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Mardi 11 février 2025, SMART IMPACT reçoit Philippe Drweski (Psychologue) , Yann Auger (Directeur général, ANDES) , Thierry Baron (Responsable, Epiceririe Solidaya) et Stéphanie Mazet (Cofondatrice, Mundao)

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00:00Générique
00:08Bonjour à toutes et à tous, bienvenue, c'est Smart Impact, l'émission de la transformation environnementale et sociétale de notre économie.
00:15Et voici le sommaire du jour. Mon invité, c'est Philippe Droufsky, psychologue-clinicien, co-auteur du livre « La psychologie clinique face à la crise écologique ».
00:24On verra ce qu'il se cache derrière, l'expression un peu fourre-tout d'éco-anxiété dans notre débat.
00:30On va parler ensemble de la situation des épiceries solidaires qui distribuent chaque année l'équivalent de 40 millions de repas.
00:37Vous découvrirez les résultats de l'Observatoire 2025 des épiceries solidaires.
00:42Et puis dans notre rubrique consacrée aux startups éco-responsables, je vous présenterai Mundao et ses couches compostables.
00:50Voilà pour les titres, on a 30 minutes pour les développer, c'est Smart Impact.
00:54Générique
01:00L'invité de Smart Impact, c'est Philippe Droufsky, bonjour.
01:03Bonjour.
01:04Bienvenue, vous êtes psychologue-clinicien, co-auteur de ce livre « La psychologie clinique face à la crise écologique », livre publié aux éditions In Press.
01:15Pourquoi vous l'avez écrit, à qui il s'adresse ce livre ?
01:17Bonjour, merci de me recevoir. Alors c'est un livre effectivement collectif avec 11 co-auteurs aussi.
01:25Donc en fait c'est un livre qui s'adresse à la fois aux professionnels de la santé mentale et à tous ceux qui s'intéressent à la question de la psychologie et de la crise écologique.
01:35Voilà, c'est un petit peu le public à quel il s'adresse avec effectivement plutôt des professionnels de la santé mentale, des psychologues, des psychiatres, voilà.
01:44On va évidemment beaucoup parler d'éco-anxiété, expression peut-être un peu fourre-tout. De quoi on parle ? De quoi s'agit-il ?
01:51C'est une bonne question parce que c'est un terme qui en fait à la base n'est pas un terme scientifique, qui ne vient pas du champ de la santé mentale,
01:59mais qui est un terme inventé par une journaliste dans les années 90 et qui pose effectivement des difficultés sur le plan presque sémiologique
02:08parce qu'il définit finalement quelque chose de très divers. Alors aussi bien un citadin qui voit ses informations défiler sur son smartphone sur la crise écologique
02:17qu'un agriculteur qui subit les chècheresses ou des catastrophes dans d'autres pays. Donc en fait il pose une vraie difficulté.
02:26Nous dans le livre on parle plutôt de la question de l'angoisse qui nous paraît sur le plan scientifique beaucoup plus solide.
02:33C'est donc de définir les différents niveaux d'angoisse qui sont suscités justement par la question de la crise écologique.
02:39C'est quoi ces niveaux d'angoisse ? Ça peut aller jusqu'à une espèce de paralysie face à ces enjeux ?
02:46Oui, c'est-à-dire qu'il peut vraiment se mobiliser des choses, des angoisses d'effondrement très fortes chez certaines personnes,
02:53comme en fait des angoisses qui sont plus élaborées, par exemple des angoisses de perte, c'est-à-dire effectivement de quoi demain sera fait,
03:02qu'est-ce qu'on va perdre dans la société future, est-ce qu'il va y avoir des régressions sur le plan social, enfin ce genre de choses.
03:09Et donc ça définit du coup des modes de fonctionnement très diverses.
03:14Alors je vais quand même reprendre l'expression d'éco-anxiété qui est la plus communément admise pour voir que dans le monde
03:22il y a 30% des humains qui déclarent ressentir de l'angoisse, je reprends votre mot, quand ils pensent au changement climatique.
03:28C'est intéressant de voir les variétés, 47% en Asie, 19% en Europe.
03:34Comment on explique finalement qu'on soit un peu moins angoissé ? En Europe il y a moins de catastrophes climatiques,
03:42elles sont moins violentes qu'en Asie, comment vous l'expliquez ça ?
03:46Il me semble qu'il y a une réalité qui est quand on parle de la crise écologique, la question de l'expérience sensible liée à la crise écologique.
03:55C'est-à-dire que ce n'est pas effectivement la même chose d'avoir des informations.
03:58Finalement beaucoup d'Européens sont assez peu impactés par la question de la crise écologique.
04:03Alors qu'il me semble que dans des pays asiatiques, il y a vraiment des pays dont par exemple des migrants climatiques commencent vraiment à exister.
04:11Et donc il y a cette dimension qui je pense est beaucoup plus sensible.
04:14Et donc en tant qu'être humain on croit d'une certaine façon ce qu'on voit.
04:22Les conséquences de cette angoisse ou de cet écho en anxiété, je parlais de paralysie,
04:30en quoi pour l'environnement le fait de ne plus ou d'avoir moins peur de l'avenir c'est souhaitable ?
04:36Vous voyez le sens de ma question.
04:38Qu'est-ce que ça peut déclencher finalement de réduire ce niveau d'angoisse ou d'écho anxiété ?
04:43C'est une question très importante parce qu'on pourrait se dire que l'un des mécanismes de défense,
04:49une espèce d'adaptation par rapport à cette situation serait de dénier ou de ne pas être anxieux ou de ne pas être angoissé par cette situation.
04:58Ce qui rejoint peut-être la question du climato-syndicisme aussi.
05:02On va en parler ensemble bien sûr.
05:04Donc ça on va dire que c'est un espèce de mécanisme de protection.
05:08Mais d'une certaine façon il y a quelque chose qui est paradoxal.
05:10C'est que plus on se protège de ça, plus on dénie la réalité de ce qui se passe.
05:15Donc il y a une espèce de paradoxe là qui n'est pas non plus complètement satisfaisant.
05:19D'ailleurs c'est une des critiques qu'on peut émettre à certains moments à l'endroit de certaines approches de la psychologie.
05:26C'est-à-dire qu'il y a vraiment des stratégies de coping, d'adaptation.
05:29Ça s'est beaucoup étudié notamment dans le monde anglo-saxon.
05:32Mais c'est aussi des stratégies d'évitement de la réalité de ce qui se passe et de la réalité systémique de ce qui se passe.
05:39Mais il y a un phénomène psychologique qui moi me frappe.
05:46C'est que malgré la répétition des catastrophes climatiques, notamment en Europe,
05:53il n'y a pas forcément une prise de conscience ou une volonté de se mettre en action immédiatement déclenchée.
06:00Comment vous l'expliquez ça ?
06:02Ça peut même provoquer un regain de complotisme ou de climato-scepticisme, une catastrophe.
06:08Ce qui est marquant, vous souvenez quelque chose de très juste, c'est qu'il y a une dernière étude de l'IPSO qui est parue en 2022
06:17qui montre que le taux de climato-sceptique dans la société n'a pas bougé depuis les 20 dernières années.
06:22Ça reste complètement constant.
06:23Donc les informations sur le sujet n'ont aucun impact scientifique et l'information n'a pas d'impact.
06:29Il y a de multiples raisons pour lesquelles je pense que ça existe.
06:33Je pense qu'il y a trois éléments qui me paraissent importants.
06:35On parlait de la question sensible.
06:38Est-ce qu'on vit l'expérience au quotidien ?
06:40C'est-à-dire quand je prends ma voiture, je ne vois pas les arbres mourir autour de moi.
06:43C'est Marc Oligory qui, dans l'ouvrage, parle d'un écart promethéen.
06:51C'est-à-dire l'écart entre les technologies et l'impact que ça a sur l'environnement.
06:56Il y a une dimension comme ça.
06:58Et puis on est aussi une espèce qui naît de façon très immature au monde.
07:04Donc on a construit une espèce d'enveloppe technique
07:07auxquelles on a beaucoup de difficultés à renoncer d'une certaine façon.
07:11Ce sont des éléments qui ont des impacts sur notre capacité à pouvoir concevoir ce qui est en train de se passer pour nous.
07:19Vous nous le disiez, le livre est à destination notamment des professionnels de santé
07:26qui sont confrontés à des Français qui arrivent en disant qu'ils sont angoissés.
07:34Est-ce qu'il faut que vous changiez certains outils d'analyse pour être plus efficace ?
07:40C'est aussi un des objectifs.
07:42Pour bien faire face à un problème, il faut bien se le représenter d'une certaine façon.
07:47Et comme je vous le disais précédemment, il nous semble que les modèles qui sont beaucoup utilisés
07:52sont des modèles qui sont basés sur la psychologie du stress.
07:55C'est-à-dire qu'il y a un stress extérieur, la crise écologique, et on y répond avec des schémas comportementaux.
08:03Et en fait, ça nous apparaît comme une sorte d'écueil.
08:07Et donc l'un des objectifs, c'est de créer des modèles qui s'appuient sur la psychologie, sur la psychanalyse
08:15mais aussi sur une approche un peu transdisciplinaire du côté de la sociologie, de l'anthropologie,
08:21pour essayer de créer des modèles pour mieux se représenter le problème.
08:24Ce qui est déjà un élément central.
08:26Et puis après, il y a toute la question du travail de cliniciens.
08:31C'est un travail sur le lien entre les êtres humains.
08:34Ce qu'on évoque aussi là-dedans, c'est que c'est une crise systémique
08:37qui ne concerne pas que l'environnement mais aussi le rapport que les êtres humains ont entre eux.
08:42Et que ça, c'est une dimension absolument centrale aussi.
08:44Est-ce que le fait de passer à l'action, ça peut être un moyen de réduire ou de dégager cette angoisse environnementale ?
08:52Oui, oui, complètement.
08:54C'est même l'une des principales ressources que l'on a quand on est angoissé de passer à l'action.
08:58Ça abaisse l'angoisse.
08:59Et en même temps, c'est là où il y a une difficulté.
09:01C'est qu'on est presque malade dans notre société peut-être de passer trop à l'action.
09:06C'est-à-dire de vouloir absolument toujours régler les problèmes.
09:09Et qu'il y a, je pense, une double dimension.
09:13C'est la question de l'action et puis la question de la réflexion.
09:16Et donc, on revient sur la construction de ces nouveaux modèles de compréhension.
09:20De comment nous, en tant que psychologues, que psychiatres, on peut penser ces questions-là.
09:25Et comment on peut les appréhender d'une façon un peu systémique et globale.
09:29Le mois prochain, à la mi-mars, il y a l'Université de la Terre qui se tient à Paris, à l'UNESCO.
09:35Le président qui était notre invité dans une précédente émission disait
09:38qu'on va parler notamment de reconnexion à la nature.
09:41Oui, c'est un peu cette question-là.
09:44Peut-être, moi, je dirais presque de reconnexion aux vivants et aux autres d'une certaine façon.
09:49C'est-à-dire à la fois à la nature et puis aux autres êtres humains.
09:53C'est-à-dire qu'on voit que cette crise-là, elle s'inscrit aussi dans une crise, par exemple, des institutions.
09:59Des institutions sociales, du lien dans la société.
10:03Enfin, il y a toute cette dimension qui, à notre sens, participe exactement de la même logique, finalement.
10:08Paradoxe d'une société hyper connectée, mais où les liens entre les humains sont peut-être en train de se fragiliser.
10:14Merci beaucoup, Philippe Drefsky.
10:16Et je rappelle le titre de ce livre collectif.
10:19Donc, la psychologie clinique face à la crise écologique, publié aux éditions In Press.
10:25Merci encore.
10:26On passe à notre débat.
10:27On va découvrir ensemble l'Observatoire 2025 des épiceries solidaires.
10:34Les épiceries solidaires au programme de notre débat avec Yann Ogé.
10:42Bonjour.
10:43Bienvenue.
10:44Vous êtes le directeur général d'Andès.
10:45Thierry Barron, bonjour.
10:46Enchanté.
10:47Trésorier de Solidaria épicerie solidaire, qui est membre de ce réseau.
10:51Vous nous le présentez en quelques mots, Andès, réseau d'épiceries solidaires.
10:55Bien sûr.
10:56Donc, en quelques mots, Andès, c'est un réseau d'épiceries solidaires.
11:00Vous l'avez dit, qui fédère 625 structures de ce type qu'on va vous présenter.
11:06Présente dans toute la France, dans toutes les régions, en Outre-mer.
11:11Et qui développe donc un concept tout à fait spécifique d'aide alimentaire participative.
11:17Donc, ce sont des épiceries qui sont dédiées à des personnes en situation de précarité.
11:22Mais qui se présentent comme des commerces ordinaires, avec des rayons garnis.
11:28Un grand choix de produits.
11:30Et les personnes, orientées par des travailleurs sociaux qui accèdent à l'épicerie,
11:35viennent y faire leurs courses, choisissent leurs produits.
11:38Et payent en général entre 10 et 30% de la valeur.
11:42Mais il y a quand même l'acte de payer.
11:45Exactement.
11:46Ça fait partie du concept.
11:48L'idée de préserver la dignité des clients bénéficiaires de l'épicerie.
11:53De respecter leur goût, leur choix.
11:56Donc, ils choisissent les produits dans une offre de qualité.
11:59Et effectivement, ils payent un petit peu en sortie.
12:02Comme dans un commerce ordinaire.
12:04Tout ça dans le but de ne pas se retrouver dans des situations un peu stigmatisantes
12:11pour les bénéficiaires qui viennent dans ce type de dispositif.
12:15Thierry Barron, double question.
12:17Où se trouve votre épicerie ?
12:19Et pourquoi cette dimension de payer, même peu, elle vous semble importante ?
12:24Elle se trouve dans le 13ème arrondissement de Paris.
12:28Aux alentours de la place de Rungis, pour ceux qui connaissent.
12:31Pourquoi cette dimension ?
12:33Je vais rebondir sur ce qu'a dit Yann.
12:35Ce qui est fondamental, c'est cette notion de dignité humaine.
12:39Il y a un point que Yann n'a pas évoqué.
12:42C'est que dans le dispositif des épiceries sociales et solidaires,
12:45les personnes sont là pour un laps de temps.
12:48Elles ne sont pas là ad vitam aeternam.
12:52Par exemple, si je prends l'exemple de notre structure,
12:55les personnes viennent pour 6 mois, renouvelables une fois.
12:58Qu'est-ce que ça veut dire ?
12:59Ça veut dire que les personnes viennent avec un projet.
13:02Un projet, ça peut être effacer une dette, ça peut être passer à un cap
13:06où vous avez eu une maladie, vous avez perdu votre emploi,
13:09ou vous êtes dans une situation un peu compliquée.
13:12À ce moment-là, les personnes ont besoin de reprendre des forces,
13:17pas que simplement des forces en s'alimentant correctement.
13:22Bien évidemment, on met un point d'honneur à ce que l'alimentation
13:26qu'ils fournissent soit une alimentation de qualité.
13:29Mais c'est aussi, et par le fait de les responsabiliser sur l'acte d'achat,
13:36de leur donner le choix de ne pas être là en leur imposant ce qu'ils ont à prendre.
13:41Finalement, on organise ce SAS et c'est fondamental.
13:46Le modèle des épiceries solidaires, ce n'est pas un modèle de grande précarité.
13:50Oui, on a bien compris.
13:51L'Observatoire 2025 des épiceries solidaires, Yann Ogé, que vous avez lancé,
13:56pourquoi et peut-être quelle leçon principale vous en retirez ?
13:59Alors, pourquoi ?
14:01Parce que les épiceries sont des structures extrêmement diverses
14:04dans leur mode de fonctionnement,
14:06qui se retrouvent sur un certain nombre de grands principes communs.
14:09Mais donc, on avait besoin de mieux qualifier,
14:12de mieux identifier toutes ces pratiques, premièrement,
14:15qui peuvent être très différentes, qui dépendent de plein de paramètres.
14:18Et puis, d'autre part, on est sur une matière vivante.
14:21On est sur le secteur associatif,
14:24un petit peu éprouvé par certains facteurs qui le fragilisent.
14:27Et donc, on voulait prendre un petit peu la température de nos épiceries sur le terrain.
14:33Et donc, quelle leçon principale vous en retirez de cet observatoire ?
14:37Alors, on est conforté dans les grands éléments de compréhension
14:41du fonctionnement de ces épiceries et de leur situation.
14:45Pour aller vite, on en a un quart qui annonce quand même être très fragilisé
14:49par tous les facteurs que vous imaginez et que je peux résumer très brièvement.
14:54On a des baisses de dons de produits,
14:57puisqu'une bonne partie de l'approvisionnement vient de dons.
15:00Donc ça, on est sur une tendance à la baisse.
15:03On a des subventions, soit qui stagnent,
15:06soit qui baissent un petit peu dans le cas de certaines collectivités
15:10et qui fragilisent fortement les épiceries.
15:13Et puis, dans les grands enseignements, il y a bien sûr une confirmation
15:17des grandes catégories de populations qui sont amenées à fréquenter ce type...
15:23Donc ça veut dire que ce modèle, il est un peu sous tension, si je comprends bien.
15:26C'est un modèle qui est, comme tout le secteur associatif, sous tension,
15:30comme tout le secteur de l'aide alimentaire d'ailleurs,
15:33il n'y a pas que les épiceries, du fait de ces facteurs.
15:36Certains ont parlé d'effets cocktails ou d'effets ciseaux
15:39liés au fait qu'on a de plus en plus de bénéficiaires,
15:42donc plus de 50% depuis 2019,
15:46donc des bénéficiaires plus nombreux, des dons de produits qui baissent,
15:49des achats plus coûteux pour compenser les produits que l'on n'a pas en dons
15:53et qui coûtent bien plus cher que par le passé,
15:56et puis des subventions qui stagnent ou qui sont fragiles.
16:00Donc oui, c'est un modèle qui est fragilisé,
16:05qui s'en sort pas trop mal.
16:08– Mais qui est fragilisé, on a compris la leçon principale,
16:11on va dire, de cet observatoire avec ce chiffre 1 Français sur 6
16:15qui ne mange pas à sa faim.
16:17Je veux bien votre retour d'expérience, Thierry Baron,
16:19sur cette demande plus forte.
16:22Qui vient chez vous ? C'est plutôt des familles ?
16:24C'est plutôt des étudiants ou des jeunes en situation de précarité ?
16:31– Alors on a une proportion de familles monoparentales
16:35qui est certainement en surreprésentation par rapport à la population.
16:40– Donc beaucoup de femmes seules aussi ?
16:42– Beaucoup de femmes seules avec enfants.
16:44On a une surreprésentation des travailleurs,
16:49travailleurs en CDI,
16:52on a vraiment une surreprésentation par rapport au reste de la population.
16:56C'est logique, mais en même temps ça nous tracasse
16:59parce qu'on se dit que les personnes qui subissent un accident de vie,
17:04on ne les prend pas peut-être assez tôt pour leur donner toutes les chances de remonter.
17:10Et en les étudiant, je ne vous fais pas un dessin,
17:13sur Paris il y a eu quand même beaucoup de communications,
17:17enfin sur Paris et sur la France, et on accueille aujourd'hui,
17:20je vais vous donner des chiffres,
17:22nous on accueille à peu près 130 familles chaque semaine.
17:27Sur ces 130 familles, ça fait en gros un 4 à 500 personnes
17:31qu'il faut nourrir toutes les semaines.
17:33Et on a une proportion d'étudiants qui est aujourd'hui à peu près d'un quart,
17:39et qui est en croissance.
17:41– Ça veut dire, Yann Ogier, qu'il y a des épiceries étudiantes,
17:44même spécifiques, qui se sont créées ou qui sont plus nombreuses qu'avant ?
17:49– Absolument, il y en a plus d'une cinquantaine dans le réseau,
17:52leur nombre a été multiplié par près de 3 en quelques années.
17:56Donc il y a des modèles spécifiques qui se mettent en place
17:59pour répondre à des besoins particuliers,
18:01et effectivement ces épiceries étudiantes en font partie.
18:04Elles peuvent être sur les campus ou en dehors,
18:07tenues par des étudiants, pour les étudiants ou pas,
18:10il y a d'autres approches possibles,
18:12mais oui c'est un modèle qui est en plein boom,
18:14parce que les besoins sont hélas très importants.
18:17– Il y a un mot que vous n'avez pas prononcé ni l'un ni l'autre,
18:20c'est le mot inflation.
18:22Je veux bien avoir votre ressenti,
18:24parce que là aujourd'hui les chiffres macroéconomiques nous disent
18:28qu'on est en train de gagner la bataille.
18:31Comment vous le ressentez à la dimension d'une épicerie solidaire ?
18:34A la fois pour vous fournir en produits,
18:37et puis dans ce que vous disent les femmes, les hommes qui viennent chez vous.
18:41– Oui, sur les deux aspects, le constat est le même.
18:44Effectivement on est sortis du pic inflationniste,
18:47mais bien sûr on reste à un niveau de prix extrêmement élevé
18:50qui met une bonne partie de la population en grande difficulté.
18:54Donc ça on le ressent dans la fréquentation des épiceries.
18:59Et par ailleurs, vous l'avez dit,
19:01ça a un impact sur la capacité à nous approvisionner,
19:05puisqu'en gros on paye 20% plus cher qu'il y a quelques années sur tous les produits.
19:09– Et il y a de moins en moins de dons,
19:11vous êtes obligés de plus en plus d'acheter, si j'ai bien compris, des produits alimentaires.
19:14– C'est l'équation, c'est la grande équation qui nous occupe toute l'année.
19:19Je pense que Thierry pourra donner un témoignage à l'échelle de son épicerie.
19:23C'est le sujet-clé pour les épiceries et pour tout le secteur de l'aide alimentaire.
19:27– Il y a moins de dons, effectivement,
19:29c'est-à-dire que vous achetez de plus en plus de produits alimentaires
19:32pour pouvoir faire tourner l'épicerie.
19:34– Je vais vous donner des chiffres, je crois que c'est plus simple.
19:36Il y a trois ans, on va distinguer les approvisionnements,
19:41il y a trois types d'approvisionnement.
19:43Il y a ce qu'on appelle les dons, proprement dit,
19:46c'est-à-dire, tout le monde a vu les collectes dans les supermarchés,
19:49tout le monde ne sait peut-être pas, mais il y avait aussi des produits
19:53qui étaient un peu en fin de vie, qui étaient ramassés dans les supermarchés,
19:56donc des produits qui sont tout à fait consommables, mais en fin de vie.
20:00Ensuite, vous avez une partie de produits qu'on pouvait récupérer avec des coûts logistiques.
20:07Je ne vais pas rentrer dans nos jargons.
20:09En gros, des plateformes de dons ou des structures telles que la branque alimentaire
20:14où vous achetiez des produits, mais vous ne payiez que la partie logistique.
20:18– D'accord.
20:19– Et puis la partie achat.
20:21Quand vous n'avez pas trouvé des produits, il faut acheter.
20:24Alors, il faut acheter comme un supermarché va acheter.
20:27Grâce à Andes, on a accès à des plateformes de supermarchés
20:31où on peut acheter au même tarif que les commerces vendent.
20:35– D'accord.
20:36– Simplement, vous vous rappelez que nous, on vend à peu près à 20%.
20:38– Oui, donc…
20:39– Donc, de toute façon, on est cuit là-dessus.
20:41– Et cette partie-là ? Je vois trois piliers. Cette partie-là, elle grossit ?
20:46– Cette partie-là, elle représentait, je dirais, 20 à 30% des apports il y a trois ans.
20:51Aujourd'hui, c'est 45% pour nous, dans notre épicerie.
20:55– Donc, ça veut dire que votre modèle économique, ce n'est pas le bon terme,
20:58mais que le budget, vous avez plus ou moins de mal à le boucler.
21:02– Le budget est sous tension.
21:04Et en plus, on est sur un paradoxe, c'est que le budget est sous tension,
21:08la population étant elle-même sous tension,
21:11on n'a pas forcément revu nos prix à la hausse.
21:14Et les prix qu'on avait, nous, il y a deux ans, on ne les a pas bougés.
21:17Et je crois que dans le réseau des épiceries solidaires,
21:20c'est le cas de beaucoup d'épiceries de ce type-là.
21:23Et les gens ont moins de moyens aussi pour acheter.
21:26Donc, on est vraiment dans une situation qui est compliquée.
21:30– Et il nous reste une minute, ça passe trop vite.
21:32Ça veut dire, Yann Ogier, qu'on peut lancer un appel à des entreprises,
21:37à des commerçants, localement, pour finalement aider les épiceries solidaires ?
21:42– Exactement, pour aider les épiceries, il y a plusieurs leviers possibles.
21:46Il y a effectivement la recherche, bien sûr, de dons de produits, on en a parlé.
21:51Mais bien évidemment, la recherche de dons en numéraire,
21:56que ce soit par les entreprises, sous la forme de mécénats,
21:59ou de dons financiers par les particuliers.
22:02Et puis, j'en profite pour dire aussi qu'on est en permanence en recherche de bénévoles.
22:06C'est très important pour faire fonctionner nos structures.
22:10Voilà, ça fait partie des quelques axes sur lesquels
22:13on peut envoyer un message aux spectateurs, nous aider.
22:16– Merci beaucoup à tous les deux et à bientôt sur Be Smart For Change.
22:20On passe à notre rubrique Start-up, tout de suite.
22:23["Générique de fin"]
22:29Smart Ideas, notre rubrique Start-up.
22:31Notre invitée est avec nous en duplex de Bordeaux,
22:34Stéphanie Mazet, la co-fondatrice de Mundao, bonjour.
22:38Vous l'avez créée en 2015 avec votre mari, Étienne Mazet.
22:43Et avec quelle idée, racontez-moi ?
22:45– L'idée, c'était de développer et de commercialiser
22:48la première couche bébé compostable industriellement,
22:51avec l'idée de faire de la couche bébé non plus un déchet mais une ressource
22:56et de pouvoir valoriser ce déchet qui est plein de matière organique
22:59et qui aujourd'hui est enfoui ou incinéré.
23:01Donc l'idée, c'est de le sortir des ordures ménagères
23:03pour aller faire du compost ou du biogaz,
23:05via le compostage industriel ou la méthanisation.
23:08– Bon, alors il y a l'idée et puis ensuite il y a la réalisation.
23:11Combien d'années de recherche et développement, vous en êtes où ?
23:15– Oui, tout à fait, comme vous dites, on est parti de l'idée
23:18et on a mis en place tout un processus de R&D
23:21avec un réseau de partenaires, des ingénieurs, l'université,
23:24des industriels, notre fabricant de couches.
23:27Et pendant 5 ans, on a essayé des choses,
23:29on a travaillé à l'éco-conception de notre couche,
23:32c'est-à-dire remplacer les matériaux pétrosourcés
23:35par des matériaux biosourcés et compostables industriellement.
23:38Donc ça, c'était une partie du travail, la R&D technique.
23:41Et puis ensuite, il y a une partie de R&D plus opérationnelle
23:44pour mettre en place des filières d'utilisation et de valorisation de notre couche.
23:48Et là, on travaille avec des territoires, avec des communes,
23:51avec des villes, des agglos, des métropoles
23:54pour proposer nos couches dans les crèches municipales,
23:57également quelques crèches privées.
23:59Et on construit toute la filière de valorisation
24:02qui va permettre de trier la couche, de la collecter
24:05et ensuite de l'amener sur les plateformes de compostage industriel
24:08pour faire aujourd'hui le compost qui est produit et qui retourne au sol.
24:13Alors, je voudrais qu'on comprenne l'enjeu principal.
24:16Ça représente quoi cette montagne de déchets ?
24:19Alors vous, vous essayez de faire en sorte, on a bien compris, que ce ne soit plus des déchets.
24:22Mais cette montagne de déchets, des couches jetables ?
24:26Alors les couches bébés, c'est à peu près 6% des ordures ménagères,
24:31c'est-à-dire 500 000 tonnes de déchets par an en France.
24:34500 000 tonnes.
24:36Et ça appartient à la catégorie des textiles sanitaires à usage unique,
24:40donc des produits d'hygiène jetables, tout plastique.
24:43Et aujourd'hui, ces déchets sont enfouis ou incinérés.
24:46Il faut savoir également que c'est la catégorie de déchets qui augmente le plus aujourd'hui.
24:50On a des solutions pour les biodéchets,
24:52on a des solutions pour le recyclage des plastiques, des cartons, etc.
24:56Mais les textiles sanitaires à usage unique aujourd'hui n'ont pas de solution de valorisation.
25:01Donc sortir les couches bébés, ça permet de trouver une solution à 6% des déchets.
25:06Donc avec un seul produit, l'impact est vraiment significatif.
25:09Donc c'est un levier majeur.
25:11Et donc cette logique, vous avez commencé à l'expliquer,
25:13il faut créer une filière en fait, c'est ce que vous avez dû faire.
25:16Parce qu'il n'y avait pas de filière de récupération des couches usagées.
25:21Malheureusement non, ça n'existait pas.
25:23Donc c'est vraiment le travail qu'on a mené avec nos premiers clients,
25:26les territoires pionniers qui ont utilisé Popotin, puisque c'est le nom de notre couche.
25:31Donc dans les villes de Bordeaux, dans les villes de Lyon, dans les villes de Poitiers,
25:35on a travaillé en mettant en place, avec les crèches municipales,
25:39donc l'utilisation de la couche dans les crèches.
25:42En crèche, ça n'implique pas un grand changement en fait.
25:44Les professionnels doivent juste trier la couche dans une deuxième poubelle.
25:47Donc il y a une deuxième poubelle dans les salles de change pour les couches compostables.
25:51Et ensuite le collecteur vient récupérer ces poubelles de couches compostables triées et usagées.
25:58Et on monte ces réseaux de collecte avec des acteurs de la collecte locaux,
26:03que ce soit des entreprises, des associations, des entreprises d'insertion,
26:07comme la Croix-Rouge Insertion par exemple.
26:09Et ensuite, on a identifié et monté des partenariats avec des acteurs de la valorisation,
26:15qui compostent déjà par exemple les biodéchets, les bouts de stations d'épuration.
26:19Et eux, ils vont mettre en place le processus de compostage
26:23pour avoir un compost de qualité qui puisse retourner au sol.
26:26Ça veut dire que vous n'avez que des clients B2B,
26:29ou alors des particuliers, des jeunes couples qui viennent d'avoir un enfant
26:32et qui peuvent acheter votre couche compostable.
26:35Alors le B2C, c'est la prochaine étape.
26:37Aujourd'hui, on est vraiment en déploiement auprès des crèches municipales et des crèches privées.
26:41On a quelques clients de gros groupes de crèches privées.
26:44Et on a commencé par les crèches parce qu'en quelque sorte,
26:46il y a beaucoup de couches usagées au même endroit.
26:48Donc ça a facilité les collectes.
26:51Et donc on a commencé par ce B2B et l'utilisation en crèche publique
26:55pour ensuite mettre les filières de valorisation.
26:57Et la prochaine étape, comme vous l'avez dit, ce sont les familles.
27:0085% du déchet couche est dans les familles.
27:03Donc pour avoir un vrai impact sur les ordures ménagères,
27:05enfants ou incinérés, il faut aller chercher ce gisement.
27:08Donc ça, c'est l'étape sur laquelle on est en train de travailler
27:10pour proposer les couches aux particuliers
27:12et imaginer de la collecte en point d'apport volontaire,
27:15comme par exemple cela est en train de se mettre en place
27:18avec les biodéchets dans la plupart des villes françaises.
27:21Mais l'impact significatif sera auprès des familles.
27:23On l'a bien compris.
27:24Merci beaucoup Stéphanie Mazet et bon vent à Mundao.
27:27Voilà, c'est la fin de ce Smart Impact.
27:29Merci à toutes et à tous de nous suivre et de votre fidélité.
27:33Habit Smart for Change.
27:35Salut !

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