"L'entente Trump-Poutine, ce n'est pas l'effondrement de l'Ukraine mais de l'Europe" : écoutez le cri d'alarme de Raphaël Glucksmann, député européen (groupe Alliance progressiste des socialistes et démocrates), co-président de Place publique.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 14 février 2025.
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00:00RTL Matin
00:04Tout de suite l'invité d'RTL Matin et Thomas, ce matin vous recevez Raphaël Glucksmann, député européen, co-président du parti Place Publique.
00:11Bonjour et bienvenue sur RTL Raphaël Glucksmann.
00:13Bonjour.
00:14Ça va faire trois ans dans quelques jours que la Russie a déclaré une guerre impitoyable à l'Ukraine.
00:18Donald Trump, de retour à la Maison Blanche, veut-on finir avec cette guerre ?
00:21Il a donc décroché son téléphone, il a appelé Vladimir Poutine.
00:24Il ne s'embarrasse pas des usages diplomatiques Donald Trump.
00:28Est-ce qu'il est en train de régler le problème ou de l'aggraver ?
00:31Il est en train de sacrifier l'Ukraine.
00:34Avant même le début des négociations, il annonce déjà qu'il renonce à l'intégrité territoriale de l'Ukraine,
00:39qu'il renonce à la perspective d'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN
00:42et qu'il donne finalement tout ce que Vladimir Poutine veut obtenir.
00:45Et il le fait sans l'Ukraine et sans l'Europe.
00:48J'aimerais vraiment qu'on comprenne la gravité de ce qui est en train de se passer.
00:52C'est 80 ans de paix en Europe qui sont en train d'être mis par terre par le président américain.
00:58Nous, on a vécu dans un continent en paix qui est lié à un tabou.
01:02Un tabou.
01:03On n'a pas le droit d'envoyer ses troupes, changer les frontières et annexer le territoire de son voisin.
01:08Eh bien ça, c'est fini.
01:09C'est ce qui est en train de se passer.
01:10Et c'était fondé sur la garantie américaine.
01:14On a vécu 80 années de paix sur notre continent parce qu'il y avait cette garantie américaine.
01:21Ça nous a vassalisé mais ça nous a apporté la sécurité.
01:24Eh bien cette période est révolue.
01:27C'est un tournant historique majeur et que les Européens en prennent conscience.
01:33Parce qu'en fait, j'ai l'impression qu'on continue notre vie comme si de rien n'était
01:37pendant qu'on est en train de perdre notre sécurité.
01:41C'est quoi ? C'est la porte ouverte à un troisième conflit mondial ?
01:44Vous pensez que la Russie va aller plus loin ?
01:46Va prendre l'Ukraine, puis peut-être après la Moldavie, peut-être après la Pologne ?
01:48On en est là ou pas ?
01:50Nous sommes au jour qui précède l'invasion de l'Ukraine il y a trois ans.
01:54Les demandes des Russes ne concernaient pas simplement l'Ukraine.
01:58Elles concernaient l'architecture de sécurité européenne.
02:01Où est-ce que l'OTAN a le droit de mettre des missiles ?
02:04Où est-ce que les forces de sécurité européenne, les armées européennes, peuvent stationner ou pas ?
02:09Et donc l'objectif de Vladimir Poutine dépasse largement l'Ukraine.
02:13Et moi j'aimerais qu'on écoute nos services de sécurité.
02:16Si vous ne voulez pas me croire moi, Raphaël Glucksmann, écoutez les services de sécurité.
02:20Qui disent quoi ?
02:21Le chef des services secrets allemands, Bruno Kahl, qui est quelqu'un d'extrêmement modéré.
02:25Les services secrets allemands, pendant très longtemps, ont incarné ce consensus mou européen
02:29qui nous disait qu'on ne connaitrait plus jamais la guerre.
02:31Et bien Bruno Kahl, il a été devant le Bundestag, devant la représentation du peuple allemand.
02:36Et qu'est-ce qu'il a dit aux députés allemands, Bruno Kahl ?
02:38Il a dit, il y aura la guerre russe sur le sol de l'Union Européenne et de l'OTAN, pas en Ukraine.
02:43Sur le sol de l'Union Européenne de nos pays, avant 2029.
02:48Les services de sécurité danois ou polonais disent exactement la même chose.
02:53Mais Raphaël Glucksmann, vous, vous n'êtes pas des services de sécurité.
02:55Vous faites partie de ce consensus mou européen.
02:57Vous êtes député européen depuis des années.
02:59Je me bats contre ce consensus mou depuis 20 ans.
03:01J'essaye d'alerter les Européens de leur dire, réveillez-vous, quittez ce sommeil apathique
03:06et comprenez que la paix que nous pensions éternelle n'est en rien garantie.
03:11Et ce qu'on est en train de vivre, c'est vraiment la fin de cette période d'illusion
03:15où on a pensé qu'on pouvait vivre comme si la guerre ne reviendrait plus jamais.
03:18Moi, ce que je vous dis, c'est que dans 2 ans ou dans 3 ans, nous ne vivrons peut-être plus
03:25dans un continent en paix, dans un continent démocratique.
03:29Et que tout ce que nous pensions éternel est en réalité extrêmement fragile.
03:33Et que donc, il faut qu'on se réarme.
03:35Mais que doit-on faire ? Les Européens ont un rôle à jouer dans les discussions sur la sécurité régionale,
03:39comme l'a dit Emmanuel Macron au Financial Times il y a quelques heures.
03:41Et il a raison, il faut donc des actes qui suivent.
03:43Mais quels actes ?
03:45D'abord, qu'on livre enfin à l'Ukraine ce dont elle a besoin pour résister.
03:49Qu'on saisisse les 200 milliards d'avoirs publics russes qui sont en ce moment même gelés dans nos banques
03:53et qu'on les affecte à l'aide à l'Ukraine.
03:55Qu'on montre que si les Américains cannent et que les Américains abandonnent l'Ukraine
04:00et que les Américains trahissent les principes qui ont structuré la paix en Europe,
04:03nous, nous serons capables de les défendre.
04:05Ensuite, à moyen terme, ce qu'il faut faire, c'est qu'on crée enfin cette défense européenne.
04:09Moi, c'est mon combat au Parlement européen.
04:11Mais on n'a jamais été aussi loin, on n'a jamais été aussi divisés,
04:13on n'a jamais été aussi loyés pour créer cette défense européenne.
04:15Il faut lancer un emprunt de 500 milliards pour financer cette défense,
04:18que ce soit coordonné au niveau européen.
04:20En fait, on se retrouve dans une situation très simple.
04:22On est désormais responsable de notre avenir,
04:25on est désormais responsable de notre sécurité.
04:27Et c'est la première mission d'un responsable politique,
04:30d'assurer la sécurité de sa nation et d'assurer la sécurité de son continent et de sa cité.
04:34Si on faillit à ça, si on faillit à ça,
04:37on enverra une invitation à Vladimir Poutine pour envahir un pays européen.
04:42Il est plus fort, Poutine, que Trump, en fait.
04:44C'est lui qui a la main.
04:46Il va se servir de Donald Trump ou c'est Donald Trump le patron aujourd'hui ?
04:49Mais Donald Trump, il est le patron de Maré-Lago.
04:52Et simplement, c'est tellement loin pour lui qu'il prend tout avec Léa Jartey.
04:55Vous l'avez vu hier, vous l'avez vu dire
04:57« Oui, Brzezinski, vous avez vu ces sondages, c'est pas glorieux,
05:00il va falloir faire des élections en Ukraine. »
05:01En fait, il donne même le changement de régime à Poutine.
05:04Poutine joue avec Trump.
05:06Vous savez, Donald Trump, c'est pas nouveau, ses relations avec la Russie.
05:09En 1987, il était à Moscou et il critiquait l'OTAN depuis le territoire soviétique.
05:15Ensuite, quand il fait faillite avec son casino Taj Mahal à Atlantic City,
05:19quels sont les fonds qui viennent le renflouer alors qu'il était au bord de la banqueroute ?
05:24Eh bien, ce sont des fonds russes.
05:25Donc, en fait, Donald Trump est le jouet de Vladimir Poutine dans cette histoire.
05:30Il n'a aucune constance, aucune consistance.
05:33Les tyrans s'amusent de dirigeants comme Donald Trump.
05:36Est-ce qu'il faut que nous, les Européens, on parle à Poutine ?
05:39Est-ce qu'il faut aussi qu'on décroche l'OTAN ?
05:41Puisque la situation est ce qu'elle est aujourd'hui, est-ce qu'il faut que nous aussi on fasse ça ?
05:44La position des dirigeants européens doit être très claire.
05:46Celui qui doit négocier...
05:47Là, c'est la position du paillasson, comme disait Étienne Germain hier.
05:49Celui qui doit négocier avec Vladimir Poutine, c'est monsieur Zelenski qui représente l'Ukraine.
05:57Et nous, on est en soutien à l'Ukraine.
05:59Rien sur l'Ukraine sans l'Ukraine.
06:01Rien sur l'Europe sans l'Europe.
06:03Mais, vous savez, ce qu'on est en train de vivre, ça s'est déjà produit dans notre histoire.
06:08En 1938, à Munich, qu'est-ce qu'il s'est passé ?
06:11On a négocié, les Français, les Anglais, avec Hitler, l'avenir de la Tchécoslovaquie,
06:18alors que les dirigeants de Tchécoslovaquie étaient dans les corridors.
06:20On a décidé de démanteler un pays, de le dépecer, en laissant les dirigeants de ce pays élus démocratiquement dans les corridors.
06:27Ils n'avaient même pas le droit d'aller à la table.
06:29Eh bien, aujourd'hui, ce que Trump est en train de faire, c'est exactement ça.
06:33Et donc, les Européens sont face à leur destin.
06:35Maintenant, en fait, c'est très simple.
06:37Si Emmanuel Macron veut rentrer dans l'histoire, si Ursula von der Leyen veut rentrer dans l'histoire,
06:40non pas comme les gens qui ont abandonné l'Europe,
06:43mais comme les gens qui ont sonné le réveil de notre continent,
06:46c'est maintenant que ça se joue.
06:48C'est maintenant.
06:49Est-ce qu'il y a un rôle à jouer pour l'opinion publique qu'on n'entend pas ?
06:52Est-ce que vous dites aux gens, peut-être qu'il faut se mobiliser ?
06:55Peut-être qu'il faut, parce que là aussi, on dort.
06:57Moi, je comprends qu'en fait, on a des difficultés, qu'on est face à des fins de mois difficiles,
07:02qu'on est face à des tonnes de problèmes dans nos pays,
07:06que nos démocraties fonctionnent mal.
07:08Mais ce que j'aimerais juste, c'est que les gens fassent une pause d'une seconde.
07:11Et qu'ils se disent, quel est l'enjeu primordial aujourd'hui ?
07:15C'est de maintenir la paix sur notre continent.
07:18Et que ça, ça se joue maintenant.
07:20Et que donc, il faut qu'ils prennent la mesure et qu'ils demandent à leurs dirigeants,
07:23qu'ils exigent de leurs dirigeants la force suffisante et qu'ils mettent fin à cette faiblesse.
07:28On est des sociétés de poissons rouges aujourd'hui, Thomas Soto.
07:31C'est-à-dire qu'on saute de problème en problème,
07:33mais on oublie que quand notre attention se détourne, les problèmes ne se règlent pas.
07:37Et donc, on va se retrouver peut-être dans trois ans avec, surprise,
07:40des armées qui rentrent sur le sol européen.
07:43Au moment où je vous parle, en Estonie, en Lettonie, en Pologne,
07:47il y a des tranchées qui se creusent sur le sol européen.
07:50Les gouvernements de ces pays se préparent à une invasion.
07:54Et donc, écoutons-les, regardons la situation telle qu'elle est.
07:57Ne faisons pas les autruches.
07:59C'est vraiment tellement fondamental que je pense qu'en fait,
08:01ça doit être l'objet de la discussion publique numéro un aujourd'hui.
08:04Je vais vous ramener à la situation en France,
08:06parce que pour être entendu au niveau international, il faut être fort.
08:08Il faut avoir un gouvernement fort, une politique forte.
08:11Et en ce moment, on le sait depuis plusieurs mois, ce n'est pas le cas en France.
08:13On a un gouvernement instable.
08:14La semaine prochaine, les socialistes vont tenter de censurer à leur tour le gouvernement Bayrou.
08:18Faut-il, selon vous, dans ce contexte que vous décrivez,
08:21voter cette censure et faire tomber le gouvernement ?
08:24Moi, j'ai milité activement pour qu'on ne censure pas le budget,
08:29parce que justement, vu cette situation internationale,
08:32il ne fallait pas que la France reste sans budget.
08:36Et moi, je ne joue pas avec la survie des gouvernements.
08:39Donc vous ne dites pas de censure lundi ?
08:41Mais moi, je ne suis pas député national.
08:42Non, je sais, mais vous êtes chef de parti.
08:44Je vais vous le dire très clairement.
08:46Moi, je ne pense pas que ce soit le moment de faire tomber les gouvernements aujourd'hui.
08:50Par contre, si l'enjeu, c'est simplement de dire que nous sommes en désaccord avec François Bayrou,
08:55eh bien, on peut le faire d'une autre manière, en étant des opposants.
08:57Parce que personne ne pense que nous avons rallié une coalition avec le gouvernement.
09:02Mais la priorité, c'est la stabilité.
09:03Mais la priorité, pour moi, là, je vais vous dire, jour et nuit,
09:07ma priorité, c'est de construire la défense européenne.
09:10C'est de faire en sorte que nos gouvernements...
09:12Et donc, de soutenir Emmanuel Macron dans ce combat-là, aujourd'hui ?
09:15Quand Emmanuel Macron dit qu'il faut construire la défense européenne et l'autonomie stratégique européenne,
09:22et qu'il est inacceptable que les États-Unis biffent d'un coup de crayon la sécurité européenne,
09:27je suis entièrement d'accord avec lui.
09:29Ce que je demande, par contre, c'est que, pour une fois, chez Emmanuel Macron,
09:32les actes suivent les mots.
09:34Or, la France, aujourd'hui, reste un partenaire économique de la Russie.
09:39Total reste le principal importateur de gaz naturel liquéfié russe.
09:43Aujourd'hui, la France a dans ses hangars des armes qu'elle n'utilise pas et qu'elle pourrait envoyer en Ukraine.
09:48Et aujourd'hui, la France doit montrer qu'elle peut redevenir un leader de l'Europe.
09:53S'il veut rentrer dans l'histoire, c'est maintenant que ça se joue.
09:57Vous me permettez une petite question vite couple pour finir en cette Saint-Valentin ?
10:00Vite couple ?
10:01Y a-t-il des retrouvailles possibles entre vous, les insoumis, les socialistes,
10:04la social-démocratie que vous représentez, ou est-ce que le divorce est définitif ?
10:07Mais, je viens de passer dix minutes à vous expliquer que l'enjeu principal,
10:11c'était de construire la défense européenne et de préserver la sécurité de notre continent.
10:14Que pensent les insoumis de cela ? Ils sont fondamentalement contre.
10:17Donc, moi, je vais vous dire très simplement,
10:19ils ne peuvent pas y avoir d'accord avec l'appareil de Jean-Luc Mélenchon.
10:24Et de toute façon, lui-même ne le veut pas.
10:26Donc, arrêtons cette comédie.
10:27Il y a deux offres politiques distinctes, différentes, divergentes, contradictoires.
10:31Assumons-le.
10:32Merci beaucoup, Raphaël Glucksmann, d'être venu sur RTL ce matin.
10:34Vous restez avec nous ?