Paris, 4 décembre 2024, 20h26 : le gouvernement Barnier est officiellement censuré par une majorité de députés.
Au moment où la sentence tombe, c'est une page de l'histoire politique française qui s'écrit. Tous les parlementaires en sont conscients, y compris au Sénat où l'examen du budget s'arrête instantanément.
"Je n'ai pas souvenir que sous la Ve République, et même dans les Républiques précédentes, il y ait eu autant de moments aussi intenses avec une succession de faits politiques qui aient été aussi forts", raconte ainsi le sénateur centriste Hervé Marseille, présent dans les coulisses, auprès de Michel Barnier pendant les jours qui ont mené à ce vote historique.
Plusieurs témoins directs racontent comment ils ont vécu toute cette période, à l'image de Nathalie Delattre, ministre des Relations avec le Parlement, ou encore Patrick Kanner, chef de file des sénateurs socialistes.
Comment expliquer cette déflagration politique ? Était-elle évitable ? Et comment éviter une nouvelle censure pour le gouvernement Bayrou, nommé dans les jours qui ont suivi ?
Plongée dans "Les coulisses d'une censure historique", une leçon politique d'un événement hors-normes.
Année de Production :
Au moment où la sentence tombe, c'est une page de l'histoire politique française qui s'écrit. Tous les parlementaires en sont conscients, y compris au Sénat où l'examen du budget s'arrête instantanément.
"Je n'ai pas souvenir que sous la Ve République, et même dans les Républiques précédentes, il y ait eu autant de moments aussi intenses avec une succession de faits politiques qui aient été aussi forts", raconte ainsi le sénateur centriste Hervé Marseille, présent dans les coulisses, auprès de Michel Barnier pendant les jours qui ont mené à ce vote historique.
Plusieurs témoins directs racontent comment ils ont vécu toute cette période, à l'image de Nathalie Delattre, ministre des Relations avec le Parlement, ou encore Patrick Kanner, chef de file des sénateurs socialistes.
Comment expliquer cette déflagration politique ? Était-elle évitable ? Et comment éviter une nouvelle censure pour le gouvernement Bayrou, nommé dans les jours qui ont suivi ?
Plongée dans "Les coulisses d'une censure historique", une leçon politique d'un événement hors-normes.
Année de Production :
Catégorie
📺
TVTranscription
00:00Générique
00:14Musique d'ambiance
00:21Mes chers collègues, l'Assemblée nationale vient d'adopter une motion de censure à l'encontre du gouvernement.
00:27« Sa première motion de censure est adoptée et il n'y a pas lieu de mettre en voie la seconde motion. »
00:34« Bienvenue dans mon bureau donc, le bureau du ministère en charge des relations avec le Parlement,
00:42qui est un peu vide puisque moi j'ai commencé à le ranger avec l'annonce d'un prochain gouvernement. »
00:52Depuis le 4 décembre, la France n'a plus de Premier ministre.
00:55Resté seulement deux mois en poste, Nathalie Delattre doit faire ses cartons, enfin presque.
01:01« C'est un ministère, certes démissionnaire, mais qui est en pleine action. »
01:05« Il faut doter la France d'une continuité de budget qui n'est pas le budget 2025 discuté dans l'hémicycle depuis des mois,
01:17mais celui d'un budget à minima.
01:20Nous travaillons étroitement avec le Conseil d'État, avec le secrétariat général du Premier ministre, de l'Elysée,
01:28pour faire en sorte que toutes ces procédures soient sécurisées. »
01:32Des cabinets ministériels, au couloir du Parlement, une séquence inédite.
01:38« La politique du pire serait de ne pas censurer un tel budget. »
01:43« Je n'ai pas souvenir, il y a eu beaucoup de moments aussi intenses, avec une succession de faits politiques qui étaient aussi forts. »
01:51« La censure de votre défense obstinée d'une politique qui a échoué. »
01:56« Très honnêtement, je ne pensais pas que je vivrais, en tant que parlementaire, enfin une censure, entre guillemets, enfin. »
02:03« Oui, donc c'est bien sûr historique. »
02:06Retour sur ce mois de décembre 2024, dans les coulisses d'une censure historique.
02:14« C'est un geste pour le Rassemblement national, et d'ailleurs dans le... »
02:20En ce 2 décembre, Michel Barnier joue gros.
02:23Les journalistes sont nombreux pour suivre un déjeuner de la dernière chance qui se tient à Matignon.
02:28Dans quelques heures, un vote crucial doit avoir lieu sur le budget de la Sécurité sociale.
02:33Les cadres de la droite et du centre hésitent autour du Premier ministre.
02:37« Plusieurs questions dont je vous disais, Christophe. »
02:39« D'abord, est-ce que Michel Barnier compte vraiment engager sa responsabilité et celle de son gouvernement avec l'activation de l'article 49-3 ? »
02:49« Il y a des moments qu'on ne peut pas oublier. Celui-là, je m'en souviens parfaitement. »
02:58« Nous étions tous réunis, effectivement, autour du Premier ministre. »
03:02« On sait très bien qu'on est sur une situation de risque maximal. »
03:07« Et le Premier ministre, qui a essayé jusqu'au bout de faire son job et d'essayer de trouver une solution de compromis... »
03:16Jusqu'au dernier moment, Michel Barnier a tenté de négocier avec Marine Le Pen pour la convaincre de voter le budget de la Sécurité sociale.
03:23« Mme Le Pen a appelé le Premier ministre. Donc les discussions allaient bon train encore à cette heure-là. »
03:29« Il s'est excusé, il est sorti. Et puis, en revenant, il a fait part de la teneur de cet échange. »
03:38« Et visiblement, ça n'a pas suffi. »
03:43À 13h30, Matignon annonce dans un communiqué que le Premier ministre accepte de nouvelles concessions à la demande de Marine Le Pen.
03:49Le gouvernement ne prévoit plus de dérembourser certains médicaments.
03:53Une victoire pour la chef de file du RN, explicitement mentionnée dans le message envoyé par Matignon aux journalistes.
04:00« On a vu que tout se déroulait avec le RN, y compris ce communiqué de presse de Matignon, honteux. »
04:07« Pour moi, honteux, où Mme Le Pen, à la fin du communiqué de presse, est citée, laissant entendre que c'est par elle que les évolutions se sont passées. »
04:16Mais Marine Le Pen en demande encore davantage. Elle veut l'indexation des pensions de retraite sur l'inflation.
04:22« C'était le risque. C'est de dire qu'il n'y aura jamais assez de concessions. »
04:27« Au moment où ça s'est passé, à l'évidence, on était à un point de non-retour. »
04:33« Et il a été décidé collectivement autour du Premier ministre de mettre un terme, si je puis dire, aux concessions qui pouvaient être faites. »
04:46À 14h30, l'information tombe pour les journalistes.
04:50Michel Barnier a pris sa décision. Face à l'absence de garantie sur l'issue du vote, il va enclencher l'article 49-3 pour faire adopter le budget de la Sécurité sociale.
05:04Au Sénat, au même moment, on continue l'examen du projet de loi de finances, l'autre texte budgétaire, celui de l'État.
05:12Les rumeurs de l'échec des négociations avec le RN sont parvenues aux oreilles des sénateurs.
05:19« J'entends qu'on veuille envoyer des signaux de très court terme chacun à ses électeurs divers et variés. »
05:25« Après, il faut quand même regarder la situation globale de notre pays et on est quand même dans une impasse budgétaire, que d'ailleurs le Sénat dénonce depuis déjà quelques exercices. »
05:36« Et là, on est en train de tomber et il est urgent de commencer à déployer un parachute. »
05:42« Si demain, nos usines continuent à fermer et que le chômage repart, je pense que les dommages collatéraux seront beaucoup plus importants que de ne pas avoir ces retraites valorisées pendant six mois. »
05:53À 15h, la séance s'ouvre à l'Assemblée nationale. Le Premier ministre enclenche le 49-3 et engage sa responsabilité et celle de son gouvernement.
06:02« En fait, ce n'est pas un 49-3 pour imposer, mais c'est un 49-3 pour protéger un compromis, celui qu'ont trouvé une majorité de sénateurs et de députés. »
06:13« Encore une fois, ça fait 14 ans que nous n'avons pas trouvé un compromis. Donc ce 49-3 en responsabilité, il est activé par le Premier ministre pour donner ce signal, pour dire nous sommes arrivés à trouver un compromis dans une majorité. »
06:29« Il vous faut maintenant l'acter. »
06:33Sans attendre, la France insoumise dépose une motion de censure. Le Rassemblement national annonce s'engager à la voter. Au Sénat, la gauche se montre déterminée.
06:48« Votre réaction à tous ces événements de cet après-midi, de l'autre côté, à l'Assemblée nationale, le recours au 49-3 ? »
06:54« J'ai l'impression que ce gouvernement va subir la censure et aussi le déshonneur, pour reprendre une métaphore de Churchill. »
07:03« Pourquoi le déshonneur pour vous ? »
07:05« Le déshonneur parce que finalement, ils n'ont négocié qu'avec l'extrême droite. »
07:09« Patrick Kenner, alors aujourd'hui, vous êtes prêts, les voix de la gauche, auxquelles vont se joindre les voix de l'extrême droite, à faire tomber aujourd'hui le gouvernement, même si cela veut dire une immense instabilité politique, même si on se sait aujourd'hui, observé par les marchés financiers, que cela peut avoir de graves conséquences pour la France ? »
07:29« Le gouvernement avait d'autres solutions, en écoutant plus son opposition républicaine, ce qu'il n'a pas voulu faire. »
07:35« M. Barnier a manqué de lucidité. Il aurait travaillé avec des vrais républicains, peut-être qu'on n'en serait pas là aujourd'hui. Donc, je ne lui en veux pas, il a fait un choix, il a joué, il a perdu. Honnêtement, il pouvait trouver une base d'accord avec nous, je ne dirais pas à peu de frais, mais en tout cas à des frais maîtrisés. Donc, c'est une faute politique, une erreur d'appréciation. »
08:01« Personne n'est venu nous chercher pour négocier, au niveau du gouvernement, sur aucun amendement, sur aucune demande, même quand on leur propose des augmentations de recettes, ils les ont refusées. »
08:11« C'est ça qui est, à mon sens, grave. Là, on est sur la mission santé, on est en train de faire des économies sur la santé, sur l'eau des Français, sur les plus fragiles. Et faire croire que c'est Marine Le Pen qui arrive à obtenir l'ANU, etc., c'est une très très très très grave erreur politique. »
08:26« C'est un peu comme au Parlement européen, tu sais, avant les dernières élections, où ils avaient déjà intériorisé que dans les commissions, c'était avec l'extrême droite qu'il fallait discuter et pas avec la gauche. On a vu le résultat. C'est un peu pareil, quoi. Donc, c'est alarmant. C'est catastrophique, mais c'est alarmant. »
08:39« Oui, tout le monde peut toujours montrer du doigt le voisin. Encore une fois, il n'y a pas de majorité. Et les élus qui sont là sont tous égaux. C'est le suffrage universel, ce sont les Français qui les ont élus. Le Rassemblement national, il a 143 députés, si on compte ceux du Rassemblement et de M. Ciotti. C'est le premier groupe à l'Assemblée nationale.
09:05La moindre des choses, c'est de discuter avec les députés que les Français ont envoyés. Ou alors, il faut interdire ce parti. »
09:17À quelques heures de l'examen de la censure à l'Assemblée nationale, la tension est palpable au Sénat.
09:23« Quelle est l'atmosphère ? »
09:25« L'atmosphère au Sénat, c'est toujours une atmosphère studieuse. On continue à voter pour le budget 2025. Jusqu'au bout, on le votera. On va attendre de voir le résultat de la première motion de censure qui va être discutée à partir de 16h. »
09:38« On ne sait pas exactement ce que vont faire nos collègues députés, même si on se dit qu'à 99,99% des situations, ils risquent de voter la censure. On attend de voir. La séance se poursuit comme si de rien n'était. On verra au moment de leur choix. On arrêtera de toute façon la séance pour voir ce qui va se passer derrière. »
09:55« Sur l'approche budgétaire, je rappelle que le budget s'est joué ici, avec une vision mission par mission des ministres qui avaient un regard très attentif et très bienveillant sur les travaux qu'on pouvait conduire. Pour nous, c'était une opportunité qui était à saisir sur bien des sujets, notamment en lien avec les collectivités. »
10:12« Concrètement, il va se passer quoi au Sénat s'il y a la censure à l'Assemblée ? »
10:15« Si il y a la censure à l'Assemblée, normalement, ça stoppe totalement les travaux. Ce qui veut dire que le budget s'arrête, les travaux s'arrêtent et on attendra de voir ce que dira la prochaine conférence des présidents. C'est un gros son dans l'inconnu puisque ce qui arrive là aujourd'hui, on ne l'a jamais connu. »
10:30De son côté, le Rassemblement national se frotte les mains. Début octobre, le RN a refusé de voter une première motion de censure déposée par la gauche au moment de la nomination de Michel Barnier.
10:41Christophe Erzurek est l'un des trois sénateurs RN et à quelques minutes de la censure à l'Assemblée nationale, il a le sourire. L'idée de voter avec la gauche ne lui pose aucun problème.
10:52« Qu'on vote cet après-midi à l'Assemblée, ce n'est pas une motion. C'est la censure, évidemment. Peu importe le contenu de la motion proposée par le NFP. Le but, évidemment, aujourd'hui, c'est de censurer ce gouvernement.
11:04À chaque fois, on avait des espèces de solutions d'entre-deux. C'était toujours un petit renoncement sur la contribution à l'Union européenne, c'était un petit renoncement sur la ME, c'était un petit renoncement sur les factures énergétiques.
11:17On avait le sentiment qu'ils essayaient surtout de temporiser, de gagner du temps, mais finalement, ça reste fondamentalement un mauvais budget.
11:24À partir de ce moment, même si on avait quelques petites avancées, quelques victoires dans nos négociations, la majorité de ce budget n'était pas à la hauteur. »
11:37La nuit est tombée au Sénat, à l'heure où la censure est examinée par les députés.
11:41« Collègues, notre main n'a pas à trembler, je vous incite à censurer ce gouvernement en ce jour. Ouvrons un avenir, la promesse d'une aube après le crépuscule. »
11:53« Merci beaucoup. La parole est à présent à Mme la Présidente Marie-Helene Peyne pour le Rassemblement national. »
12:02« Nous voilà arrivés au moment de vérité, un moment inédit depuis 1962 qui va scener, selon toute vraisemblance, la fin d'un gouvernement éphémère, un gouvernement de circonstance et finalement d'apparence. »
12:15« Cette motion de censure rendra tout plus grave et plus difficile, c'est ce dont je suis sûr. »
12:23A 20h26, les résultats du vote tombent à l'Assemblée nationale.
12:27« Pour l'adoption, 331. La majorité requise étant atteinte, la première motion de censure est adoptée, conformément à l'article 50 de la Constitution. Le Premier ministre doit remettre au Président de la République la démission du gouvernement. »
12:49« Là où j'ai ressenti beaucoup de tristesse, c'est pendant le discours de Michel Barnier. À l'annonce du vote, c'était déjà fait. Un sentiment de gâchis et de censure d'un langage de vérité.
13:03En fait, Michel Barnier, depuis le début, a souhaité être transparent, dire la vérité aux Français qui l'ont bien compris.
13:10Donc tristesse et gâchis, mais nous sommes venus dans un moment qui n'était pas le plus évident pour rentrer dans un gouvernement.
13:18Donc nous étions préparés également à ce temps-là. Aujourd'hui, il y a eu une censure qui ne règle rien.
13:28Bien au contraire, cette censure appelle une crise institutionnelle, appelle une crise financière, malheureusement.
13:40À cet instant, les sénateurs examinent le budget des collectivités territoriales. Il reste au total quelques dizaines d'amendements à examiner.
13:48Au plateau, c'est le communiste Pierre Roussouliat qui préside la séance. À l'instant précis où la séance est levée pour les députés, il interrompt les débats sur le budget.
13:58« Madame la ministre, mes chers collègues, l'Assemblée nationale vient d'adopter une motion de censure à l'encontre du gouvernement, conformément à l'article 50 de la Constitution.
14:09Le Premier ministre doit remettre au président de la République la démission du gouvernement. En conséquence, les travaux du Sénat sont ajournés. »
14:20La séance est levée.
14:40« Bonjour madame la ministre, qu'est-ce que vous ressentez à cet instant ? »
14:45« Bonne soirée, merci à vous. »
14:47« C'est très impressionnant parce que le président de séance dit à un moment donné, je vous annonce le vote de la censure à l'Assemblée nationale, les travaux sont terminés.
14:56C'est une brutalité terrible et la ministre au banc, qui est maintenant un nouveau ministre, mais la ministre au banc est éjectée, il n'y a pas d'autre mot,
15:04elle est éjectée politiquement et physiquement, on arrête les débats, c'est d'une dureté terrible.
15:09Je ne peux pas dire que j'ai eu du mal au cœur pour madame Vautrin, ce n'est pas une amie politique, mais je la respecte,
15:15c'est quelqu'un de tout à fait fréquentable, même pour un socialiste, je dirais certains, non mais j'avais du mal pour elle,
15:21elle savait ce qui allait arriver, mais elle était très digne jusqu'au bout, alors que de la seconde à la seconde, elle n'était plus rien au nom de la République. »
15:33« C'est quoi le sentiment général, madame Belluro ? »
15:38« Beaucoup de tristesse, parce que c'est un premier ministre qui était déterminé à faire réussir la France, donc voilà, on regrette beaucoup. »
15:48« J'ai ressenti une grande déception, grande déception parce que c'était très décevant par rapport à l'engagement de Michel Barnier,
15:55de tous ceux qui l'ont soutenu, de la volonté d'essayer de trouver des solutions budgétaires et de faire avancer le pays,
16:02parce que derrière tout ça, le problème ce n'est pas de savoir Michel Barnier ou les députés ou les sénateurs,
16:09c'est qu'est-ce que le pays devient, parce que la cinquième puissance mondiale, sans gouvernement, sans budget, sans perspective,
16:17et avec un grand point d'interrogation, c'est quelque chose qui était extrêmement préoccupant. »
16:24C'est une première depuis 1962 en France.
16:28Un gouvernement est censuré par une majorité de députés.
16:32Michel Barnier, présenté comme un fin négociateur, échoue à trouver un accord.
16:41« C'est toujours facile de refaire l'histoire après, aujourd'hui il y a toujours un socle parlementaire,
16:47mais il y a un deuxième point, c'est qu'il faut une animation politique de ce socle.
16:51C'est peut-être ce qui a manqué, parce que le Premier ministre est arrivé dans des conditions que vous connaissez,
16:58donc il n'a pas eu le temps de s'impliquer dans la coordination politique. »
17:03« Le républicain qu'il est, le gaulliste qu'il est, a voulu trouver un accord avec un parti politique qui s'est joué de lui,
17:11et qui finalement l'a sanctionné alors qu'il avait donné beaucoup. »
17:22S'ouvre alors, à partir du 6 décembre, une période de grande tractation.
17:26Le chef de l'État reprend la main et invite dans un premier temps tous les chefs de parti, un par un, à l'Élysée.
17:32La gauche espère une nouvelle donne après la censure de Michel Barnier.
17:38« On se met plutôt dans ce sens-là, non ? »
17:43« Nous avons fait une lettre ouverte à Emmanuel Macron pour, là aussi, l'inviter au dialogue,
17:48et dire qu'à situation exceptionnelle, solution exceptionnelle, et qu'on ne pouvait pas continuer comme ça,
17:52chacun dans sa zone de confort.
17:54On vient avec une crainte, c'est qu'il ne sorte pas de son intransigeance.
18:00Nous estimons que nous avons déjà fait beaucoup de pas, et vous savez, dans une négociation, chacun doit faire un pas vers l'autre. »
18:11« Ce que l'on veut, c'est que ça avance.
18:13Nous ne sommes pas venus en lui disant que nous voulons mettre en œuvre tout notre programme, mais rien que notre programme,
18:19mais plutôt pour dire comment on fait pour avancer.
18:21Et vous, M. le Président, est-ce que vous êtes prêts, vous, à bouger ? »
18:25La gauche se divise sur la stratégie à adopter.
18:28Si les écologistes, communistes et socialistes ont accepté la main tendue par le chef de l'État,
18:33les Insoumis, eux, refusent toute négociation.
18:37« Dans l'idée, s'il y a une grande réunion comme ça avec tout le monde, vous y allez, vous les communistes.
18:40A priori, oui, vous même, vous y allez à l'air au bout de la table.
18:42Oui, bien sûr.
18:43Vous y allez, oui, dans ce cas-là ?
18:44Ah oui, oui.
18:46Sinon, on ne peut pas dire qu'on est dans une démarche constructive
18:50et puis ne pas aller jusqu'au bout de la discussion.
18:53Il faut que chacun montre qu'il est prêt à faire un pas l'un vers l'autre.
18:56Si nous, on dit qu'on n'est pas en train de faire un, il faut voir ce que les autres sont prêts à faire.
18:58C'est ça qui est important.
19:01Il sait, le Président de la République, ce qu'on défend et qu'on est prêts à avancer.
19:05Moi, ce que je veux savoir, c'est si lui, son camp et les LR sont prêts à faire pareil.
19:09Nous, on ne dit pas censure automatique et a priori.
19:13Donc, j'aimerais bien qu'ils disent la même chose, Gabriel Attal et Laurent Wauquiez.
19:17Même si les insoumis ne viennent pas, ça ne vous dérange pas qu'ils le croient ?
19:20Mais c'est eux qui n'ont pas voulu venir.
19:22Nous, on veut que ça avance.
19:24Ils ont été invités, ils ont refusé de venir.
19:26Ce n'est pas à nous de porter une appréciation sur la posture qu'ils peuvent avoir.
19:32Après trois jours de rencontres, partie par partie,
19:34le Président de la République décide de réunir tout le monde en même temps à l'Elysée.
19:38Le RN et LFI sont les deux seuls principaux partis qui ne sont pas invités à cette rencontre.
19:43L'idée, ce n'est pas de parler du fond ou d'un programme potentiel commun, non.
19:48C'est vraiment, je cite, de tracer un contrat, une méthode, une manière, en quelque sorte,
19:53pour le futur gouvernement de ne pas être renversé.
19:56Et donc, on comprend bien que les discussions, elles vont être très rudes.
20:00Le Président de la République, dans ces cas-là, il agit de façon empirique.
20:03Il regarde les solutions, il écarte celles qui ne sont pas possibles
20:08et puis il creuse celles vers lesquelles on peut aller.
20:11Et il est apparu, de façon unanime, qu'il y avait la volonté de ne pas dépendre du RN.
20:18À partir de là, il n'y a pas de secret, il faut trouver un compromis avec les forces de gauche républicaine.
20:28Deux heures trente d'échanges au total entre tous ces chefs de parti.
20:31Mais à la sortie, aucune solution ne se dessine.
20:34Pour nous, il y a un seul cas de figure où la droite républicaine voterait une motion de censure.
20:38C'est un gouvernement comportant des membres de la France insoumise
20:42et dont le programme serait le programme du NPD.
20:46Je sors sans pouvoir vous dire que le camp présidentiel a bougé d'un yoka sur rien.
20:52Le nouveau Front populaire exige alors la nomination d'un Premier ministre de gauche
20:56avec à la clé un pacte de non-censure.
20:59Nous lui avons demandé clairement de nommer un Premier ministre socialiste.
21:04Ou en tout cas de gauche.
21:06Parce qu'on estimait qu'après l'échec terrible de Barnier,
21:10il était assez logique qu'il confie enfin à la formation,
21:18au groupement de gauche arrivé en tête aux élections législatives,
21:21qu'il a lui-même provoqué, qu'il confie cette responsabilité.
21:24Voilà, vous connaissez la suite.
21:26Ça a été non.
21:28Donc il avait déjà en tête le fait de nommer un de ses proches.
21:31Il avait nommé quelqu'un de droite qui était dans l'opposition historiquement.
21:35Ça aboutit à la censure.
21:38Et là déjà je suis convaincu qu'il avait dans sa tête de nommer quelqu'un de sa proximité.
21:42Peut-être pas déjà M. Bayrou, mais quelqu'un de sa proximité politique.
21:46La gauche demande à ce que Matignon revienne à un membre du NFP.
21:49Est-ce que cette solution a été sur la table à un moment ou à un autre selon vous ?
21:53Non.
21:56Le lendemain de la rencontre à l'Elysée, Hervé Marseille a rendez-vous à l'Assemblée nationale.
22:06Tout le monde attend alors la fumée blanche venue de l'Elysée et le nom du prochain Premier ministre.
22:13Ça serait vrai que ça tombe du moment ?
22:15J'espère.
22:16Hervé Marseille pousse en faveur de François Bayrou,
22:19avec déjà l'idée d'élargir le socle commun aux socialistes.
22:24François Bayrou, il a cette expérience qui lui permet de pouvoir valablement et utilement être à Matignon
22:33si le chef de l'État le choisissait.
22:35Il y a une porte qui a été ouverte par le débat d'hier et donc maintenant il faut lui donner un contenu.
22:44Bonjour à tous et merci de nous retrouver en direct sur Public Sénat pour cette édition spéciale.
22:49On apprend à l'instant que c'est François Bayrou qui est donc nommé Premier ministre.
22:53Emmanuel Macron nomme François Bayrou Premier ministre.
22:56François Bayrou bien sûr ça a été un artisan majeur de la victoire d'Emmanuel Macron en 2017
23:01lorsqu'il a noué son pacte, on se le rappelle, au mois de février 2017 avec Emmanuel Macron
23:08en disant qu'il ne se présenterait pas lui-même et qu'il apporterait son soutien à Emmanuel Macron.
23:14Moi j'avais parié sur lui, aucune surprise parce que l'homme voulait cette reconnaissance
23:21comme une forme de revanche sur la vie.
23:24Je pense que le béarnais pensait qu'il était vraiment l'homme de la situation
23:29et que tout le monde allait se rallier à son joli panache blanc.
23:44Bienvenue à l'hôtel de Matignon.
23:58Jeune François il fait une fraîcheur reborative qui nous rappelle celle du Béarnes ou de la Savoie.
24:09Je n'ignore rien de l'Himalaya qui se dresse devant nous
24:15et je pense que si on essaie peut-être pourra-t-on trouver un chemin inédit
24:22et ce chemin en tout cas je sais de quoi il est marqué, il est marqué de la volonté de réconciliation.
24:30La censure étant passée par là, la volonté de dialogue et de négociation s'est traduite très vite.
24:37On a engagé tout de suite une négociation dès le 6 janvier.
24:41Nous cherchons des voies de compromis, ce fameux accord de non-censure
24:46mais pour qu'il y ait non-censure il faut un accord.
24:49Donc nous resterons dans cette logique de responsabilité jusqu'à la fin du mandat des uns des autres.
24:56Pour l'instant la fin du mandat c'est 2027.
24:59Monsieur Bayrou est là potentiellement jusqu'en 2027.
25:03Mais ce qui nous intéresse, ce qui nous anime c'est d'abord l'intérêt national, c'est l'intérêt du pays.
25:07Il y a une espèce d'obligation de résultat.
25:09Si ce gouvernement échoue, on va rentrer dans un cycle d'instabilité.
25:14Il n'y aura pas de perspective, ça va aller mal sur les marchés
25:18et je ne suis pas sûr que les Français pardonnent à tous ceux qui ont les solutions entre les mains,
25:25pardonnent leur incapacité à s'entendre.
25:28Et je pense que s'il y avait une nouvelle dissolution, ça ferait très très mal.
25:36L'équation est insoluble pour François Bayrou.
25:38Avec un paysage politique désormais fragmenté en trois blocs irréconciliables.
25:42Le Premier ministre ne dispose que d'un fragile socle de députés.
25:46Quant à la gauche, elle réclame un autre cap politique.
25:49La crise ouverte par la dissolution et aggravée par la censure est loin d'être résolue.
25:55Sous-titrage Société Radio-Canada