Avec Pierre Lellouche (Politologue, professeur, journaliste et administrateur de l’Association Jean Monnet) et Olivier Vedrine (politologue et rédacteur en chef du journal d’opposition russe Russian Monitor)
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##LA_VERITE_EN_FACE-2025-02-14##
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00:009h10, Sud Radio, la vérité en face, Patrick Roger.
00:19Vous les avez reconnus, Trump et Poutine, ils se sont parlé, ce n'est pas un extrait, je tiens à préciser, d'une part ce n'est pas de l'intelligence artificielle,
00:28ce sont vraiment leur voix, mais ce n'est pas non plus un extrait de leur dialogue, ces derniers jours, puisqu'ils se sont parlé au téléphone et ils vont se voir a priori en terrain neutre en Arabie Saoudite.
00:39Trois ans de guerre en Ukraine et on a l'impression d'être à un tournant, nous sommes avec Pierre Lelouch, ancien secrétaire d'Etat aux affaires européennes,
00:47auteur d'engrenages également, je vous avais reçu pour ce livre, la guerre en Ukraine et le basculement du monde, aux éditions Audi Jacob, bonjour Pierre Lelouch.
00:55Est-ce que vous avez l'impression que là on n'est pas loin d'un tournant tout de même ?
01:01Parce qu'il y a aussi, je le précise, la rencontre en fait à Munich, aujourd'hui ce week-end, alors ce n'est pas avec tout le monde, il n'y a pas toutes les parties concernées, mais tout de même.
01:13Oui, il y aura tout le monde, il n'y aura pas Poutine, il n'y a pas les chefs d'Etat, mais au niveau des ministres il y aura à peu près tout le monde et Zelensky va venir.
01:21Bon, ce qu'on est en train de vivre c'est effectivement un tournant, à plusieurs étages, d'abord un tournant parce que je pense qu'on entre dans la phase finale de cette guerre, comme je l'avais écrit.
01:33Mon livre est sorti en octobre, j'ai travaillé sur ce livre depuis deux ans et demi et malheureusement ce que nous vivons aujourd'hui était parfaitement prévisible et dans mon cas écrit.
01:42Donc ce qui me surprend c'est la surprise des dirigeants européens.
01:46Non mais ils ne le sont pas, ils font semblant d'être surpris.
01:49Non, je crois qu'ils sont authentiquement surpris parce qu'ils avaient fini par croire aux illusions qu'ils entretenaient tous les jours depuis trois ans.
01:57Il y avait beaucoup d'illusions dans cette guerre, la première c'est que l'Ukraine pouvait la gagner, alors qu'on sait depuis l'échec de l'offensive de 2023 que malheureusement c'est juste impossible.
02:10Pourquoi c'est impossible ?
02:12Tout simplement à cause du rapport de population. L'Ukraine depuis son indépendance il y a 30 ans a perdu 20 millions d'habitants, 10 pour ma mauvaise gestion économique dans les 10 premières années et maintenant 8 ou 9 pendant la guerre.
02:25Donc il reste 30 millions, un peu plus de 30 millions contre 145 millions de russes, ça ne le fait pas, il manque d'hommes.
02:32Sauf s'il y avait l'appui des puissances étrangères, c'est vrai parce qu'on a même évoqué l'envoi d'hommes.
02:39A moins de transformer ça en guerre mondiale.
02:41Ça c'est quelque chose avec l'idée avec laquelle certains ont joué, mais Biden à l'époque avait toujours dit qu'il n'était pas question de faire la troisième guerre mondiale.
02:50Donc si vous excluez l'entrée massive de l'OTAN pour aider l'Ukraine, ça ne pouvait pas marcher.
02:55Donc on est au bout de cette ligne où il va falloir accepter la réalité, c'est ce qu'a dit le ministre de la Défense américain crûment il y a deux jours à Bruxelles.
03:06L'Ukraine ne peut pas récupérer les territoires perdus. Article 1.
03:09Article 2, la guerre ne pouvait continuer que tant que les américains envoyaient des armes.
03:14Ils ont décidé d'arrêter d'envoyer des armes.
03:16Trump avait déjà averti, là encore l'an dernier, pendant 6 mois tout avait été stoppé, là ils ne veulent pas.
03:23Voilà, si vous voulez qu'on vous aide, il va falloir nous donner des terres rares.
03:28Deuxième illusion, les américains ne veulent plus.
03:32Troisième illusion, ça va se régler par l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN.
03:36Les américains ne voulaient pas faire entrer l'Ukraine dans l'OTAN, ils ont fait semblant.
03:39Mais ni Biden ni Trump voulaient laisser entrer l'Ukraine dans l'OTAN.
03:44Donc surprise, surprise, il n'y a pas de solution.
03:48Là aussi, fin d'une autre illusion.
03:50Quatrième illusion, ça c'est celle de Macron et des européens.
03:54Vous allez voir ce que vous allez voir, la défense européenne, la souveraineté européenne,
03:58on va remplacer les américains.
04:00Mais j'attends toujours de voir.
04:01Ça fait 3 ans qu'on parle de réarmement, 3 ans que cette guerre a commencé.
04:051 million de tués et blessés, on n'a toujours pas réarmé en Europe.
04:09Donc on se paye de mots.
04:11On a affaire à une bande de somnambules qui avancent dans le noir, qui racontent une histoire.
04:17Malheureusement, ils ont persuadé le mur de la réalité, et donc ça s'arrête.
04:23Et voilà où on en est, simplement ce genre de choses.
04:26Moi je l'avais écrit depuis des mois, j'ai dit attention, on va tout droit dans le mur.
04:31Mais apparemment ils ont continué, ils ont continué à raconter des salades encore aujourd'hui.
04:37Et c'est très inquiétant parce que les défis devant nous à la sortie de cette guerre sont colossaux.
04:44Imaginez, on est en 2025, donc à la fin du premier quart du 21ème siècle,
04:51une paix en Europe va être décidée entre les américains et les russes,
04:56sans la participation de l'Ukraine et sans la participation des européens.
05:00– C'est ce qui va se passer, probablement.
05:01– Évidemment.
05:02– Mais alors ça sert à quoi ce week-end de là, les discussions à Munich ?
05:07Parce que d'ailleurs certains font le rapprochement avec Munich 38,
05:12où il y avait eu...
05:14– La conférence de sécurité de Munich c'est une chose qui a été commencée
05:19il y a plus de 60 ans après la guerre pour ancrer l'Allemagne dans l'OTAN.
05:23Moi j'y suis allé la première fois il y a une cinquantaine d'années,
05:25donc j'y vais assez régulièrement.
05:28Et c'est devenu une espèce de grand barnum de Davos,
05:31de la sécurité où il y a 3 ou 4 000 personnes, c'est très désagréable aujourd'hui.
05:35C'est bien si vous êtes ministre et que vous avez des entretiens bilatéraux,
05:39mais pour le reste vous pouvez suivre à la télévision.
05:42– Mais alors pour revenir à ce qui peut se passer en fait pendant ce week-end ?
05:46– Il ne va rien se passer, il va se passer que tout le monde va se voir,
05:49Zelensky va essayer de convaincre le vice-président américain, J.D. Vance.
05:55Vance il était déjà l'année dernière à Munich,
05:59et d'ailleurs je cite dans mon livre longuement ce qu'il dit il y a un an,
06:02il dit il y a un an on s'en va, débrouillez-vous les Européens,
06:05on ne va pas continuer à payer.
06:07Il leur a dit cette année, il est vice-président, il va leur dire la même chose.
06:11– Donc il peut quand même y avoir des avancées lors de ces discussions ?
06:15– C'est parce que Zelensky en même temps il voit bien les choses,
06:20lui-même il s'est dit prêt d'ailleurs à négocier directement avec Poutine.
06:26– Zelensky il est juste désespéré parce que tout son système de mobilisation médiatique,
06:32les conférences partout dans le monde, ce qu'il a fait avec beaucoup de courage,
06:35d'ailleurs on ne peut pas le reprocher, d'avoir défendu Beck et Hanck son peuple,
06:39simplement bon il l'a aussi, il est devant un mur,
06:43lui-même avait dit je ne négocierai jamais avec Poutine,
06:46maintenant il est obligé de négocier avec Poutine,
06:48sauf que c'est Poutine qui ne veut plus le voir et qui lui dit,
06:50de toute façon tu n'es pas légitime, l'élection présidentielle est passée,
06:54tu n'es président de rien.
06:56Donc son problème ça va être de survivre à cette séquence
07:00où même les Américains vont demander des élections.
07:03Je vous fous mon billet, ils vont exiger des élections en Ukraine,
07:09à l'issue desquelles très probablement Zelensky va être sorti,
07:13comme c'est toujours le cas, rappelez-vous.
07:15– Déjà ça a été assez difficile ces derniers temps, même pour lui,
07:19avec ses généraux, il y a eu beaucoup de rivalités.
07:23– Beaucoup de rivalités, beaucoup de problèmes de corruption et puis des opposants,
07:27l'ancien président Poroshenko est de retour,
07:30donc il va y avoir une campagne électorale à un moment ou à un autre,
07:33le problème ça va être de trouver un consensus à l'intérieur de ce pays
07:40qui est dévasté, ravagé, politiquement instable,
07:44économiquement ruiné, mais militairement surarmé.
07:48Donc beaucoup de gens en Ukraine vont vouloir continuer la guerre,
07:52après la guerre, donc il va falloir trouver un système
07:55dans lequel nous occidentaux, on ne va naturellement pas reconnaître
07:59l'occupation russe du Donbass et de la Crimée,
08:02on ne reconnaît pas, mais bon, c'est en fait la réalité du champ de bataille.
08:08Il va falloir trouver un système où on va aider les Ukrainiens
08:12à garantir leur sécurité, sauf que là encore,
08:14les Américains ont dit quelque chose de très important l'autre jour,
08:17ils ont dit que si les Européens veulent participer aux garanties de sécurité
08:21en Ukraine, ce sera sans nous, de toute façon,
08:25sans la garantie de l'article 5, c'est-à-dire que les Américains
08:28ne couvriront pas une force européenne en Ukraine.
08:32On m'en dit, personne ne va y aller.
08:34De quoi qu'en dise M. Macron aujourd'hui,
08:36je doute fort que les Européens s'engagent militairement
08:40à l'intérieur de l'Ukraine après le cessez-le-feu,
08:43sans protection américaine.
08:44— Alors qu'on a voté quand même des crédits pour ça, notamment en France.
08:47— Mais quel crédit, monsieur ? Où y sont les crédits ?
08:52— Ce sont des lignes budgétaires, simplement.
08:56J'aimerais honnêtement voir un réarmement.
08:59D'abord, il le faut. Après cette guerre, il faudra réarmer.
09:03Mais pour l'instant, je le vois pas.
09:05— Pierre Lelouch, on parle beaucoup de l'après-guerre.
09:07Mais sauf que, attendez, nous n'y sommes pas encore.
09:10Aujourd'hui, comment cela peut se concrétiser ?
09:13Par un échange de territoires, comme cela a été évoqué,
09:18c'est-à-dire que les Russes gardent ce qu'ils ont gagné ?
09:22— Je raconte dans mon livre que, d'abord, que cette guerre aurait pu être évitée
09:25parce que les négociations de Minsk, etc., qui ont été loupées,
09:30y compris par les Européens, qui étaient garants de l'opération, quand même.
09:35M. Macron, M. Hollande avant lui, Mme Merkel, c'est pas brillant.
09:40On ne peut pas dire qu'on a été caractérisés
09:42par un leadership formidable pendant cette affaire.
09:45— Les accords de Minsk qui visaient justement à éviter la guerre.
09:49— Et à répartir un peu, en fait, le territoire.
09:52— Non, le territoire. L'Ukraine restait dans ses frontières.
09:55Simplement, la grande question, c'était l'autonomie des territoires de l'Est.
10:00Donc faire en sorte que l'Ukraine évolue vers une situation un peu fédérale
10:04plutôt qu'un État centralisé.
10:05Or, ça, à Kiev, ils n'en ont pas voulu. Les Russes ont fait de l'interférence.
10:09Bref, ça a capoté.
10:11Mais ce que les gens ne savent pas, et ce qui est dans mon livre,
10:14c'est que, figurez-vous que 15 jours après le début de la guerre en février 2022,
10:19donc il y a 3 ans, des négociations ont commencé entre Ukrainiens et Russes.
10:23Elles se sont déroulées jusqu'au mois d'avril 2022
10:27sous médiation turque à l'époque.
10:30Et on aurait pu avoir un accord.
10:31Et cet accord, on va le retrouver...
10:33Les grandes lignes, on va les retrouver aujourd'hui,
10:36à savoir l'Ukraine ne rentre pas dans l'OTAN.
10:38Ça, c'est l'objectif des Russes.
10:40Pas question que l'Ukraine rentre dans l'OTAN.
10:42Ça, les Américains l'ont tacté avant même la fin de la guerre.
10:46Deux, l'Ukraine peut rentrer dans l'Union Européenne.
10:52Trois, la Russie va conserver,
10:55mais on ne reconnaîtra pas les territoires qu'elle contrôle,
10:58ce champ de bataille, c'est-à-dire l'essentiel du Donbass et de la Crimée.
11:02Il y aura, très probablement,
11:04les Russes vont demander une levée des sanctions,
11:07et donc une reprise des relations économiques avec Trump qui ne demande que ça.
11:11Nous, au passage, on a perdu le gaz russe
11:12et on a perdu des dizaines de milliards d'investissements en Russie.
11:15— Qui sont partis, oui, bien sûr. — Partis en fumée.
11:18On va trouver que les Américains, maintenant, vont dealer avec les Russes,
11:20tandis que nous, on sera sortis.
11:22C'est un paradoxe. On aura échangé gaz russe contre gaz américain.
11:27— Souvent, on oublie et on reprend des négociations, non ?
11:29— Il y a des choses assez étonnantes dans cette affaire,
11:32y compris le fait qu'on a renoncé au gaz russe pour acheter du gaz américain, par exemple.
11:38— Pierre Lelouch, on va continuer dans un instant d'en parler avec vous.
11:41Est-ce que c'est une victoire aussi de Poutine, finalement ?
11:45— Oui et non. — On voit ça dans un instant.
11:47— C'est une bonne réponse, mon cher Pierre Lelouch,
11:49pour entretenir le suspense La Vérité en face jusqu'à 10 h.
11:53Nous aurons quelqu'un, d'ailleurs, d'autre au téléphone aussi,
11:55un rédacteur en chef du journal d'opposition russe « Russian Monitor »,
11:59qui sera avec nous et Pierre Lelouch dans un instant.
12:019 h, 10 h, Sud Radio, La Vérité en face, Patrick Roger.
12:07— La Vérité en face, donc, sur cette guerre en Ukraine
12:11et ce que l'on disait avec Pierre Lelouch,
12:13qui est mon invité, qui a écrit « Engrenage, la guerre d'Ukraine et le basculement du monde ».
12:17Très intéressant, pas simplement sur l'Ukraine,
12:19mais aussi sur l'ensemble de la géopolitique mondiale.
12:25On le voit bien, vous l'aviez écrit il y a quelques mois,
12:27c'est en train de se passer, en fait, aujourd'hui.
12:30Bon, on verra aussi, c'est vrai qu'il y a eu l'élection de Trump,
12:33qui était un peu prévisible, bien sûr,
12:35et qui bousculait, d'un mot d'ailleurs,
12:39juste sur ses premiers pas.
12:43Ça va bientôt faire un mois, Donald Trump, avec Musk derrière.
12:46Vous pensez que ça va continuer, cet attelage, ou pas ?
12:48— C'est énorme, ce qui est en train de se passer.
12:50Mais avant de parler de Trump, je voudrais répondre à votre question sur Poutine.
12:53— Alors, sur Poutine. Allons-y, directement.
12:55— Est-ce qu'il est gagnant ou perdant ?
12:57Ben, c'est pas flambant, quand même, son bilan,
13:01parce qu'il a énormément de mal à regagner le Donbass.
13:07Beaucoup de mal. Il n'est toujours pas arrivé, d'ailleurs.
13:09Il va y arriver, au prix de pertes énormes.
13:12Enfin, il a quand même perdu au moins 300 000 morts
13:16et 4 ou 500 000 blessés.
13:19Et puis surtout, l'OTAN s'est élargie, si vous voulez.
13:22Il s'est passé quoi ? Il s'est passé que la Finlande et la Suède ont rejoint l'OTAN,
13:26que la Baltique est devenue un lac otanien,
13:29et que, assez ironiquement, il a fabriqué de l'Ukraine une nation ukrainienne,
13:34parce que maintenant, les Ukrainiens, ils sont soudés contre les Russes.
13:37Donc, de ce point de vue, c'est pas terrible, comme bilan.
13:40En plus, il s'est mis sous le parapluie des Chinois,
13:45et il est devenu une sorte de vassal de la puissance chinoise.
13:49Il dépend des Chinois pour...
13:51— Il s'est coupé d'une partie du monde, quoi, aussi.
13:53— Aussi. — Alors qu'il y avait des affaires.
13:55— La question de savoir, c'est est-ce qu'ils vont revenir ou pas.
13:57Trump leur a tendu une énorme perche pour qu'ils reviennent dans le business avec les Occidentaux.
14:02Vous savez, en Russie, il y a un débat sur est-ce qu'on appartient à l'Occident,
14:05est-ce qu'on appartient à l'Asie.
14:06Et le virage peut être à long terme. On va voir.
14:10Mais donc le bilan pour Poutine n'est pas absolument convaincant.
14:13Il va essayer de vendre au peuple russe le fait qu'ils ont gagné la guerre.
14:17— Qu'ils ont gagné la guerre, oui, bien sûr.
14:19— Ils ont récupéré l'Ukraine sous influence.
14:21Mais c'est plus compliqué que ça.
14:23— Pierre Delouche, il y a aussi Olivier Védrine qui est avec nous,
14:26qui est politologue, professeur et journaliste administrateur de l'association Jean Monnet.
14:30Bonjour, Olivier Védrine.
14:32— Bonjour. — Bonjour.
14:34Sur cette question que l'on évoquait, parce que c'est vrai, je le disais,
14:39on est à une forme de tournant avec ce week-end des négociations,
14:43et puis surtout peut-être aussi la rencontre entre Trump et Poutine
14:46qui pourrait se faire en terrain neutre en Arabie saoudite.
14:48Et on se posait cette question.
14:50Alors c'est pas fini, évidemment. Il y a toujours la guerre.
14:53Mais il va sans doute y avoir des échanges de territoires qui vont se mettre en place.
14:56Si Poutine apparaissait comme le vainqueur, finalement...
15:04— Vous savez, je partage l'analyse de votre invité, Pierre Delouche.
15:08Poutine n'est pas franchement le vainqueur.
15:13— Ah, petit souci de liaison. Ah oui.
15:16— L'adhésion de beaucoup de pays à l'OTAN.
15:19Il a quand même soudé l'Ukraine.
15:23Donc c'est pas franchement pour lui une opération si extraordinaire que cela.
15:28Non. Je pense que les grands perdants de ce qui se passe, c'est l'Europe.
15:34C'est l'Europe qui est totalement en train de sortir de l'histoire,
15:40parce qu'elle a loupé le coche et ce basculement effectivement vers un monde multipolaire.
15:47— Oui, oui. Pierre Delouche, c'est ce que j'expliquais dans mon livre.
15:52Non, c'était ma crainte dans mon livre quand j'ai écrit cela il y a de nombreux mois.
15:56Mais malheureusement, le train était parti pour ça.
16:00C'est-à-dire que les leaders européens se sont bercés d'illusions,
16:05se sont racontés des histoires et ont raconté des histoires à leur peuple.
16:10Ils se sont noyés dans des expressions pompeuses « souveraineté européenne », « Europe de la défense », sans y mettre la main.
16:19— Pierre Delouche, d'accord. Mais quand même, quand il y a un pays qui est envahi,
16:22parce qu'il a été envahi par l'Ukraine, par Poutine, même si, bon, on est d'accord,
16:27il y a eu des problèmes avant, on aurait peut-être pu éviter ça,
16:30et que c'est juste à côté de chez vous, qu'est-ce que vous faites ?
16:33Et surtout, quand vous êtes une constellation de pays,
16:37qu'il n'y a pas une unité forcément autour de ça des moyens d'intervenir.
16:42— Non. On se souvient qu'à l'époque, c'était très confus.
16:48Les Américains ont sorti leur conseil militaire et ont dit « on ne fera que des sanctions économiques ».
16:54Les Européens ont hésité aussi. Si vous voulez, ce qui s'est passé,
16:58c'est que la grande surprise stratégique a eu lieu tout au début,
17:02quand les Russes ont raté leur opération de prise de contrôle de Kiev,
17:06et ils ont perdu des centaines de chars, parce que les Ukrainiens ont vaillamment résisté.
17:11La première phase de la guerre a été une déroute pour les Russes,
17:15qui ensuite ont dû se retirer.
17:17C'est pendant cette période qu'il y a eu les négociations d'Istanbul.
17:21Et c'est pour ça que je regrette qu'à l'époque,
17:23on n'ait pas aidé les Ukrainiens à obtenir un deal qui aurait été bien plus favorable qu'aujourd'hui.
17:28— Et notamment les Européens, donc, qui auraient pu pruser, quoi.
17:31— Mais le problème des Européens, c'est qu'ils se sont embarqués dans cette affaire
17:36sur le coup de l'émotion et de l'indignation, parfaitement compréhensibles, vous l'avez dit,
17:41mais sans l'analyse stratégique et sans but,
17:45en suivant simplement ce que faisait Biden, qui lui-même n'avait pas de but.
17:50Or, Clausewitz, qui est quand même le maître de la stratégie, enseigne ceci.
17:55Et c'est très important.
17:56La guerre, le dessin politique est le but.
18:02La guerre est le moyen.
18:05Un moyen sans but ne se conçoit pas.
18:08Or, on s'est embarqués dans cette guerre sans jamais avoir un objectif clair.
18:13Qu'est-ce que c'était, l'objectif ?
18:14Libérer les territoires, aller jusqu'à Moscou, renverser Poutine.
18:19Vous avez tout entendu, tout entendu.
18:21Et à aucun moment, du côté occidental, on a mis en face des objectifs, des moyens.
18:27Et très vite, on s'est aperçus que les moyens ne suffisaient pas.
18:32Ça dépendait entièrement des Américains, parce que les arsenaux européens sont vides.
18:36Une fois qu'on a vidé le peu qu'on avait, on l'a donné aux Ukrainiens, y compris en France.
18:40— Donc si on veut faire la guerre, il faut avoir des moyens, quand même.
18:42— Voilà. On n'a pas relancé la guerre.
18:43— Qu'est-ce que peuvent faire les Européens, en fait, aujourd'hui ?
18:45Olivier Védrine, on vous a retrouvé, en fait, au téléphone.
18:49— Oui. Ben écoutez, les Européens, aujourd'hui, à part faire des déclarations, ont pas grand-chose.
18:55Effectivement, on n'a pas de défense européenne.
18:58On a des armées qui, individuellement, ne sont pas capables de faire face à un défi tel que mettre des troupes en Ukraine.
19:09Je vous rappelle qu'il y a une armée dans l'UE, c'est l'armée française, qui est capable, effectivement, de faire des opérations extérieures.
19:18Le reste, si vous voulez, c'est de l'inclinonnage.
19:21Donc pour l'instant, on ne peut faire que des déclarations, ce qu'on a fait depuis le début.
19:26On est toujours restés dans les notions et dans le déclaratoire.
19:29Et je crains, malheureusement, que si on ne prend pas conscience qu'il nous faut une indépendance stratégique,
19:37on va se coucher devant les États-Unis, comme d'habitude, et attendre pour se réaligner sur la politique américaine,
19:46alors qu'il nous faudrait une indépendance totale au niveau stratégique et biopolitique.
19:50Et là, je pense que si on ne le fait pas très rapidement, on ne sera pas les vassaux des États-Unis,
19:58mais surtout, surtout, on risque d'être le biftec d'empires carnivores, avec les puissances qui émergent,
20:05et les grandes puissances comme la Chine et les États-Unis.
20:09— Oui. Merci beaucoup, Olivier Wédrine. Ça rejoint totalement ce que vous disiez, en fait, à un Pierre Delors.
20:14C'est ce que vous écrivez dans votre livre, en fait. — Oui. C'est le problème de ce billet de mots.
20:18Vous savez, l'autre jour, Zelensky a dit « Moi, il me faudrait des garanties de sécurité solides.
20:24Il faut que je rentre dans l'OTAN ». Il va pas rentrer dans l'OTAN. « Mais il me faudrait au moins 200 000 hommes ».
20:27— Oui, oui. — Mais l'Europe n'a pas 200 000 hommes. — Oui. Tiens, il y a une question, en fait, d'un auditeur.
20:32— L'Europe tout ancienne n'a pas 200 000 hommes, aujourd'hui. Imaginez-vous un front de 1 000 km de long où il y a un million de soldats des deux côtés.
20:39— Oui. Quel rôle pourrait avoir la BCE dans cette configuration, en fait, de l'UE, sans doute, pour travailler sur le financement ?
20:47Est-ce que la question se pose déjà ou pas ? C'est un peu technique, après, en fait.
20:53— Il faut se souvenir que... Pour vous montrer dans quel monde on vit, en pleine guerre, il y a encore un an,
21:00les banques ne finançaient pas la défense en Europe parce que c'était pas bien. Il fallait financer l'écologie mais pas l'industrie de défense.
21:11Donc bien sûr que les banques ont un rôle fondamental dans les commandes de l'industrie d'armement. S'il n'y a pas de réarmement,
21:18c'est que pour réarmer, il faut acheter des matériels, des machines et former des hommes. Or, les commandes sont pas là, très peu.
21:26Donc la machine ne redémarre pas. — Alors Trump et Poutine, vous croyez qu'ils vont donc se rencontrer dans le désert,
21:34en Arabie saoudite, dans quelques jours ? Qu'est-ce que... — Moi, je pense qu'ils vont le faire assez vite. Oui, oui.
21:39Je pense que les bases... Bon, c'est des bases très désagréables pour les Européens et pour les Ukrainiens. Mais les bases sont claires.
21:48L'essentiel des buts de guerre russe est atteint, à savoir pas d'entrée dans l'OTAN et d'Ombas Crimée. C'est ça qui compte pour les Russes.
21:57Là-dessus, Trump a déjà lâché les choses. Donc la négociation va commencer sur ces bases-là. Après, il va y avoir d'autres questions
22:05beaucoup plus techniques. C'est la ligne de partage le long de la ligne de cessez-le-feu. Qui est-ce qui rentre pour garantir cette ligne ?
22:13Est-ce que c'est des forces européennes ? Probablement pas, si elles sont pas couvertes par les Américains.
22:17— Où elles peuvent être liées, sans doute, un petit peu. — Ouais, un peu aux Européens.
22:22— Attendez, on va quand même faire un plaisir un peu aux Européens, qui sont les voisins, quoi. Non ? Même pas ?
22:26— Encore faudrait-il trouver les moyens nécessaires pour y aller. Ensuite, il va falloir garantir cette ligne de cessez-le-feu, éviter que la guérilla reprenne.
22:39— Oui. Ou que ça se propage aussi, parce qu'il y avait certains pays voisins – je pense à la Pologne, les Pays-Baltes, etc. – qui craignaient, qui disaient
22:47« Attention, si on laisse Poutine... ». Alors c'était s'emparer toute l'Ukraine, là. Ce serait pas le cas, en fait, dans ce partage.
22:54— Mais moi, je crois pas une seule seconde que Poutine soit en position d'attaquer l'OTAN. Ces pays sont membres de l'OTAN.
23:00Tout le problème, c'était de savoir où était l'Ukraine. Aujourd'hui, on a une Ukraine qui va être démembrée, qui est ravagée.
23:06Donc le problème qui va se poser pour nous, Européens, c'est de payer la reconstruction. Il y en a pour des centaines de milliards.
23:12Qu'est-ce qu'on fait de l'adhésion de l'Ukraine à l'UE ? On leur a promis que l'Ukraine allait rentrer dans l'UE. Les Russes ont acquiescé en 2022, ce qu'ils vont continuer à acquiescer.
23:22Il y a une autre question. Poutine est en position aujourd'hui de demander des limites, un plafonnement de l'armée ukrainienne. Est-ce que l'armée ukrainienne va accepter d'être plafonnée ?
23:32Toutes ces questions vont être sur la table. Mais l'important pour arrêter le bain de sang, c'est le cessez-le-feu.
23:38— Oui, c'est ça. Et ça... — On est contre 1 million de tués et blessés, quand même. C'est épouvantable.
23:44— Donc ça, évidemment, ça pourrait être discuté lors de cette rencontre en Arabie saoudite, probablement en terrain neutre.
23:51— Je pense que c'est mûr pour un cessez-le-feu. Après, pour les Européens, ça va être de trouver un strapontin autour de la table,
24:00parce que sinon, on va vivre un tournant de l'histoire très important, sauf que l'avenir de l'Europe se décide sans les Européens.
24:08— Sans les Européens. Merci beaucoup, Pierre Lelouch. Et je recommande votre livre « Engrenage, la guerre d'Ukraine et le basculement du monde »
24:15dans nos éditions Odile & Jacob. Ça va bien au-delà du conflit en Ukraine. C'est sûr aussi la nouvelle carte du monde géopolitique
24:24qui se dessine, parce que là, on n'a pas beaucoup parlé des Chinois, des Indiens et de beaucoup d'autres pays.
24:28— On n'a pas eu le temps. — Non, on n'a pas eu le temps. Puis c'était moins le sujet. Mais c'est particulièrement, évidemment,
24:34important tout ce qui s'y passe, avec un monde occidental qui est de plus en plus petit et moins puissant.
24:41— Et puis éclaté, maintenant. Et éclaté par ce que Poutine est en train de faire. On n'a pas eu le temps d'en parler. C'est dommage.
24:47— Oui. On en parlera. — Merci, Pierre Lelouch. Dans un instant, Gilles Gansman, Christine Bouillaud. Les débats continuent.
24:53Alexis Poulin aussi, sans réserve, reviendra donc ce midi, d'ailleurs, sur ce sujet. Dans un instant, c'est la n°2 de TF1, Claire Bazini,
25:00qui sera l'invité dans la partie médias et des débats également, bien sûr.