Dans son édito du 05/02/2025, Thomas Bonnet revient sur le succès au box-office du film "En fanfare".
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Oui Romain, parce que parfois, quand on entre dans une salle de cinéma aujourd'hui,
00:03on sait qu'on entre dans un monde très éloigné du réel.
00:07Et je ne parle pas que des superproductions américaines
00:09qui mettent en scène des extraterrestres.
00:11Je parle d'une idéologie déconnectée, parfois woke,
00:14que l'on retrouve à foison dans les productions françaises.
00:17En fanfare, c'est le parfait contre-exemple,
00:20un film authentique et ancré dans la réalité du territoire.
00:23Le scénario met en scène deux hommes qu'a priori tout oppose.
00:27L'un est un chef d'orchestre mondialement reconnu
00:29qui passe sa vie dans les avions,
00:30et l'autre est un agent de restauration collective
00:32dans le bassin minier du nord de la France.
00:34On découvre dans le film que ces deux personnages
00:36ont en fait bien plus en commun qu'il n'y paraît,
00:38des liens de sang, mais aussi une passion commune pour la musique.
00:41Le film est très réussi et a un casting exceptionnel.
00:43Il aborde magistralement les fractures géographiques
00:46et sociologiques de la France de 2025.
00:48Jérôme Fourquet ne s'est d'ailleurs pas trompé
00:50puisqu'il a livré une analyse politique du long métrage
00:52qui recoupe un certain nombre de ses travaux précédents.
00:55Le politologue dresse un parallèle entre le milieu
00:58très favorisé du chef d'orchestre,
01:00où on vote très largement pour Emmanuel Macron,
01:02et les terres désindustrialisées du nord,
01:04où on vote pour Marine Le Pen.
01:06Avec le réalisateur Emmanuel Courseul,
01:07il donne une interview croisée dans le point.
01:09Voilà ce que dit Jérôme Fourquet.
01:11Ce qui fait la force du film, je le cite,
01:13c'est qu'il parvient à transcender
01:15ces fractures territoriales et sociales,
01:17à faire dialoguer ces deux Frances
01:19qui d'ordinaire ne se parlent plus.
01:21Oui, c'est l'ascenseur entre la France d'en haut et la France d'en bas.
01:25Ce film se déroule dans le nord de la France,
01:26où on a pu constater une évolution électorale radicale.
01:30Oui, deux cartes pour en témoigner.
01:32Vous allez voir les résultats des élections législatives en 1981,
01:35année de l'élection de François Mitterrand,
01:38et la même carte en 2024.
01:40Et vous voyez que le rose et le rouge
01:41pour le Parti socialiste et le Parti communiste dans les années 80
01:44a été remplacé par le bleu marine du Rassemblement national.
01:48L'évolution est sidérante
01:50et elle plante le décor du long métrage en fanfare.
01:53Le film met en scène l'harmonie des mineurs de l'Alain.
01:56Une fanfare qui perdure et qui,
01:58un peu à l'instar de l'orchestre du Titanic,
02:00continue de jouer alors que tout s'effondre autour.
02:03Sauf que ici, l'iceberg, c'est la mondialisation et le naufrage.
02:06Ce sont les usines qui ferment et qui sont délocalisées.
02:09La fanfare, c'est la métaphore de l'espace collectif
02:11qui réunit les générations et qui perpétue la tradition,
02:14l'esprit d'une région.
02:16Lors des séances qui ont eu lieu en avant-première,
02:18notamment dans le nord,
02:19l'accueil a été exceptionnel pour le film.
02:22Un engouement que souligne le réalisateur.
02:24Voilà ce qu'il dit.
02:25On a ressenti une énergie exceptionnelle.
02:27C'était majoritairement un public l'eupéniste
02:30et je dois avouer qu'il a modifié ma perception de cet électorat.
02:33Il nous disait qu'ils adoraient ce film
02:35parce qu'il parlait d'eux sans mépris.
02:38Alors ce mépris dont vous dites ce matin
02:39qu'il est malheureusement encore trop présent
02:42chez certains responsables politiques.
02:44Oui, s'il y a une leçon à tirer de ce succès en salle,
02:46c'est celui-là, la France périphérique,
02:48la France des gilets jaunes.
02:50Ce n'est pas la France des beaufs,
02:51comme avait voulu le faire croire le parti socialiste
02:53lors d'une table ronde à ses universités d'été.
02:55Ce n'est pas non plus la nouvelle France de Jean-Luc Mélenchon
02:58ni la Start-up Nation d'Emmanuel Macron.
03:00C'est simplement cette France qui vit en dehors des villes
03:02et qui mérite autant le respect que la clientèle électorale,
03:05que vise la gauche et que délaisse le centre.
03:08Cette France du nord que je connais,
03:09cette France où la barquette de frites coûte 2,50 euros,
03:12où la sortie du week-end se fait parfois
03:14dans la zone commerciale ou la voiture,
03:16est donc un impératif pour se déplacer,
03:18malgré les ZFE,
03:19malgré les restrictions de circulation
03:21des grandes agglomérations.
03:23Cette France oubliée, trop souvent délaissée,
03:25diabolisée, même parfois quand certains se partent
03:28de jaunes fluos sur les ronds-points
03:29pour simplement rappeler à nos élites qu'ils existent
03:32et qu'ils doivent être considérés.
03:34À force de reléguer des pans entiers de la population
03:36au second plan, on creuse un fossé immense.
03:39Il est plus que temps que le son des fanfares
03:41arrive jusqu'aux fenêtres de nos dirigeants.
03:43Il est en tout cas arrivé sur les écrans
03:45et ça, on peut s'en féliciter.
03:49Sous-titrage Société Radio-Canada