Pour s’assurer d'une non-censure des socialistes, le gouvernement serait prêt à mettre sur pause l’emblématique réforme des retraites qui a tant cristallisé les oppositions. Le Premier ministre fera son discours de politique générale ce mardi 14 janvier pour fixer le cap de son mandat à la tête du gouvernement.
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00:00On accueille Gaëtan Mélin, la chef du service Echos de BFM TV. Bonjour Gaëtan, merci d'être là.
00:06Mathieu Croissando reste avec nous évidemment. On va d'abord faire un crochet par Matignon.
00:09Anthony Le Boss à Matignon. Le Premier ministre va poursuivre aujourd'hui ses consultations puisqu'il va voir Gérard Larcher et Elbron Pivet,
00:16respectivement président du Sénat et de l'Assemblée nationale. Discours de politique générale donc demain.
00:22Comment le Premier ministre prépare-t-il cet exercice d'équilibriste, Anthony ?
00:30Alors il le prépare seul, très souvent. Il écrit seul cette déclaration de politique générale et ce d'ailleurs depuis sa prise de fonction à Matignon en décembre dernier.
00:40Et puis Matignon reste en fait assez secret, discret sur le contenu de cette déclaration de politique générale.
00:46Les proches de François Bayrou nous précisent qu'il s'agira plutôt d'une explication de pensée, je cite, plutôt que d'un catalogue d'annonces.
00:54Alors y aura-t-il quand même des annonces sur un certain nombre de sujets et notamment sur la question cruciale, centrale des retraites ?
01:00On sait que le gouvernement négocie depuis plusieurs jours avec une grande partie de la gauche, les écologistes, les communistes, les socialistes,
01:07demandent même au Premier ministre qu'il annonce demain lors de son discours face aux députés la suspension de la réforme des retraites.
01:14Est-ce que cette suspension est possible selon des proches de François Bayrou ? Elle est même, je cite, incontournable pour sortir le pays de l'impasse politique.
01:20L'annoncera-t-il pour autant durant son discours de demain à l'Assemblée nationale ? Pour l'instant non, parce que François Bayrou,
01:26selon ses proches, n'aimerait pas ce mot de suspension, il en chercherait même un autre.
01:30Et puis selon l'entourage du Premier ministre, il aurait même tout intérêt à laisser planer le doute, à se trouver encore du temps pour négocier,
01:36sans être trop affirmatif sur un certain nombre de mesures, en somme, à d'abord faire une sorte de discours général de politique,
01:43plutôt que de politique générale, mais clairement le discours de demain, qu'il prépare seul et parfois entouré de ses conseillers.
01:49Ce sera une des étapes de cette ascension de l'Himalaya de difficulté qu'il avait présentée lors de la passation de pouvoir avec Michel Barnier ici à Matignon.
01:56Il devra quand même cette semaine contourner un premier obstacle, c'est une motion de censure qui sera déposée par la France insoumise
02:01et qui sera examinée quelques jours après sa déclaration de politique générale.
02:05Gaëtan, ce mot, il est essentiel, le mot suspension, en tous les cas pour la gauche et notamment pour les socialistes.
02:11On a entendu hier Olivier Faure dans BFM politique. Est-ce que c'est celui qui...
02:15Si ce n'est pas celui qui est privilégié par le Premier ministre, a priori, c'est quoi ?
02:18Ça pourrait être une pause.
02:20Qu'est-ce que ça change ?
02:22Tout simplement parce qu'on veut éviter ce terme de suspension. Le fait de dire qu'on va faire une pause...
02:27Quelle est la nuance, Gaëtan ? C'est important.
02:29La nuance, ça concernerait potentiellement que la génération née en 1964, qui aurait dû partir à 63 ans en octobre 2026.
02:40C'est-à-dire que la réforme s'appliquerait...
02:45Pour les gens concernés.
02:47Pour ceux qui sont nés en 1964, qui auraient dû partir à 63 ans.
02:52Là, on ferait une sorte de pause pour essayer de voir comment on peut financer le modèle des retraites françaises.
02:59Parce que c'est bien là le problème.
03:01Que ce soit François Barilhou ou bien encore Éric Lombard, le ministre de l'Économie, ils ont tous deux dit
03:07« Ok, revoyons, mais attention, il ne faut pas que ça coûte un centime de plus à l'État.
03:13Il faut donc trouver un moyen de financer. »
03:16Et on parle de sommes qui sont quand même colossales.
03:193 milliards d'euros pour cette année.
03:23Pour la seule année de 2026, ça pourrait être bien plus pour les années d'après.
03:27Parce qu'on sait d'ores et déjà que si on fait une pause, il y a un certain nombre de retraités qui partiront
03:34avant d'avoir leur retraite complète.
03:37Et ça coûtera très cher.
03:38Mais alors Gaëtan, plusieurs questions à partir de là.
03:39Cette pause, elle va durer combien de temps ? Ou elle peut durer combien de temps ?
03:42Ça c'est tout le problème.
03:43C'est tout l'enjeu des discussions.
03:44Ça peut durer effectivement 6 mois si on ne trouve pas justement le moyen de financer ce dispositif des retraites à la française.
03:55Ou bien ça peut finalement s'éterniser.
03:58Mais une pause avec qui ? Et puis on rediscute avec qui pendant cette pause ?
04:01Avec les partenaires sociaux.
04:03Et c'est d'ailleurs l'idée qui commence à faire son chemin.
04:06Cette discussion, elle pourrait même commencer avant la fin de la semaine.
04:09Conférence sociale.
04:10Conférence sociale.
04:11Mais dès cette semaine.
04:12C'est-à-dire avant lundi, on met tout le monde autour de la table.
04:15C'est beaucoup plus facile qu'avec les partis politiques parce qu'il n'y a pas cette vision un peu dogmatique finalement
04:20des partis politiques, notamment de gauche.
04:23Les organisations syndicales savent pertinemment qu'il y a un vrai souci financier.
04:27Et justement, il faut trouver les moyens de le régler.
04:29Le Premier ministre, il veut gagner du temps.
04:31Mathieu Croissandre ?
04:32Il veut gagner du temps même si pour le coup, pour ce qui est de la réforme des retraites, tous les éléments sont connus.
04:36Il n'y a pas de surprise.
04:37On ne va pas trouver une idée géniale en 3 jours.
04:39Donc après, c'est une affaire d'arbitrage et de paramètres.
04:42La réforme des retraites d'Elisabeth Borne, elle portait essentiellement sur les travailleurs.
04:45Il n'y a qu'eux qui étaient mis à contribution.
04:47Il faut le rappeler, les travailleurs, c'est vous et moi, ce sont les actifs.
04:50Il y a d'autres moyens de financement.
04:52On peut aussi demander aux entreprises, par le biais des cotisations, de faire un effort.
04:55On peut demander, pourquoi pas, aux retraités qui, je le rappelle, disposent d'un niveau de vie moyen supérieur à celui des actifs,
05:02de faire peut-être un effort.
05:03C'est une goutte d'eau, les 10% de frais professionnels d'abattement pour les retraités.
05:14Ce n'est que quelques centaines de millions d'euros.
05:16C'est largement insuffisant.
05:18Si on rouvre les négociations avec les partenaires sociaux, sur quel thème travaillerait-on ?
05:22Sur l'élargissement de ces pistes de financement.
05:25François Bayrou, pendant que la réforme des retraites était débattue, disait que les entreprises doivent faire un geste.
05:31Il faut que cet effort soit mieux reparti.
05:32Autrement dit, qu'on augmente peut-être les cotisations des entreprises.
05:35Ce sont tous ces éléments-là.
05:36Mais encore une fois, ils sont connus.
05:38Il n'y a pas besoin de 150 ans pour discuter d'une nouvelle réforme et surtout de diversifier les moyens de financement.
05:43Est-ce que ça écarterait le risque de braquer la droite et ceux qui ont construit la réforme Borne ?
05:49Ceux qui ont construit la réforme Borne, pour l'instant, ils sont assez silencieux.
05:52La seule qui s'est exprimée ce week-end, c'est Yael Brown-Pivet, la présidente de l'Assemblée nationale du parti d'Emmanuel Macron,
05:59qui a dit qu'elle était prête, ouverte à une rediscussion.
06:02Gabriel Attal, le patron des députés macronistes, lui se tait.
06:05Mais de toute façon, ils savent qu'ils n'ont plus le choix.
06:07Ils ne sont plus majoritaires au Parlement.
06:09Il faut construire une forme de stabilité politique jusqu'en 2027.
06:15C'est encore long.
06:16Et pour ce faire, il faut discuter avec les différents partis de la coalition et puis de l'opposition.
06:21C'est ce qui se fait dans toutes les démocraties parlementaires.
06:24Parce qu'en France, on va dire, oh là là, ils ont gagné, oh là là, ils ont perdu.
06:27Il y a un moment, il faut être adulte et savoir passer un compromis politique, c'est quelque chose.
06:31Mais justement, sur le poids des mots, si demain, François Bayrou prononce le mot « suspension », ce sera une victoire pour les socialistes ?
06:38En tout cas, oui, ce sera une victoire symbolique pour les socialistes, mais c'est pour ça qu'il ne le fera sans doute.
06:43En tout cas, parce que c'est un mot qui braque la droite.
06:45Vous savez, on revient à ces lignes rouges d'avant Noël où chacun disait « moi je veux ci, moi je veux ça ».
06:50Peut-être qu'on peut jouer sur le vocabulaire, mais l'idée, c'est que cette réforme de retraite,
06:54son financement ne convenait pas à la très grande majorité de la population française.
06:58Et sans doute, le moment est venu d'en rediscuter.
07:01Et ce n'est pas sans risque, parce que derrière tout cela, il y a les marchés financiers qui nous cruent de très près.
07:07On a une dette qui est colossale, qui dépasse les 3 300 milliards d'euros.
07:10Donc si vous rajoutez une suspension, une pause de la réforme des retraites,
07:14forcément, ça ne va pas plaire aux agences de notation qui, encore une fois, n'attendent qu'une chose pour nous dégrader.
07:21Et puis le deuxième risque, c'est l'appauvrissement des nouveaux retraités.
07:25C'est-à-dire que des retraités qui vont partir à la retraite sans avoir une retraite complémentaire.
07:30Donc ça veut dire que leur pension sera beaucoup plus faible finalement.
07:33Et puis on rappelle une chose qui est très importante, c'est qu'en 2024, en moyenne, les salariés du privé partaient bien au-delà de 63 ans.
07:41On était sur une moyenne de 63 ans et demi.
07:44Et que la plupart aujourd'hui des pays européens sont en train de repousser l'âge de départ à la retraite à 65, 67 et même 69 ans pour certains.