Jean-François Bohnert, procureur du parquet national financier, était l'invité d'Apolline de Malherbe dans le Face à Face, sur BFMTV et RMC.
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00:00Il est 8h32 sur RMC et BFM TV. Bonjour Jean-François Bonnerre, merci d'être dans ce studio ce matin pour répondre à mes questions.
00:18Votre parole est extrêmement rare, vous êtes procureur de la République financière, vous êtes à la tête du parquet national financier depuis octobre 2019.
00:26Rareté donc de votre parole, vous avez attendu d'ailleurs que l'enquête qui a duré dix ans autour du financement présumé libyen de la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy soit achevée pour vous exprimer enfin ce procès.
00:42Il s'ouvre aujourd'hui à 13h et on va parler avec vous non seulement bien sûr de ce qui est reproché à Nicolas Sarkozy mais aussi plus largement de la lutte contre la fraude fiscale.
00:52C'est votre job, la lutte contre la fraude fiscale, contre le blanchiment et notamment l'argent de la drogue que certains appellent désormais un arco état dans un contexte où il manque de l'argent.
01:02Vous faites partie de ceux qui en font rentrer dans les caisses. Le procès s'ouvre aujourd'hui, un procès après dix ans d'enquête avec douze accusés, trois anciens ministres aux côtés de Nicolas Sarkozy.
01:16D'abord une question, qu'est-ce qu'on reproche à Nicolas Sarkozy ? Je voudrais préciser pour ceux qui nous écoutent et qui nous regardent que c'est le parquet national financier, c'est-à-dire ceux que vous vous dirigez, qui a demandé la tenue de ce procès.
01:29Oui, le parquet national financier a requis la tenue de ce procès mais j'insiste pour dire que cette affaire a démarré avant même la création du parquet national financier qui a fêté l'an dernier ses dix ans.
01:42Cette affaire a commencé par une ouverture d'informations judiciaires du parquet de Paris et le travail qui a duré près de dix ans est celui des juges d'instruction, des magistrats du siège indépendants qui ont travaillé en relation avec le parquet national financier.
01:59C'est vrai, tout au long de l'enquête nous avons formulé des observations, pris des réquisitions et c'est nous qui avons requis le renvoi de Nicolas Sarkozy, de ses proches, donc des douze prévenus qui comparaissent à partir de cet après-midi, devant le tribunal correctionnel de Paris.
02:17Mais la décision finale de renvoi, c'est-à-dire de saisine effective du tribunal correctionnel, ce sont les juges d'instruction qui l'ont prise.
02:25Alors expliquez-nous, si vous décidez de demander la tenue de ce procès, c'est que vous estimez qu'il y a un faisceau d'indices suffisamment concordants pour soupçonner une affaire très grave ?
02:40Tout à fait. Ce que nous avons réussi à établir avec les juges d'instruction, mais ça va être maintenant au tribunal de décider si notre analyse est exacte, puisque la thèse de la défense va également amener des arguments et c'est tout à fait normal dans un débat judiciaire,
02:56notre thèse est celle d'un pacte de corruption entre, d'un côté, un candidat à l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy, nous sommes en 2007, 2005, 2006 en réalité, des proches de Nicolas Sarkozy,
03:12et de l'autre côté, des autorités libyennes, autorités libyennes à la tête desquelles se trouve à l'époque encore le colonel Kadhafi, bien sûr, mais également son directeur de cabinet, certains de ses ministres, et des intermédiaires, on parle de Ziad Takiedine, on parle d'Alexandre Joury,
03:30et c'est dans cette triangulation que le pacte de corruption va avoir lieu, en ce sens que de l'argent va être promis par les autorités libyennes vers Nicolas Sarkozy, ses proches, pour soutenir et financer la campagne électorale.
03:46Vous en parlez de manière affirmative ?
03:49J'en parle de façon affirmative parce que tout ce que j'avance est documenté par le dossier. Nous avons 70 tomes de matériel, de déclarations, d'éléments, de flux financiers qui ont pu être retracés, nous avons interrogé les autorités judiciaires de 21 pays qui nous ont répondu, à des niveaux parfois très différents, mais avec des éléments qui sont rentrés dans le dossier, que les juges d'instruction ont recueillis.
04:16Donc lorsque Nicolas Sarkozy demande aux juges d'instruction lors d'un de ses interrogatoires en 2020, mais où sont les preuves ? Vous vous dites, on les a les preuves.
04:25Elles sont au dossier. Et ce dossier fait maintenant l'objet de l'analyse du tribunal pendant presque 4 mois, en débat contradictoire, deux thèses vont s'affronter bien sûr, celle de l'accusation, que je représente avec les magistrats de mon parquet, le parquet national financier,
04:41mais aussi bien sûr avec la défense, avec l'ensemble des avocats qui ont leur lecture, et ce sont ces deux lectures qui vont être amenées à s'opposer devant le tribunal, et ce sera au final le tribunal correctionnel, donc au juge, au magistrat du siège, de trancher.
04:55Je voudrais, Jean-François Bonner, vous qui êtes donc à la tête du parquet national financier, qu'on s'arrête un instant sur ces preuves, et ensuite sur la question des personnages, à la fois Zia Takedine que vous évoquiez à l'instant, mais aussi Claude Guéant, qui est sur le banc des accusés.
05:10Sur les preuves, quand vous dites il y a toutes ces preuves, il s'agit de quoi ? Il s'agit d'argent ? Il s'agit de mouvements d'argent qui sont partis de Libye, qui sont arrivés dans la campagne de Nicolas Sarkozy ?
05:24Ce sont, entre autres, des flux financiers qui ont pu être retracés. Nous avons aujourd'hui au dossier la preuve qu'un montant total de 6 millions d'euros sont partis des fonds publics libyens, et sont arrivés en France par le canal des intermédiaires que j'ai cité tout à l'heure.
05:45Notamment Zia Takedine ?
05:46Notamment Zia Takedine. Ce sont des fonds qui ensuite ont disparu. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'ils sont arrivés la plupart du temps en espèces, ou en tout cas ont fait l'objet de transferts via des zones offshore.
06:00Donc c'est de l'argent qui finalement a très rapidement été masqué. C'est la règle dans ce domaine-là.
06:08C'est absolument illégal, évidemment, on l'a compris depuis le début, mais c'est absolument, totalement, strictement illégal d'être financé par quelque puissance étrangère que ce soit.
06:16Quand c'est en contrepartie d'un pacte de corruption, le pacte de corruption en l'espèce, c'était de favoriser les relations avec les autorités libyennes.
06:25Ça a été exprimé, ça ?
06:26C'est retracé dans le dossier. On sait également que ce qui était visé, c'était pour les Libyens, d'obtenir par exemple un matériel performant pour surveiller la population libyenne.
06:38De la part d'un dictateur, ce n'est pas très étonnant.
06:41Ça a été aussi l'idée et la volonté de promouvoir le développement du nucléaire civil en Libye, alors qu'en France, toutes les autorités techniques préservaient ce mécanisme et mettaient en garde...
06:55Mais attendez, ce que vous nous dites est très grave, c'est-à-dire qu'effectivement, vous dites qu'ils ont souhaité cela, ou ils l'ont obtenu, ou ils ont obtenu promesse de cela ?
07:05Ils ont obtenu promesse de cela, des mécanismes ont été mis en place pour ensuite réaliser, plus ou moins d'ailleurs, ces promesses. Ce qui compte, c'est que les promesses aient été faites.
07:17En matière de corruption, et on le précise à nouveau, il se trouve que c'est une question qui a été déjà posée dans le cadre de précédents procès de Nicolas Sarkozy.
07:26Dans le cas de corruption, seule la promesse de corruption suffit, même si la corruption elle-même n'a pas lieu.
07:34Elle suffit en elle-même, et c'est ce qui est documenté dans le dossier.
07:38Vous dites que 6 millions partent des comptes libyens, passent sur les comptes de Zia Takedine, entre autres. Est-ce que vous avez la preuve que ces 6 millions arrivent dans la campagne de Nicolas Sarkozy ?
07:50Qu'ils arrivent de l'autre côté du tuyau ?
07:52Alors, en soi, il n'est pas nécessaire de le démontrer, mais nous approchons de la réalité dans la mesure où, vous l'avez dit tout à l'heure, le pacte de corruption est déjà constitué avant.
08:03En fait, il est passé où cet argent ?
08:04Eh bien, c'est de l'argent qui a été versé en liquide, qui est passé en diverses poches, notamment des poches particulières.
08:12On voit de l'argent qui a été utilisé notamment pour acheter une villa à Mougins, de l'argent qui a été utilisé de façon diverse.
08:21Mais ça, ce n'est pas une campagne politique ?
08:23Non, mais c'est de l'argent qui est arrivé. Si ensuite le détournement a lieu, ça je dirais que c'est pas différent.
08:27L'intention de cet argent était de financer la campagne de Nicolas Sarkozy en échange d'un certain nombre, effectivement, de privilèges ou d'avantages.
08:37Pour autant, il est possible qu'à l'arrivée, à la sortie du tuyau en France, en quelque sorte, il n'ait finalement pas été utilisé par Nicolas Sarkozy lui-même.
08:44Il y a un élément, vous voyez, qui nous a interpellés dans le dossier, qui m'a interpellé quand j'ai lu le dossier.
08:50Claude Guéant, au moment de la préparation de la campagne électorale,
08:54Proche de Nicolas Sarkozy, qui a non seulement été son ministre ensuite de l'Intérieur,
08:59est allé louer un coffre-fort, une chambre forte dans une grande banque du centre de Paris.
09:05On s'est interrogé pourquoi un tel volume, si ce n'est pas pour y ranger de l'argent liquide ?
09:11Un très grand coffre-fort ?
09:12Un très grand coffre-fort, ce qu'on appelle une chambre forte.
09:14Dans laquelle on peut rentrer physiquement ?
09:16Physiquement, tout à fait, et l'explication qui nous a été donnée, c'était pour stocker les discours de Nicolas Sarkozy.
09:21Pour stocker les discours de Nicolas Sarkozy, il n'aurait pas fallu juste un petit coffre, mais un coffre gigantesque ?
09:27Poser la question, c'est déjà y répondre.
09:29Et ces éléments-là, nous les avons au dossier.
09:31Ils seront l'objet du débat, bien sûr, alors les explications nous seront données.
09:35Mais quand on met tous ces éléments bout à bout, on obtient ce faisceau d'indices
09:41qui nous permet d'affirmer la thèse qui est la nôtre, celle que nous avons développée dans le réquisitoire écrit,
09:46et que nous allons développer également globalement.
09:48Et que vous allez développer évidemment pendant le procès lui-même.
09:51Ces enveloppes de cash, on les a vues quelque part ?
09:55Est-ce qu'il y a des preuves aussi de l'argent ?
09:58On parle de combien de liquide utilisé pendant la campagne ?
10:01Les flux sont documentés.
10:03D'un côté, la Défense nous dit que les flux représenteraient 37 000 euros.
10:08Quand on sait que vous avez 15 meetings qui ont été organisés pendant la campagne pour le compte de Nicolas Sarkozy,
10:16avec en moyenne entre 20 et 50 salariés qui participent à ces meetings.
10:24On parle de la campagne de 2007 ?
10:26De 2007, absolument.
10:28Et qu'en contrepartie, vous n'avez aucune note de frais,
10:31il faut bien s'interroger sur ce que sont devenus ces frais,
10:36comment ces frais ont été payés, si ce n'est par de l'argent liquide.
10:39Vous avez évoqué un nom, Claude Guéant,
10:41Claude Guéant qui est celui qui a ouvert ce compte,
10:44ce grand coffre, cette chambre forte à la banque,
10:48qui a également touché 500 000 euros de la vente de deux tableaux.
10:53Et ça, ça vous paraît être un des éléments également du dossier ?
10:55Absolument, dans la mesure où on n'a pas trouvé trace de ces deux tableaux.
10:58Donc si l'explication qui vous est donnée n'est pas fondée,
11:03c'est-à-dire qu'il aurait touché 500 000 euros,
11:05soi-disant en échange de deux tableaux, mais qu'on n'a jamais vus ?
11:09Absolument.
11:10Donc les 500 000 euros pourraient être une partie du butin libyen ?
11:14Par exemple.
11:15Claude Guéant, comme tous les autres d'ailleurs, nie.
11:18Vous espérez que quelqu'un comme Claude Guéant,
11:22aujourd'hui, dix ans après, parle ?
11:25La vérité judiciaire, elle peut sortir de la bouche des prévenus,
11:30c'est, je dirais, la forme accomplie de la vérité judiciaire.
11:33Après, il nous appartient, en l'absence d'une telle parole,
11:37de démontrer et donc de faire converger des éléments d'un faisceau
11:41vers un point unique qui est celui de la matérialisation,
11:45de la caractérisation de l'infraction.
11:47Ça, c'est tout le travail très complexe qu'ont fait les juges d'instruction
11:51en nous préparant ce dossier.
11:53C'est maintenant mon travail et celui des magistrats du Parquet national financier
11:57de rapporter cette démonstration en audience.
12:00À quoi ça sert de faire quatre mois de procès si,
12:03quand on vous écoute, il est quasiment condamné d'avance ?
12:06Dans ma bouche, il n'est absolument pas condamné.
12:08J'ai une conviction, mais il m'appartient et il appartient à mes collègues...
12:12Vous avez la conviction qu'il est coupable ?
12:14J'ai la conviction, mais cette conviction doit être partagée
12:18par celles et ceux qui décident, à savoir les juges.
12:21Moi, je ne décide pas.
12:22Je propose une thèse qui sera combattue par la Défense,
12:25ce qui est normal.
12:26C'est ainsi que cela fonctionne dans une démocratie.
12:29Mais c'est au magistrat du siège, à la fin, de dire si nous avons raison
12:33ou si, au contraire, nous nous trompons.
12:35Vous avez la conviction qu'il est coupable ?
12:37Vous avez la conviction qu'il doit être condamné ?
12:39J'ai la conviction d'une culpabilité qui conduit à un procès.
12:45Cette conviction, je la tire d'éléments matériels,
12:49non pas d'élucubration ou de calculs sophistiqués
12:53qui n'auraient aucun élément fondé dans le dossier.
12:57Tout ce que nous faisons, tout ce que nous affirmons,
12:59nous le tirons d'auditions, de témoignages,
13:03du retraçage de flux financiers,
13:06d'éléments d'entraide qui nous ont été fournis par d'autres pays,
13:0921 au total, et donc c'est avec cet ensemble
13:12que nous venons devant le tribunal correctionnel.
13:14Je ne viens jamais dans une affaire au tribunal correctionnel les mains vides.
13:18Ce serait une faute professionnelle de la part d'un magistrat.
13:21Ou alors dans ce cas, vous n'auriez pas demandé la tenue du procès.
13:23Absolument.
13:24Vous êtes donc, je le disais, procureur national financier.
13:28C'est extrêmement sérieux.
13:30Est-ce qu'avec ce sérieux-là, on peut faire confiance
13:32à une personne aussi trouble, c'est le moins qu'on puisse dire,
13:35que Zia Takedine ? Est-ce que c'est fiable ?
13:37Dans nos procès, nous avons régulièrement affaire à des personnages troubles,
13:42qu'il s'agisse d'affaires économiques et financières
13:44ou qu'il s'agisse même de crimes de sang.
13:47Ça fait partie, je dirais, de la donnée humaine.
13:50Après, il nous appartient d'utiliser l'ensemble des éléments
13:54qui sont à notre disposition.
13:56En ce qui concerne Zia Takedine, oui, nous avons tous en mémoire
13:59les affirmations, les rétractations.
14:01Je me suis d'ailleurs étonné de voir l'importance qui a été accordée
14:06à la médiatisation de la pseudo rétractation.
14:09C'est-à-dire ?
14:10Lorsqu'il s'est rétracté, une importance majeure avait été donnée,
14:16notamment par les prévenus, à cette rétractation pour dire,
14:19vous voyez, nous sommes innocents, sauf que...
14:21Cette rétractation, pour vous, elle était mise en scène,
14:25en quelque sorte, elle était peut-être même monnayée.
14:28Je précise pour ceux qui nous écoutent à la radio
14:32que vous faites un petit sourire en coin,
14:34vous levez même les yeux avec une forme de malice au ciel,
14:38vous considérez que cette rétractation de Zia Takedine
14:42est une mise en scène.
14:44Elle a été monnayée.
14:46Pour moi, elle interroge.
14:48Et si elle interroge, on en aura prochainement la réponse,
14:53puisqu'une enquête est en cours.
14:54Une information judiciaire a été ouverte précisément sur ces éléments-là,
14:58parce que nous soupçonnons une forme de subornation de témoins.
15:01Donc je ne peux pas en parler davantage.
15:02Avec peut-être la complicité de Carla Bruni-Sarkozy,
15:05de Mimi Marchand, de Paris Match ?
15:08C'est en cours.
15:09On ne peut pas se prononcer à ce stade.
15:11Tout cela est en cours.
15:12Un juge d'instruction est en train de travailler là-dessus,
15:14de façon tout à fait, là aussi, indépendante et sereine.
15:18On aura la réponse d'ici quelques mois.
15:20Mais cela interroge.
15:22En tout cas, on voit effectivement à votre regard
15:24que vous avez du mal à croire que cette rétractation soit spontanée.
15:27On peut s'interroger, et je continuerai à le faire
15:30jusqu'à ce que j'en ai effectivement la démonstration.
15:32Cela étant, pour répondre à votre question sur Zia Takedine,
15:36certes, il y a ces variations, on le sait,
15:39elles sont patentes, elles sont au dossier.
15:41En revanche, ce que nous avons réussi, c'est à contourner ces variations
15:47en allant notamment chercher des éléments dans un précédent dossier
15:51dans lequel il a été condamné, Zia Takedine,
15:53c'est l'affaire Karachi.
15:55C'était le financement, déjà frauduleux à l'époque,
15:57de la campagne électorale d'Edouard Balladur.
16:00Et dans ce dossier, nous avons des archives électroniques
16:04qui ont pu être exploitées et qui permettent précisément
16:07de retomber sur nos pieds indépendamment de ces déclarations à allure variable.
16:13La justice, quand on vous écoute, elle s'appuie évidemment sur toutes ces preuves-là,
16:18mais dans le contexte actuel, évidemment, il s'agit d'un ancien président de la République,
16:22de trois ministres, des ministres de l'Intérieur,
16:25d'un ministre du Budget, un ministre de l'Économie.
16:27Comment est-ce que vous pouvez affirmer que la justice ne sera pas politique ?
16:33La justice, par définition, n'a pas à être politique
16:37et l'enjeu même, je dirais, du travail du parquet national financier,
16:43c'est d'en faire la démonstration.
16:45Notre travail n'est pas un travail politique.
16:48Nous ne sommes pas engagés politiquement.
16:51Il se trouve qu'à travers nos affaires, nous venons apporter un éclairage pénal
16:57sur le comportement de décideurs.
17:00J'entends parfaitement ce que vous ne devez pas être,
17:03c'est-à-dire vous affirmez bien qu'il ne s'agit en aucune façon d'être politique.
17:07Mais vous avez sans doute entendu, au moment du réquisitoire,
17:11dans le procès qui n'a rien à voir,
17:13mais qui est le procès des assistants parlementaires du RN,
17:16vous avez entendu la procureure,
17:18et ça a été rapporté par plusieurs journalistes qui étaient présents dans la salle,
17:21qui disait à propos de l'un des dossiers qui gravitaient autour de celui de Marine Le Pen,
17:26je pourrais prononcer la relaxe, mais ça me fait mal.
17:29Comment ensuite dire que la justice n'est pas politique ?
17:32Comment réussir à prendre cette distance ?
17:35Vous comprenez ce que je veux dire ?
17:36Absolument.
17:37Il nous appartient de faire un travail de démonstration.
17:40Et en cela, notre travail au parquet national financier...
17:44Vous avez regretté qu'une procureure lâche une phrase comme ça,
17:48qui laissait entendre un souhait plus qu'une décision de justice ?
17:52C'est l'appréciation d'une personne sur laquelle je n'ai pas apporté de jugement.
17:56Moi, ce que j'essaie de faire au quotidien,
17:58c'est de démontrer que dans la spécificité de nos dossiers,
18:02qui portent majoritairement sur des décideurs politiques,
18:05nous n'avons qu'une seule boussole.
18:08Ma boussole, mon gyroscope,
18:10je suis un navigateur par ailleurs,
18:13quand je suis en plein océan, ma boussole, c'est la loi.
18:16Quand je suis au PNF, ma boussole, c'est la loi.
18:19La loi, les faits, un mot plus largement aussi,
18:23pour savoir les moyens dont vous disposez.
18:26On sait qu'en matière de fraude fiscale,
18:28on se dit presque que vous auriez mieux fait d'être à Bercy.
18:30Vous avez ramené 12 milliards d'euros dans les caisses de l'État.
18:33Est-ce que le simple fait que vous existiez depuis 10 ans
18:37est en soi une sorte de nouvelle peur du gendarme ?
18:40Est-ce qu'on peut espérer que le simple fait que vous existiez
18:43ait fait renoncer un certain nombre de truands,
18:48en quelque sorte, à vouloir frauder le fisc ?
18:51Que nous existions, oui.
18:53Mais je rajouterais, si vous me permettez, Mme de Malherbe,
18:56que nous agissions.
18:58Et cela, nous l'avons fait maintenant en 10 années d'exercice.
19:01Et ça a été reconnu à la fois par toutes les autorités nationales,
19:05je pense à la Cour des comptes,
19:07je pense à la représentation populaire,
19:09la représentation nationale, Assemblée nationale, Sénat,
19:12mais je pense aussi aux organisations internationales,
19:14l'OCDE, le Conseil de l'Europe.
19:17L'ensemble de ces institutions majeures reconnaissent
19:20qu'il y a un avant et un après le parquet national financier.
19:25Nous avons agi, nous avons fait condamner aujourd'hui
19:30un peu plus de 500 personnes
19:32pour des faits d'atteinte à la probité,
19:34mais aussi de fraude fiscale aggravée.
19:36Nous avons fait rentrer, vous l'avez effectivement souligné,
19:39plus de 12 milliards d'euros en 10 ans dans les caisses de l'État,
19:43par le biais non seulement des sanctions pénales,
19:45mais aussi, parce que nous lions toujours
19:48le règlement fiscal et la sanction pénale,
19:51nous avons fait rentrer cet argent au bénéfice des comptes publics,
19:55c'est un fait, et c'est notre travail,
19:57ce n'est pas notre objectif premier,
19:59mais c'est le résultat de notre action.
20:01Est-ce que vous estimez aujourd'hui avoir les Maoyens de travailler ?
20:04En préparant cette interview, je regardais, vous êtes une cinquantaine.
20:07Oui, nous sommes 46, très exactement.
20:09C'est suffisant, ça, pour lutter contre...
20:11Parmi les 46, seulement 20 magistrats.
20:13Le ministère de la Justice a le souci de faire évoluer nos équipes,
20:17deux magistrats, nous avons un dialogue qui est permanent,
20:21qui est en cours avec la direction des services judiciaires,
20:24avec le parquet général, bien sûr, qui est notre supérieur hiérarchique.
20:28Le ministère de la Justice a, dans les cinq dernières années,
20:32tenu à développer l'équipe autour du magistrat,
20:35en nous mettant en disposition notamment des assistants spécialisés,
20:40nous en avons 12 aujourd'hui,
20:42qui viennent compléter, qui viennent renforcer le travail des magistrats,
20:47permettant à ces derniers de se concentrer sur l'essentiel de leur travail,
20:52à savoir la conduite de l'action publique et la prise de décision.
20:56Prise de décision éclairée, à partir d'éléments factuels,
21:00des éléments juridiques, bien sûr aussi.
21:02Notre travail, c'est de faire l'analyse,
21:04et ensuite de proposer cette analyse au tribunal.
21:06Seule la loi est ma boussole, et vous l'avez dit,
21:09votre conviction ce matin, c'est que Nicolas Sarkozy,
21:12en effet, s'est rendu coupable de ce pacte de corruption.
21:15Le procès s'ouvrira tout à l'heure à 13h.
21:17Merci Jean-François Benner, procureur national financier,
21:20à la tête du parquet national financier,
21:22d'avoir accepté, en exclusivité, ce matin,
21:25de répondre à mes questions sur RMC et BFM TV.
21:28Il est 8h53.