Lundi 10 mars 2025, SMART BOURSE reçoit Pierre-Yves Dugua (Correspondant américain)
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00:00Le dernier quart d'heure de Smartboard, chaque soir c'est le quart d'heure thématique
00:07et chaque lundi le thème c'est celui des Etats-Unis avec notre quart d'heure américain
00:11et nous retrouvons donc ce soir Pierre-Yves Dugas, correspondant américain, pour ce quart
00:16d'heure de début de semaine.
00:17Bonsoir Pierre-Yves, merci beaucoup d'être fidèle au Poste, ravi de vous retrouver.
00:22Les choses bougent très très vite, un sujet qui a été encore assez peu abordé je trouve
00:27au milieu du fracas des 50 premiers jours d'exercice du pouvoir de Donald Trump et
00:33de son administration, c'est la question de la loi de continuation budgétaire qui avait
00:38été votée en fin d'année dernière pour permettre au budget américain de continuer
00:42de s'exercer jusqu'au 14 mars minuit si je ne dis pas de bêtises.
00:47Pierre-Yves, c'est donc la semaine pour se poser la question de savoir si un nouveau
00:51shutdown est possible ?
00:53Alors c'est possible, c'est possible mais à mon avis ça n'est pas vraisemblable.
00:58Donald Trump a convoqué à la Maison-Blanche le Freedom Caucus, ils sont une grosse douzaine,
01:06ce sont les gens de la droite du parti républicain, à la chambre des représentants, et il leur
01:11a dit écoutez, si vous ne votez pas pour cette continuation, comment vous avez dit
01:16en français, je ne connaissais même pas le terme.
01:19Voilà, c'est des services votés en gros.
01:24Si vous ne votez pas pour ce paquet de 99 pages qui augmente très légèrement les
01:30dépenses militaires par rapport à l'année 2024 et réduit très légèrement les dépenses
01:36discrétionnaires non militaires par rapport à 2024, si vous ne votez pas pour ça, ce
01:42qui nous permettrait de respirer jusqu'au 30 septembre, un, nous les républicains nous
01:47allons passer pour des imbéciles et des amateurs et provoquer un shutdown qui ne
01:52va pas arranger nos affaires, deux, vous allez empêcher l'excellent Elon Musk de continuer
01:58de faire son métier, d'aller tailler soit à la hache soit au scalpel, ça dépend des
02:04jours, dans les dépenses qu'il considère comme la gamme J absolue à Washington.
02:10Troisièmement, vous allez créer une diversion malvenue, car le plus important pour nous
02:17républicains avec notre très faible marge de manœuvre puisqu'il n'y a que 218 républicains
02:24élus à la Chambre des représentants contre 214 démocrates pour le moment, vous allez
02:32tout ralentir sur le travail qui est vraiment important, celui de la reconduction des baisses
02:37d'impôts qui avaient été adoptées en 2017 lorsque j'étais déjà président,
02:42et le renforcement de la politique d'immigration, donc s'il vous plaît, messieurs les intransigeants,
02:48messieurs les super conservateurs, messieurs les orthodoxes de la fiscalité, soyez gentils,
02:55pas de dissensions, comme un seul homme, vous votez pour ce paquet de 99 pages, nous évitons
03:01le shutdown jusqu'au 30 septembre et on passe aux choses sérieuses.
03:06Les démocrates, naturellement, de l'autre côté, n'ont pas du tout l'intention de donner
03:11un coup de main aux républicains, mais ils ne voudraient pas porter le chapeau d'un shutdown,
03:16car leur bread and butter, leur fond électoral, c'est quand même aussi les dépenses publiques
03:29et la défense des fonctionnaires, et ça fait un mois qu'ils se présentent comme le parti
03:33qui veut empêcher Elon Musk de faire n'importe quoi, on voit bien comment il pourrait se faire
03:38taxer d'être responsable de la mise à pied, ne serait-ce que quelques jours, de fonctionnaires
03:43qui souvent sont obligés de continuer à travailler sans être payés.
03:46Je crois que Donald Trump a un des records sous sa première bandature du shutdown,
03:52l'un des shutdowns les plus longs, je crois, 35 jours, je crois.
03:55Effectivement, on l'avait beaucoup dit, ça sera catastrophique, les républicains
03:59le paieront très cher, l'AFP reprenant comme d'habitude, le Washington Post,
04:05en disant, oh là là, ça va provoquer une crise économique, rien du tout.
04:09Non, les impacts historiques, en tout cas des shutdowns, sont très limités sur la croissance.
04:14Après, les marchés peuvent monter, peuvent baisser pendant les périodes de shutdown,
04:17mais tout n'est pas lié non plus à la fermeture de ces services et de ces administrations américaines
04:23pendant une période donnée.
04:25A suivre donc quand même ce débat budgétaire et l'enjeu de cette loi budgétaire
04:31d'ici ce vendredi 14 mars à minuit, Pierre-Yves.
04:35Parmi les mystères également qui apparaissent 50 jours après l'installation de Donald Trump au pouvoir,
04:42c'est le problème qu'il a avec le Canada.
04:45Quel est le problème de Donald Trump avec le Canada, Pierre-Yves ?
04:48J'ai lu beaucoup les mystères de l'Ouest, le mystère du Nord.
04:55Les Trumpistes eux-mêmes ne comprennent pas.
04:59Donald Trump n'a pas fait campagne contre le Canada.
05:03Cet acharnement, cette obsession anti-canadienne depuis qu'il est arrivé à la Maison-Blanche,
05:09enfin, ça a commencé un petit peu avant, est quand même, pardonnez-moi, assez surprenante.
05:15Alors, le Canada a 40 millions d'habitants, un grand pays vide, allié, pacifique,
05:22où quand on veut critiquer l'état des Canadiens, la seule chose qu'on trouve à dire, c'est qu'ils sont gentils.
05:27Mais qu'est-ce que les Canadiens ont fait à Donald Trump ?
05:31Alors, il y a plusieurs explications possibles.
05:33D'abord, n'oublions pas que Donald Trump personnalise tous les rapports qu'il peut avoir
05:40avec les chefs d'État ou le gouvernement de pays étrangers.
05:43Et on peut difficilement imaginer plus l'antithèse de Donald Trump.
05:49Ce n'est pas possible que Justin Trudeau.
05:52Il est jeune, il se sait beau.
05:56Il a regardé dans les yeux d'un petit peu trop près Melania Trump au sommet de Biarritz en 2018, je crois.
06:05Il y a cette photo qui donne l'impression que Melania Trump est prête à l'embrasser sur la bouche.
06:12Justin Trudeau, c'est le champion du walkisme, de l'internationalisme, du multiculturalisme.
06:19Il le déteste. Il le déteste et il veut se payer.
06:23Et d'ailleurs, il s'est payé.
06:24Ben oui, ça tombe bien, il s'en va.
06:26Il ne sera plus Premier ministre du Canada sous peu.
06:31Donc, cette explication personnelle n'est pas à négliger, même si elle peut paraître un petit peu triviale.
06:38Et puis, il y a le fait que Donald Trump considère qu'en regardant la carte, il n'y a pas que Groenland, il y a d'abord le Canada.
06:48Si on regarde la carte dans le bon sens, c'est-à-dire pas avec une planisphère en travers, mais une planisphère en version verticale,
06:56si les Russes veulent envoyer des bombes et des missiles, ils vont passer par le Canada.
07:01C'est très important de sécuriser absolument, et c'est déjà le cas,
07:07l'espace nucléaire stratégique stratosphérique au-dessus du Canada et du Pôle.
07:14Le Canada est riche en minerais.
07:16Ça, ça l'intéresse à long terme.
07:18Et puis, ça serait le deal immobilier du siècle si les États-Unis pouvaient se payer un 51e état,
07:27ce qui, naturellement, n'arrivera pas.
07:29Les Canadiens n'en veulent pas.
07:31Donc, à mon avis, Donald Trump a sa tension de s'amuser peut-être au début en plaisantant,
07:35mais il a l'air d'y croire.
07:36Le faire du Canada et le 51e état, c'est que l'inverse peut se produire.
07:40Le Canada peut décider que la Californie, l'État de Washington et l'Oregon vont faire sécession
07:48pour rejoindre et devenir des provinces canadiennes.
07:50Ça ne serait pas dans l'intérêt des États-Unis.
07:52Puis, il y a une troisième explication qui met de mauvaises humeurs Donald Trump à l'égard du Canada.
07:58C'est qu'il a tenté, au cours des années relativement récentes,
08:02de faire trois gros deals immobiliers et que ça a été trois catastrophes.
08:07Une catastrophe avec un hôtel sous licence à Toronto,
08:12une catastrophe avec un condominium, un immeuble d'habitation de copropriété à Toronto également,
08:20et catastrophe aussi avec un hôtel à Vancouver sous licence
08:24qui avait été repris et exploité par une société de l'organisation Trump.
08:28Le maire de Vancouver avait envoyé une lettre à Donald Trump en disant
08:32« surtout ne mettez pas votre nom sur le bâtiment, nous ne voulons pas de vous ».
08:36Ça a terminé en faillite tout ça.
08:40Le marché canadien n'a pas été gentil avec l'organisation Trump
08:44et c'est probablement une des choses que Donald Trump a un petit peu en travers.
08:48Un des objectifs réalistes, parce qu'on cherche là au bout de 50 jours
08:51à trouver des objectifs, une cohérence, quelque chose de réaliste quand même
08:56derrière les va-et-vient quotidiens et permanents de Donald Trump.
09:01Sur la question tarifaire, l'objectif va être de renégocier à nouveau
09:06l'accord de libre-échange de la zone nord-amérique
09:09qui inclut Canada, Etats-Unis bien sûr et Mexique.
09:12C'est ça l'objectif de cette législation, Pierre-Yves ?
09:18Officiellement, pas du tout.
09:20Officiellement, il s'agit de mettre la pression sur le gouvernement mexicain
09:24et le gouvernement canadien pour qu'ils barbaroutent l'invasion des Etats-Unis
09:30par des produits...
09:32C'est la guerre contre la drogue.
09:33Il le répète à chaque fois, Loutnik, Trump, c'est pas la guerre commerciale
09:36avec le Canada et le Mexique, c'est la guerre contre la drogue.
09:39Voilà, c'est la guerre contre la drogue.
09:41Tannay, il tue 70 000 Américains par an.
09:45Il serait temps que le Mexique et le Canada prennent les choses au sérieux.
09:49Une des choses qui est frappante dans cette histoire,
09:51c'est que la présidente mexicaine n'a pas vraiment le profit d'une Trumpiste non plus.
09:56Elle a été élevée...
09:58Enfin, elle a fait ses études à Berkeley
10:00et elle fait l'objet de multiples compliments de la part de Donald Trump.
10:05Elles se sont retenues au téléphone, ils ne se sont pas rencontrés.
10:08Mais les rapports ont l'air tout à fait cordiaux.
10:12Je pense que si on peut ouvrir la porte et trouver une solution élégante
10:15de sortie à cette crise complètement artificielle,
10:18ça serait l'arrivée de monsieur, comment s'appelle-t-il, Carney,
10:22à la tête du parti libéral
10:25et qui va devenir, jusqu'aux nouvelles élections, le Premier ministre canadien.
10:29On verra effectivement Marc Carney qui va prendre le poste de Premier ministre,
10:34qu'on connaît bien dans les milieux financiers.
10:36Il a été banquier centraux, il est banquier centraux,
10:39il est gouverneur de la Banque du Canada,
10:41gouverneur de la Banque d'Angleterre également,
10:43canadien bien sûr, qui devient Premier ministre canadien.
10:46Je suis assez d'accord avec vous, j'apprécie en tout cas.
10:49Je suis beaucoup Claudia Sheinbaum, la présidente mexicaine,
10:52parce que je pense qu'elle sait comment parler à Trump
10:55et que visiblement, chaque conversation téléphonique a toujours été constructive
10:59et que pour l'instant, elle évite, sans trop de sacrifices,
11:04elle évite quand même l'exécution des menaces tarifaires.
11:08Dans la psychologie de Donald Trump, il y a quelque chose de fondamental,
11:12les Européens sont sur le point de s'en apercevoir à nouveau,
11:15ils en sont déjà conscients, c'est qu'ils n'acceptent pas l'idée
11:18qu'on aille dans un pays en gros aussi développé que les Etats-Unis,
11:22pratiquement aussi riche, acheter des pommes des biens et services.
11:26Pour lui, le fait que les Etats-Unis achètent des choses au Canada,
11:30c'est une preuve de faiblesse des Etats-Unis,
11:33il prône un petit peu l'autarcie,
11:36mais je ne vois pas ce que le Canada a de plus à offrir aux Etats-Unis.
11:40Ce n'est pas le cas avec le Mexique, qui est un pays où la main-d'oeuvre
11:43a les meilleurs marchés, où il n'y a pas cette énorme américanisation.
11:48Vous connaissez le Canada, vous passez des Etats-Unis au Canada,
11:52quand vous passez la frontière, je me demande si on est toujours aux Etats-Unis.
11:56C'est très similaire tout de même.
11:59Il fait une fixation là-dessus, peut-être précisément parce que ça ressemble
12:03beaucoup à l'Amérique et que ça agace.
12:05Merci beaucoup Pierre-Yves, merci d'être avec nous chaque semaine
12:08pour suivre les tribulations de Donald Trump et de son administration,
12:11notamment en cinquantième jour aujourd'hui.
12:13Pierre-Yves Dugas, correspondant américain, c'était le quart d'heure américain de SmartPants.