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  • 02/04/2025
Mercredi 2 avril 2025, retrouvez Olivier Meier (Professeur des universités) dans PÉRIODE D'ESSAIS, une émission présentée par Cem Algul.

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Transcription
00:00Générique
00:08Vous regardez Période d'essai, j'ai le plaisir de recevoir Olivier Meilleur.
00:11Olivier, bonjour.
00:12Bonjour.
00:12Vous êtes professeur des universités et président fondateur de l'Observatoire ASAP.
00:17Et vous êtes également l'auteur, le co-auteur, avec Michel Barabel et Antoine Poincaré,
00:22de Green RH, quand la fonction RH fait sa révolution verte aux éditions d'UNO.
00:27Alors Olivier, est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi la fonction RH est un levier essentiel face au défi climatique ?
00:34C'est un levier essentiel parce que cette fonction, qui a souvent été étudiée et analysée,
00:40peut avoir, en tout cas c'est le constat qu'on s'est fait avec mes co-auteurs,
00:44un rôle fondamental sur la dimension écologique et environnementale.
00:51Tout d'abord sur une dimension clé en termes d'effet de levier qui est naturellement la GPEC,
00:56la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences,
01:00où la DRH peut pouvoir en fait influer sur l'évolution des compétences, des métiers, des fonctions de l'entreprise,
01:08et donc avoir un rôle clé demain pour préparer l'entreprise dans les enjeux futurs.
01:13Il y a une deuxième dimension non négligeable qui est au cœur souvent de la fonction RH,
01:19c'est tout ce qui est, sont les programmes de formation et de sensibilisation.
01:24Ça nous semble aujourd'hui important de sensibiliser et de former les collaborateurs,
01:30ceux en place mais ceux aussi qui arrivent, pour avoir aussi une culture partagée
01:34et avoir un sens de l'engagement sur ces questions.
01:39Mais il y a pour nous une dimension fondamentale de la DRH par rapport à ces questions,
01:46c'est tout ce qui concerne les systèmes d'évaluation et de récompense,
01:50où on considère que traditionnellement les critères classiques de productivité, de rentabilité et d'efficacité sont importants,
01:58on ne les remet pas en cause naturellement, mais qu'il faut peut-être aussi intégrer d'autres critères,
02:04je pense ici naturellement aux critères ESG, aux objectifs environnementaux,
02:08dans la manière peut-être d'apprécier, d'évaluer et peut-être demain de promouvoir et de soutenir
02:14un certain nombre de collaborateurs dans la gestion de leur carrière.
02:18La DRH, on le voit aussi, a un rôle aussi de catalyseur dans une logique, par exemple, bottom-up,
02:24elle peut en fait initier, insuffler, impulser de nouvelles initiatives, de nouvelles actions,
02:30dans une logique d'entreprenariat vert par exemple, des challenges, des concours, des hackathons,
02:36qui peuvent créer aussi une dynamique collective au service de l'environnement.
02:41Mais l'élément sur lequel je travaille actuellement, qui me semble important,
02:46c'est à la fois naturellement sur les politiques de recrutement pour essayer d'identifier des profits nouveaux,
02:53beaucoup plus engagés sur la cause écologique, environnementale,
02:58et qui pourraient donner un nouveau souffle aux organisations.
03:01Et un élément où je pense que c'est certainement l'avenir, c'est d'essayer de repérer des champions du climat,
03:09et d'essayer de les positionner dans des instances de décision ou de système de gouvernance de l'entreprise.
03:16Alors on pense naturellement aux instances éthiques, aux comités éthiques, aux comités RSE,
03:22mais je pense qu'il faut même aller plus loin et les positionner progressivement dans les instances de décision et les modes de gouvernance.
03:29Alors, vous l'avez évoqué rapidement, mais est-ce que vous pouvez nous parler des actions,
03:33des initiatives au service du greenerage et de la cause écologique en entreprise ?
03:37Oui. Alors là, il y a des vraies tendances, Jem, qui sont marquantes, qui n'existaient pas forcément il y a encore une vingtaine d'années,
03:44et qui sont, je pense, positives.
03:47Il y a une notion, en tant que journaliste vous en avez naturellement entendu parler,
03:53c'est la notion déjà de job crafting, si c'est une démarche plus personnelle,
03:58à mon avis en lien avec les jeunes générations,
04:00qui consiste en fait à modeler ou façonner progressivement son poste, sa fonction, son travail, en fonction de ses aspirations et de ses préférences.
04:09Donc c'est une démarche spontanée et personnelle, en lien avec les systèmes de valeur des individus,
04:16et je pense que les entreprises doivent de très près porter une attention particulière à cette tendance,
04:21si elles veulent garder de main les jeunes générations dans leur entreprise.
04:26Il y a une deuxième évolution que je trouve vraiment intéressante,
04:30c'est ce qu'on appelle les transféreurs, c'est-à-dire des profils de personnes qui,
04:34au-delà de leur activité professionnelle, veulent expérimenter un certain nombre de choses
04:40dans leur espace intime, leur espace amical ou domestique,
04:44par exemple jardinage, potager, rapport à la nature,
04:48ou bien sûr des gestes citoyens par rapport au phénomène du plastique, des déchets,
04:54et ont une volonté réelle, même si elle se fait de manière spontanée,
04:59de transmettre, d'où le côté transféré, leur expérience, leur réalisation personnelle,
05:07à un certain nombre de collègues de l'entreprise, et diffuser finalement leur savoir et leur expérience.
05:12Je pense qu'il ne faut pas négliger cette tendance.
05:15Il y a une tendance aujourd'hui plus formalisée, alors là très positive,
05:19c'est ce qu'on appelle les collectifs des salariés, où on a vu...
05:22Alors là, la différence avec les deux tendances que je vous ai données précédemment,
05:26c'est que ce sont des tendances, cette fois organisées et collectives,
05:29et souvent en lien avec la direction de l'entreprise.
05:32Donc c'est beaucoup plus formalisé, mais visiblement ça a des effets notables,
05:37de changements profonds, des pratiques, des comportements.
05:40J'ai deux exemples en tête qui m'ont marqué, c'est par exemple dans une belle entreprise qui s'appelle EDF,
05:45où par exemple à Marseille, des collectifs de salariés ont eu un rôle important dans la suppression des gobelets,
05:52pour en fait veiller à une meilleure gestion de l'environnement.
05:58Mais il y a eu aussi sur un site à Lyon, une volonté par exemple de réparer les vélos,
06:04dans une logique de mobilité durable.
06:05Donc vous voyez, c'est des choses simples, mais qui peuvent avoir une incidence notable et structurante
06:09sur l'entreprise et sur les individus.
06:12Et il y a un élément même dans une belle entreprise de type technologique, type d'assaut système,
06:18et là même, il y a des collectifs de salariés intéressants
06:21qui ont voulu mettre en place des fresques du climat, intéressants au regard du secteur et de l'entreprise,
06:26mais aussi poser des vraies questions, comme la pollution numérique par exemple,
06:31et essayer de voir comment on pouvait traiter ce sujet.
06:33Donc c'est quand même des tendances intéressantes.
06:35Il y a naturellement des tendances plus classiques, là je ne vais pas prolonger là-dessus,
06:39c'est une question de formation, de sensibilisation.
06:42Je voudrais simplement insister sur un dernier point,
06:45qui est une tendance cette fois institutionnelle, mais que je trouve particulièrement intéressante.
06:50C'est une tendance aujourd'hui des organisations à considérer le salarié comme un ambassadeur,
06:57c'est-à-dire qu'au-delà des murs de l'entreprise,
07:00de véhiculer un certain nombre de valeurs, d'orientation et d'engagement.
07:05C'est typiquement le cas de l'entreprise Patagonia, que vous devez connaître dans le secteur des vêtements,
07:10qui encourage leurs salariés et leurs collaborateurs à participer à des ONG.
07:15C'est intéressant aussi comme tendance.
07:17Mais aussi dans une logique de co-construction, en les impliquant plus qu'auparavant
07:22dans leur processus de recrutement ou d'intégration des nouveaux arrivants.
07:27On voit par ces différentes tendances green RH des nouveaux effets de levier
07:32au service des entreprises et des collaborateurs.
07:34Là, vous évoquez l'aspect humain, mais vous mentionnez aussi la nécessité de transformer radicalement les modèles économiques.
07:41Quelles sont les résistances que vous observez au sein des organisations ?
07:45Il y a une résistance classique, qui est clairement de rester attaché à un modèle capitaliste traditionnel de type actionnarial,
07:55basé sur une logique de création de valeurs à base de rendements financiers,
08:00et où finalement l'interlocuteur unique est souvent l'actionnaire,
08:05et où le seul horizon temporel est souvent le court terme.
08:10Il y a un élément plus managérial, mais qu'il ne faut pas négliger,
08:14c'est que tout changement, à fortiori lorsque ça demande des réformes profondes,
08:21modifie les sources de légitimité et modifie ou redistribue les cartes de pouvoir.
08:27Vous voyez qu'une organisation qui est basée avant tout sur des performances économiques et financières
08:34par rapport à des performances extra-financières,
08:37avait tendance à privilégier la direction administrative et financière,
08:42la direction industrielle, la direction de production,
08:46et que les aspects plus environnementaux, écologiques ou sociétaux
08:51pouvaient apparaître au mieux comme de la communication, ou au pire, marginal.
08:56Et votre question soulève un point qui me semble fondamental,
09:01je ne dis pas qu'elle est évidente,
09:03mais je me demande si le vrai problème, pour ceux qui sont vraiment engagés sur la cause écologique,
09:10c'est qu'on a souvent abordé ça, peut-être à tort, sur une dimension morale.
09:15Elle peut se concevoir, mais elle peut avoir tendance à caricaturer le message.
09:23On peut aussi aborder ça sous l'angle philosophique, certes c'est intéressant,
09:29voire même sous l'angle scientifique,
09:31mais une entreprise, ça reste un modèle de production et un modèle économique,
09:35et peut-être la vraie résistance, pour répondre à votre question,
09:38vient du fait que parfois, les initiatives, même de grande qualité,
09:44manquent de crédibilité économique,
09:46notamment vis-à-vis des interlocuteurs sceptiques,
09:49et que le vrai enjeu peut-être demain,
09:52c'est de réussir à concilier une vraie réflexion en termes d'engagement social, sociétal et écologique,
09:58mais avec des arguments plus économiques et financiers.
10:02Vous consacrez un chapitre à la marque employeur,
10:05et à l'attraction des talents via des pratiques durables,
10:08quels sont les avantages concrets pour les entreprises ?
10:11Les avantages concrets, c'est clairement d'attirer et de motiver de nouveaux profils de collaborateurs,
10:19je pense notamment à des jeunes générations,
10:21qui clairement ont intégré dans leur vie personnelle,
10:25que l'entreprise n'était pas l'alpha et l'oméga,
10:29n'était pas forcément au cœur de leur vie personnelle et professionnelle,
10:34et au cœur de leur engagement.
10:36Et que si vraiment les entreprises souhaitent naturellement attirer des jeunes talents,
10:43mais aussi les fidéliser,
10:44parce que c'est quand même un argument important,
10:46elles, ces entreprises, ont vraiment intérêt à mettre en place des systèmes
10:51où les valeurs, les préférences et les engagements sociaux et sociétaux
10:56et environnementaux des collaborateurs sont pris en compte.
11:00Et je suis vraiment marqué, même en tant que professeur,
11:05quand j'interroge aujourd'hui des étudiants,
11:06vous voyez, James, je suis amené souvent à faire par mon métier des diagnostics stratégiques,
11:12où du coup les questions écologiques et environnementales sont posées,
11:17et je vois vraiment de la part des étudiants
11:21que c'est une réflexion profonde et ancrée en eux,
11:25et que véritablement, ce que des journalistes disaient dans leurs écrits réels,
11:31c'est que le jugement des entreprises
11:34ira bien au-delà des phénomènes de notoriété, réputation, chiffre d'affaires,
11:39mais passera fortement sur des logiques d'engagement citoyen,
11:44et je suis vraiment fortement sensibilisé par ces jeunes générations
11:49qui même m'ont interpellé sur ces questions,
11:52tellement en fait c'était au cœur presque de leur projet de vie.
11:55Donc je pense que les entreprises ont intérêt vraiment
11:57à prendre en compte ces orientations,
12:00et les catastrophes naturelles qui ont eu lieu ici et là
12:03n'ont fait que raviver en fait cette prise de conscience.
12:06Vous écoutez, on comprend qu'il y a aussi un enjeu d'éducation, finalement.
12:10Exactement, je pense que là ça pose la vraie question,
12:15a fortiori qu'on est dans des disciplines en sciences de gestion,
12:18d'aller bien au-delà des formations classiques, traditionnelles,
12:23de type logico-rationnel, qui sont naturellement importantes,
12:26finance, comptabilité et autres, économie,
12:29et de prendre en compte de plus en plus des cursus
12:32qui intègrent les questions de responsabilité sociale et sociétale,
12:36qui intègrent aussi une ouverture et une sensibilisation sur les questions climatiques,
12:41et qui essayent de plus en plus de privilégier la transversalité,
12:45d'éviter en fait des approches purement cloisonnées en termes de discipline.
12:50C'est pour ça, et vous l'avez certainement constaté en tant que journaliste,
12:54qu'on voit apparaître de plus en plus le développement de projets transversaux
12:59qui allient différentes disciplines,
13:01et on encourage de plus en plus les étudiants à aller sur le terrain.
13:05La question sur laquelle j'aimerais qu'on revienne,
13:06qui est celle de leadership éco-centrique, qui est centrale dans votre réflexion,
13:11est-ce que vous pouvez nous préciser ce que revêt cette expression à vos yeux,
13:16et quelles sont les compétences clés que le type de leader qu'elle désigne doit posséder ?
13:21C'est une notion fondamentale, me semble-t-il, pour les organisations de demain.
13:27On pourrait définir finalement le leadership éco-centrique
13:31comme une forme de management orientée vers la réalité du terrain, vers des faits,
13:37et surtout qui considère l'environnement non pas comme une contrainte,
13:41mais comme une force à la fois dynamique et essentielle,
13:46au service à la fois du développement durable,
13:49mais aussi de l'innovation collective et organisationnelle.
13:53Et ce mode de management a comme caractéristique
13:57de se soucier plus qu'auparavant de la gestion des parties prenantes,
14:02et non simplement et uniquement des actionnaires,
14:06en prenant notamment en compte sur le volet interne les collaborateurs et les salariés,
14:13et sur le volet extérieur aussi l'opinion publique et la société civile,
14:19et de manière plus générale les différents acteurs
14:23qui participent en fait à la chaîne de valeur économique et industrielle.
14:28C'est un management pour moi qui s'appuie sur un mode de comportement
14:31autour du triptyque suivant, une forte humilité,
14:37une honnêteté, on y reviendra dans les discours et les actions,
14:40et aussi une forme de flexibilité qui me semble aujourd'hui essentielle
14:44au regard du contexte évolutif.
14:48C'est un management qui est fondé aussi sur une pensée,
14:52on en a parlé tout à l'heure par rapport au phénomène d'approche cloisonnée,
14:56sur une pensée systémique,
14:57c'est-à-dire qui permet d'établir des liens et des ponts
15:00entre les différentes activités et fonctions de l'entreprise.
15:04Je pense que c'est ça qui a conduit pendant très longtemps
15:06à marginaliser la question environnementale,
15:09parce qu'on raisonnait que par fonction, que par silo.
15:12Donc une pensée systémique et une pensée aussi holistique
15:16qui deviendra essentielle pour tout manager stratège,
15:20c'est de prendre en compte et d'apprécier et de mesurer
15:23toute décision et action par rapport à l'environnement.
15:26Donc c'est cette capacité à se projeter dans le futur
15:31au nom d'une notion de développement durable.
15:34Et si on devait résumer en un mot le leadership éco-centrique,
15:38pour moi c'est agir proche en termes de réalisation et de synergie,
15:43mais voir loin en termes de projection, de planification,
15:48de façon à la fois engagée et responsable.
15:51Olivier, vous affirmez que « every job is a green job ».
15:54Comment est-ce que cela redéfinit les parcours de carrière
15:57et la planification stratégique des ressources humaines ?
16:01Pendant très longtemps, la gestion de carrière
16:03était dans un processus assez formalisé,
16:07formaté et assez prévisible, de manière séquentielle et linéaire.
16:11On savait qu'il y avait des notions de temps de grade,
16:15que chaque étape amenait à une autre étape,
16:18et on pouvait presque dresser son parcours,
16:22sa trajectoire professionnelle.
16:24Je pense que les chocs climatiques,
16:27environnementaux changent totalement la donne
16:30et vont nécessiter le fait que les entreprises
16:34vont devoir faire en sorte que leurs collaborateurs et salariés
16:38aient la possibilité de faire beaucoup plus d'expérience
16:43au sein de leur organisation ou en dehors de l'organisation
16:46pour se confronter au réel,
16:48pour se confronter à la réalité du terrain,
16:51avec finalement des parcours
16:53qui pourront être beaucoup plus riches et diversifiés,
16:57beaucoup moins logiques d'un point de vue fonctionnel.
17:00Et moi, ce que je vois dans cette idée
17:02que chaque travail, demain, ou chaque poste
17:06puisse être, demain, orienté vers,
17:08c'est qu'on peut même penser, demain,
17:11qu'on verra des collaborateurs partir de l'entreprise,
17:14avoir des expériences émotionnelles, d'engagement très fort,
17:19en lien souvent avec l'environnement, la cause sociale, sociétale et écologique,
17:24et reviendront enrichis dans leur entreprise,
17:27je crois, de moins en moins, à des parcours formalisés.
17:31Ça ne veut pas dire que le collaborateur quittera définitivement l'entreprise,
17:36mais je pense qu'il y aura des moments
17:39où le collaborateur partira de son entreprise
17:43pour apprendre autre chose,
17:46notamment sur les questions thématiques environnementales,
17:49avec des expériences de vécu,
17:51et réussira dans le modèle transféreur que j'évoquais tout à l'heure,
17:56pourra valoriser ses expériences dans l'organisation.
18:01Olivier, si on reste sur cette perspective future,
18:04quelles sont les compétences RAH manageriales
18:06qui permettront demain à chaque individu
18:09de se mettre au service de la cause environnementale ?
18:12Alors, ma réponse va éventuellement vous surprendre,
18:15en tout cas, les premiers mots,
18:18parce que je vais parler de compétences, tout de suite, économiques et financières.
18:21Pourquoi je disais ça ?
18:22Ça revient à notre conversation sur la crédibilité économique.
18:27Étant soucieux des questions environnementales et sociétales,
18:33je suis profondément convaincu que les partisans de cette cause
18:38ne peuvent pas être simplement assimilés à des philosophes,
18:42à des militants ou même à des scientifiques de très haut niveau.
18:46Je pense que ça doit être aussi des acteurs économiques de la société,
18:50au sens générique du terme.
18:52Et donc, toute personne engagée sur des questions climatiques et environnementales
18:57doit aussi avoir une compétence économique et financière.
19:01Et je vais vous donner une illustration, si vous voulez bien,
19:04qui m'a particulièrement marqué.
19:07Il s'avère que j'ai pas mal travaillé dans le secteur de l'automobile.
19:12Et vous allez voir où je veux en venir,
19:14entre les stratégies des constructeurs européens,
19:16qui pourtant avaient un discours très noble et beau
19:19sur les questions environnementales.
19:21Et souvenez-vous que pendant très longtemps,
19:24on accusait nos amis chinois d'être très peu réceptifs ou sensibles à ces questions.
19:30Et on s'aperçoit aujourd'hui, à mon grand étonnement,
19:34que nos grands constructeurs européens ont du retard
19:37sur les questions environnementales et écologiques,
19:40pas dans les discours, mais dans les actes,
19:43avec éventuellement certains scandales récents.
19:47Je pense à une belle marque allemande qui commence par un W.
19:51Et parallèlement à cela, curieusement,
19:55des marques chinoises comme BID
19:59s'avèrent être très performantes sur les véhicules électriques.
20:04Et j'ai essayé de comprendre pourquoi.
20:06Et je pense que la Chine a abordé la question écologique et environnementale
20:14aussi sous un angle concurrentiel, stratégique et économique,
20:18avec des caractéristiques très distinctives.
20:21Tout d'abord, une ouverture à la flexibilité réglementaire,
20:27une logique très pragmatique basée sur une approche itérative
20:32où chaque étape de franchie est une étape importante,
20:37une démarche qui se veut tout de suite volontariste et ambitieuse
20:44sur une stratégie de masse,
20:46et donc qui ont conduit au résultat que l'on connaît actuellement
20:52pour cette marque chinoise.
20:55Et moi, je crois que la dimension économique et stratégique
21:00doit être prise en compte,
21:01et que donc des DRH devront prendre en compte ces éléments.
21:05Premier type de compétences.
21:06Il y a un deuxième type de compétences qui est naturel,
21:08qui sont naturellement les compétences en RSE et mobilité durable.
21:12Et là, je voudrais insister sur un point
21:15qui était peu associé à la fonction RH et qui va devenir fondamentale,
21:20c'est tout ce qui concerne la logistique verte
21:23et les notions de mobilité et de déplacement.
21:26Je pense qu'à partir du moment où il y a mobilité et déplacement,
21:29il n'y a pas qu'une mobilité et déplacement en termes de marchandises,
21:32en termes de biens et produits,
21:34mais aussi en termes d'individus et de personnes.
21:36Et que sur cette question, la DRH, pour le coup,
21:40a un rôle très important à jouer
21:42dans la gestion des flux,
21:44dans le fait de promouvoir un certain type de transport.
21:49Je pense naturellement au transport collectif,
21:51je pense naturellement au transport écoresponsable,
21:53la marche, le vélo.
21:54Je pense naturellement au covoiturage.
21:57Ce sont des éléments importants,
21:59surtout que dans la DRH,
22:01même sur les questions environnementales ou climatiques,
22:04on oublie une notion qui est au cœur de son ADN,
22:06qui est le bien-être,
22:08qui est la santé mentale et la santé physique,
22:10qui est naturellement corrélée à la cause environnementale et écologique,
22:14où là, la DRH a un rôle essentiel et fondamental à jouer.
22:18Il y a une autre notion,
22:20qui était déjà visible il y a une dizaine d'années,
22:23mais qui va ne faire que s'accentuer,
22:25c'est une compétence juridique.
22:27Une bonne maîtrise des normes réglementaires,
22:29je pense naturellement aux normes ISO,
22:30mais au cadre juridique, au cadre réglementaire.
22:33Et voyez, par exemple, un exemple précis qui est le télétravail,
22:38qui a d'ailleurs des incidences qui peuvent être positives
22:41sur les questions écologiques, environnementales,
22:43empreintes carbone et autres,
22:44on voit bien qu'il y a aussi une dimension réglementaire.
22:47On voit d'ailleurs que la DRH, du coup, est une belle fonction,
22:51noble, et qu'elle est vraiment stratégique de ce point de vue-là.
22:54Autre élément, on en a un peu parlé tout à l'heure,
22:57je pense que la DRH devra aussi sortir de ses frontières de l'entreprise,
23:02et adopter de plus en plus des compétences relationnelles,
23:06multi-acteurs et multi-niveaux.
23:09Donc, quand je dis multi-acteurs, il y a d'un côté le volet,
23:12par exemple, ONG, association.
23:14Il y a aussi le côté politique, qui est important,
23:19et le côté acteur économique.
23:21Donc, on voit bien qu'on ne peut pas séparer ces différents acteurs.
23:26Naturellement, leurs intérêts sont souvent différents,
23:29voire malheureusement parfois contradictoires,
23:32mais je pense que le rôle d'acteur clé sur des questions fondamentales
23:37qui concernent notre avenir à tous, et à ceux de nos jeunes,
23:40doit passer par une capacité à faire converger ces différents intérêts.
23:45Suite aux élections américaines, on a beaucoup parlé,
23:48notamment en France, je pense à Stéphane Séjourné,
23:50de cette flexibilité administrative que vous évoquez.
23:53Qu'est-ce que vous, vous en pensez, notamment concernant la CSRD ?
23:57On a beaucoup parlé d'alléger les règles.
23:58Est-ce que vous pensez que c'est une bonne idée ?
24:00C'est toujours la même chose, et c'est malheureux à dire.
24:04On pourrait considérer au départ que ça part d'un bon sentiment.
24:08Le mot « simplification » n'est pas un gros mot.
24:11Le mot « alléger » semble noble et intéressant.
24:15La notion de souplesse et de flexibilité
24:18apparaissent même des qualités fondamentales d'un bon management.
24:21Mais quand on voit la réalité des faits, c'est là où ça pose question,
24:25c'est que le contenu a pratiquement disparu.
24:30Il y a une notion clé quand on parle de compétence,
24:33on y reviendra peut-être, c'est la notion d'exemplarité.
24:36Et c'est la notion de la parole donnée.
24:40Parce que moi, en regardant ce qui s'est passé et la décision qui a été prise,
24:45où j'ai été, je reconnais, assez surpris,
24:48c'est qu'est-ce qui advient des entreprises qui, elles, avaient joué le jeu ?
24:54Est-ce à dire que les entreprises qui étaient réticentes,
25:00qui avaient abordé cette nouvelle règle du jeu de manière cynique,
25:05voire conflictuelle, finalement sont les grandes gagnantes de l'histoire ?
25:10Et je pense, là encore, même si je veux admettre
25:15ou supposer que les politiques qui sont revenues dessus
25:20n'avaient pas que des mauvaises intentions,
25:23il faut voir en fait les conséquences de ces actes.
25:25Les conséquences de ces actes,
25:27c'est que les entreprises qui ont initié ce mouvement sont perdantes.
25:32Qu'est-ce qu'elles vont dire demain, alors aussi collaborateurs ?
25:34Je mesure qu'il y avait eu de la communication interne, mais aussi externe.
25:39Et qu'est-ce qui advient de la notion de cynisme ?
25:42Est-ce que le cynisme, est-ce que la peur, est-ce que la réticence
25:46sont les qualités fondamentales pour réussir dans le monde économique ?
25:52Donc c'est ça, moi, qui me gêne.
25:54C'est-à-dire que je pense, en tout cas je veux admettre cette hypothèse
25:59qu'il n'y a pas une volonté forcément négative de tout remettre en cause,
26:03mais peut-être que les politiques devraient prendre plus conscience
26:06de l'impact que ce peut avoir sur l'opinion publique et sur les entreprises,
26:12à fortiori celles qui, de manière délibérée,
26:15s'étaient engagées sur cette cause noble.
26:18Vous avez assez insisté sur le rôle très stratégique des RH.
26:22Si vous deviez leur donner un conseil pour initier
26:25une transition écologique ambitieuse et échapper au greenwashing,
26:30qu'est-ce que ce serait ?
26:31Alors pour moi, je suis très marqué par ça,
26:35parce qu'en plus ça repose sur une notion et un concept très fort
26:40qui est la notion d'hypocrisie organisationnelle.
26:43Je fais naturellement référence aux travaux de Niels Brunson
26:48et des travaux ont été faits notamment sur le cas Volkswagen.
26:52C'est dramatique.
26:54C'est-à-dire qu'on ne peut pas en permanence se moquer des gens.
26:58Le marketing, la communication, ce sont des effets de levier des moyens,
27:05ça ne doit pas être une finalité en soi.
27:10Et le bon mot, le bon discours, malheureusement on le voit souvent chez les politiques,
27:14le bon mot, le bon discours ne fait pas un grand politique.
27:18Et dans le même ordre d'idées, le bon mot, une communication séduisante,
27:24ne fait pas une stratégie et ne fait pas une entreprise citoyenne engagée et responsable.
27:32Et moi, dans ce cadre-là, je pense que la cohérence et l'exemplarité
27:37doivent être de mise et je peux comprendre que ça ne soit pas si évident que ça.
27:43Et moi, mon conseil que je donnerais, c'est mieux vaut faire peu mais bien
27:48que des grands discours éloquents mais qui finalement sont contredits par les faits.
27:54Les résultats et les conséquences sont désastreux pour l'entreprise et sa réputation,
27:59pour les collaborateurs, ils risquent d'avoir vraiment du désengagement,
28:03de la démotivation, voire des départs.
28:06Et à un moment donné, les entreprises seront, un jour ou l'autre, sanctionnées.
28:11Merci beaucoup d'avoir répondu à mon invitation.
28:13Je vous invite à vous procurer Green RH quand la fonction RH fait sa révolution verte
28:17aux éditions Duneau, Un Orage Collectif, d'Olivier Meilleur, Michel Barabel et Antoine Poincaré.
28:23Un grand merci à vous.

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