Avec Gaspard Koenig, philosophe, essayiste et auteur de « Agrophilosophie. Réconcilier nature et liberté » (Observatoire)
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##L_INVITE_POLITIQUE-2025-01-03##
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NewsTranscription
00:00Sud Radio, l'invité politique, Jean-Jacques Bourdin.
00:07Bien, notre invité ce matin n'est pas un politique, quoi que, quoi que.
00:11Gaspard Koenig, bonjour.
00:13Bonjour.
00:13Merci d'être avec nous, vous êtes philosophe, vous êtes essayiste,
00:16et vous avez été candidat éphémère à la présidence de la République en 2022.
00:23D'ailleurs, je reviendrai sur cette candidature, Gaspard Koenig.
00:27Vous êtes, comment, un agri-philosophe ?
00:33Un gros philosophe.
00:34Agro, je dis agri.
00:36Un penseur vagabond, ça me va bien.
00:38Un penseur vagabond.
00:39Ça vous va bien, un penseur vagabond.
00:41Oui, parce que j'ai toujours mêlé les idées, les livres à l'expérience,
00:44les balades, le jardinage, les voyages.
00:47Je pense que la pensée se nourrit beaucoup du réel
00:49et qu'il faut constamment plonger la main dans la terre, à la pâte,
00:53sur les chemins ou dans la peau, dans la pogne des gens.
00:56Bien.
00:57Alors, si je vous ai invité ce matin, c'est parce que la vie politique n'a pas vraiment...
01:04Bon, c'est pas enthousiasmant, ça n'a pas repris vraiment.
01:07Il y a un conseil des ministres en ce moment à l'Élysée.
01:11Nous aurons le temps de plonger dans la vie politique.
01:13Mais je voulais que nous réfléchissions un peu sur notre société,
01:16sur cette année 2025 qui arrive,
01:20avec le premier événement mondial qui aura lieu dans 17 jours aujourd'hui,
01:26l'avènement, l'investiture de Donald Trump.
01:31Ce sera le gros événement de ce début d'année.
01:34Vous en convenez, Gaspard Koenig ?
01:36Sans doute, on ne sait jamais ce que l'année nous réserve.
01:38Il peut y avoir pire avant.
01:39C'est vrai. Il peut y avoir pire avant.
01:41Pour vous, c'est le pire,
01:43parce que beaucoup ont critiqué Donald Trump avant l'élection.
01:49Maintenant, moins.
01:50On a l'impression que Donald Trump est devenu le sauveur du monde.
01:54Vous n'avez pas cette impression-là ?
01:56Moi, je pense que quelqu'un qui a participé,
01:59ou en tout cas encouragé un coup d'État
02:01dans l'une des plus grandes démocraties du monde,
02:03les États-Unis et l'Amérique, est discrédité à vie.
02:06Et que ça suffit quelque part pour le juger.
02:08Maintenant, ce qui est intéressant, c'est qu'il vient de quelque part
02:11et ses idées viennent de quelque part.
02:13Je ne pense pas qu'il faille le résumer à un pseudo-fasciste
02:18ou une marionnette ou un idiot.
02:20Keynes disait que quand un politique semble avoir une idée complètement farfelue,
02:25il y a probablement un économiste ou un intellectuel mort depuis longtemps
02:28qui l'avait conceptualisée.
02:29En fait, les idées, elles vivent leur propre vie,
02:31puis un jour ou l'autre, elles se retrouvent, quand elles sont mûres,
02:33dans la tête des hommes politiques qui les incarnent.
02:36Et il y a quelque chose d'assez fort qui est en train de se passer
02:40à la fois en Amérique, à la fois au Nord et au Sud,
02:43avec d'un côté le duo Trump-Musk,
02:46et de l'autre Ravier-Millet en Argentine.
02:49J'allais venir.
02:50Parce que, et c'est très clair s'agissant de Musk et Millet,
02:53les deux se revendiquent, ou se sont revendiqués,
02:56de la pensée libertarienne, qui était une pensée ultra-minoritaire,
03:00qu'on connaît très très peu en France,
03:02et qui est en train de devenir un véritable phénomène mondial.
03:05Millet, c'est très clair, puisque son maître à penser,
03:07c'est Rémi-Héros-Barthes, qui est un des pères fondateurs
03:10de la discipline dans les années 80.
03:12Et Musk a traîné dans la bande de Paypal avec Peter Thiel,
03:17qui sont des techno-libertariens, disons, assumés.
03:20Et donc, c'est pas...
03:23Le fascisme, l'autoritarisme des années 30 du siècle précédent,
03:27était fondé sur la construction d'un État fort,
03:30sur la nationalisation, sur le national-socialisme.
03:33Aujourd'hui, c'est quasiment tout l'inverse,
03:36puisque ces figures très autoritaires sont là assez explicitement
03:39pour détruire l'État.
03:41C'est Millet avec sa tronçonneuse,
03:43ou c'est Donald Trump qui nomme à la tête des administrations
03:45des gens qui sont leurs ennemis, revendiqués.
03:48Et donc, il faut un peu revenir au fondement philosophique du libertarianisme.
03:54C'est quoi ?
03:56C'est assez séduisant comme pensée,
03:58parce que c'est une pensée de la liberté individuelle absolue.
04:00À une époque, ça m'intéressait...
04:02Oui, c'est ce que dit Maske d'ailleurs.
04:04La liberté individuelle absolue.
04:06Et la liberté d'expression s'agissant de son réseau social.
04:09Je vous parlerai du transhumanisme après,
04:12parce que c'est aussi l'étape suivante.
04:14Exactement.
04:16Et c'est assez séduisant.
04:18Moi, j'avais été il y a presque une dizaine d'années
04:21visiter le Free State Project au New Hampshire,
04:26qui est un espace de camps annuels qui regroupent des libertariens
04:30qui ont une pensée très radicale,
04:32très ouverte,
04:34puisque vraiment, il y a une tolérance absolue
04:36sur les mœurs, les idées, les religions, les croyances.
04:38C'est être vivre libre et laisser les autres vivre.
04:42Et on ne pouvait pas payer avec des billets de dollars,
04:46parce que c'est le monopole de la Banque Centrale,
04:48donc ce n'est pas bien.
04:49Il fallait payer avec des bitcoins,
04:50ou avec des pièces en cuivre qui contiennent encore un alliage
04:53qui fait que la monnaie n'est pas manipulée.
04:55Vous voyez, ils vont assez loin.
04:56Et il faut s'intéresser à cette pensée,
04:58elle est quand même assez substantielle.
05:00Elle est fondée sur la liberté humaine,
05:05mais aussi le rôle de l'intelligence humaine
05:08qui fait de l'homme une espèce complètement à part,
05:11et puis la propriété privée
05:13comme un droit complètement absolu.
05:15De sorte que pour les libertariens,
05:16la société entière est réglée
05:18par un échange contractuel entre propriétaires.
05:21C'est quoi ? C'est une nouvelle idéologie ?
05:24Enfin, nouvelle, pas si nouvelle que ça.
05:26Mais c'est aujourd'hui une idéologie répandue
05:29par des hommes comme Musk ou Meleï.
05:31Exactement.
05:32Je ne sais pas si Trump adhère totalement à cela.
05:34Ça, nous verrons.
05:35Trump, il vient quand même du Tea Party
05:37qui en est aussi inspiré.
05:38Donc on voit quand même qu'il y a une espèce de dynamique.
05:41Et c'est une pensée qui date des années 70-80,
05:45et qui, comme toute pensée,
05:46prend un demi-siècle un peu pour s'épanouir
05:48en partant d'un coin quand même extrêmement libertaire.
05:50Donc la volonté c'est quoi ?
05:51C'est détruire l'État ?
05:53La volonté c'est que l'État se réduise
05:55à la gestion des contrats et des droits de propriété.
05:58C'est tout.
05:59À part ça, l'État est globalement illégitime pour tout le reste.
06:02Mais qui véhicule cette pensée en France ?
06:04Ce n'est pas Marine Le Pen ?
06:05Non, pas du tout.
06:06Pas du tout ?
06:07En France, il y en a une version très très atténuée
06:09chez ce qu'on peut appeler les libéraux conservateurs à droite.
06:12Mais c'est extrêmement atténué.
06:13David Lysnard par exemple ?
06:15Peut-être, il faudrait lui demander.
06:16En tout cas, c'est extrêmement affadé
06:18et à peu près personne ne s'en revendique de manière explicite.
06:21Oui.
06:22Moi, je pense que si elle arrive aujourd'hui,
06:24il y a des raisons.
06:25Et la raison, c'est que nos sociétés occidentales,
06:29fondées sur des états-providence très forts depuis l'après-guerre,
06:33se sont emballées dans une extrême bureaucratisation.
06:36Oui.
06:37Que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public.
06:40Et qu'on est arrivé un peu au stade ultime
06:43de ce que Tocqueville anticipait,
06:44qui est le despotisme démocratique,
06:46où on se sent complètement enfermé,
06:48constamment à justifier ses propres actions,
06:51constamment à remplir des comptes, des formulaires,
06:53des mots de passe.
06:54Et finalement, privé, dépossédé de sa capacité à agir
06:57et d'une forme de dignité humaine,
06:59constamment infantilisée.
07:01Je pense que les partis classiques
07:03ne prennent pas du tout ça au sérieux.
07:05Vous l'avez rappelé, le thème de ma campagne,
07:07parce que c'est ce que j'avais vu dans la France
07:09que j'avais parcouru à cheval,
07:11c'est ce dont me parlaient les gens.
07:13Et ça existe à peu près dans tous les états occidentaux
07:16qui ont construit ces états-providence.
07:18Et qu'il y a une réaction par rapport à ces états colossaux,
07:21qui est une réaction de tronçonneuse.
07:22— C'est la tronçonneuse.
07:24— Oui, mais pardon, Gaspard Koenig.
07:27La tronçonneuse semble fonctionner en Argentine.
07:30Je regardais les derniers chiffres économiques
07:34et dernières réalités économiques de l'Argentine.
07:36Baisse d'augmentation du niveau de vie,
07:41même si les plus pauvres sont souvent laissés
07:43sur le bord du chemin.
07:44Baisse de l'inflation.
07:46Enfin, l'économie argentine se porte mieux
07:50avec les mesures prises.
07:51Mesures, je rappelle, 30% de baisse des dépenses publiques,
07:54milliers.
07:56Baisse des subventions énergétiques,
07:58des aides aux provinces,
07:59diminution des pensions de retraite.
08:01On n'imagine pas ça en France,
08:02diminution des pensions de retraite.
08:04Arrêt des travaux publics, suppression de fonctionnaires.
08:07— Non, mais il y a un côté très séduisant de la tronçonneuse.
08:10Moi, quand je suis accablé de paperasse à faire,
08:14alors que je suis un pauvre artiste-auteur,
08:15c'est ça mon statut,
08:16et que je me retrouve dans mille trucs incompréhensibles,
08:18moi aussi j'ai envie de prendre une tronçonneuse.
08:19Et je pense qu'il y a beaucoup de gens
08:20qui sont en prise avec les acronymes
08:22qui composent notre société aujourd'hui,
08:24qui ont très envie de prendre une tronçonneuse.
08:26Le problème, c'est qu'aujourd'hui,
08:27cette tronçonneuse, elle coupe un peu tout.
08:28Et notamment, elle coupe aussi les arbres.
08:30Parce que les libertariens, pour les raisons que j'évoquais,
08:32qui ont le respect absolu de l'espèce humaine
08:34et de la propriété privée,
08:36n'ont absolument aucune idée,
08:38ni aucune conscience de la crise écologique.
08:41Et de ce point de vue-là,
08:42ils représentent une fuite en avant colossale.
08:45C'est Trump qui dit « drill, baby, drill »,
08:47c'est-à-dire « fourons, fourons, fourons,
08:49creusons, creusons, creusons »
08:50pour trouver encore plus de pétrole
08:51pour aller jusqu'au bout de la surexploitation des ressources
08:53qui menacent, selon moi, notre propre existence sur Terre.
08:57Et donc aujourd'hui, la tronçonneuse,
08:58on voit d'où elle vient.
09:00On voit quelque part sa légitimité
09:03dans l'espace intellectuel et dans l'espace public.
09:06Mais le problème, c'est qu'elle est faite sans aucune...
09:08C'est un extrémisme ?
09:10Moi, j'avais écrit un papier
09:11qui s'appelait « L'autoritarisme libertarien »
09:13parce qu'effectivement, ça devient d'une doctrine
09:15qui est à la base une doctrine quand même de liberté.
09:17Oui, de liberté totale.
09:18Liberté d'expression.
09:19Voilà.
09:20Je reviendrai sur la liberté d'expression.
09:21Elle est censée être assez conciliante,
09:23assez sympathique quand même dans son fondement.
09:25Ça devient d'abord une idéologie aussi rigide
09:28que l'étroskiste par rapport au marxisme des années 60.
09:31C'est-à-dire que c'est une grille de lecture du monde
09:34qui est complètement monolithique,
09:36qui n'admet plus la nuance,
09:39qui par ailleurs, sur le plan aujourd'hui culturel ou social,
09:42s'accompagne d'un conservatisme
09:44très fort et un peu paradoxal
09:46par rapport aux origines de la doctrine.
09:47Bien sûr.
09:48Puisqu'à la fois, Milaï et Trump sont quand même des nationalistes.
09:50Or, un vrai libertarien, c'est un internationaliste.
09:52C'est quelqu'un pour qui il n'y a pas de frontières,
09:54tout est ouvert.
09:56Et donc, de ce point de vue-là,
09:58je trouve que la tronçonneuse,
10:00elle est beaucoup trop violente.
10:02Est-ce que ça explique
10:04les prises d'opposition d'Elon Musk
10:06pour l'AFD en Allemagne,
10:08pour l'extrême droite en Grande-Bretagne ?
10:11Comment expliquer cela ?
10:13Parce que, comme vous le disiez,
10:15le libertarisme,
10:17le libertarianisme,
10:19c'est quelque chose de très universel,
10:21de très mondialiste,
10:23de très ouvert.
10:25Je pense que c'est intellectuellement contradictoire,
10:27mais que ça reflète bien une évolution,
10:29disons culturelle, du mouvement libertarien,
10:31qui à la fois prône une liberté absolue
10:33sur le plan économique,
10:35et qui, sur le plan culturel,
10:37est, au contraire,
10:39de plus en plus fermé.
10:41– Gaspard Koenig,
10:43il y a aussi cette volonté
10:45du transhumanisme,
10:47de dépasser
10:49notre cadre biologique.
10:51– Exactement.
10:53Ça, c'est la passion de l'intelligence
10:55dont je parlais.
10:57En fait, ce qui compte chez l'homme,
10:59c'est son cerveau,
11:01c'est ses idées.
11:03Et que, si un jour on arrivait à avoir des idées
11:05en se passant de notre substance organique,
11:07de notre corps, alors là,
11:09on atteindrait une forme d'éternité.
11:11C'est ce qu'on appelle parfois la singularité
11:13chez les transhumanistes, le point de singularité,
11:15où on n'a plus besoin de toute cette biologie,
11:17de tous ces processus d'évolution naturelle,
11:19et où finalement, on domine tout.
11:21Vous voyez, c'est une volonté de maîtrise totale,
11:23parce qu'aujourd'hui, on peut avoir la maîtrise de beaucoup de choses,
11:25mais on est encore dépendant de notre corps pour penser, pour agir,
11:27et notre corps, il est mortel, il est fini.
11:29Et donc là, il y a une idée quasiment… – Il réagit.
11:31– Il réagit, et en plus, il nous donne des idées,
11:33des sentiments, des interactions.
11:35Et là, il y a une idée quasiment mystique, quasiment religieuse,
11:37qui revient au fond à une forme de dualisme,
11:39presque entre l'âme et le corps,
11:41de dire on va tout mettre dans des datas,
11:43et on va maîtriser l'univers
11:45par la force de la pensée.
11:47Pour moi, c'est ça, le transhumanisme.
11:49Et c'est effectivement quelque chose qui nie complètement,
11:51et on revient à la question écologique que j'évoquais,
11:53qui nie complètement la biologie.
11:55La biologie qui est en nous,
11:57qui nie le vivant à la fois hors de nous,
11:59c'est-à-dire les êtres vivants qui fondent nos écosystèmes,
12:01dans lesquels on ne pourrait pas vivre,
12:03qui nie le vivant en nous,
12:05qui fait que nous n'avons une intelligence
12:07que parce que nous avons de l'homéostasie,
12:09que parce que nous communiquons,
12:11que parce que nous avons un corps, des organes,
12:13que parce que justement, nous sommes finis.
12:15Donc je pense que c'est une pensée profondément erronée,
12:17mais il faut d'abord comprendre d'où elle vient.
12:19Il faut comprendre que, comme le dit Yuval Harari,
12:21leur idéal, c'est l'homodéus,
12:23c'est-à-dire l'homme-dieu, l'homme totalement autonome,
12:25qui ne dépend de plus rien d'autre autour de lui.
12:27Ce qui était d'ailleurs, de manière amusante,
12:29un peu l'idéal des humanistes,
12:31c'est l'homme-pique de l'ami Randolphe,
12:33quand il disait que l'homme peut devenir bête,
12:35mais il peut aussi devenir Dieu, pure pensée, pur esprit.
12:37– Gaspard Koenig.
12:39Et puis finalement, dans la société
12:41voulue par Trump ou Musk,
12:43peu importe la vérité,
12:45le mensonge devient vérité.
12:47On parlait de liberté d'expression totale,
12:49c'est Musk qui défend cela,
12:51mais où est la vérité ?
12:53On ne sait plus où est la vérité.
12:55Est-ce qu'il y a une volonté, justement, de dépasser ?
12:57– Mais je ne pense pas.
12:59C'est un peu hors des clous,
13:03parce que, précisément,
13:05l'idée que je trouve juste,
13:09c'est que la vérité,
13:11dans l'espace social, dans l'espace culturel,
13:13dans l'espace scientifique, bon d'accord, on sait ce que c'est,
13:15mais dans les sciences humaines,
13:17dans la discussion politique,
13:19la vérité émerge uniquement
13:21de la confrontation maximale
13:23des idées et des opinions.
13:25C'est l'idée de John Stuart Mill,
13:27de la vérité d'expression quasiment absolue.
13:29C'est qu'il faut qu'il y ait des gens qui disent des erreurs,
13:31qui disent des idioties,
13:33pour que vérité contre vérité, vérité contre erreur,
13:35tout ça forme un magma,
13:37d'où émerge, normalement, dans la délibération,
13:39dans la discussion rationnelle,
13:41quelque chose qui nous fait progresser.
13:43Donc il n'y a pas de...
13:45Quand, par exemple, l'État français se dit
13:47qu'on va légiférer pour délimiter
13:49quelles sont les fake news
13:51et quelles sont les nouvelles légitimes,
13:53c'est extrêmement dangereux, parce que personne ne détient ce critère-là.
13:55Et ce critère n'existe que, justement,
13:57dans l'ébullition de l'espace public.
13:59Et donc, effectivement, c'est pénible
14:01d'entendre des choses
14:03qui nous dérangent,
14:05qui nous irritent, qu'on trouve absurdes.
14:07Mais de quoi avons-nous peur ?
14:09Si on les trouve absurdes, c'est qu'on sait les réfuter,
14:11c'est qu'elles sont faciles à démonter.
14:13Et John Stuart Mill disait
14:15une idée qui n'est plus contestée, même si elle est juste,
14:17devient un dogme mort, c'est-à-dire
14:19elle perd sa signification, elle perd sa vigueur,
14:21parce qu'elle n'a plus besoin de se défendre.
14:23Donc, moi je suis assez d'accord
14:25avec cette idée qu'il faut laisser un maximum
14:27de parole, alors peut-être de manière
14:29plus organisée, plus délibérative
14:31que sur les réseaux sociaux,
14:33mais que c'est comme ça que l'humanité
14:35progresse dans sa conception collective
14:37des vérités sociales.
14:39– Alors je vais être plus terre à terre
14:41avec les voeux d'Emmanuel Macron,
14:43qui a parlé, effectivement, de donner la parole.
14:45On donne beaucoup la parole.
14:47Les politiques veulent
14:49beaucoup donner la parole.
14:51Il y a beaucoup de communication autour de cela.
14:53On les voit rencontrer des gens, puis ça fait des belles images.
14:55Rencontrer des gens dans la rue,
14:57oui d'accord. Mais l'usage
14:59du référendum, par exemple,
15:01il n'a pas parlé de référendum, mais tout le monde en parle.
15:03Pour lui, depuis mardi soir,
15:05qu'est-ce que vous pensez de l'usage du référendum ?
15:07– Je pense que ce n'est pas la parole qu'il faut donner, c'est le pouvoir.
15:09– C'est le pouvoir, oui.
15:11– Et le référendum donnait le pouvoir
15:13aux citoyens. – Enfin, c'est quand même
15:15normalement le fondement de toute
15:17démocratie.
15:19Le référendum national
15:21est compliqué à mettre en place
15:23dans une société qui n'est plus du tout habituée
15:25à la délibération, au compromis
15:27et au fond à la discussion politique.
15:29Moi, je suis très
15:31admiratif du modèle suisse
15:33de démocratie. J'avais été
15:35là-bas assister dans le canton de
15:37Glarisse à des Landsgemeinde, c'est-à-dire à ces assemblées
15:39populaires, où véritablement
15:41les citoyens réunis au niveau local
15:43décident
15:45des lois qui vont constituer la moitié
15:47de leur législation pour l'année à venir
15:49et c'est des lois importantes au niveau local,
15:51c'est le salaire des fonctionnaires, c'est la route de contournement
15:53du chef-lieu du canton,
15:55et
15:57on vote
15:59et le pouvoir exécutif respecte
16:01la décision. – Mais c'est un État fédéral.
16:03– Oui, mais...
16:05– Gaspard Koenig, alors que nous ne le sommes pas.
16:07– C'est un État fédéral. D'abord, c'est un État
16:09qui s'est constitué parce que les cantons ont pris leur indépendance
16:11des autrichiens et se sont dit, bon bah maintenant
16:13comment est-ce qu'on gère notre vie en commun ?
16:15Et donc ils ont trouvé cette méthode qui est simplement
16:17d'organiser des assemblées.
16:19Et pour en revenir à la France,
16:21je pense qu'avant d'aller au référendum national,
16:23il faudrait retrouver,
16:25parce que c'est ce qu'ont fait les Suisses pendant plusieurs siècles
16:27avant de faire des votations nationales au milieu du 19ème,
16:29c'est qu'il faut retrouver
16:31d'abord l'usage du référendum local.
16:33C'est lui qui est extrêmement puissant.
16:35– Local, à quelle échelle ?
16:37– Ça peut être à l'échelle de la municipalité comme à l'échelle de la région,
16:39ça dépend des affaires qu'on va discuter.
16:41Mais ce qui est très intéressant, c'est qu'aujourd'hui,
16:43depuis 1992, c'est permis par la loi en France.
16:45– Donnez l'envie,
16:47le besoin même,
16:49aux citoyens d'aller s'exprimer.
16:51– Mais d'aller s'exprimer et surtout de décider.
16:53– Alors qu'il ne va plus s'exprimer,
16:55et qu'il s'exprimera de moins en moins aux élections nationales.
16:57– Surtout de décider,
16:59c'est-à-dire que quand on se contente
17:01de donner la parole pour consulter,
17:03on dit n'importe quoi, parce que de toute façon
17:05on sait que ça ne prête pas à conséquences.
17:07Quand tout d'un coup on se rend compte que notre voix
17:09va véritablement compter, qu'on va être exposé
17:11à la conséquence de notre propre vote,
17:13tout d'un coup on prend les choses très au sérieux.
17:15Moi j'avais été surpris justement en allant en Suisse,
17:17de la maturité des discussions sur la place publique.
17:20Et attention, parce qu'il y a 15 000 Suisses
17:22assemblées sur la place pendant deux jours,
17:24sous la pluie,
17:26et c'est austère, on n'applaudit pas,
17:28on ne siffle pas, on écoute.
17:30Tout citoyen qui le souhaite peut aller à la tribune,
17:32défendre son argument, d'autres lui répondre.
17:34– C'est formidable ça.
17:36– Mais ce que je veux dire c'est que c'est assez discipliné,
17:38et à la fin, la décision du peuple est appliquée.
17:41Mais juste en France, on a le droit de le faire
17:43depuis 1992 au niveau local.
17:45Ça s'est fait combien de fois ?
17:47300 fois, en 30 ans, pour 36 000 Suisses.
17:49– Mais vous avez raison. – Rien du tout.
17:51Pourquoi ? Parce que la décision de déclencher
17:53un référendum local décisionnel,
17:55aujourd'hui elle est confiée au pouvoir exécutif,
17:57c'est-à-dire au maire, l'équivalent du Président
17:59de la République au niveau local.
18:01Du coup évidemment le maire n'a aucun intérêt
18:03à se dessaisir de son propre pouvoir.
18:05Et donc si simplement on instaurait un droit pétitionnaire,
18:08c'est-à-dire qu'à partir d'un certain seuil de signatures
18:11sur telle ou telle affaire,
18:13eh bien de manière automatique,
18:15un référendum est déclenché,
18:17et que son résultat est automatiquement décisionnel,
18:19c'est-à-dire que ce n'est pas consultatif,
18:21ce n'est pas quelque chose pour informer le politique.
18:23Non, c'est le peuple qui décide, c'est le pouvoir législatif
18:25qui décide, et l'exécutif il exécute, comme son nom l'indique.
18:27Je pense que ça catharsiserait énormément
18:29le débat public français.
18:31C'est-à-dire qu'au lieu de constamment en appeler
18:33au Président de la République et imaginer
18:35des grandes réformes révolutionnaires,
18:37on commencerait à se saisir nos affaires.
18:39– Mais c'est très intéressant, mais aucun politique ne le propose.
18:42Vous avez été candidat à l'élection présidentielle en 2022,
18:46pourquoi d'abord ?
18:48Et est-ce que vous le serez à nouveau ?
18:50– Alors non, mais c'était d'abord évidemment une candidature
18:52un peu paradoxale, puisque c'est probablement pour ça
18:54qu'elle n'a pas fonctionné, c'est que c'était justement
18:56une candidature pour d'abord abolir l'élection présidentielle
18:58au suffrage universel, parce que ça évidemment,
19:00ça crée une grande partie de nos mots,
19:03cette idée que le Président de la République
19:05c'est un homme et un peuple qui est au-dessus des assemblées.
19:07Et ça explique d'ailleurs la situation actuelle.
19:09On voit très bien que les partis politiques
19:11ne sont pas là pour gouverner, en quel cas
19:13ils seraient capables de faire des compromis
19:15et de discuter des politiques publiques,
19:17mais ils sont là pour présider.
19:19Et donc cette obsession monarchique
19:21de tout homme politique en France
19:23qui rend le débat extrêmement infantile
19:26et extrêmement stérile.
19:28Et donc l'idée de rendre du pouvoir,
19:31mais ça peut être aussi, c'est pas seulement
19:33une question politique, mais c'est aussi
19:35une question économique, c'est aussi une question sociale,
19:37de dire on arrête de décider, mais on vous donne
19:39les moyens de décider vous-même.
19:41C'est effectivement quelque chose qu'on n'entend pas
19:43de la part d'aucun parti, d'aucun bord.
19:45Et qui manque énormément à la France,
19:47parce qu'elle a perdu cette tradition
19:49tocquevillienne, libérale, au sens philosophique
19:51du terme, qui est comment je décentralise
19:53l'exercice du pouvoir.
19:55Et moi il me semble que ça explique
19:57en grande partie les crispations du pays.
19:59– Vous serez candidat à nouveau ?
20:01– Ah non je ne serai pas candidat, parce que d'abord
20:03la conclusion aussi personnelle de cette aventure
20:05qui était par ailleurs une aventure
20:07très instructive, très sympathique.
20:09– Enrichissante.
20:11– J'ai rencontré plein de gens, on refait un tour de France.
20:13C'est qu'on ne peut pas être à la fois
20:17écrivain, intellectuel si on veut,
20:19et politique.
20:21Parce que le politique est obligé quand même
20:23de répéter un message
20:25pour le faire entendre
20:28par 60 millions de personnes.
20:30Et quelque part normalement il y a une répartition des rôles
20:32qui fait que l'intellectuel a une liberté
20:34créative, et puis après le politique
20:36il met ça dans sa propre sauce.
20:38Donc je pense que...
20:42– Vous êtes un libéral, un vrai libéral
20:44assumé, pas du tout un libertarien,
20:46on a bien compris,
20:48mais un libéral assumé, qui vit à la campagne.
20:50– Oui.
20:52– Donc comment peut-on défendre
20:54le libéralisme,
20:56vivre à la campagne, défendre les agriculteurs ?
20:58Quelle est votre position, par exemple,
21:00sur le libre-échangisme ?
21:02Les libres-échanges.
21:04– Je pense que les libres-échanges, évidemment, quand les conditions sont égales
21:06de part et d'autre, c'est incontestable.
21:08Ça permet la division du trait.
21:10Mais aujourd'hui,
21:12quand on ne peut pas exiger, évidemment,
21:14c'est une platitude de le dire, mais on ne peut pas imposer des normes
21:16à nos propres agriculteurs qui ne sont pas imposées
21:18à ceux dont on accepte les importations.
21:20Donc il est évident que dans la situation
21:22actuelle, il faut rétablir
21:24des barrières tarifaires
21:26ou des barrières réglementaires
21:28pour pouvoir justement, au moins au niveau européen,
21:30imposer des normes qui soient...
21:32Moi, je suis très radical sur la question écologique.
21:34Je pense d'ailleurs
21:36que le libéralisme historique, celui du XIXe siècle,
21:38celui de Tocqueville, de Joshua Hartmill,
21:40était un libéralisme très écologique
21:42parce que l'amour de la nature et l'amour de la liberté,
21:44on sent bien que ça vient un peu
21:46du même sentiment, du même instinct,
21:48du même respect du vivant, du vivant hors de nous
21:50et du vivant en nous aussi.
21:52Du rejet
21:54du rejet de toute forme de bureaucratie.
21:56La bureaucratie, c'est un peu la monoculture des êtres humains
21:58si on fait pousser les gens
22:00en randonnions.
22:02Et je pense qu'aujourd'hui, la question de la transition
22:04agroécologique est vraiment
22:06une question clé pour la société
22:08et que c'est un très beau projet politique
22:10parce que ça va bien au-delà de l'agriculture,
22:12ça engage tous les pans quasiment de la société
22:14et ça donne énormément de solutions
22:16à la fois en termes de
22:18protection de la biodiversité,
22:20d'assainissement
22:22des ressources en eau,
22:24évidemment de l'alimentation, de la santé,
22:26des paysages,
22:28du travail aussi
22:30que ça peut fournir.
22:32Je pense que, vous savez, les physiocrates au XVIIIème
22:34c'était des philosophes qui repensaient l'agriculture
22:36et qui en ont fait un projet de société, un tel projet de société
22:38que ça a donné la révolution française.
22:40Je pense qu'aujourd'hui, il faut repartir effectivement du travail
22:42du sol, de la question du sol et de l'humus
22:44pour forger un projet de société durable.
22:46Humus, c'était l'un de vos derniers livres
22:48qui a connu un très gros succès.
22:50Le titre, rappelez-nous ?
22:52Agrophilosophie.
22:54Réconcilier nature et liberté, justement.
22:56Alors, quel éditeur ?
22:58L'Observatoire.
23:00Merci, Gaspard Koenig, d'être venu nous voir
23:02pour réfléchir un peu à tout cela.
23:04C'était très intéressant.
23:06Il est 8h58, vous êtes sur Sud Radio.
23:08Patrick Roger, juste après les infos de 9h.