Category
🗞
NewsTranscription
00:00Lorsque le journaliste que je suis, qui n'a jamais quitté au fond son siège dans un studio,
00:07rencontre un homme d'action comme vous, et qui a fait ce qu'il a fait,
00:11il peut évidemment se dire que toutes les vies professionnelles ne se valent pas,
00:18et ne sont pas les mêmes et n'ont pas la même importance.
00:21Et c'est vrai que lisant ce que vous avez fait,
00:25et notamment la traque des frères Kouachi,
00:30lorsque vous écrivez, dans nos véhicules on avait tous la boule au ventre,
00:35on ignorait encore que cette traque nous tiendrait éveillés les prochaines 48 heures,
00:39les traces des frères Kouachi étaient fraîches, il nous fallait aller au plus vite,
00:44leur fermer toute possibilité de fuite,
00:46trois zones susceptibles de servir de retraite éventuelles avaient été délimitées,
00:51On est évidemment sans doute le 7 janvier, et il est quelle heure ?
00:56Quand les assassinats ont lieu, c'est aux alentours de 11h30,
00:59on est immédiatement mis en alerte, c'est-à-dire qu'on doit se mettre en noir et prêt à partir,
01:05d'habitude on va à la salle de réunion pour faire un dernier briefing,
01:10quand c'est vraiment pressé on fait le dernier briefing au niveau des voitures, sur la place d'armes,
01:16mais là on n'a même pas pris ce temps-là, on est montés dans les véhicules,
01:19et on est tous partis en convoi direction Charlie Hebdo,
01:22on savait que le briefing allait avoir lieu dans la voiture, par radio,
01:27et à mi-chemin on a été déroutés et on nous a envoyés dans la région de Reims,
01:32où était l'environnement familial des terroristes,
01:35à partir de là on a cassé des appartements pour avoir des indices,
01:40et puis après on a été en attente et on a suivi toutes les indications,
01:46c'est vrai qu'il y a eu trois services de police judiciaire mis en oeuvre,
01:50l'ASAT, c'est-à-dire l'antiterrorisme parisien,
01:53l'ASDAT, la sous-direction de l'antiterrorisme au niveau national,
01:58et la DGSI, donc ça faisait beaucoup d'enquêteurs,
02:02et nous on était le bras armé, cette forêt de Soissons a été divisée en trois,
02:07une zone pour la BRI, une zone pour le GIGN, une zone pour nous,
02:11et on répondait aux injonctions des services d'investigation,
02:15on allait à droite, on allait à gauche, on a fouillé des villages,
02:18on a fouillé des maisons suspects,
02:20on a donné des assauts sur des maisons où des passants avaient vu deux personnes autour,
02:26et puis les 48 heures se sont passées comme ça,
02:29on n'a quasiment pas pris le temps de manger, boire et dormir.
02:32Alors dormir c'est ça qui est toujours étonnant d'ailleurs,
02:35vous êtes combien d'ailleurs à ce moment-là ?
02:38Sur une intervention normale une petite trentaine,
02:40mais là tout le service était rappelé,
02:43puisqu'il y en a qui ont été à Reims,
02:45il y en a qui sont restés du côté du Bataclan,
02:47il y en a qui ont été directs de Charlie Hebdo,
02:52il y en a qui ont été directement dans la forêt,
02:54en fait on s'est divisé en quatre équipes,
02:59et on a quadrillé très vite un petit peu partout,
03:04deux équipes ont été à Reims, voilà.
03:07C'était il y a dix ans, jour pour jour,
03:09quasiment heure pour heure, si j'ose dire, il est 11h09,
03:13donc l'attentat avait eu lieu, je pense ?
03:17Oui, c'est ça, vers 11h30 je crois.
03:19Et évidemment dix ans plus tard,
03:23ces minutes-là ne pèsent pas de la même manière dans votre vie,
03:28elles sont inscrites, et peut-être chaque minute,
03:31vous vous souvenez à dix ans d'écart de ce que vous avez fait ?
03:34Bien sûr, on n'était pas surpris nous,
03:37parce qu'on était confrontés à cette problématique-là
03:39depuis déjà pas mal d'années,
03:41les anciens, parce que moi je suis arrivé au Raid en colonne d'assaut en 98,
03:45mais en 96, les anciens avaient déjà été confrontés
03:49au terrorisme islamisme,
03:51en 96, notamment avec le gang de Roubaix,
03:54donc il y avait eu parmi nous un blessé très grave,
03:57qui avait pris une balle de Kalachnikov dans la poitrine et une dans la bouche,
04:02donc voilà, ça c'était 96,
04:04après il y a eu tous les attentats,
04:07puisque nous, même quand ça ne nous arrive pas à nous, on s'y prépare,
04:10c'est les attentats d'Espagne, RER,
04:17en Turquie, à Moscou, le théâtre, enfin bon,
04:21et puis après c'était revenu sur nous en 2012 avec Mera,
04:24moi dans l'affaire Mera je prends deux balles, une balle dans le casque, une balle dans l'épaule,
04:28donc quand en janvier 2015,
04:30on nous apprend la tuerie de Charlie Hebdo,
04:33on sait qu'on s'inscrit dans ce genre d'intervention,
04:36où il y aura forcément des blessés,
04:40parce que c'est difficile, enfin on est dans des situations,
04:43avec le terrorisme islamiste,
04:45on est dans des situations de guerre,
04:47puisque les terroristes sont armés comme des militaires,
04:52puisque c'est de la Kalachnikov,
04:54Koulibaly à Charlie Hebdo,
04:56à l'Hypercacher, avait deux kilos d'explosifs,
05:00les frères Kwashi de Charlie Hebdo avaient un lance-roquette,
05:04plus compétitif encore que les RPG-7
05:07que connaissent ceux qui regardent les films de Deuxième Guerre Mondiale,
05:10c'était un RBR M80 en 1964,
05:13c'est un lance-roquette moderne,
05:18bon en novembre on a reçu des grenades à Saint-Denis,
05:20donc on sait que quand on s'inscrivait dans cette poursuite,
05:24on savait que ça n'allait pas être banal,
05:26et qu'on allait avoir affaire à du lourd, du militaire.