Début 2024, plus d'une centaine d'anciens élèves de Notre-Dame de Bétharram, un établissement catholique béarnais réputé pour la sévérité de son enseignement, ont saisi la justice pour dénoncer des années de brimades, des violences physiques, sexuelles et des viols de la part de prêtres et de surveillants commis entre les années 1970 et 1990. Atton Rouget, journaliste à Médiapart auteur d'une enquête sur l'établissement scolaire Notre-Dame-de-Bétharram, est l'invité de RTL Soir.
Regardez L'invité de Yves Calvi du 13 février 2025.
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00:00RTL Soir avec Yves Calvi et Vincent Derosier.
00:04Bonsoir Antoine Rouget.
00:06Bonsoir.
00:07Vous êtes journaliste chez nos confrères de Mediapart
00:09et vous êtes l'auteur d'une enquête sur l'établissement scolaire Notre-Dame de Bétarame dans les Pyrénées-Atlantiques.
00:14Une centaine de plaintes ont été déposées pour violences, agressions sexuelles et viols.
00:18La plupart des faits dénoncés y auraient été commis entre les années 50 et 90.
00:23Le Parc Expo avait annoncé l'ouverture d'ailleurs d'une enquête sur ces agissements dès février 2024.
00:28Comme nos confrères du monde aujourd'hui même,
00:30vous affirmez que le Premier ministre François Bayrou en a eu connaissance dès la fin des années 90.
00:35Certains de ses enfants, je le précise, y étaient scolarisés et sa femme y enseignait le catéchisme.
00:40Comment expliquez-vous cette attitude réitérée puisqu'il n'y en fait avoir été informé ?
00:46Il y a quelque chose qui est assez incompréhensible dans les déclarations faites à deux reprises par François Bayrou
00:52devant la représentation nationale qui sont des déclarations officielles
00:56au moment des questions au gouvernement mardi et mercredi.
00:59Il a été interpellé sur la situation au sein de cet établissement
01:03qui est aujourd'hui l'un des plus grands scandales de pédocriminalité
01:07au sein d'un établissement catholique des Pyrénées-Atlantiques,
01:12dans le fief électoral de François Bayrou.
01:16Et c'est vrai que depuis que plus d'une centaine de plaintes ont été déposées,
01:21l'actuel Premier ministre n'a pas eu un mot, y compris de compassion, vers les victimes.
01:28Et ce silence a d'abord interrogé.
01:30C'est vrai qu'aujourd'hui, quand on l'entend dire devant la représentation nationale
01:34qui n'a jamais été informée, alors que de très nombreux documents,
01:38des propres déclarations de François Bayrou dans les années 90,
01:42mais aussi des archives, des témoignages de plusieurs de ses proches,
01:49mais aussi du juge d'instruction, par exemple, qui a été saisi de la première affaire en 1998
01:54et qui, dans les colonnes de Mediapart, hier soir, explique que François Bayrou
01:58est venu personnellement le voir au moment de l'instruction de cette affaire.
02:03On parle en plus d'affaires de viol sur des adolescents, sur des mineurs,
02:08avec des faits qui sont relativement, en tout cas très graves, relativement marquants.
02:15Et de voir qu'aujourd'hui, François Bayrou revisite complètement toute cette histoire
02:22en disant qu'il n'était jamais, jamais informé de ces faits-là, c'est pour le moins surprenant.
02:28Alors justement, Antoine Rouget, quel intérêt François Bayrou a-t-il à maintenir ces dénégations ?
02:33Je répète ce qu'il a déclaré hier au Sénat.
02:36« Jamais je n'ai été à cette époque averti en quoi que ce soit des faits
02:40qui ont donné lieu à des plaintes ou à des signalements.
02:43Toute votre enquête, comme celle d'ailleurs du journal Le Monde, prouve évidemment le contraire.
02:48Comment comprenez-vous l'attitude de François Bayrou si on essaie de se mettre à sa place ? »
02:53D'abord, il y a un élément, vraiment j'insiste dessus,
02:56ce n'est pas Mediapart ou Le Monde qui affirment que François Bayrou était informé comme ça, en l'air.
03:03Ce sont vraiment des archives, y compris des archives de la presse locale,
03:06de Sud-Ouest, de la République des Pyrénées,
03:09dans lesquelles François Bayrou lui-même prend la parole sur ces affaires dans les années 90.
03:14Pour dire quoi ?
03:15Comment expliquer ? Y compris pour protéger l'institution, pour la défendre publiquement,
03:20alors qu'elle est mise en cause dans les premières affaires.
03:22Il y a une première affaire de violence physique sur un élève
03:25qui aboutira à la condamnation d'un surveillant général en 1996,
03:29et puis ensuite une seconde affaire sur des viols de la part du directeur de l'établissement.
03:33Ce sont des prises de parole de François Bayrou lui-même,
03:37et c'est là où ça rejoint la pertinence de votre question,
03:41de savoir pourquoi aujourd'hui il n'accepte pas de dire,
03:44écoutez, peut-être que c'était un contexte, etc.
03:47Parce qu'en 1996, François Bayrou est ministre de l'Éducation nationale,
03:51et effectivement, à travers le soutien qu'il a apporté à cet établissement,
03:55vient la question subsidiaire qui a été les possibles complicités,
04:00ou en tout cas la bienveillance dont a bénéficié Notre-Dame de Bétarame pendant des décennies.
04:05Un établissement au sein duquel on voit bien aujourd'hui, à l'aune du nombre de plaintes,
04:10plus de, vous l'avez dit en introduction, plus de 110 victimes déclarées.
04:17J'étais tout à l'heure avec l'un des responsables du collectif
04:20qui dit que depuis trois jours c'est un afflux de nouveaux témoignages,
04:24donc on est face à un scandale immense,
04:26et que peut-être François Bayrou ne peut pas assumer d'avoir à ce moment-là,
04:31et bien tolérer ce qui se passait dans cet établissement,
04:35et rien faire alors qu'il était déjà en responsabilité,
04:37et qu'il aurait peut-être pu intervenir.
04:39J'écarte une question qui sera soulevée de toute façon à un moment ou à un autre,
04:42on ne peut pas imaginer qu'il n'ait pas été attentif par exemple à des réponses faites par son entourage,
04:46secrétaire, conseiller d'une quelconque façon ou autre, on est bien d'accord ?
04:50Ah non, non, non, et puis d'ailleurs il était totalement en prise directe sur ces questions-là,
04:56à la fois en tant que ministre de l'Éducation nationale,
04:58donc de 1993 à 1997, vous l'avez rappelé,
05:01ses enfants étaient scolarisés, donc il était également parent d'élèves,
05:05il était époux d'Elisabeth Bayrou,
05:08qui est elle-même professeur de catéchisme dans l'établissement,
05:13et puis en 1998 il va personnellement,
05:16il est à l'époque président du conseil général,
05:18donc président du département des Pyrénées-Atlantiques,
05:21il faut s'imaginer la scène du président du département
05:23qui s'invite dans le bureau d'un juge d'instruction,
05:27pendant l'affaire, alors que ce sont quand même des affaires
05:29qui sont censées être couvertes par le secret de l'instruction,
05:33pour aller demander des explications au juge,
05:36et le juge nous l'explique en disant que François Bayrou ne croyait pas en réalité
05:40les accusations qu'il pesait sur le directeur de l'établissement,
05:44et le juge, qui s'appelle Christophe Miranda,
05:48explique en détail à François Bayrou qu'il s'agit de faits extrêmement graves,
05:53d'atrocités, et qu'il a eu de bonnes raisons
05:56de mettre en examen le directeur de l'établissement.
05:59Finalement, son véritable axe de défense est de dire aujourd'hui
06:02« Pensez-vous que j'aurais laissé mes enfants dans un établissement pareil
06:05si j'avais été mis au courant de ce qu'il s'y passe ? »
06:07Que pensez-vous de cette justification ?
06:09Et ce sera probablement ma dernière question.
06:11C'est très étonnant, parce que justement,
06:13quand il va voir le juge Miranda en 1998,
06:16d'après le récit qui nous en est fait de la part de ce magistrat,
06:22c'est que justement, il vient lui demander
06:24si ses enfants pourraient être concernés.
06:27Il vient en tant que parent d'élève pour se renseigner sur ses enfants.
06:31Il part avec des informations à la fois du juge qui lui dit
06:34que les infractions lui paraissent constituées,
06:38même les crimes qui ont été commis lui paraissent constitués,
06:42le dossier est solide, mais il ne prend pas de décision derrière,
06:46à la fois institutionnelle, en tant que responsable public,
06:49pour dire qu'il y a des dysfonctionnements extrêmement graves
06:52à la tête de cet établissement et qu'il faut impérativement
06:55diligenter des inspections, mettre en œuvre tout un tas de politiques publiques
07:01permettant que ces faits-là ne puissent pas se reproduire,
07:04et surtout, ses enfants vont rester à Notre-Dame-de-Bétarame.
07:07Donc c'est ça qui est extrêmement étonnant
07:10et qui rend dissonant les justifications
07:13qui sont aujourd'hui apportées par François Bayrou.
07:15Une toute dernière question qui ne nécessitera qu'un oui ou un non.
07:18Avez-vous contacté l'Elysée pour savoir si le Président de la République,
07:21par exemple, s'inquiète de la situation ?
07:23Nous avons contacté tous les responsables de la majorité
07:28et nous avons aussi posé des questions ce matin à la porte-parole du gouvernement
07:32et c'est plutôt un silence radio jusqu'à présent.
07:35Merci infiniment Antoine Rouget, journaliste de Mediapart.
07:38L'enquête est bien entendu à retrouver sur le site Mediapart.
07:41Dans un instant, les toutes dernières informations dans le journal de 18h30,
07:45puis à 18h40, nous allons nous intéresser au troisième âge, voire au quatrième.
07:49Une étude de l'INSEE se penche sur les modes de vie des plus de 65 ans en France.
07:53Tous les détails à 18h40 avec le sociologue Serge Guérin.