Samedi 22 février 2025, SMART WOMEN reçoit Agnès Bricard (présidente d’honneur, Conseil National des Experts comptables)
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00:00Bonjour Agnès Bricard. Bonjour. Merci de votre présence, Agnès. Alors Agnès, comment
00:10vous présenter, parce que vous avez quand même énormément de casquettes différentes,
00:14mais je crois que finalement s'il y a un fil commun à toutes vos activités et à
00:19tous vos engagements, c'est toujours finalement la parole de l'entreprise, des dirigeants,
00:25du fait d'entreprendre, qui fait le lien entre tout ça. Alors, je le disais en préambule,
00:33vous êtes experte comptable, commissaire aux comptes de formation, mais vous avez été
00:37la première femme, donc ça c'est important de le souligner, la première femme à être
00:41nommée présidente du Conseil National de l'Ordre des Experts Comptables, vous êtes
00:46également vice-présidente de Pacte PME, j'avais d'ailleurs reçu François Perret,
00:50le président de cette émission, qui nous avait parlé de ce que vous faisiez à ce
00:53titre-là, vous avez créé en 2012 la Fédération des Femmes Administratrices, bref, beaucoup
00:59de choses à votre actif, et aujourd'hui j'ai souhaité vous entendre, non pas sur
01:04ces thèmes-là, mais plus précisément sur le thème du partage de la valeur, tout ce
01:08qui tourne autour des systèmes de participation et d'intéressement, puisque c'est un sujet
01:13important, que vous êtes ambassadrice de ces thèmes auprès de l'ensemble du tissu
01:20PME-ETI français, donc dans toutes les régions, vous êtes amenée à rencontrer des chefs
01:24d'entreprise à ce propos, donc voilà, je voulais commencer par une première question
01:29simple, qui est finalement, quel lien faites-vous, quel lien y a-t-il entre justement les femmes
01:35dans l'entreprise et le sujet du partage de la valeur ?
01:39Merci, alors ce partage de la valeur, il est d'actualité aujourd'hui, tout simplement
01:45parce qu'une loi, au 1er janvier, impose dans les entreprises de 11 à 49, y compris
01:51dans l'entreprise sociale et solidaire, faut pas oublier quand même que c'est 10% de l'ensemble
01:56de notre PIB, cette économie sociale et solidaire, impose dorénavant dans ces entreprises de
02:01parler de l'intéressement et donc du partage de la valeur, alors il n'y a pas que l'intéressement,
02:06puisqu'il y a aussi la prime partage de valeur, il y a aussi la participation dérogatoire,
02:10donc il y a plusieurs dispositifs, mais c'est la première fois qu'on verra appliquer dans
02:13les 11 à 49, or 11 à 49, on est des entreprises où il y a de l'intuité personnelle, où
02:19il y a véritablement un dialogue qui doit se faire entre un dirigeant et ses salariés,
02:23et donc le fait qu'il y ait un dialogue, le fait qu'il y ait une fabrication de richesse,
02:27le fait qu'il y ait une distribution de cette richesse, et bien ça donne du sens
02:30à ce que j'appelle une certaine égalité entre ces ressources humaines qui s'appellent
02:34un dirigeant et ses salariés, et ce dialogue il va se faire, et ça me fait penser, c'est
02:40à cet équilibre qu'on a voulu entre hommes-femmes, puisqu'on est aussi dans cette époque de
02:45bonne gouvernance, et où on a constaté qu'il y avait de la productivité, qu'il y avait
02:49de la performance, dès lors que les femmes étaient dans les instances dirigeantes.
02:52Donc donner du sens à la partie employeur-salarié, là où il n'y avait souvent qu'un lien de
02:58subordination, mais donner du sens à cette fabrication de richesse en la partageant,
03:02et en en discutant, suivant évidemment soit des critères économiques, soit des critères
03:06extra-financiers, et c'est sur ces critères extra-financiers qu'on va évidemment assurer
03:11pour une fois, je crois vraiment, et peut-être une transition aussi écologique.
03:15Alors c'est très intéressant ce parallèle, d'ailleurs je ne l'avais jamais entendu
03:19ainsi, mais je trouve que ce parallèle est très intéressant entre justement cette nécessité
03:25d'égalité dans la gouvernance, et donc avec tout ce qui a été fait, la loi Rexin,
03:29enfin avant Copé-Zimmermann, etc., mais beaucoup de choses ont été faites, pour autant on
03:35n'est pas au bout de l'histoire, et le fait de faire ce lien et ce parallèle avec
03:38également ce côté entre le salarié et l'employeur, je trouve que c'est tout à fait intéressant.
03:43Mais alors au-delà de ce point, vous rencontrez donc des chefs d'entreprise, vous rencontrez
03:50des femmes chefs d'entreprise, il n'y en a pas assez, mais il y en a quand même quelques-unes.
03:53Est-ce que vous constatez des différences dans l'appropriation des sujets participation
03:59et intéressement entre elles et leurs homologues masculins, ou pas ? Qu'est-ce qu'on peut
04:03dire sur ces spécificités ? Alors, on constate au niveau des chefs d'entreprise,
04:09notamment dans ces entreprises de 11 à 49, où on fait en sorte, et on le constate vraiment,
04:14homme-femme, on retrouve du sens, et notamment on le voit de plus en plus dans les transmissions
04:19d'entreprise, où les pères ou les grands-pères transmettent à leurs filles, là où il s'interdisait
04:23il y a encore 40 ans, de transmettre à leur fille ou à leur petite-fille.
04:27Maintenant, systématiquement, ils ont compris.
04:29Je dirais que toute la culture a changé, dès lors qu'on a donné du sens au fait
04:35que quand on a une femme dans les instances dirigeantes, il y a une performance.
04:39Alors, qu'est-ce que je constate sur le partage de valeurs ? Que les femmes ont souvent,
04:42sur les sujets justement de partage, une écoute favorable sur des sujets qui s'appellent
04:48de la durabilité, c'est-à-dire qu'on doit constamment préserver, pérenniser
04:53notre entreprise, et donc elles s'approprient plus facilement quand on leur parle du partage
04:57de la valeur, ce sujet, que les hommes.
05:00Les hommes, il faut plus les amener sur l'épargne salariale, à l'épargner.
05:04Suis-je intéressée, moi, en tant que dirigeante ? Oui, vous êtes intéressée, parce que
05:07le contrat d'intéressement vous permet justement d'être bénéficiaire.
05:11Donc, parlons de l'épargne salariale.
05:12Et là, j'entends plus au niveau financier l'homme qui me dit « alors, vous me parlez
05:16quoi de ma retraite par capitalisation ? » Ça, c'est un sujet qui m'intéresse.
05:20Si moi, je peux en bénéficier avec mes salariés, on y va tous ensemble.
05:23Et donc, l'épargne salariale, ça cherche justement.
05:26Par rapport à ce débat qu'on entend un peu mortifère sur la retraite, ça permet
05:30d'engager un vrai débat sur la retraite par capitalisation.
05:33Et ça donne de la motivation aux hommes.
05:35C'est très intéressant.
05:36Mais alors, donc, vous trouvez...
05:37Bon, alors, bien sûr, il ne faut pas être manichéen non plus en disant d'un côté
05:41les femmes intéressées par le côté engagement ESG, et puis de l'autre, les hommes uniquement
05:47pour l'aspect financier.
05:48Je pense que les deux sont vrais.
05:50Mais néanmoins, j'avais effectivement vu plusieurs études disant que dans les motivations
05:55des femmes dans la création d'entreprises, notamment, où là, on est encore sur vraiment
05:59le balbutiement, non pas du nombre de femmes, parce qu'il y en a davantage, mais sur le
06:03début de l'entreprise, il y avait effectivement une motivation de sens qui était plus importante
06:08chez les femmes.
06:09Donc, ça, vous le voyez effectivement.
06:11Vous avez des écarts puisque vous êtes également les régions, vous êtes également les secteurs
06:16d'activité.
06:17Est-ce que vous voyez des écarts entre secteurs d'activité, toujours par rapport au partage
06:20de la valeur ?
06:21Alors, oui, il y a des écarts.
06:22Je vois bien que dans la partie prestation de service, c'est quand même très intuité
06:27personnée et donc chaque ressource humaine a une valeur.
06:30Ça, on le voit et ils acceptent et ils adaptent assez facilement ce partage de la valeur,
06:36dès lors qu'il y a évidemment création de richesse et création de valeur.
06:38Sur l'industrie, je constate que c'est un tout petit peu plus difficile, mais que ça
06:43s'y met dès lors qu'il y a une loi et qu'il y a une obligation de l'inscrire au 1er janvier
06:472025, c'est très culturel à chaque fois.
06:50Nous, on a l'habitude dans notre beau pays, il nous faut une loi pour comprendre et parfois
06:55des sanctions.
06:56Bon, là, pour l'instant, je vous avoue qu'il n'y a pas de sanctions dans cette loi, mais
06:59il y a une obligation.
07:00Donc, ça va se faire un peu naturellement grâce aux experts comptables qui vont s'aimer
07:04et qui vont donner du sens en disant, vous voyez, vous ne trouvez pas de ressources humaines,
07:08si vous aviez peut-être inscrit le fait que vous aviez un contrat d'intéressement, que
07:11vous aviez une politique sociale, peut-être que les ressources humaines viendraient plus
07:15naturellement vers vous.
07:16Donc, voilà, il y a toute cette partie de dialogue et d'échange.
07:18Donc, pour vous, le vecteur expert comptable, enfin, c'est votre profession d'origine, mais
07:23le vecteur expert comptable est particulièrement important dans cette idée de partage de la
07:28valeur.
07:29C'est vraiment par là que passe l'information, etc.
07:31Et alors, dans le métier expert comptable, il y a pas mal de femmes, là, on a un pourcentage
07:36qui est relativement élevé, je pense, enfin, ou du moins qui est…
07:39On est encore à 30 %, 70 %.
07:41Ah, je pensais que c'était davantage, vous voyez, je croyais que le métier était plus
07:45en progrès alors que ce qu'il est réellement…
07:46Oui, il y a eu une nette progression.
07:49Une nette progression.
07:50Bon, donc, d'accord.
07:51Je suppose que là, ces femmes sont aussi encore plus portées sur le sujet que leurs homologues.
07:56Une question qui n'a rien à voir, mais comme on va arriver bientôt à la fin de
08:01notre échange, vous avez parlé de cette habitude culturelle qui n'est pas bonne,
08:06à mon sens, d'attendre la loi pour faire les choses alors qu'on peut les faire avant,
08:09à mesure où c'est fait pour faire avancer les quotas.
08:12Les quotas, c'est pareil.
08:14Les quotas, on en a parlé pendant des années, et il a fallu la loi Zyberman, 2011, pour
08:19qu'on parle définitivement d'un 40 % de femmes dans les conseils d'administration.
08:22Et on s'est aperçu que de cette loi, on est arrivé à la loi de Muriel Pénicaud sur
08:28l'index de l'égalité professionnelle, parce qu'il ne suffit pas d'avoir de la
08:31représentativité féminine dans nos instances pour démontrer qu'en plus, il y a de la
08:35performance, mais il faut de l'égalité professionnelle pour qu'à fonction égale,
08:40on ait un salaire identique.
08:41Et puis ensuite, on a vu arriver l'idée, par Marie-Pierre Rixin, qu'il fallait dans
08:46les instances dirigeantes au moins 30 % de femmes à partir de 2026 et 40 % à partir
08:52de 2029.
08:53Donc on est en 2025 là.
08:55Mais ce que l'on voit au niveau des quotas, c'est un vrai résultat positif.
09:00Et la parité comme l'égalité, comme les instances dirigeantes avec des femmes, ça
09:05vient des quotas.
09:06Et aujourd'hui, culturellement, ça passe très bien.
09:09Il n'y a plus ce sens de dire non, on s'interdit, on ne s'interdit pas.
09:13Oui, bien sûr.
09:14Bien sûr.
09:15Bon, nous sommes bien en phase sur ce thème là.
09:17On attend avec impatience, derrière moi, le moment où il ne sera plus nécessaire
09:20d'avoir des quotas ou autres.
09:22Mais bon, pour l'instant, c'est toujours une nécessité.
09:24Écoutez, merci beaucoup Agnès de tout ce que vous faites.
09:28Continuez à porter cette bonne parole et cette pédagogie de l'économie parce qu'on
09:31en a bien besoin.
09:33Maintenant, je vais recevoir une femme dirigeante d'entreprise qui, par rapport à tout ce
09:39que vous avez dit, est dans l'industrie, fait une reprise de direction d'entreprise,
09:45c'est une entreprise familiale, donc son père effectivement transmet.
09:48Donc, on va trouver véritablement, et qui a des idées sur le partage de la valeur,
09:53on va retrouver vraiment tous les thèmes que vous avez évoqués concrétisés dans
09:58un rôle modèle qui est donc Caroline Gache qui va me rejoindre après vous.
10:02Merci beaucoup Agnès.
10:03Merci à vous.