La CGT a annoncé quitter les concertations sur la réforme des retraites mercredi 19 mars. Pourtant, François Bayrou "continue à souhaiter" un "accord de progrès et d'équilibre financier". Denis Gravouil, négociateur de la CGT et Pierre Cazeneuve (Ensemble) ont échangé sur ce sujet ce jeudi.
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00:00Denis Graveau, il y a eu un petit débat au sein de la CGT ?
00:03Il y a eu un débat, parce qu'on consulte toujours nos instances de façon démocratique,
00:06mais enfin, le résultat est sans appel, c'est 98% pour sortir les propos de M. Beyrou ce dimanche.
00:13C'est vraiment un scandale, parce que ça se moque de nous, comme l'a dit Sophie.
00:17On est censé discuter de tout.
00:19Bien sûr, on savait que ce serait difficile.
00:21Bien sûr, on savait que dans un cadre où le retour au Parlement,
00:25M. le député, n'était même pas prévu de façon certaine.
00:28Mais là, on est arrivé au bout.
00:30On ne peut pas avoir toutes les semaines une barque chargée de plusieurs tonnes.
00:34Si je peux me permettre, vous n'êtes pas très adulte.
00:36Je reprends les mots de Marie Dizéon, la secrétaire générale de la CGT, qui disait...
00:40Alors certes, il y a l'âge qui est évidemment essentiel,
00:43mais il y a aussi d'autres sujets qui sont aussi importants.
00:46Bien sûr, il y a des sujets très importants qui devaient être abordés comme la pénibilité,
00:51les inégalités femmes-hommes, mais ces sujets-là sont directement liés au report de l'âge.
00:56Le report de l'âge de 62 à 64 ans, c'est la principale cause d'inégalités femmes-hommes.
01:00Il y a des femmes, par exemple, qui perdent le bénéfice de la majorisation de trimestre pour enfants
01:05parce qu'il y a le recul.
01:07La pénibilité, quand on se retrouve avec un facteur qui a été supprimé par Emmanuel Macron,
01:11par exemple, les vibrations, les gens qui manipulent un marteau-piqueur,
01:17déjà à 62 ans, c'est souvent impossible, et 64 ans, c'est encore pire.
01:21On a une personne sur sept qui part en incapacité, en invalidité.
01:24Donc oui, il y a des gros sujets.
01:25Mais si on ne peut pas discuter du principal problème qui est le recul de l'âge
01:28qui amène à ce qu'on est, ces problèmes, ce n'est plus possible.
01:32– Pierre Cazeneuve, est-ce que le conclave est mort ?
01:35– Je ne l'espère pas, et d'ailleurs, il y a un certain nombre de syndicats
01:37et de partenaires sociaux qui sont encore là.
01:39C'est vrai que je déplore le départ de la CGT.
01:43C'est toujours un échec quand des partenaires sociaux quittent la table des négociations.
01:48Comme vous l'avez dit, comme Maryse Léon l'a dit,
01:50il y a des sujets extrêmement importants qui restent à être abordés,
01:53sur la pénibilité, sur les carrières longues.
01:54– C'est bien qu'avec les propos de François Bayrou dimanche sur les 62 ans,
01:58il allait forcément braquer une partie des syndicats.
02:02– Oui, mais le seul tort de François Bayrou, c'est d'avoir dit la vérité.
02:05Je veux dire, il faut aussi se remettre dans les chiffres.
02:07On le sait très bien, malgré la réforme que nous avons passée en 2003.
02:10– Il a dit la vérité ou elle a trahi le contrat qui avait été fixé avec les syndicats,
02:13en dépit évidemment du contexte qu'on le sait évolué ?
02:16– Je pense que c'est important de ne pas prendre les Français de tout.
02:19C'était ça qui avait été écrit trois jours avant.
02:21– Ce n'est pas parce qu'on ne peut pas discuter de tout
02:23sans prendre les Français pour des jambons.
02:25Et quand on sait qu'il y a 15 milliards de déficit à l'horizon 2030,
02:28malgré la réforme des 64 ans, malgré le fait qu'on passe à 64 ans,
02:32on est encore à 15 milliards de déficit.
02:34Alors, pourquoi, comment mentir aux Français en disant qu'un retour à 62 ans est possible ?
02:39Donc, je pense que François Bayrou, le seul tort qu'il a eu, encore une fois,
02:43c'est de dire la vérité.
02:44Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas en discuter de cet âge de départ.
02:47Ça veut juste dire que si on a un constat réaliste,
02:48si on arrête de prendre les Français pour des perdreaux de l'année,
02:51eh bien, on n'essaie pas de leur faire croire qu'un possible retour en arrière est possible.
02:55Quand on regarde tout ce qui se passe chez nos voisins,
02:58des pays qui vont à 67 ans, 68, 70 ans, même pour le Danemark maintenant,
03:01on le sait très bien dans ce contexte budgétaire.
03:03– Mais il aurait pu le dire dans le conclave, pardonnez-moi,
03:06il aurait pu le dire dans le conclave plutôt qu'à l'extérieur un dimanche soir à la radio.
03:09– Oui, mais par ailleurs, dans le cadre qu'il a donné au conclave,
03:12c'était un retour à l'équilibre et dans un cadre financier qui reste le même.
03:20Donc, à partir du moment où vous avez un cadre financier qui reste le même,
03:22moi je suis prêt à prendre ma carte à la CGT si quelqu'un m'explique qu'à Iso-Périmètre,
03:27on est capable de revenir à 62 ans et à l'équilibre du système de retraite.
03:30– Juste, vous dites, il ne faut pas prendre les Français pour des jambons,
03:33vous les avez peut-être pris aussi pour les des jambons pendant la réforme Borne
03:36en leur expliquant que ça allait sauver le système de retraite.
03:38Ils découvrent aujourd'hui que le système n'est pas sauvé
03:39et qu'il va falloir faire une nouvelle réforme.
03:41Par ailleurs, votre réforme, elle repose uniquement sur les épaules des salariés,
03:44c'est le choix que vous avez fait,
03:45il y a d'autres leviers de financement que vous n'avez pas voulu actionner,
03:48c'est de cela dont on pouvait discuter, peut-être mettre à contribution les retraités,
03:51peut-être mettre à contribution les entreprises par le biais des cotisations,
03:54peut-être trouver d'autres modes de financement.
03:55– Les revenus financiers par exemple, qui ont explosé.
03:57Sur le premier point, très simple.
03:59– Vous nous l'avez vendu comme la réforme qui allait sauver le système.
04:01– Ça a quand même un peu amélioré les choses,
04:03si il n'y avait pas la réforme des retraites, on ne serait pas à 15,
04:04on serait à 35 milliards de déficit en 2030, donc on allait quand même dans le bon sens.
04:08– Non, non, c'est le répertoire.
04:10Et on voit bien que ce n'était pas suffisant,
04:12et c'est aussi des discussions qu'on a pu avoir sur tout un tas de sujets
04:14qui a fait qu'elle était un peu moins ambitieuse finalement.
04:16Après sur les autres, moi je suis parfaitement d'accord,
04:18trouver une personnalité politique de n'importe quel autre groupe
04:21qui vient assumer ici sur votre plateau qu'il est d'accord
04:24ou pour baisser les pensions des retraités, c'est de ça dont vous parlez,
04:26ou pour augmenter les cotisations sur les entreprises
04:29et donc impacter l'emploi et la compétitivité de l'entreprise.
04:31Je n'en ai jamais vu un, je ne vous prouve votre description,
04:35je n'en ai jamais vu un, oui on aurait pu avoir sur le conclave,
04:37mais je ne suis pas sûr que ce soit ça qui soit sorti.
04:38Est-ce qu'un conclave réduit ne limite pas la portée des discussions
04:42et des résultats qui vont découler ?
04:43Non, pas du tout, parce qu'on a bien vu dans des négociations ultérieures
04:47que les discussions peuvent se poursuivre même si la CGT n'est pas présente
04:51et rien ne dit non plus qu'une fois que les règles seront remises à plat,
04:57eh bien la CGT ne reviendra pas à la table des négociations.
05:01Si par exemple le Premier ministre donne le feu vert aux organisations syndicales
05:06dans le cadre d'un accord national interprofessionnel
05:10qui de fait permettrait ensuite de passer devant le Parlement,
05:14eh bien là ça voudrait dire que le Premier ministre redonne le pouvoir
05:18aux organisations syndicales et patronales et on l'a vu,
05:22il y a bien des exemples où à la dernière minute,
05:25eh bien syndicats et patronats arrivent à se mettre d'accord.
05:28Ou alors Pierre Cazeneuve, on donne la parole aux électeurs
05:32et on organise un référendum.
05:33Pour ou contre la réforme de l'année 2023 ?
05:36C'est une réforme extrêmement difficile.
05:39On a fait 90% d'opinion défavorable, on l'a fait beaucoup bousculer
05:43sur les marchés, mais moi je suis prêt à l'assumer.
05:46Je suis prêt parfaitement à l'assumer, même devant les Français,
05:48c'était dans le programme d'Emmanuel Macron quand il est élu président en 2022,
05:51c'était sur mon tract aux élections législatives encore une fois en 2024.
05:54Je n'ai aucun problème à l'assumer, il ne faut juste pas mentir aux Français
05:57sur ce qu'on peut ou ne peut pas faire avec l'âge de départ et la retraite.
05:59On n'est pas une île, quand tous les autres pays autour de nous
06:02décalent l'âge de départ, quand notre démographie est en berne
06:05et on le sait, quand notre productivité stagne,
06:07il n'y a pas d'autre choix que de travailler un peu plus longtemps.
06:09Gaëtan, est-ce qu'on va pouvoir discuter du coup sereinement
06:11des autres mesures très très concrètes ?
06:14Là, et d'ailleurs il y a des thèmes qui sont fixés,
06:16indépendamment de l'âge ?
06:18Oui, bien évidemment, puisqu'encore une fois,
06:20il y a plein de dossiers qui sont sur la table aujourd'hui.
06:23Denis Gravoux en parlait, la pénibilité, l'égalité salariale
06:27entre les hommes et les femmes, le financement de la protection sociale,
06:30puisque la CPME est d'accord pour ouvrir le dossier,
06:33la CFDT également.
06:35On le voit bien, de toute façon, il y a aujourd'hui la CFDT,
06:38la CFE-CGC, la CFTC, mais du côté patronal,
06:42on a encore le MEDEF et la CPME qui sont à la table des discussions.
06:47Le MEDEF ne veut pas quitter la table des négociations
06:51parce que justement, il veut montrer qu'il accepte la discussion.
06:56Encore faut-il, et d'ailleurs je pense que les propos de Marlise Léon
07:00étaient en direction du MEDEF parce que, pour le moment,
07:04ce dernier n'apporte que peu de solutions.