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00:00Europe 1 Soir Week-end, 19h21, Pascal Delatorre Dupin.
00:04Et nous étions en train d'évoquer à Marine Le Pen cette interview aux confessions dans les colonnes du JD News.
00:09Marine Le Pen qui parle de son père pour la première fois, qui dit papa,
00:13qui dit que la politique également a volé son papa et qu'elle l'a retrouvé sur la fin.
00:23Marine Le Pen qui dit qu'elle ne se pardonnera jamais, jamais d'avoir dû exclure son père du parti après ses provocations.
00:32On ne pouvait pas l'arrêter. C'est ce qu'elle explique en substance.
00:35Je voudrais qu'on revienne peut-être sur ces scènes de liesse qu'on a vues cette semaine après l'annonce de la mort de Jean-Marie Le Pen.
00:42Sébastien Chenu, qui était avec nous tout à l'heure, le vice-président du Rassemblement national,
00:46a eu des mots très durs à l'endroit de ces personnes qui sont descendues dans la rue, qui ont ouvert des bouteilles de champagne.
00:52On réécoutera ces mots, mais il les a traités, je reprends les mots de Sébastien Chenu, de connard.
00:56Que pensez-vous de ces scènes auxquelles on a assisté quand on a l'annonce du décès de Jean-Marie Le Pen ?
01:02Nathan Devers.
01:03Moi, je pense qu'on ne se réjouit pas de la mort d'un être humain, quel qu'il soit.
01:07Et je le dis n'importe quand.
01:10Quand, après la mort de Ben Laden, le peuple américain était allé à Washington faire la fête,
01:15je n'avais pas trouvé que c'était le bon registre.
01:17Quand, après la mort de M. Sinoir, certains s'étaient réjouis en Israël,
01:24et une minorité, parce que la majorité du peuple israélien n'était pas du tout dans une logique de réjouissance et de fête,
01:29ce n'était pas non plus le bon registre.
01:31Je crois qu'il y a un respect de la mort et du deuil personnel qui est très important.
01:36Qui est important pour deux raisons.
01:37D'abord, parce que quand on est dans un combat politique, ce combat, il vise avant tout des idées.
01:44Et il ne se réjouit pas à une sorte d'attaque ad hominem.
01:46Et deuxièmement, vous savez la phrase de Nietzsche sur la difficulté de combattre un monstre sans en devenir un.
01:52C'est qu'il y a parfois, dans des combats dont on estime que la cause est juste,
01:57quand on commence à imiter, à reproduire quelque chose qui ne l'est pas, ça pose un problème.
02:03D'autant, d'ailleurs, que dans le cas de Jean-Marie Le Pen, il n'avait pas fait ça quand Jacques Chirac était mort,
02:08puisqu'il avait eu cette phrase sur même le mort, l'ennemi a le droit au respect.
02:11La mort se respecte, quelle que soit la personne qui décède.
02:14Oui, alors Gabrielle Cluzel.
02:16Oui, moi, c'est vrai que c'était très, très particulier.
02:20C'était un spectacle très, très particulier.
02:21Moi, ça m'a beaucoup frappé parce que c'est vrai que la civilisation, c'est Antigone de Sophoque-la-Hannouille.
02:29On enterre les morts, quel qu'ils soient, j'ai envie de dire.
02:33Et quel que soit le contenu du corbillard.
02:35Autrefois, on se signait ou en tout cas, on se découvrait.
02:40Il y avait un respect pour les morts.
02:43Moi, j'ai été très frappée par des inscriptions.
02:46En particulier, nous, on a un jeune journaliste de Boulevard Voltaire qui est passé sur la place
02:49et qui a découvert qu'il y avait marqué Marine Marion Lapidation.
02:53C'est quand même très particulier.
02:53Ce sont des femmes.
02:54C'est un public de gauche.
02:55Moi, j'avoue que je me suis dit à un moment, il va falloir que ces gens-là mettent leurs idées au clair quand même.
02:59J'ai entendu aucune féministe protester.
03:02Mathilde Panot, qui est quand même la collègue, entre guillemets, de Marine Le Pen à l'Assemblée,
03:08a dit que ces manifestations ne la choquaient pas.
03:11Je ne sais pas qui peut regarder en face sa collègue de travail,
03:14quelle qu'elle soit, on n'a pas tous les mêmes idées dans les bureaux,
03:18et lui dire qu'il y a des gens qui se sont réjouis de la mort de son père.
03:21Ça ne me choque pas.
03:21Non, mais très sérieusement.
03:22C'est quand même...
03:23Ou quelqu'un t'a menacé de Lapidation, ça ne me choque pas.
03:26Donc, c'est vrai que j'ai trouvé ça extrêmement heurtant.
03:29Je pense quand même que c'est lié aussi à la diabolisation.
03:33C'est-à-dire que ces jeunes ont cru...
03:35D'ailleurs, c'est bizarre parce que je pense qu'ils se croient très, comment dire...
03:39Il n'y avait pas que des jeunes agressifs.
03:41Oui, ou ces jeunes, je ne sais pas, les jeunes et moins jeunes.
03:45Et ils se croient très transgressifs.
03:47En réalité, ils suivent un peu la doxa officielle.
03:52Donc, on leur a dit que c'était le diable.
03:53Donc, ils ont formé comme un bûcher autour des sorcières autrefois.
03:56Ils se sont dit, c'est le diable, il faut le bûcher.
03:58Plus personne ne croit à l'enfer, mais tout le monde se dit,
04:00Jean-Marie Le Pen, c'est le diable.
04:02Donc, c'est vrai que ça avait quelque chose d'extrêmement choquant.
04:07Je dois dire que la plupart des politiques, à part Mathilde Panot,
04:11ont reconnu que c'était indécent.
04:16Et je pense même qu'ils ont pensé que c'était contre-productif.
04:19Que ce spectacle était contre-productif, tout simplement.
04:22Donc, ça, à mon avis, c'est une réalité.
04:24Oui, c'est vrai. D'ailleurs, on en parle encore ce soir.
04:26Et Marine Le Pen qui salue aussi dans l'interview
04:28le comportement de la classe politique
04:30à l'annonce de la mort de son père.
04:32Elle dit même qu'elle a été surprise,
04:34mais que les personnalités politiques se sont bien tenues.
04:38Nathan Devers.
04:40Encore une fois, le respect qu'on doit
04:42à la mort de quelqu'un,
04:44je ne reviens pas là-dessus, c'est un principe qui est central.
04:46C'est contre-productif politiquement,
04:48d'être dans la haine vis-à-vis de quelqu'un
04:50qui décède ou de ne pas respecter ça.
04:52Mais même en dehors, il ne faut pas toujours raisonner
04:54en termes de stratégie.
04:56C'est juste pas respectable d'un point de vue moral,
04:58d'un point de vue éthique,
05:00que de profaner le moment de la mort.
05:02Maintenant, il y a quelque chose d'intéressant
05:04dans la réception politique
05:06du décès de Jean-Marie Le Pen.
05:08Je pense que si Jean-Marie Le Pen
05:10était décédée en 2002 ou en 2003,
05:12on n'aurait pas entendu ce qu'on a entendu.
05:14On n'aurait pas eu un communiqué du Premier ministre
05:16disant par-delà les polémiques
05:18et les discussions sur le fond,
05:20Jean-Marie Le Pen était un grand combattant.
05:22Je pense que Jacques Chirac n'aurait pas dit
05:24que ce qui était problématique chez Jean-Marie Le Pen
05:26n'était pas des polémiques ou des discussions de fond.
05:28On a l'impression qu'on parle de Michel Rocard.
05:30Il y a une sorte de banalisation totale.
05:32Je crois en fait
05:34que ce qui s'est joué,
05:36ce n'est pas seulement la dédiabolisation
05:38du Rassemblement National de Marine Le Pen.
05:40Je crois qu'il s'est joué dans la classe politique
05:42et dans l'opinion publique
05:44une dédiabolisation des idées mêmes
05:46de Jean-Marie Le Pen.
05:48C'est en cela que les mots
05:50qui ont été employés pour désigner
05:52non pas le respect qu'on doit à la mort,
05:54mais pour désigner politiquement
05:56la trajectoire politique,
05:58intellectuelle, idéologique de Jean-Marie Le Pen
06:00étaient très significatifs
06:02et témoignaient pour beaucoup de gens
06:04d'une certaine forme de banalisation.
06:06Il est un fait,
06:08on peut tourner le problème dans tous les sens.
06:10La marque Le Pen, c'est
06:12l'alerte, l'alarme
06:14sur l'immigration.
06:16Aujourd'hui, tout le monde
06:18convient, en dehors peut-être
06:20de la France insoumise, de l'extrême gauche,
06:22que nous avons un réel problème avec l'immigration.
06:24En leur fort intérieur, beaucoup de personnes se disent
06:26peut-être que si on l'avait écouté avant,
06:28nous n'en serions pas là.
06:30Je crois que tout simplement,
06:32ce qui restera de Jean-Marie Le Pen,
06:34au-delà de tout ce qui a été
06:36dit toutes ces dizaines d'années,
06:38de ce qu'il a pu dire lui-même,
06:40ce sera cette idée-là.
06:42Il aura été le lanceur d'alerte
06:44sur l'immigration.
06:46Je voulais revenir à Marine Le Pen et à son entretien.
06:48Il faut voir quand même comment
06:50cette femme s'est construite.
06:52Il y a une interpénétration
06:54entre sa vie familiale et sa vie politique
06:56dont cet entretien
06:58est tout à fait emblématique.
07:00Il faut se souvenir que cette petite fille,
07:02elle a sauté dans un appartement.
07:04Elle avait 8 ans, je ne sais plus,
07:06peut-être 10, je n'en sais rien.
07:08Vous imaginez aujourd'hui,
07:10vous avez quelqu'un qui fait de la politique
07:12dont l'immeuble est plastiqué.
07:14Ses enfants se retrouvent en chemise de nuit
07:16au milieu de la nuit. Voilà comment
07:18elle a commencé son entrée en politique.
07:20C'est quand même extrêmement fort.
07:22Elle raconte qu'elle allait à l'école, il y avait une telle détestation de Marine Le Pen.
07:24C'est sa sœur Marie-Caroline
07:26que j'avais interrogée une fois qui m'avait raconté ça.
07:28Le professeur avait dit
07:30c'est la fille de Jean-Marie Le Pen, il ne faut pas
07:32vous asseoir à côté. C'était ça la réalité.
07:34J'entendais que, à votre micro,
07:36Sébastien Chenu disait que
07:38les gens changeaient de table au restaurant.
07:40Je pense que tout cela, elle a connu.
07:42Alors ça lui a sans doute
07:44donné une coigne au dur.
07:46C'est exactement ce que j'allais dire.
07:48Néanmoins, c'est bien réel.
07:50Ce qui s'est passé avec son père,
07:52c'est quelque chose de
07:54tragique. C'est presque un drame cornelien.
07:56C'est son père,
07:58il faut se souvenir qu'elle a grandi avec lui.
08:00Elle était très admirative de son père.
08:02Son père avait même eu la garde
08:04d'elle. Elle était la seule enfant mineure,
08:06ce qui était rare à l'époque, c'était plutôt les mères.
08:08Elle y était très attachée et elle s'est dit
08:10pour le coup, pour le bien supérieur
08:12du Front National, je suis obligée
08:14de rompre, je suis obligée de l'écarter.
08:16Donc c'est ça, quand elle dit je ne me le pardonnerai
08:18jamais, c'est qu'elle s'est retrouvée face à un drame cornelien
08:20et qu'elle ne l'a jamais complètement
08:22résolue intérieurement.
08:24Et elle le reconnaît effectivement dans cette interview.
08:26Bien sûr, et sur la dimension personnelle,
08:28encore une fois, je ne me permettrai pas moi de
08:30commenter, Jean-Marie Le Pen
08:32ou pas, il y a une femme qui est en deuil de son père,
08:34moi j'ai du respect pour ça.
08:36Mais j'aimerais juste revenir sur cet argument
08:38qui me dérange profondément sur Jean-Marie Le Pen
08:40qui a été un prophète en gros sur la question de l'immigration.
08:42A l'époque de Jean-Marie Le Pen,
08:44il y avait d'autres personnalités politiques
08:46qui s'opposaient à la politique migratoire de la France.
08:48Par exemple, Georges Marchais.
08:50Ça n'a pas duré longtemps.
08:52C'est vrai, vous avez raison,
08:54mais ça n'a pas duré longtemps.
08:56La question est de savoir quel était le motif
08:58de leur opposition.
09:00Pour Georges Marchais, c'était des raisons économiques.
09:02C'était l'histoire de la baisse des salaires
09:04sur la France.
09:06Jean-Marie Le Pen, encore une fois,
09:08le motif de son opposition à l'immigration,
09:10il est connu, il a été dit par exemple
09:12en 1996 par lui explicitement,
09:14je crois à l'inégalité des races.
09:16C'est explicite, c'est une citation
09:18de Jean-Marie Le Pen.
09:20Quand certaines personnes aujourd'hui réhabilitent
09:22le discours politique de Jean-Marie Le Pen
09:24sur la question migratoire,
09:26en disant qu'il a été prophétique sur ce qui se passe aujourd'hui,
09:28on ne rentre même pas dans le débat
09:30sur l'immigration aujourd'hui,
09:32parce que ce n'est pas le sujet.
09:34En l'occurrence, je pense qu'on serait en désaccord sur le débat aujourd'hui.
09:36Mais même par rapport à ça,
09:38il est contre l'immigration, parce qu'il est raciste.
09:40Explicitement raciste, il le dit.
09:42Il dit qu'il croit à l'inégalité des races.
09:44Il est tellement raciste qu'il voulait garder
09:46l'Algérie française et qu'il disait
09:48que les Algériens devaient être
09:50des Français à partir.
09:52Non mais pardon,
09:54vous ne pouvez pas refaire l'histoire.
09:56Alors que le général de Gaulle, lui d'ailleurs,
09:58c'est tout,
10:00c'est vrai qu'il a pu changer sur ce sujet-là.
10:02L'Algérie française, c'était précisément un projet raciste.
10:04Non, mais
10:06vous savez très bien ce qu'il s'est passé.
10:08Vous dites que l'Algérie française, c'est un sujet raciste.
10:10Vous pensez que tous les pieds noirs, les gens qui...
10:12L'Algérie française était un projet...
10:14Je suis assez heurté par votre...
10:16Je viens d'une famille de pieds noirs, donc je ne suis pas en train de dire que les gens
10:18qui étaient Français, qui étaient en Algérie, étaient racistes.
10:20Ils étaient nés en Algérie.
10:22Le projet de l'Algérie française était un projet,
10:24en effet, raciste, tel qu'il a été pensé.
10:26Notamment par Jules Ferry.
10:28Mais tous ceux qui souhaitaient
10:30que l'Algérie reste française
10:32croyaient profondément, pour la plupart,
10:34que les Algériens avaient le droit
10:36au même statut que les Français, disons-le.
10:38Puisque le sujet est algérien aujourd'hui,
10:40ils se disaient que les Algériens,
10:42ça doit être des Français comme les autres.
10:44C'est pour ça que j'ai du mal à suivre
10:46votre démonstration sur le racisme
10:48de Jean-Marie Le Pen. Mais pardon, ne remontons pas
10:50à la caractéristique.
10:52Je voudrais
10:54simplement vous expliquer, parce que c'est quand même
10:56un peu difficile, de nier
10:58que les Français, pour les Français,
11:00le seul qui s'est
11:02préoccupé d'immigration,
11:04en dehors de 5 minutes de Georges Marchais
11:06et de fait, c'est Jean-Marie Le Pen.
11:08C'est tout. Vous pouvez dire qu'il avait des
11:10arrières-pensées, mais c'est
11:12un fait. C'est une constatation.
11:14Par exemple, vous pourriez citer, je ne sais pas,
11:16De Gaulle, dans le livre avec Perfit, qui avait des mots assez
11:18durs sur l'immigration. C'était avant, d'ailleurs, que l'immigration
11:20ne commence réellement
11:22en France.
11:24On pourrait dire ça. Le fait de citer
11:26Jean-Marie Le Pen comme prophète
11:28de cette question, je répète que je trouve
11:30que ce n'est absolument pas nécessaire.
11:32On ne va pas refaire l'histoire, justement.
11:34On va parler, tiens, vous savez quoi,
11:36de X, Sandrine Rousseau, qui appelle ses collègues à quitter
11:38le réseau social. X,
11:40parce qu'il a été racheté
11:42par Elon Musk, qui l'a transformé
11:44d'itel en danger réel pour les démocraties.
11:46On va en parler tout de suite sur Europe 1.