Dans son édito du 13/01/2025, Thomas Bonnet revient sur les relations entre Paris et Alger.
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00:00Comment voulez-vous entamer un bras de fer avec Alger si certains en France veulent vous tordre le bras ?
00:06Après le message de fermeté de Bruno Rotaillot en fin de semaine, une partie de la gauche est montée au créneau.
00:11Ce week-end, le premier secrétaire du Parti Socialiste, Olivier Faure, estime que le ministre de l'Intérieur cherche, je cite,
00:18à faire le buzz et appelle à la plus grande prudence sur nos relations avec l'Algérie.
00:22Mais la sortie du week-end est signée.
00:25Marine Tendelier, secrétaire nationale d'Europe Écologie Les Verts, je vous propose de l'écouter.
00:30Ces influenceurs, oui, sont dans la provocation, c'est ce qui les caractérise, mais Bruno Rotaillot aussi dans la provocation.
00:37Et ça, il faut le dire.
00:37C'est plus que de la provocation, c'est des appels à la haine.
00:40Oui, mais ce que fait M. Rotaillot, c'est contraire à l'État de droit.
00:43D'expulser des gens dont un procès est prévu le 14 février sans attendre leur procès, excusez-moi, c'est un symbole de l'extrême droite au pouvoir.
00:52Quand vous avez un ressortissant d'un pays que vous voulez le renvoyer dans son pays, ça se fait avec l'accord du pays.
00:58Ce n'est pas des colis la redoute, les gens.
01:01Des propos à ce point hallucinants que Bruno Rotaillot a tenu à y répondre en apportant des précisions de droit dont on ne pensait pas qu'elles étaient encore nécessaires.
01:09Le locataire de la place Beauvau s'adresse en citant cet extrait de Marine Tendelier, je cite, à ceux qui sont sensibles aux argumentaires de l'Algérie.
01:17Et c'est vrai que le discours de Marine Tendelier est parfaitement aligné avec le communiqué, là aussi lunaire, publié par le régime algérien sur l'affaire de l'influenceur expulsé.
01:26Dans cette affaire, l'Algérie a pointé du doigt, je cite, l'extrême droite revancharde et haineuse, ses héros patentés au sein du gouvernement, quasiment, du Marine Tendelier dans le texte.
01:35Ce qui frappe dans ce que dit Marine Tendelier, c'est qu'elle met l'influenceur algérien sur le même plan que le ministre de l'Intérieur français.
01:42Absolument.
01:42Cette passe d'armes à distance illustre le positionnement de la gauche française vis-à-vis du régime d'Alger.
01:49Oui, on ne peut que saluer qu'il y a un débat sur la question algérienne.
01:53En revanche, on peut s'interroger sur le contenu des discours qui sont tenus en France.
01:57Nous avons donc des élus qui calquent leur rhétorique sur celle du pouvoir algérien.
02:02Et à ce titre, Rima Hassan est l'illustration parfaite de cette connivence.
02:07L'eurodéputé poste régulièrement des messages sur l'Algérie, expliquant qu'elle n'a jamais été française.
02:12Ou encore, je le cite, que la mecque des révolutionnaires et de la liberté est et restera l'Algérie.
02:19Le pays est une telle mecque des révolutionnaires que lorsque Mathilde Panot s'était rendue sur place en 2019
02:24pour rencontrer des étudiants qui manifestaient à l'époque contre le pouvoir,
02:27elle avait été arrêtée, placée sous surveillance par les autorités algériennes.
02:32Alors, soit Rima Hassan ignore le sort jadis réservé à sa camarade, soit elle a une mémoire sélective.
02:38On a aussi des responsables politiques de gauche qui font les procès avant les procès.
02:43Sur le sort de Boalem Sansal, l'écrivain franco-algérien détenu depuis maintenant plus de 50 jours,
02:48Sandrine Rousseau, l'élu écologiste, manie le oui-mais à la perfection.
02:52Il n'a pas à être en prison, disait Sandrine Rousseau il y a quelques temps,
02:55et son avocat doit absolument pouvoir le défendre, c'est un droit humain fondamental.
02:59Pour autant, ses positions relèvent de l'extrême droite et du suprémacisme.
03:03Il est important de poser les deux termes de l'équation, dit Sandrine Rousseau,
03:07l'humanisme de la gauche à géométrie variable.
03:10Comment expliquer ce positionnement de la gauche sur le dossier algérien ?
03:13Alors, on pourrait remonter à la guerre d'Algérie, le rôle de la gauche.
03:16En 1956, le président du conseil s'appelle Guy Mollet, il est socialiste,
03:21et il va être celui qui va demander le vote des pouvoirs spéciaux.
03:24Son nom va même devenir une expression, le molettisme,
03:27terme employé pour dénoncer le double discours utilisé par Guy Mollet
03:31et qu'on pourrait traduire aujourd'hui par une trahison des idées de gauche
03:34au profit d'une politique de droite.
03:36Par exemple, pour dénoncer la diplomatie de François Hollande vis-à-vis de l'Allemagne en 2013,
03:41Jean-Luc Mélenchon avait accusé le gouvernement de molettisme.
03:44Il y a donc encore aujourd'hui un inconscient collectif de gauche sur son rôle
03:48dans la relation franco-algérienne, de la colonisation jusqu'à l'indépendance.
03:52Mais réduire la posture idéologique de la gauche sur l'Algérie à l'histoire serait incomplet.
03:57Il y a évidemment une stratégie électorale qui vise à flatter un passé imaginaire
04:02et à entretenir un présent tumultueux pour un résultat très contestable.
04:06Comme l'écrit Kamel Daoud, écrivain réputé, et je le cite,
04:09le député français qui embrasse le drapeau algérien pour recruter les électeurs d'origine ne le sait plus,
04:15mais il est français.
04:16À la figure de la passion électorale ostentatoire, on préfère là-bas,
04:19dans le cadre de la guerre imaginaire, un français de droite ou d'extrême droite
04:23qui sied au casting et répond aux jeux de rôle.
04:25La tartufferie d'une partie de la gauche, en plus d'être inaudible de l'autre côté de la Méditerranée,
04:31est aussi problématique à l'intérieur de nos frontières.
04:33C'est sans doute en partie parce qu'il a baigné dans ce bain culturel de gauche
04:37dans les années 80 qu'Emmanuel Macron a enfermé la France dans une spirale de repentance
04:42qui nous a conduits à l'impasse diplomatique dans laquelle nous sommes.