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00:00On va juste écouter peut-être un échange, et je vous passe la parole, Eric Reuvel, je ne vous ai pas encore entendu depuis le 2 mai,
00:04Catherine Ney aussi qui est là et qui réclame la parole.
00:07Juste cet échange entre Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen.
00:10C'était au moment évidemment de 2002 où Jacques Chirac refuse le débat avec Jean-Marie Le Pen.
00:15Écoutez cet échange à distance entre les deux hommes, d'abord Jacques Chirac, ensuite Jean-Marie Le Pen.
00:19Pas plus que je n'ai accepté dans le passé d'alliance avec le Front National,
00:26et ceci quel qu'en soit le prix politique.
00:34Pas plus que je ne l'ai accepté dans le passé, je n'accepterai demain de débat avec son représentant.
00:43Je ne peux pas accepter la banalisation de l'intolérance et de la haine.
00:50C'est une pitoyable dégonflade.
00:52Moi je lui offrais un duel, et quand un adversaire d'un duel est considéré comme s'étant retiré,
01:02il est déshonoré.
01:04Ce sont les règles de l'honneur, une matière que connaît mal Jacques Chirac.
01:08Catherine Ney, il a commis une erreur Jacques Chirac ce jour-là ou pas ?
01:12En tous les cas c'est vrai qu'il manifestait une hostilité personnelle très forte,
01:16mais Jacques Chirac n'est pas quelqu'un que vous n'avez jamais vu débattre avec quiconque.
01:22Ce n'était pas son mode d'expression, ce n'était peut-être pas, il ne se sentait pas à l'aise.
01:26C'était quelqu'un qui lisait des papiers même pour dire des choses assez brèves,
01:30qui demandait de lui faire un beau discours sans en dire plus.
01:34Donc ce n'est pas quelqu'un qui avait la parole facile finalement.
01:38Et donc face à cet homme qui était un éruptif, qui était cultivé,
01:42qui parlait des citations latines et qui était un virtuose de l'imparfait du subjonctif,
01:48il se méfiait de cet homme.
01:51Mais ce qui est extraordinaire dans l'histoire de Jean-Marie Le Pen,
01:54c'est qu'il a commencé, il a explosé en 1984 après l'Ordre de Vérité,
01:59où il avait écrit à François Mitterrand pour lui dire
02:02« Je ne vois pas pourquoi le Front National, qui est un parti normal,
02:05n'est pas accueilli sur le service public »
02:09et il voulait participer à l'Ordre de Vérité.
02:11Et Mitterrand avait envoyé une lettre à la Haute Autorité, à Michel Cotta,
02:14et à l'unanimité on avait décidé qu'il devait participer à une émission.
02:18Et il a participé à une émission qui a fait son plus gros score,
02:21où il a dit qu'il n'était pas antisémite, enfin bref.
02:25Et quelques mois plus tard aux élections européennes,
02:29il a fait 50 000 voix de moins que les communistes,
02:32mais il a eu 10 élus et il a pu faire à l'Assemblée européenne
02:38un premier groupe dont il était le président.
02:42Et puis en 1986, Mitterrand, en faisant la proportionnelle,
02:47lui a donné l'occasion d'avoir 35 députés,
02:49et là il était le roi du pétrole parce qu'il avait à la fois ces deux présidences.
02:55Et il faut dire que ceux qu'il a amenés au Parlement,
02:59à part quelques têtes brûlées et quelques-uns d'anciens NORS,
03:02mais vous voyez, il y avait des gens, des professeurs d'université, des avocats,
03:06il y avait Harry Guy qui avait été l'un des fomenteurs du faux attentat de Mitterrand,
03:13l'observatoire, il y avait le descendant de la Fayette, Charles de Chambrain,
03:20il y avait Olivier d'Ormesson qui était un cousin de Jean d'Ormesson,
03:24qui préparait la réconciliation avec Israël.
03:28Parce qu'on a dit que Jean-Marie Le Pen était antisémite,
03:32mais il était sioniste, il était pour Israël.
03:35C'est ça les ambiguïtés de Jean-Marie Le Pen.
03:38Et il devait rencontrer Charonne, le général Charonne,
03:41le vainqueur des Six Jours, il devait le rencontrer.
03:44Et puis voilà qu'en 87, en septembre, pourquoi sortir de cette phrase ?
03:48Et en sortant, il a dit à son attaché de presse, Laurent de Saint-Afrique,
03:55je crois que c'est la plus grosse connerie qui est sortie de ma bouche,
03:58et là c'est vrai qu'il a atterré sa famille, ses amis,
04:01Olivier d'Ormesson qui a rompu d'ailleurs, qui ne comprenait pas,
04:04et on lui demandait de s'excuser.
04:06Mais comme le dit Laurent de Saint-Afrique, il ne s'excuse pas,
04:11il dit que c'est un char d'assaut qui n'a pas de marche arrière.
04:13Et non seulement il ne s'est jamais excusé,
04:16mais pour montrer qu'un détail de l'histoire,
04:18parce qu'il avait vu que dans le Dictionnaire,
04:20un détail c'est une partie d'un tout.
04:24Donc il trouvait toujours des raisons à avoir.
04:27Et là, il s'est tué. C'est quelqu'un qui s'est tué.
04:30Et c'est même incompréhensible.
04:33Donc ça prouvait bien qu'il ne voulait pas gouverner.
04:36Gauthier, un mot avant que Eric parle ?
04:38Oui, c'est une mort vraiment compliquée à commenter.
04:40Parce qu'effectivement, il y a plusieurs choses qui rentrent en compte.
04:43Il y a évidemment les dérapages antisémites,
04:45mais ensuite, quand vous écoutez ce que pouvait dire Jean-Marie Le Pen
04:48sur un certain nombre de sujets, migratoires, sécuritaires,
04:51la montée de l'islamisme, il y a un côté quasiment visionnaire
04:55à ce qui va se passer aujourd'hui.
04:57Et j'en veux pour preuve. Deux débats.
04:59Deux débats avec Bernard Tapie.
05:01Et aujourd'hui, Laurent Tapie dit que son père avait tort sur le fond.
05:06Et que Jean-Marie Le Pen avait raison sur le fond.
05:08Et ça, c'est très intéressant.
05:09On écoute juste un extrait de ce fameux débat Tapie-Le Pen
05:12qui a tant fait parler. Écoutez.
05:14Je vous écraserais, M. Tapie, à Marseille,
05:17si vous aviez le courage de démissionner de votre mandat
05:20et de vous représenter.
05:22Mais attendez, ce n'est pas parce que vous avez une grande gueule
05:24et que vous criez fort que vous arrivez...
05:26Vous êtes sorti des bafous, on le sait.
05:29La seule différence, c'est que ce n'est pas
05:32parce que vous affirmez fort quelque chose
05:34que ce que vous dites est vrai.
05:35Parce que vous dites n'importe quoi.
05:37Vous êtes en train actuellement de commencer à accuser
05:39de nouveau la bande des 4.
05:41Les 4 ne sont pas là.
05:42Moi, je suis là pour vous répondre à vous.
05:45Mais vous êtes un imparenté.
05:49Et donc, il n'y a plus de raison qu'il fasse chauffer ses meetings
05:51en donnant des musulmans à manger aux fanatiques du FN
05:56parce qu'il n'est pas propre.
05:57Vous êtes un grotesque.
05:58Vous êtes un pitre, monsieur.
06:00Vous avez dit...
06:01Vous êtes un pitre.
06:02Vous avez dit qu'il n'y aurait pas...
06:04Ne dites pas d'énormité comme ça.
06:07Et ne me menacez pas physiquement, M. Tapie.
06:10Il vous en cuirait.
06:11C'est parce que vous avez votre garde du corps, là.
06:13Non, moi, moi.
06:14Vous rigolez.
06:15Enfin, regardez-vous.
06:17Vous éprouveriez un peu ce que c'est qu'un boxeur poids lourd.
06:20Deuxième chose.
06:21Voilà pour cet extrait rigoreux.
06:23M. Tapie, M. Le Pen.
06:25Je m'attends à ce que Jean-Marie Le Pen dise
06:27« Peu me chaud, je n'en ai qu'eux. »
06:28Vous voyez, il vous en cuirait.
06:29Mais juste pour prolonger ce que disait Catherine Ney.
06:32D'abord, quand il dit à Mitterrand, en fait,
06:35le FN doit passer dans une grande émission politique,
06:38d'abord, ça dit beaucoup des relations entre le pouvoir
06:40et le service public, d'une manière générale.
06:42Première chose.
06:43Et puis, deuxième chose.
06:44Mais attendez.
06:45Le machiavélisme politique qui était chevillé au corps
06:48de François Mitterrand,
06:49il comprend aussi qu'en donnant un espace médiatique à Le Pen,
06:52il va laisser la gauche pour longtemps au pouvoir
06:55parce que la droite va rester fracturée.
06:58Ce qu'on appelle l'extrême droite et la droite républicaine.
07:00Donc, c'est du machiavélisme politique, en fait.
07:02Oui, parce qu'il savait très bien qu'en 1986,
07:04la droite républicaine, chiraquienne,
07:06allait gagner les élections législatives.
07:08Et pour réduire son périmètre, il a fait la proportionnelle.
07:10Et à quatre voix près, la droite n'aurait pas eu le pouvoir.
07:13À quatre voix près.
07:14Et donc, avoir à son flanc à la fois la gauche,
07:16qui était revigorée parce qu'elle avait gardé des députés,
07:19et les 35, qui étaient quand même
07:21beaucoup plus forts que la moitié des députés.
07:23Parce que là, je vous le dis,
07:25le groupe Rassemblement National de l'époque,
07:28c'était autre chose que celui d'aujourd'hui.
07:32Il y avait des...
07:33Il y avait qui ?
07:34Il y avait qui ?
07:35Il y avait des intellectuels, un professeur Martinez,
07:39qui était absolument...
07:41Non, il y avait quand même des gens...
07:43Alors, je te dis, en parenthèse...
07:44Non, mais c'est vrai que vous êtes
07:46un des vedettes du groupe.
07:48Mais je veux dire, sur le gros du groupe,
07:50il n'y a pas beaucoup de vedettes
07:52et des gens dont on dit qu'ils sont prêts à gouverner demain.
07:54Alors, Jean-François Kobélis ?
07:55Non, non, mais je vous rassure,
07:56et c'est notamment tout l'apport de Marine Le Pen
07:59au mouvement national,
08:00d'avoir restructuré le parti, d'avoir attiré des talents.
08:02On a beaucoup de gens extrêmement compétents
08:04et qui pourraient demain diriger la France
08:06à ses côtés, aux côtés de Jordan Bardella.
08:08Je crois qu'il faut quand même revenir à l'essentiel.
08:11Si aujourd'hui, on parle autant de certains sujets
08:13qui sont cruciaux pour les Français,
08:15qui sont au cœur de leur vote,
08:16c'est aussi parce qu'un homme, au milieu des années 70,
08:19a commencé à en parler.
08:21Je pense que c'est ça aussi qu'on doit...
08:23D'autres en ont parlé aussi.
08:24Je mentionnais Philippe de Villiers...
08:26Un peu après, c'est vrai, vous avez raison.
08:28Je n'ai pas dit qu'il était le seul.
08:29Voilà, il n'est pas le seul.
08:30Mais il l'a fait, il a probablement été lanceur d'alerte.
08:32Et quand on revoit un certain nombre de ses propos
08:34sur le risque islamiste, je dis bien islamiste,
08:37sur les méfaits d'une immigration non choisie
08:41et non contrôlée,
08:42ce qui paraissait à l'époque complètement farfelu,
08:45qu'on qualifiait facilement de raciste ou de xénophobe,
08:48on voit aujourd'hui, malheureusement,
08:50que c'était vrai.
08:51Sarkozy avait très bien compris.
08:53Les lanceurs d'alerte, souvent, ont raison trop tôt
08:57et sont voués aux gémonies.
08:58Et c'est probablement, en plus de sa propre nature,
09:01ce qui est arrivé à Jean-Marie Le Pen.
09:03Et en 84, à l'heure de vérité,
09:05il avait dit qu'en ce moment,
09:06les Arabes étaient en train...
09:08Enfin, l'immigration allait coloniser le pays
09:11et que les gens à Paris ne s'en rendaient pas...
09:13Les gens ne s'en rendaient pas compte,
09:14mais que vraiment, sur le terrain,
09:16là, ça commençait à être une souffrance
09:18dans certaines villes.
09:19Et là, il le disait déjà.
09:20Alors, Louis, rapidement, Eric.
09:22Ce que je voulais simplement dire,
09:23c'est que Nicolas Sarkozy et d'ailleurs Jacques Chirac,
09:25avant, quand il fait le bruit et l'odeur,
09:27clairement, l'objectif de Jacques Chirac,
09:29c'est de parler à cet électorat-là,
09:30qui est tenté déjà par Jean-Marie Le Pen.
09:32Nicolas Sarkozy comprend parfaitement
09:34tout l'enjeu d'avoir le Rassemblement National
09:37le plus faible possible.
09:38Et le Front National à l'époque.
09:41Et c'est la raison pour laquelle
09:42il fait toute sa campagne, quasiment,
09:44sur le régalien, la maîtrise de l'immigration,
09:47la sécurité, sur l'identité nationale.
09:50Et d'ailleurs, il y a eu peu de campagnes
09:52où on en a autant parlé, avec fierté.
09:55Et c'est une campagne où le RN, le FN,
09:58à l'époque, a fait un très mauvais score
10:01à l'élection présidentielle.
10:02Alors, Eric, rapidement.
10:04Ce que je voulais dire,
10:05c'est que je me suis souvent posé la question.
10:07Vous citiez cette belle formule,
10:08c'est un char d'assaut qui n'a pas la marche arrière.
10:11Mais je me suis souvent demandé
10:13pourquoi il se laissait.
10:14Alors, il était peut-être raciste fondamentalement,
10:17antisémite fondamentalement, c'est possible.
10:19Mais l'une des explications,
10:21c'est que comme on part du principe
10:22qu'il a toujours refusé le pouvoir,
10:24je me demande si ces dérapages
10:26qui étaient totalement incontrôlés et monstrueux,
10:28en fait, ça n'est pas du pouvoir.
10:30Et vous savez que quelques semaines avant,
10:32avril 2002, où il va abattre Jospin,
10:34il va se retrouver au second tour avec Chirac,
10:36il donne une interview à un de nos confrères,
10:38Romain Rosseau, qui était à L'Express
10:40qui fait le Rassemblement National.
10:41Et Jean-Marie Le Pen lui dit dans cette interview,
10:44je serai au second tour,
10:45parce que la gauche a tellement de candidats en 2002
10:49que ce n'est pas impossible, en fait,
10:51que se passe la chose suivante et que j'y sois.
10:54Et quand vous regardez,
10:55j'ai lu l'interview Gauthier,
10:56et quand vous regardez Serge Moetti qui couvrait,
10:59qui faisait un documentaire sur Jean-Marie Le Pen,
11:01et vous voyez la tête de Jean-Marie Le Pen,
11:03lorsque je crois que c'est Pujadas,
11:05qui annonce les résultats,
11:06Chirac 20, Jean-Marie Le Pen 17, 62,
11:09en fait, vous voyez que Jean-Marie Le Pen,
11:11il est lui-même surpris.
11:12Donc tous ces dérapages inexcusables, monstrueux,
11:15est-ce que ce n'était pas une façon pour lui de dire,
11:17en fait, si j'ai le pouvoir,
11:19non, je ne peux pas prendre le pouvoir,
11:21je n'en ai pas les moyens, les hommes, les capacités.
11:23Il ne se calcule pas de lui-même.
11:24Mais je me suis toujours posé la question,
11:26parce que c'est un type intelligent
11:27et qui connaît l'histoire du pays.
11:28Et en 2002, il y a l'affaire Papivoise,
11:30qui change énormément de choses.
11:32C'est après l'hiver à l'époque,
11:34un vieux monsieur battu.
11:35Ce vieux monsieur qui a été massacré,
11:36et Lionel Jospin ne trouve pas du tout
11:38les réponses sécuritaires à l'époque
11:41demandées par les Français,
11:43alors que Jean-Marie Le Pen,
11:44évidemment, sur les questions de sécurité,
11:46il avait fait un travail depuis des décennies.
11:48Donc il y a aussi le contexte de l'époque
11:50qui joue dans la qualification de Jean-Marie Le Pen
11:52au second tour en 2010.

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