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Le procès lié à l’affaire des faux sièges du XVIIIᵉ siècle, impliquant Bill Pallot, expert en mobilier ancien, et Bruno Desnoues, maître ébéniste, vient de s’achever. Des pièces contrefaites ont été vendues comme authentiques à de prestigieux acquéreurs, dont le château de Versailles et la famille Al-Thani. Au-delà de la fraude, cette affaire met en lumière les enjeux de traçabilité et de conformité, ainsi que le rôle déterminant de Tracfin dans la détection des opérations suspectes.

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Transcription
00:00Ils ont dû payer le château de Versailles, la famille Guéran Hermès ou encore la prestigieuse famille Altani.
00:09Le procès des faux sièges du 18e siècle vint de s'achever et pour comprendre comment cette affaire a été démantelée
00:15et surtout comment prévenir de telles dérives, nous recevons Solène Clément qui est avocate experte en lutte anti-blanchiment
00:21et présidente de l'OLAB. Merci beaucoup d'être avec nous.
00:24Est-ce que tout d'abord vous pouvez revenir sur les faits et nous donner quelques éléments sur les sanctions qui ont été requises
00:30même si les résultats tomberont le 11 juin prochain ?
00:34Alors les faits finalement ils sont assez simples. On a affaire à des personnes de très grande qualité, de très grande compétence
00:41qui ont proposé à la vente à plusieurs personnes et notamment le château de Versailles des meubles qu'ils ont présentés comme authentiques
00:47alors qu'ils étaient en réalité d'authentiques faux. Et le fait d'avoir trompé le château de Versailles dans cette acquisition
00:54c'est ça qui a déclenché les investigations et qui leur a valu le renvoi devant le tribunal correctionnel
01:01qui à ma connaissance a conduit le procureur à requérir tant des peines de prison, de prison ferme, de prison avec sursis
01:10et des peines d'amende. Et il est précisé que certains des protagonistes de cette affaire ont d'ailleurs effectué plusieurs mois de détention provisoire
01:19ce qui est un élément assez important de privation de liberté.
01:24Oui. Et comment est-ce que cette fraude a été détectée ? Quel rôle a joué Traquefin dans cette histoire ?
01:31Oui. Il semblerait effectivement que Traquefin, durant l'année 2014, a été informé ou en tout cas a pu détecter des flux financiers incohérents
01:41notamment sur des acquisitions immobilières d'un couple qui présentait finalement des revenus assez modestes
01:47et qui était en capacité de faire des acquisitions immobilières qui ne paraissaient pas cohérentes.
01:53Et en poussant l'investigation, les équipes ont pu du coup s'apercevoir qu'elles étaient en lien avec ces faussaires
02:00et a priori c'est comme cela que l'histoire a commencé.
02:02Voilà. Et après on a remonté toute la chaîne. Donc ça, ça a eu lieu entre 2008 et 2015.
02:08Est-ce qu'aujourd'hui il y a des éléments qui sont nouveaux en termes de réglementation ?
02:14Est-ce que tout cela aurait pu être fait, réalisé aujourd'hui ?
02:19C'est une bonne question. Finalement la question que vous posez, elle pose la question de l'efficacité du droit pénal
02:25dans la prévention et dans sa visée préventive.
02:28Moi je rappellerais quand même que ça n'est pas la nature du droit pénal,
02:32que le droit pénal est là pour punir les personnes qui brisent le pacte social.
02:37Espérer que ça soit de la prévention, bien évidemment on assigne au droit pénal cette notion-là.
02:44Mais aujourd'hui il faut bien voir qu'on a affaire à des protagonistes qui, par jeu initialement,
02:50en tout cas ont activement eu l'intention de tromper leurs clients.
02:54Donc comment prévenir finalement ce désir de tromper l'autre ?
02:58C'est une grande question.
03:00Aujourd'hui il y a quand même toute cette notion sur la provenance.
03:03Et d'ailleurs c'est un élément qui m'a paru extrêmement important en regardant les débats.
03:07C'est-à-dire qu'a priori dans l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel,
03:10le juge d'instruction a reproché à l'une des galeries et l'un des galeristes
03:14d'avoir été négligents dans l'origine avant de vendre à des marges qui sembleraient sont qualifiées de faramineuses.
03:22Mais finalement c'est ça pour moi le cœur de l'enjeu.
03:25C'est à quel moment ce qu'on va appeler la négligence peut basculer dans le champ pénal.
03:30Et il faudra quand même rester extrêmement vigilant à ne pas faire de la négligence
03:36un élément à part entière et unique d'une certaine infraction
03:40parce que ça n'est pas conforme à l'état de droit.
03:42Le terme de négligence c'est quand même celui qu'on utilise d'autant plus depuis 2-3 ans
03:48qu'on fait de la vulgarisation sur la lutte anti-blanchiment.
03:51C'est cette négligence peut-être qui en tout cas certaines personnes auraient pu être moins, en tout cas plus alertes.
03:59Absolument. Il faut en effet rappeler que le marché de l'art est soumis aux obligations de prévention de la lutte anti-blanchiment
04:04qui leur imposent de faire leur cartographie des risques et d'identifier correctement, précisément
04:09l'origine des objets qu'ils sont amenés à vendre, qui sont leurs clients, d'où vient leur argent.
04:15Et d'ailleurs dans ce dossier, on peut s'interroger, l'agent immobilier qui a fait les acquisitions,
04:19le notaire ou la banque, ils auraient dû dans leurs obligations, et c'est sûrement eux d'ailleurs
04:24qui ont dû mettre la puce à l'oreille à traque fin, transmettre l'information sur l'incohérence.
04:28Et ces mêmes niveaux d'obligations, elles pèsent sur le marché de l'art.
04:31Et aujourd'hui, il y a donc un mouvement qui tend à faire de, peut-être une absence ou une absence complète
04:38de mise en oeuvre des obligations de vigilance, un élément de négligence, et donc d'avoir un pied dans le droit pénal.
04:43Il faut faire attention, ça reste quand même deux dispositifs bien séparés, un la prévention, deux la répression.
04:50Et c'est l'intention qui fait la différence.
04:54Merci beaucoup Solène Clément. Je rappelle que vous êtes avocate experte en lutte anti-blanchiment
04:58et présidente d'OLAB. Et tout de suite, place à l'interview de la semaine.

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