Dans son édito du 19/02/2025, Mathieu Bock-Côté revient sur Richard Ferrand nommé au Conseil Constitutionnel.
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00:00Une voix est grâce à l'abstention de quelques-uns, je pense que c'est l'autre élément de la journée,
00:03c'est-à-dire l'abstention du RN.
00:05Mais allons-y dans l'ordre.
00:07Alors, effectivement, on dit souvent que le Conseil constitutionnel, c'est l'équivalent français
00:11des différentes Cours suprêmes à l'étranger.
00:14Or, il y a une différence de fond.
00:15C'est quoi qu'on pense de la Cour suprême américaine ou canadienne ou ainsi de suite,
00:18on nomme normalement des juristes supérieurs, avec des orientations idéologiques très marquées,
00:23mais de très grands juristes ont pour vocation d'être à la tête du tribunal constitutionnel du pays.
00:29En France, c'est tout autre chose.
00:30Le Conseil constitutionnel a une fonction de Cour suprême, mais dans les faits,
00:34on nomme un ami du pouvoir, un politique aux compétences juridiques peut-être intimes très très grandes,
00:40mais il n'en a pas fait preuve publiquement.
00:42Un homme aux orientations idéologiques très marquées à la tête d'un organe
00:47qui, avec le temps, a pris un pouvoir croissant sur l'ensemble de la société française,
00:51au point de décider sur quelles questions on peut consulter les Français,
00:54sur quelles questions on ne les consultera pas.
00:56Donc qui a verrouillé l'usage du référendum, je pense que c'est l'héritage véritablement des dernières années,
01:01un Conseil constitutionnel qui a opéré une forme de coup d'état de droit pour reprendre la formule d'un autre,
01:05ces derniers, en fait depuis plusieurs décennies, mais plus encore ces dernières années.
01:09Donc ainsi nommé, Richard Ferrand, on a l'évidence devant nous, l'instance est plus politique que jamais.
01:17Elle est plus politique que jamais, d'autant qu'il n'a jamais caché ses préférences idéologiques.
01:21Il veut distribuer plus généreusement la nationalité française,
01:23il a déjà souhaité, bien qu'il dise le contraire aujourd'hui,
01:26qu'Emmanuel Macron fasse un troisième mandat à la présidence de la République.
01:28Donc on nomme un politique avec un agenda politique à la tête d'une institution
01:32qui est par ailleurs censée représenter l'indépendance juridique.
01:35Et comme nous le dit souvent Charlotte avec raison,
01:37peut-être le Conseil constitutionnel est-il indépendant institutionnellement,
01:40mais il n'est pas du tout indépendant idéologiquement.
01:43Et il porte un agenda, et on a nommé à la tête de ce Conseil,
01:46donc un homme avec un agenda très marqué, avec la complicité de certains qui pourtant pourraient le subir.
01:53Alors on l'a dit, le RNC est abstenu dans le cadre de cette nomination.
01:57Que faut-il comprendre ? Beaucoup se posent des questions.
02:00Oui, c'est le moins qu'on puisse dire.
02:01Alors, on pourrait dire qu'ils ne comprennent pas grand-chose, à moins que...
02:04à moins que l'on puisse faire...
02:06C'est une hypothèse, en fait, qu'il y a un deal.
02:08Alors on sait, avec raison, Marine Le Pen est très inquiète du procès
02:12qui vise à l'exécuter juridiquement pour la chasser de la vie politique.
02:16Réponse 31 mars.
02:17Est-ce que nous pouvons considérer qu'il y a un deal, une entente implicite ?
02:22Je ne sais pas comment le dire, autour de cette nomination sur le mode
02:24« On vous soutient, mais quand viendra le temps et qu'il sera possible de faire un dernier geste juridique
02:28pour casser cette tentative d'exécution, est-ce qu'on pourra compter sur vous ? »
02:33On n'en sait rien, mais c'est l'hypothèse.
02:35On lit aujourd'hui, tous supposent qu'il y a quelque chose comme ça derrière cette nomination.
02:39Mais certains sont très critiques.
02:41Très critiques en disant « Est-ce que ce n'est pas aussi un geste de plus du RN
02:45dans son désir de respectabilisation, dans son désir de normalisation,
02:50un désir tel qu'il en devient presque complice du régime en place de son point de vue ? »
02:56Parce que, je l'ai dit, Richard Ferrand a une orientation idéologique très marquée.
02:59Sur toutes les questions qui comptent aujourd'hui, immigration, référendum, on sait ce qu'il pense.
03:04Le RN, en le laissant s'installer, est-ce que le RN ne dit pas finalement
03:09« Nous acceptons la légitimité de cet homme qui travaillera par ailleurs pour les neuf prochaines années,
03:15dans les neuf prochaines années, il travaillera à rendre impossible tout ce pour quoi nous nous battons ? »
03:21Alors, on le sait, il y a la stratégie de la dédiabolisation au RN.
03:24Mais à partir d'une certaine dédiabolisation, à quel moment ça commence une stratégie d'aplatissement ?
03:29On le voit par exemple, je fais un parallèle avec le vocabulaire utilisé par Jean-Philippe Tanguy pour parler de Retailleau.
03:34Il ne se contente pas de l'attaquer politiquement, ce qui est tout à fait normal.
03:37Il le traite de droite réactionnaire et Tanguy parle comme un homme d'extrême gauche quand vient le temps de parler de Retailleau.
03:43Une forme de néophilipotisme, pour le dire, avec une référence RN.
03:48Donc c'est un peu étonnant.
03:49Est-ce que le RN ne devient pas solidaire d'un système qu'il dit combattre ?
03:53Et là, je pense que c'est le point final.
03:55Dans leur esprit, ils sont très intelligents.
03:57Ils viennent de faire un geste, une ruse, un coup de billard à trois bandes.
04:00Ils viennent de réussir à déjouer le système, là on ne les attendait pas.
04:03Moi, je dirais simplement qu'à jouer l'intelligent trop souvent, on finit souvent par faire de grosses bêtises.