Xerfi Canal a reçu Dominique Turcq, diplômé d’HEC Paris, docteur en sciences sociales (EHESS, Paris), fondateur de l’Institut Boostzone, pour parler des actionnaires, des dirigeants et des administrateurs.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
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00:00Bonjour Dominique Turc, vous êtes ancien diplômé de l'HEC, docteur de l'EHESS,
00:16vous êtes ancien président de l'AFPLAN, l'association française des planificateurs
00:21d'entreprises. Ça nous renvoie à des temps qui nous paraissent anciens. C'était le début des années
00:2650. Mais c'était quand même quelque chose, directeur de la stratégie. On a fermé cette
00:35association d'ailleurs parce qu'il n'y avait plus de directeur de stratégie. Pratiquement tous les
00:39membres du COMEX pensent qu'ils sont experts en stratégie donc on n'a plus besoin d'une
00:42association de directeur de stratégie. C'est un drame. C'est un drame, c'est un drame. Dirigeants
00:46et conseils d'administration, réveillez-vous ! Vous êtes hors sol face aux exigences du XXIe
00:51siècle. Les exigences, on les sent monter et elles changent les rôles des dirigeants,
00:58des membres de conseils d'administration aussi qui sont censés les contrôler ou,
01:03selon la vision qu'on prend, les accompagner dans la définition d'une vision stratégique,
01:09etc. Donc contrôleurs ou stratèges. Expliquez-nous un peu comment elles
01:14montent en pression, ces tensions. Jusqu'à présent, le conseil d'administration,
01:21nommé par les actionnaires, nomme un comité exécutif et un dirigeant pour appliquer une
01:28stratégie qui est normalement définie par le conseil d'administration. Il y a des débats sur
01:31comment ça se définit. Chambre d'enregistrement versus... La chambre d'enregistrement, je pense
01:35qu'on en est sorti. Le conseil d'administration, chambre d'enregistrement avec des bons repas,
01:41c'était jusqu'à la fin du XXe siècle. Depuis 2000 jusqu'à, je dirais, 2010-2015,
01:46on est passé à un conseil d'administration qui est une chambre de vérification de la compliance.
01:54Depuis 2015, on voit un autre changement et en particulier grâce à la loi Pacte où le conseil
02:00d'administration s'inquiète vraiment de la stratégie, veut essayer vraiment de comprendre
02:04ce qui se passe, a un rôle beaucoup plus pris en considération, comme on dit dans la loi Pacte,
02:09des enjeux sociaux et environnementaux. Donc, on a quand même un changement qui est très très
02:13important. Autre changement, non négligeable d'ailleurs, depuis les années 2015 à peu près,
02:19c'est le nombre de femmes dans les conseils d'administration parce que ça a cassé en partie
02:23le club de la consanguinité. Et ça, je pense que c'est une bonne chose. Cela étant, le conseil
02:30d'administration représente encore les actionnaires. Et puis, il a quelque part un devoir fiduciaire
02:35puisqu'il est nommé par les actionnaires, il faut qu'il rapporte aux actionnaires. Donc,
02:38on est à côté d'une prise en compte réelle de l'effondrement environnemental. Et donc,
02:42il y a des pressions qui vont s'exercer sur le conseil d'administration, sur l'entreprise
02:46évidemment, et sur les actionnaires. Alors, ces pressions, elles viennent notamment des ONG.
02:51Alors, il ne faut pas oublier que les ONG aujourd'hui, ce n'est pas les gentils protecteurs
02:55des baleines d'il y a 25 ans. Ce sont des multinationales extrêmement puissantes qui
03:00ont beaucoup de moyens et les meilleurs avocats du monde. Et donc, elles sont prêtes à attaquer,
03:04notamment en justice. Et ce qui veut dire qu'on a une deuxième pression, c'est le pouvoir
03:08judiciaire. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, des entreprises se font attaquer, pas simplement sur
03:14le droit commercial ou le droit des affaires, mais tout simplement par rapport, par exemple,
03:18à la Constitution. Shell a été attaqué en Hollande parce que la Constitution dit qu'il
03:23ne faut pas faire du mal aux citoyens, il faut protéger les citoyens. Et que Shell,
03:26en émettant du CO2, finalement faisait du mal aux citoyens en créant un réchauffement climatique.
03:31Bon, très, très intéressant de voir par quels moyens le judiciaire se met en place.
03:36On a en tête aussi Dieselgate, le patron de Dee, condamné à la prison quand même.
03:42Tout à fait. Pas exsurcis, mais condamnés. Pas les membres du board, uniquement le...
03:46Uniquement le dirigeant. Mais on sent la pression qui se déplace vers les membres du board.
03:49Il y a une pression tout à fait qui arrive et qui arrive aussi dans les ONG. Elles représentent
03:53aussi l'opinion publique, qu'on pourrait appeler le tribunal social quelque part. Il y a une façon
03:58d'exprimer à travers les ONG des choses qui deviennent inacceptables. Et ça, on va en avoir
04:05de plus en plus. Vous voyez à ce moment ce qui est en train d'arriver sur l'eau du robinet,
04:09qui n'est peut-être pas si potable que ça. Les embouteilleurs en plastique qui commencent
04:14à ne pas... à devoir s'occuper un petit peu plus du plastique qu'ils mettent dans la nature,
04:17etc. Donc, on a des vraies questions aujourd'hui de pression sur l'entreprise, évidemment sur les
04:25actionnaires. Et ce qui est très intéressant, c'est qu'il y a une force qu'il ne faut pas
04:28négliger, c'est celle des investisseurs. C'est-à-dire qu'il y a des grands fonds d'investissement qui
04:33commencent à dire « attendez, sur le moyen et le long terme, moi j'aimerais qu'on soit sûr de
04:37votre durabilité ». Donc, on a certains actionnaires qui commencent aussi à dire « il
04:43faut changer ». Merci à vous Dominique Thieu. Merci Jean-Philippe.