Les discussions du conclave sur les retraites, réunissant les partenaires sociaux à l'exception de l'U2P, FO et la CGT qui ont quitté la table, s'enchaînent malgré des discussions qui semblent s'enliser. Le Medef veut un accord sur le retour à l'équilibre. Écoutez l'interview de son président, Patrick Martin.
Regardez L'invité de RTL avec Olivier Boy du 09 avril 2025.
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00:00RTL Matin
00:02Et tout de suite l'invité de RTL Matin, Olivier, vous recevez aujourd'hui le président du MEDEF, Patrick Martin.
00:09Bonjour Patrick Martin.
00:10Bonjour.
00:10Bienvenue sur RTL.
00:12Je voulais commencer par vous poser une question sur votre dernière interview sur RTL le 31 janvier.
00:16On était au lendemain de l'investiture de Donald Trump.
00:18On avait vu par exemple Bernard Arnault revenir, le patron de LVMH, revenir un peu fasciné
00:23en disant que c'était le modèle à suivre, que la France devait plutôt s'en inspirer.
00:26Vous étiez venu dire effectivement qu'il y avait des choses à prendre là-bas.
00:30Est-ce que vous regrettez cette forme de fascination, je ne sais pas si vous reprenez le terme,
00:34mais en tout cas sur cet enthousiasme qui était le vôtre fin janvier sur Trump ?
00:38Je ne parlerai pas de fascination ou d'enthousiasme, mais oui, d'une certaine manière, je reviens sur mes propos.
00:44Bon, à l'époque, on prenait acte d'une bonne tenue de l'économie américaine
00:47et d'une politique très pro-business de Trump.
00:50Et à vrai dire, on n'imaginait pas qu'il mettrait en œuvre ce qu'il avait annoncé dans sa campagne,
00:55à savoir ces fameux droits de douane, dont je pense, dont beaucoup pensent,
00:59qui vont être fatales, y compris à la bonne tenue, du marché américain.
01:02Alors justement, est-ce que notre espoir, c'est qu'il perde son pari d'une certaine manière ?
01:06On pense aux propos d'Elon Musk hier, qui a traité le conseiller au commerce de crétin,
01:10je cite ses mots, celui qui a inspiré le plan des droits de douane.
01:13Il y a d'autres milliardaires qui ont financé Trump qui le lâchent en disant
01:17que ce n'était pas pour ça qu'ils avaient voté.
01:18Est-ce qu'il peut reculer, à votre avis, Donald Trump ?
01:21Les Etats-Unis demeurent une grande démocratie, et on voit bien qu'y compris dans les rangs républicains,
01:26il commence à y avoir de sérieux doutes sur cette stratégie.
01:28À croire d'ailleurs que certains électeurs et certains parlementaires en soutien de Trump,
01:33eux-mêmes considéraient qu'ils ne mettraient pas en œuvre ces droits de douane.
01:35Donc l'opinion publique est probablement en train de se retourner aux Etats-Unis.
01:38Et puis surtout, vous avez 80 millions d'Américains
01:41qui, à travers leurs fonds de pension, financent leur retraite à travers la bourse.
01:45Donc c'est une sérieuse corde de rappel.
01:46On croit à ça.
01:48Et puis, je parlais de démocratie,
01:50il y a quand même des dispositifs législatifs américains
01:53qui, semble-t-il, pourraient freiner les ardeurs du président.
01:56Alors en attendant, les droits de douane,
01:57donc de 20% sont entrés en vigueur ce matin,
02:00donc pour tous les produits européens.
02:01Plus de 104% pour les produits chinois.
02:04Ça aussi, c'est un impact.
02:05Est-ce que vous, président du Medef, Patrick Martin,
02:08vous êtes inquiet pour les semaines, les mois qui viennent pour les entreprises françaises ?
02:12Oui, bien sûr.
02:13Oui, bien sûr.
02:13Alors on regarde attentivement ce que prépare Bruxelles
02:16avec un bon collectif, je dirais, des gouvernements européens.
02:21On contribue d'ailleurs à l'élaboration de la liste des produits
02:25qui pourraient être, à titre de rétorsion, taxés produits américains.
02:29Mais...
02:30Qu'est-ce qui peut se passer sur l'emploi,
02:31sur les chiffres d'affaires des entreprises dans les mois qui viennent ?
02:34Alors on essaie de se rassurer en disant que la France est moins exposée
02:37que d'autres pays européens, l'Allemagne, l'Italie,
02:39au commerce avec les Etats-Unis.
02:41Bon, c'est quand même 1,5% de notre PIB.
02:43Ce qu'on ne prend pas en compte, c'est les effets induits.
02:45C'est-à-dire que si l'Allemagne et l'Italie exportent moins vers les Etats-Unis,
02:48l'Allemagne est notre premier client, par exemple.
02:50Donc il peut y avoir un empilage, en définitive, de difficultés.
02:54Le fait d'être pris en étau aussi entre les Etats-Unis et la Chine,
02:56parce que si la Chine ne vend plus aux Etats-Unis, il va falloir qu'elle trouve d'autres clients.
02:59Je m'exprime avec beaucoup de prudence devant vous et devant François Langlais.
03:02Moi, mon pronostic, c'est qu'il y a un risque non pas d'inflation, mais de déflation.
03:05C'est-à-dire que tous ces produits qui ne pourraient plus être vendus aux Etats-Unis
03:08reviennent en particulier vers le marché européen, des produits chinois, bien sûr,
03:12mais également des produits européens.
03:13Le fromage qu'on ne vendrait pas aux Etats-Unis, il faudrait bien qu'il se vende quelque part.
03:17Donc il y a un risque de baisse des prix, ce qui est presque pire que l'inflation.
03:21Donc voilà, des effets en chaîne sur les prix, des effets en chaîne sur l'emploi.
03:26On revient sur l'inflation-déflation.
03:28Le risque majeur qu'on évoque depuis des jours et des jours,
03:30c'est le risque d'inflation avec ses droits de douane et l'augmentation des prix.
03:34C'était le risque majeur évoqué.
03:35Ça n'est pas le cas pour vous ?
03:37Non, parce que finalement, on importe assez peu depuis les Etats-Unis.
03:39D'ailleurs, le président Trump nous le reproche suffisamment.
03:41Ce qu'on importe beaucoup, ce sont des services.
03:44Mais les Chinois, d'ores et déjà, déversent une bonne part de leur production
03:48et de leurs excédents de production.
03:49Je pense à l'acier en particulier sur le marché européen.
03:52Donc il faut prendre garde à ça.
03:53Mais le risque, il est que la croissance s'enraille et qu'on passe en récession.
03:59Et puis que l'emploi en souffre, évidemment,
04:01à un moment où on a une croissance française qui est à tonne.
04:04On est sur le fil du rasoir.
04:05Moi, j'avais prononcé qu'une légère récession au quatrième trimestre,
04:07elle s'est vérifiée.
04:08Premier trimestre.
04:09Vous allez à Bercy, cet après-midi ?
04:10Oui.
04:10Vous êtes reçu par Éric Lombard, notamment le ministre de l'Économie.
04:13Qu'est-ce que vous allez lui demander, très concrètement ?
04:15Est-ce que c'est un plan de soutien ?
04:16Est-ce qu'il y a des mesures d'urgence à prendre pour aider les secteurs en difficulté ?
04:20Eh bien, je vais vous dire, on touche du doigt,
04:22plus tôt que prévu, ce qu'on avait craint et dénoncé depuis un certain temps,
04:25comme les finances publiques françaises sont exemptes,
04:27on n'a plus de marge de manœuvre pour des dispositifs de soutien.
04:30Ce qu'on a pu faire massivement,
04:31et peut-être excessivement au moment du Covid,
04:32on ne peut plus le faire, à vrai dire, sans l'Europe.
04:35Donc, il va falloir qu'on agisse très rapidement pour gagner en compétitivité.
04:40Et ça peut paraître paradoxal, mais il faut doper la croissance,
04:43c'est-à-dire améliorer la performance des entreprises françaises.
04:48Ça veut dire, d'une certaine manière, ne pas trop affecter la consommation
04:52pour qu'on sorte par le haut de cette situation.
04:54Sinon, on va à un rythme que je ne sais pas dire,
04:56on va s'enfoncer dans la récession.
04:57Comment est-ce qu'on dope cette consommation ?
05:00On dope cette consommation, d'abord,
05:02en ne venant pas surcharger encore les contribuables d'une manière générale,
05:06les particuliers, comme les entreprises.
05:08Il faut commencer par les entreprises.
05:10Et puis, surtout, tenir un discours de vérité.
05:14Je crois que le Premier ministre, le 15 avril,
05:16va tenir un discours que l'on dit churchillien.
05:19Très bien, mais il faut qu'il donne des solutions.
05:22Notamment pour les entreprises,
05:23parce que cet attentisme et ces craintes
05:25suspendent des décisions d'investissement.
05:27Quelle solution vous demandez, vous, justement ?
05:29La compétitivité, ça veut dire des baisses de charges,
05:30ça veut dire des baisses de frais pour les entreprises ?
05:33Ça veut dire, notamment, transférer vers la fiscalité
05:36un certain nombre de charges qui pèsent sur les entreprises.
05:38On est d'ores et déjà les entreprises les plus chargées au monde.
05:41Il va falloir qu'on dope notre économie.
05:43Et on les transfère vers qui ?
05:44Le consommateur ? La TVA ?
05:46La CSG, la TVA.
05:50Je rappelle que la TVA est le seul impôt,
05:52par rapport à tous nos voisins européens,
05:54le seul impôt dont le taux est en France inférieur à la moyenne européenne.
05:57Et on est au bout du système.
06:00La protection sociale repose par trop sur les entreprises et les travailleurs.
06:03Si on veut doper l'économie,
06:05il va falloir, à un moment donné,
06:06qu'on baisse le niveau des prestations sociales,
06:08de la dépense publique, généralement,
06:10et surtout, qu'on révise le financement de cette protection sociale.
06:13On n'a pas d'autre choix, maintenant.
06:15Là-dessus, Emmanuel Macron a dit qu'il fallait jouer le rapport de force.
06:18Il appelle les entreprises à ne pas investir,
06:19au nom d'une forme de patriotisme économique.
06:21Est-ce que vous relayez aussi cet appel, vous ?
06:24Mais l'économie ne fonctionne pas comme ça, si vous voulez.
06:26Il y a des projets dont certains sont annoncés encore ce matin même,
06:29d'entreprises françaises aux Etats-Unis.
06:31Elles n'ont pas brutalement interrompu ces projets.
06:33Quand vous avez investi déjà 600 millions d'euros,
06:35et qu'il reste 50 millions d'euros à investir pour lancer une usine,
06:38vous n'allez pas gâcher, en quelque sorte, les 600 millions.
06:40Premier point.
06:41Deuxième point, l'histoire ne s'arrête pas.
06:43Moi, je souhaite, et je pense,
06:44que ce qu'on vit avec Donald Trump, actuellement,
06:46est une parenthèse.
06:47Plus courte elle sera, mieux ça vaudra.
06:49Mais après, le monde, les Etats-Unis en tête,
06:52ne peuvent pas se passer de commerce international.
06:55L'appel au patriotisme,
06:56c'est la seule chose qu'on ait entendu pour le moment
06:58de très saillant de la part des autorités.
07:01Il n'y a pas de plan, vous n'avez pas entendu de plan
07:03de la part du gouvernement.
07:04Est-ce que ça manque de concret ?
07:05Est-ce que ça manque d'intervention de la part de l'Etat sur cette crise ?
07:10Je viens de le dire,
07:11on aura beaucoup de mal à mettre en place
07:12des dispositifs de soutien à l'emploi et aux entreprises.
07:15Donc, ce qui est important, c'est que...
07:17Vous ne demandez pas d'argent au gouvernement,
07:19on l'a bien compris.
07:19Il n'y a pas de plan, ça ne va pas arriver,
07:21on n'a plus les moyens de le faire.
07:22De manière très ciblée.
07:23J'étais à Cognac il y a trois semaines.
07:24Si, effectivement, le secteur du Cognac s'effondre,
07:27il est très concentré géographiquement.
07:28C'est 70 000 emplois, évidemment,
07:30qu'il faudra faire quelque chose en soutien.
07:32Mais il faut surtout qu'on révise les fondamentaux
07:34de notre compétitivité.
07:35Premier point et deuxième point,
07:37qu'on arrête ces débats de corne-cul,
07:38passez-moi l'expression,
07:39sur des marchés qu'on s'interdit de traiter,
07:44je pense au Mercosur, à l'Amérique latine.
07:46Il faut qu'on accélère sur les Philippines,
07:48la Malaisie, l'Indonésie.
07:50Il faut qu'à l'intérieur même de l'Europe,
07:51on fasse encore baisser un certain nombre
07:53de barrières douanières,
07:55réglementaires plutôt.
07:57Voilà, on a les moyens de soutenir l'économie,
08:00mais il faut vraiment accélérer.
08:01Et puis, il y a la simplification.
08:03Là aussi, l'Europe a avancé un petit peu.
08:05Il faut qu'elle accélère fortement.
08:07C'est le moment où jamais, à toute chose, malheureusement.
08:08Tout le monde parle, vous savez, sur RTL.
08:10Hier, à votre place,
08:11c'était le secrétaire national du Parti communiste,
08:13Fabien Roussel.
08:13Lui, il disait,
08:14si des entreprises délocalisent
08:15ou maintiennent des investissements,
08:16il faudra réquisitionner ces entreprises.
08:20Je ne sais pas si vous l'avez entendu sur RTL.
08:21Réquisitionner, d'abord,
08:22je ne crois pas que le droit le permette,
08:24en tout cas de manière générale.
08:26Ça veut dire nationaliser.
08:27Exactement.
08:28Même principe, même punition.
08:29Il n'y a plus un sou dans les caisses.
08:30Qu'est-ce que vous voulez qu'on aille nationaliser des entreprises ?
08:33Et puis, cette politique de sanction,
08:34ce n'est évidemment pas la bonne formule.
08:36C'est des slogans.
08:37Moi, j'ai beaucoup de respect pour Fabien Roussel,
08:39mais en l'occurrence,
08:40je ne pense pas que sa solution,
08:43d'abord, il la croit réellement
08:44et qu'ensuite, elle soit réaliste.
08:46Un mot sur ce conclave sur les retraites
08:48lancée par François Bayrou à la demande du PS
08:51avec tous les partenaires sociaux.
08:52Certains sont partis, comme la CGT, Force Ouvrière.
08:54Vous, vous y êtes toujours.
08:54Est-ce que vous y restez dans ce conclave ?
08:57Est-ce qu'il est moribond ?
08:58Ou est-ce qu'il y a encore un espoir
08:59qu'il aboutisse à quelque chose ?
09:00Écoutez, on a rappelé hier assez fermement
09:02par un communiqué
09:03qu'il fallait commencer par le commencement
09:06s'il faut d'abord qu'on s'accorde
09:08sur l'équilibre financier.
09:09Il y a d'autres sujets
09:10qui doivent être traités
09:12dans le cadre du conclave
09:13si le sujet de l'équilibre financier
09:15n'est pas traité entre les partenaires sociaux.
09:17Vous voulez entendre le mot,
09:18l'objectif numéro un,
09:19c'est d'être à l'équilibre.
09:20Bien sûr.
09:20Recette-dépense sur le système.
09:21Pour l'instant, ce n'est pas le cas.
09:22Ce n'est pas l'objectif des syndicats.
09:24Alors, les syndicats,
09:26un peu du bout des lèvres,
09:27ont fini par convenir
09:28qu'effectivement, c'était un objectif.
09:29C'est dans la lettre de cadrage.
09:30Mais tout ça n'est pas l'essentiel.
09:32L'essentiel, c'est que l'état
09:32de nos finances publiques
09:33et l'état du pays
09:34et la situation économique
09:36imposent qu'on équilibre
09:37le plus vite possible
09:38nos régimes sociaux
09:39d'une manière générale,
09:40les retraites en particulier.
09:41Pour qui ?
09:41Pour les retraités.
09:42D'un mot, est-ce que vous pouvez
09:43claquer la porte de ce conclave ?
09:45Clairement.
09:45Non, on ne claquera pas la porte.
09:46C'est dans la feuille de route.
09:47S'il n'y a pas d'accord
09:48sur l'équilibre financier,
09:49ça veut dire que le conclave
09:50se sera vidé de sa substance.
09:51Donc, on ne fera pas un clash,
09:52ça ne sera pas grandiloquent,
09:53ça sera un état de fait.