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00:00Europe 1 Soir Week-end, 19h21, Pascal Delatorre Dupin.
00:04Je suis très heureuse de recevoir dans ce studio Maître Christophe Ingrin, bonsoir Maître.
00:09Vous êtes l'avocat de Nicolas Sarkozy pour ce procès sur les soupçons de financement libyens de la campagne de 2007.
00:20C'est un dossier tentaculaire, je vais essayer de faire le plus simple possible Maître, si vous le permettez pour les éditeurs d'Europe 1.
00:27Vous êtes là pour me corriger, mais il va falloir faire simple parce que c'est vrai qu'il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de parties sur ce dossier.
00:37Procès hors normes, je le rappelle, 10 ans d'enquête, des dizaines de policiers mobilisés, 6 juges d'instruction, 12 prévenus,
00:45dont votre client Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, et 3 anciens ministres, Brice Hortefeux, Claude Guéant, Eric Werth.
00:52Ils sont jugés pour corruption, recelle de détournements de fonds publics, financement illégal de campagne, association de malfaiteurs,
00:58l'ancien président en cours dix ans de prison, 375 000 euros d'amende, et une peine d'inégibilité pouvant aller jusqu'à 5 ans.
01:06On soupçonne, on soupçonne donc Nicolas Sarkozy d'avoir bénéficié de l'argent de l'ancien leader libyen Kadhafi,
01:16aujourd'hui décédé, qui aurait financé une partie de sa campagne qui lui aurait permis d'accéder à l'Elysée en 2007,
01:23et en contrepartie, Nicolas Sarkozy aurait joué son influence pour faire revenir sur la scène internationale M. Kadhafi.
01:31Est-ce que c'est juste, maître ? Est-ce que jusque-là, tout va bien ?
01:33Alors, ce qui est juste, c'est l'accusation que vous avez exposée. Rien n'est vrai, mais l'accusation telle que vous l'avez exposée, elle est très juste.
01:40D'abord, dans quel état d'esprit se trouve Nicolas Sarkozy qui, quand même, il y a très peu de temps, a été condamné à porter un bracelet électronique ?
01:48Dans quel état d'esprit aborde-t-il ce nouveau procès demain ?
01:51Alors, ce n'est pas quelque chose qui va vous surprendre, mais il est très combatif, évidemment, et il attend avec détermination cette audience.
01:58Pour reprendre ce que vous expliquez, en effet, le cœur du dossier, c'est un prétendu financement illégal de sa campagne de 2007,
02:06et il a face à lui, au bout de ses dix années d'enquête, un dossier dans lequel il n'y a pas la moindre trace d'un financement illégal de la campagne de 2007.
02:13C'est simple, il n'y a pas de financement, donc les choses sont claires, mais il n'y a pas de traces.
02:17Il n'y a pas de traces, alors qu'on a eu dix ans d'enquête, on a eu des centaines d'heures d'écoute,
02:24on a eu des dizaines de gardes à vue, des magistrats qui ont fait le tour du monde pour rechercher, tenter de trouver des preuves.
02:30Les comptes de la campagne de 2007 ont été examinés par plusieurs juges.
02:35Il n'y a pas eu d'enrichissement personnel ?
02:36Ça c'est très clair, c'est reconnu d'ailleurs par les juges dans leur ordonnance, c'est bien un des seuls points sur lesquels on est d'accord.
02:44Et il ne faut pas leur enlever ça, ils ont fait des efforts, parce qu'ils ont examiné les comptes de Nicolas Sarkozy,
02:49les comptes de son ex-femme, les comptes de ses enfants, les comptes de la succession de sa mère,
02:54donc vous voyez, une débauche de moyens comme rarement on peut rencontrer dans un dossier.
03:02Et on n'a même pas, ce qui est quand même le cœur du dossier, on n'a même pas le montant qui serait celui de ce financement illégal.
03:08Selon les interlocuteurs des juges, on a 1 million, 2 millions, 5 millions, 50 millions, on a même 400 millions une fois.
03:16On ne sait même pas dans quelle monnaie d'ailleurs, c'est des euros, des dollars, des dinars, on ne le sait pas.
03:20Donc ça donne le sentiment de quelque chose qui n'est pas sérieux du tout, mais pas sérieux du tout.
03:25Ça n'empêche pas évidemment le président Sarkozy d'être très combatif, et ce qu'il attend c'est que le tribunal examine les faits eux-mêmes,
03:33et que le tribunal ne soit pas, se détache de cette théorie complètement fumeuse de financement illégal,
03:43de financement de la campagne par la Libye, qui a empoisonné l'enquête depuis une dizaine d'années.
03:49Alors qu'est-ce qu'il y a en fait, dans l'enquête des deux juges d'instruction ?
03:52Vous allez vous baser sur quoi justement pour défendre votre Nicolas Sarkozy, votre client ?
03:57On se base sur quelque chose qui est assez simple pour nous, c'est qu'il n'y a rien dans le dossier.
04:00Alors quand vous lisez l'ordonnance de renvoi, les juges d'instruction disent « Ah bah prouver la corruption, c'est pas facile ».
04:06Oui, sûrement, c'est pas facile, c'est un peu leur travail quand même de prouver quelque chose avant de renvoyer une personne devant un tribunal correctionnel.
04:15Et puis surtout, dans ce dossier-là, c'est pas facile parce qu'il n'y en a pas de la corruption.
04:19Et qu'il faut peut-être simplement le reconnaître, c'est pas facile, mais il n'y en a pas.
04:22On va vous évoquer les contreparties.
04:25Les contreparties qui auraient été promises par le président Sarkozy en échange du financement.
04:30C'est un élément qui est hyper intéressant.
04:32Selon les juges, le président Sarkozy se serait engagé à faire revenir la Libye sur la scène mondiale en échange de ce financement.
04:41Je vous ai dit que ce financement, il n'existe pas.
04:44Le retour de la Libye sur la scène mondiale, il date de 2004.
04:47Je le précise parce que ce n'est pas dans le dossier.
04:50Il date de 2004.
04:51Et ce n'est pas la France, c'est le monde entier.
04:55Le président Sarkozy, enfin le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, qui va pour la première fois en Libye en octobre 2005,
05:02il est le 39e dirigeant politique occidental à rendre visite à Muammar Gaddafi.
05:09Le 39e.
05:10En 2004, Jacques Chirac est allé.
05:12Tout le gouvernement Chirac qui défile en Libye à Tripoli en 2004 et qui rencontre Gaddafi.
05:17Pourquoi cette invention selon laquelle c'est grâce à Nicolas Sarkozy, grâce au président Sarkozy,
05:24que la Libye ferait son retour sur la scène mondiale ?
05:27C'est tiré par les feux.
05:29Ça n'a aucun sens.
05:31Dans le dossier, on prend pour exemple la visite que fait Muammar Gaddafi en France en décembre 2007,
05:38quand il avait planté sa tente à Marigny.
05:40Et on dit que ça, c'est vraiment la preuve qu'il y avait un lien très fort entre eux deux
05:46et qu'on ne pouvait rien lui refuser à Gaddafi.
05:48Et c'est la preuve qu'il avait financé la campagne.
05:50Sauf qu'avant d'être en France, la semaine qui précède, il est au Portugal.
05:54Il fait la même chose.
05:55Il est accueilli comme un chef d'État qu'il est.
05:58Il plante sa tente dans le jardin du Premier ministre.
06:01Après être venu en France, il va en Espagne.
06:04Il plante sa tente dans le jardin du Palais Royal.
06:06Il est accueilli par le roi Juan Carlos à l'époque.
06:09Donc, il n'y a rien de particulier dans cette relation entre le président Sarkozy et Muammar Gaddafi.
06:15Il y a une chose qui, elle non plus ne figure pas dans le dossier, mais qui est essentielle.
06:20C'est que quand Gaddafi vient en France en décembre 2007,
06:25c'est parce qu'il a libéré les infirmières bulgares et les médecins pakistanais en juillet 2007.
06:33Celui qui a oeuvré pour cette libération, là où tout le monde avait échoué,
06:38celui qui a oeuvré et obtenu cette libération, c'est le président Sarkozy.
06:43Et qu'est-ce qu'il avait dit à Gaddafi à ce moment-là ?
06:45C'est, ok, si vous voulez venir en France, si vous voulez que je vienne vous visiter à Tripoli,
06:50et si vous voulez venir en France après, si vous libérez les infirmières bulgares, ok.
06:54Et Gaddafi libère les infirmières bulgares et le président Sarkozy tient parole et le reçoit à l'Élysée en décembre 2007.
07:02C'est ce que vous allez expliquer demain ?
07:04On va expliquer ça et évidemment plein d'autres choses,
07:06parce que tous les éléments qui sont utilisés par l'accusation pour justifier le renvoi se défoncent complètement.
07:15Dès lors que vous avez un regard un peu objectif et que vous faites un pas en arrière,
07:20rien ne tient, il n'y a rien dans le dossier, c'est très très impressionnant.
07:23Maitre Ingram, vous êtes l'avocat de Nicolas Sarkozy.
07:26Dans ce volet, est-ce que vous pensez que c'est un procès politique ?
07:31Est-ce qu'il y a derrière où on veut tuer Nicolas Sarkozy ?
07:35En tout cas, on peut être troublé, quand on est à la place du président Sarkozy,
07:39de voir, encore une fois, la débauche de moyens qui est mise en œuvre pour aboutir à son renvoi ou à sa condamnation.
07:47Vous évoquiez tout à l'heure le procès Bismuth, des écoutes, dans lequel il vient d'être condamné.
07:53Vous savez que c'est la première fois en Europe qu'une personne est condamnée sur la base d'enregistrement de ses conversations avec un avocat.
08:02Ça n'était jamais arrivé.
08:03Et quand je dis des conversations, je suis gentil, parce qu'en fait, c'est des bribes de conversations qui sont montées et mises les unes à la suite des autres.
08:10C'est la première fois en Europe.
08:11Il y a un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme.
08:14Et tu n'empêcheras pas Nicolas Sarkozy de porter un bracelet électronique, puisqu'il a été condamné à la prison ferme ?
08:19Il y a une procédure en cours sur ce placement sous bracelet électronique.
08:23Mais alors, ce que je peux vous dire pour le coup, c'est que bracelet électronique ou pas bracelet électronique, ça ne change rien à sa combativité et à sa détermination.
08:30Ça, je peux vous l'assurer.
08:32Il a vécu aussi juste ce passage, parce qu'il y a une polémique aussi sur les réseaux sociaux, sur son voyage, qu'il avait le droit de faire d'ailleurs, tout à fait de faire au Seychelles.
08:42Il faut rappeler effectivement que pour l'instant, il n'a pas de bracelet électronique.
08:45Il n'en portera pas, parce que ça va prendre plusieurs mois avant que ce soit effectif.
08:49Il y a une procédure en cours, je ne peux vraiment pas vous donner d'éléments là-dessus, je n'ai pas d'informations.
08:54Maître, donc demain, vous êtes parti pour quatre mois, votre défense, les grandes lignes de votre défense, donc vous allez démonter pied à pied.
09:01On ne parle pas de Zia Taqtik. Taqtik, il a attendu 15 fois ses revirements, évidemment, son témoignage, pardon.
09:06C'est vrai, on n'a même pas évoqué son nom.
09:08Il devait témoigner, puis il devait même apporter des témoins, des noms de témoins.
09:12Il ne les a jamais apportés, il est réfugié en Libye, je crois, aujourd'hui.
09:15Il est au Liban, il fait l'objet d'un mandat d'arrêt délivré par la justice française.
09:20C'est important que vous en parliez, parce que c'est vraiment un des piliers du dossier, de l'accusation.
09:26Il y a eu en effet 16 versions, et à chaque fois, il dit, je vais vous donner les documents qui prouvent que je vous dis la vérité.
09:33Alors, quelle vérité, c'est compliqué, parce qu'il y en a 16 qui se succèdent.
09:37Il n'y en a pas eu un, il n'y a pas eu un document de données à la justice.
09:41Et non seulement de sa part, mais de la part de tous les autres dignitaires libyens,
09:45qui soi-disant avaient toutes les preuves, les enregistrements, bref tout ce qu'on peut imaginer comme étant la preuve de ce financement,
09:52rien n'a été apporté au dossier.
09:54Des promesses, plein, des accusations, beaucoup, toutes plus fantaisistes les unes que les autres, aucun document.
10:00Donc pas de témoin demain ?
10:01Pas de témoin, non non, il n'y a pas de témoin qui vienne...
10:04Pas de témoin, rien pour alimenter effectivement les théories des deux juges d'instruction ?
10:09Les deux juges d'instruction ont renvoyé le président Sarkozy sur ce qu'ils appellent un faisceau d'indices.
10:14Le problème c'est que le faisceau, quand vous prenez les indices les uns après les autres, ils s'effondrent tous.
10:18Donc c'est vraiment, c'est pas sérieux, franchement c'est pas sérieux.
10:21Oui, les indices ne sont pas des preuves.
10:22Non, non, heureusement.
10:23Oui, les indices ne sont pas des preuves.
10:25Juste un mot, vous pensez que les juges, c'est vrai que Nicolas Sarkozy en revient toujours à ça,
10:31les juges en veulent à Nicolas Sarkozy encore aujourd'hui beaucoup ?
10:34Là aussi on peut être troublé, on peut être troublé, il avait, on lui avait beaucoup reproché.
10:40Il était sur le mur des cons.
10:41Oui, les petits pois.
10:42Voilà, les petits pois, et les petits pois c'est vraiment, cette polémique elle est vraiment injuste.
10:47Il venait de nommer Rachida Dati garde des Sceaux, et ce qu'il explique c'est qu'il n'y avait aucune diversité,
10:54ni dans la magistrature, ni plus généralement dans la fonction publique.
10:57Je peux vous le dire, j'ai fait l'école de la magistrature il y a maintenant un petit moment,
11:01et dans ma promo, en effet, zéro diversité.
11:04Ce qu'il met en place au moment où il nomme Rachida Dati, c'est non seulement elle, mais aussi des classes préparatoires
11:09qui vont permettre à d'autres étudiants que les habituels candidats à se présenter.
11:15Et aujourd'hui vous allez dans un tribunal, mais la magistrature aujourd'hui en effet elle ressemble à la société française.
11:21Elle n'est pas du tout celle d'il y a 30 ans, donc c'est vraiment une polémique injuste, totalement injuste.
11:26Vous pensez que les juges en veulent encore Nicolas Sarkozy ? C'est resté, ça a laissé des traces.
11:35On peut être troublé, je ne peux pas vous dire autre chose, c'est troublant.
11:39Mais ça n'entame en rien sa combattivité, et ça n'entame en rien sa volonté et sa détermination à démontrer combien il est innocent.
11:49Il sera présent ?
11:50Bien sûr.
11:51Il sera présent au procès ?
11:52Bien sûr.
11:53Il va se défendre, comme un lion.
11:56Il s'est défendu comme un lion pendant l'instruction, et je peux vous dire qu'au cours des 4 mois qui vont venir, il se défendra comme un lion.
12:04Il se défendra comme un lion Nicolas Sarkozy pour prouver son innocence dans cette affaire.
12:08L'enquête, le procès commence demain, donc ça va durer 4 mois, et vous allez effectivement apporter des pièces au dossier.
12:17Je rappelle, pas d'enrichissement personnel, les sommes n'ont jamais été retrouvées.
12:23C'est vrai que les deux juges d'instruction arrivent avec un dossier.
12:27Vous en tant qu'avocat, vous êtes plutôt satisfait finalement.
12:30Et vous en tant qu'avocat, est-ce que vous avez envie d'y aller demain ?
12:33Est-ce que vous travaillez dessus depuis tellement de temps ?
12:36Depuis longtemps, oui. Bien sûr que j'ai envie d'y aller.
12:39Bien sûr que j'ai envie d'y aller parce qu'on va pouvoir enfin débattre devant un tribunal dont on espère que lui ne sera pas pollué par cette théorie du financement illégal.
12:48Et on va pouvoir enfin examiner les faits eux-mêmes.
12:51Et quand je vous dis examiner les faits, c'est examiner l'absence de faits.
12:54Merci beaucoup en tout cas.
12:56Merci à vous.
12:57Merci beaucoup Maître Ingrain d'être venu ce soir, dans Europe 1 Soir Week-end, témoigner, nous parler de votre ligne de défense, de la ligne de défense de Nicolas Sarkozy.
13:05Donc ce procès qui commence demain sur le supposé financement libyen de sa campagne présidentielle de 2027.
13:12Merci beaucoup.