posez, alors la brutalité
13:33des soins, je ne dirais peut-être pas ce terme-là, en tout cas il y a effectivement
13:38des soins techniques qui sont douloureux, qui sont répétés, et qui effectivement
13:43impactent le confort de l'enfant, il faut savoir que l'enfant dès la vie fétale perçoit
13:49la douleur, et donc la douleur périphérique, quand on a une piqûre, va remonter au cerveau
13:57et donc il va percevoir, mais par contre le contrôle de cette douleur, donc la voie descendante
14:02n'est pas mature, et probablement qu'il perçoive davantage la douleur que les adultes.
14:07Donc on a un devoir de prendre en compte cet inconfort, cette douleur en permanence, et
14:12il faut savoir que des enfants en réanimation peuvent avoir 10, 15, 20 gestes douloureux
14:17par jour, ou en tout cas inconfortables par jour.
14:21Donc c'est une vraie problématique, et ça c'est pris en compte dans notre prise en
14:25charge, à la fois en essayant de les coucouner au maximum, de les mettre dans une ambiance
14:30la plus détendue, bien que c'est assez difficile compte tenu de l'intensité des soins, et
14:38puis d'utiliser des anthalgiques, même des anthalgiques forts, de la morphine si nécessaire,
14:44de façon à apporter ce confort.
14:46C'est le premier point sur l'agressivité des soins.
14:50Et puis il y a tout l'environnement, vous dites on ne pense peut-être pas à leur parler,
14:56et bien si justement, c'est là où il y a beaucoup de progrès dans la prise en charge
15:02des néonatologies, c'est un peu le modèle suédois dont on parle un peu, où on essaye
15:09de centrer les soins sur l'enfant et sur la famille, en faisant participer au maximum
15:15les parents, et en accompagnant au maximum l'enfant, en incitant les parents à leur
15:22parler doucement, à les toucher délicatement, on leur explique comment, et les infirmières
15:27le font quand les parents ne sont pas là.
15:28Alors, beaucoup de questions d'auditeurs de France Inter sur l'application, mais aussi
15:31au standard.
15:32Bonjour Christian.
15:33Oui, bonjour.
15:34Vous avez un témoignage ? Alors, moi c'est un témoignage, notre fille
15:40à ma compagnie, à moi, est aujourd'hui âgée de 24 ans, et elle est née au terme
15:49de 24 semaines et 6 jours, les circonstances ont fait qu'on a la date positive de circonception,
15:5524 semaines et 6 jours, quand elle est née, elle pesait, pardonnez-moi la trivialité
16:01de l'exemple, mais 570 grammes, c'est-à-dire le poids de deux plaquettes de beurre.
16:07Je suis toujours, je remercie les services hospitaliers qui ont fait un travail absolument
16:16fabuleux, ce que dit le docteur est absolument exact, moi j'ai aussitôt cessé mes activités,
16:26ma compagnie aussi, on était en permanence auprès d'elle, et au travers des ouïes
16:32de la couveuse, on passait la main qui est désinfectée, enfin il y a tout un protocole
16:37extrêmement précis à ce propos, sur elle, pour la toucher, etc., je pense que c'est
16:44ce qui a permis également, en plus du travail fabuleux qu'ont effectué les personnels
16:53hospitaliers, qu'elle n'ait aucune séquelle, et j'ai tenu un journal pendant la première
17:03année de sa vie, et j'ai des photos également, il faut voir, minuscule, dans la mienne.
17:12On s'entend votre émotion Christian, merci pour ce très beau témoignage, Clémentine
17:17Golsal, la proximité, le pot à pot, il y a des auditeurs qui nous en parlent sur l'appli,
17:23ça compte aussi, bien sûr, il y a le talent des équipes, leur travail, et puis cette
17:27proximité.
17:28Oui, ça compte énormément, et c'est ce que disait le professeur Lapillonne, c'est
17:31qu'on comprend, et je crois de plus en plus, depuis maintenant quelques décennies, l'importance
17:37de tirer ses enfants vers le vivant, de tirer tout leur aide vers le vivant, et qu'en fait
17:41le soin du corps ne suffit pas s'il n'est pas accompagné d'un soin holistique de l'âme,
17:46et c'est des bébés vraiment.
17:47Et je pense que ça c'est la réalité par ailleurs de tous les nouveau-nés, c'est-à-dire
17:50qu'un nouveau-né, si vous le prenez, vous lui donnez les soins de base, vous le nourrissez,
17:54vous le changez, vous le baignez, mais vous ne lui parlez pas, vous ne le regardez pas,
17:57et vous ne le prenez pas contre vous, ce nouveau-né va se laisser mourir.
18:00Donc il y a vraiment un... psychiquement ou vraiment physiquement.
18:05C'est ça en fait pour moi qui est très émouvant dans cette spécialité, c'est l'absolue
18:10convocation que nous font les nouveaux-nés, de les prendre en compte et de les prendre
18:14en charge en entier, tout ce qu'ils sont, et c'est ce que disait effectivement ce papa,
18:19c'est-à-dire qu'il y a la technologie du service qui est mise à disposition des nouveau-nés,
18:24et il y a ensuite les parents à qui on dit « il faut que vous le touchiez dans la limite
18:28de vos capacités », mais c'est important que vous lui parliez, c'est important que
18:31vous disiez son nom.
18:32Professeur Lapillonne, il y a une question sur l'application aussi, qui est intéressante,
18:36une question d'Antoine, alors je la résume, c'est jusqu'où on va ? C'est-à-dire jusqu'où
18:40on va dans le soin, jusqu'où on va dans le care aussi, pour que l'enfant ait une bonne
18:47qualité de vie ? C'est une vraie question éthique.
18:48Est-ce qu'on ne fabrique pas, à un moment, c'est ce que vous écrivez dans le livre,
18:51Clémentine, est-ce qu'on ne fabrique pas des personnes handicapées qui vont avoir
18:55une vie de mauvaise qualité ? Comment et quand on décide de ne pas aller trop loin ?
18:58Oui, là, c'est une vraie question particulièrement sensible, on va dire, c'est la question éthique
19:06qui tourne autour de la poursuite ou non des soins dans une situation un petit peu dramatique.
19:13Ces questions éthiques, ce sont des questions que l'on mène au quotidien, qui sont encadrées
19:18par la loi, la loi Leonetti, modifiée par la loi Leonetti-Clay, ce qui nous donne la
19:23possibilité, dans certaines situations, de proposer une réorientation des soins sur
19:28des soins palliatifs, quand on pense que la qualité de vie et les séquelles vont être
19:34la qualité de vie altérée, les séquelles importantes.
19:36Et étonnamment, dans le livre, c'est un moment très doux, vous racontez, il y a une
19:41infirmière qui aime beaucoup faire ça, c'est-à-dire que c'est le moment où les machines disparaissent
19:43et on peut vraiment s'occuper juste de l'humain.
19:46On accompagne l'enfant, on accompagne sa famille, mais c'est tout un process compliqué.
19:51Notre perception de soignants est d'abord variable en fonction de notre vécu personnel.
19:59Il faut obtenir l'adhésion des parents dans ce process et il n'y a pas forcément systématiquement
20:06une compréhension parfaite de ce qu'est une bonne qualité de vie et de séquelles plus ou moins importantes.
20:13Alors sur cette question de la mort, il y a des chiffres qui surprennent parce qu'on
20:17a vu dans la revue scientifique de l'ANDSAT en 2022, la mortalité infantile qui a augmenté
20:23en France.
20:24On est en 20ème position en Europe, c'est assez incroyable dans un pays développé.
20:28Comment vous l'expliquez Alexandre Lapillonne ?
20:30C'est une question un petit peu difficile, ça va être difficile de résumer ça en
20:34trois minutes.
20:35Non, non, pour ce manque de personnel notamment.
20:37Oui, évidemment, il y a beaucoup de raisons pour cela.
20:39On est passé de la 3ème, 4ème place à la 22ème place sur 34 pays européens.
20:44Donc on a vraiment chuté.
20:46Alors que les investissements ont continué d'augmenter, on est à plus de 9 milliards
20:50d'euros pour la périnatalité, mais en fait, on voit une augmentation ou en tout cas une
20:55stagnation de la mortalité périnatale, c'est-à-dire le dernier trimestre de la grossesse.
20:59Pareil pour la mortalité néonatale qui augmente légèrement et la mortalité maternelle également
21:04augmente légèrement.
21:05En fait, il y a un certain nombre de problématiques.
21:08Il y a la problématique du manque de soignants et de la crise de l'hôpital que l'on connaît
21:12bien.
21:13Il y a la problématique des maternités, des petites maternités que l'on ferme, mais
21:17il y a peut-être des raisons pour les fermer.
21:20Ça, ça peut être une autre question.
21:22Ça les éloigne quand même dans certains sens.
21:24Il y a un éloignement par la fermeture de ces maternités, mais une maternité de 300
21:29accouchements ne peut probablement pas délivrer des soins de qualité avec une sécurité
21:34suffisante.
21:36Il y a eu un rapport de l'Académie de médecine que je vous invite à lire, paru en 2023,
21:41et un rapport de la Cour des comptes de mai 24 qui traite de cette problématique.
21:46Et c'est vrai que les maternités de moins de 1000 accouchements, il faut réfléchir
21:49vraiment à leur maintien ou non pour promouvoir une bonne qualité des soins.
21:53Donc une politique à mener pour essayer de réduire cette mortalité.
21:58Merci beaucoup Alexandre Lapillonne, chef de service Néonatologie à l'hôpital Necker.
22:02Enfant malade, merci d'être venu ce matin et merci Clémentine Goelsal pour ce très
22:06beau livre passionnant qui révèle et qui interroge.
22:09Ça s'appelle « Premier cri, et c'est au seuil ».
22:11Merci Marion.