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00:00Bonjour Georges Fenech, comment ça va ? Vous avez passé un joyeux Noël ?
00:05Absolument !
00:06Bon, Vincent Roy, bonjour à vous, j'ai l'impression qu'on ne s'équipe pas, on est ensemble tous les jours, je crois que je vous ai vu depuis Noël d'ailleurs.
00:11Mais bien entendu !
00:12Oui, c'était hier, effectivement !
00:14Bon alors, il ne s'est pas passé grand-chose aujourd'hui, quoique, il y a eu la décision de François Bayrou de se rendre à Mayotte.
00:22Je crois que la séquence va être assez cocasse à voir, aux côtés de deux anciens premiers ministres, Manuel Valls et Elisabeth Borne.
00:31Mais je voulais vous parler tout d'abord de l'année qui vient de s'écouler.
00:35Alors, assez immobile, il ne s'est pas passé grand-chose puisque, finalement, qu'est-ce qui reste du bilan politique ?
00:42Nos confrères de l'opinion ce matin expliquaient qu'il y avait eu 176 jours de vacances du pouvoir, soit la moitié de l'année.
00:49En gros, sans compter les périodes de réserve, les absences du gouvernement, les gouvernements incomplets.
00:57On va en parler tout d'abord avec Jean Garrigue, historien avant d'en débattre avec vous messieurs.
01:02Bonsoir Jean Garrigue !
01:04Bonsoir !
01:05Bonsoir ! Alors déjà, première question, quand doit-on remonter pour avoir une telle instabilité en France ?
01:12Tout simplement sous la 4ème République.
01:15Vous avez eu des moments où la durée de vie des gouvernements tournait autour de 3 à 6 mois.
01:24Mais c'est normal, on est dans une configuration politique qui est celle de la 4ème République.
01:33La tripartition de l'Assemblée nationale est totalement contraire à l'esprit et à la pratique de la 5ème République.
01:42Donc c'est finalement, bon tout le monde s'en étonne, mais n'empêche que c'est complètement normal qu'il y ait cette forme d'instabilité
01:50parce qu'on est obligé de rechercher en permanence des compromis, des coalitions pour que ça fonctionne.
01:57Et quand personne ne veut que ça fonctionne, en tout cas de grandes forces aux extrêmes ne veulent pas que ça fonctionne,
02:04ça pose quand même un problème.
02:06Alors ce n'est pas tant qu'on s'en étonne, c'est qu'on s'en inquiète certainement
02:10parce qu'à l'époque de la 4ème République, il n'y avait peut-être pas 300 milliards de dettes.
02:17Aujourd'hui, comment on en sort ?
02:19Écoutez, si j'avais la solution, je serais Premier ministre.
02:24Je reconnais que c'est une question un petit peu piège.
02:26Mais en tout cas, comment ils s'en sont sortis à l'époque ?
02:28Alors je vais vous sauver en tant qu'historien, qu'on puisse s'en éclairer du passé.
02:33À l'époque, ils s'en sont sortis parce que la France était en pleine reconstruction,
02:37c'était un boom économique avec des taux de croissance de plus 5, plus 6, plus 7 %.
02:43On parlait du miracle français.
02:45Et ces gouvernements-là ont accompagné cette réussite économique.
02:50Mais il faut aussi reconnaître que ces hommes politiques de la 4ème,
02:55ces partis politiques de la 4ème République,
02:57ont quand même eu la vertu d'arriver à travailler ensemble.
03:01Il y avait ce qu'on appelait à l'époque la 3ème force,
03:04c'est-à-dire une coalition de partis qui allaient des socialistes
03:08jusqu'à ceux qu'on appelle aujourd'hui les républicains,
03:11qui s'appelaient les indépendants à l'époque.
03:13Et ces gens-là, ils ont réussi à travailler ensemble.
03:17Alors d'un côté il y avait les communistes,
03:19de l'autre côté les gaullistes qui ne voulaient pas travailler avec eux.
03:21Mais eux, ils ont réussi à travailler, et mon Dieu,
03:25avec plutôt une grande réussite.
03:28Alors ça s'est mal terminé parce qu'il y a eu la guerre d'Algérie,
03:31ils n'ont pas su la résoudre.
03:33Mais pendant plusieurs années, ils ont réussi à travailler ensemble.
03:36J'en tire la conclusion que quand on arrive à travailler ensemble,
03:40il peut en sortir des choses plutôt positives.
03:44C'est toujours l'éternel exemple allemand.
03:47Mais enfin, c'est quand même intéressant de savoir que
03:51les Français ont réussi à travailler ensemble.
03:54Qu'est-ce qui a changé finalement à travers les années,
03:57à travers l'histoire, pour que ça ne fonctionne plus aujourd'hui ?
04:00Alors d'abord, il faut vraiment rappeler que
04:03ce type de compromis, de coalition,
04:07ça existait tout au long de la 3ème et de la 4ème République, d'une part.
04:11Qu'est-ce qui ne fonctionne pas ?
04:12C'est que sous la 5ème République, on a pris d'autres habitudes.
04:15On s'est habitué à ce qu'on appelle le fait majoritaire,
04:19c'est-à-dire qu'on ne puisse gouverner qu'avec une majorité absolue,
04:23ou avec une majorité proche de la majorité absolue,
04:27comme c'était le cas de 2022 à 2024.
04:30C'était déjà compliqué quand il y avait une majorité relative,
04:35proche de la majorité absolue.
04:37Alors aujourd'hui, comme on est dans une situation complètement inédite,
04:40et que certains ne pensent qu'à une chose,
04:43à l'élection présidentielle de 2027,
04:46on se retrouve dans les difficultés qu'on connaît, tout simplement.
04:50Jean-Georges Fenech ?
04:51Je vais répondre à Jean Garrigue en le saluant, bien sûr.
04:55Vous savez, moi j'entends beaucoup parler de cette 4ème République,
04:59la 3ème République, l'instabilité, le régime parlementaire,
05:03mais non, je ne suis pas d'accord, nous sommes sous la 5ème République,
05:07telle qu'elle a été voulue par le général de Gaulle.
05:09Sauf que ce qui se passe actuellement,
05:11c'est que le président de la République actuelle ne respecte pas l'esprit.
05:16Parce que vous savez, un texte, il y a le texte de loi,
05:19puis il y a l'esprit aussi, ce qu'on a voulu faire,
05:22ce que le constituant avait voulu faire.
05:24Et souvenez-vous, je me souviens même des propos même de Emmanuel Macron
05:28avant sa première élection en 2017,
05:30où il avait dit la seule chose qui m'obligerait à quitter le pouvoir
05:34si j'étais élu, c'est de perdre la confiance des Français.
05:37C'était aussi le moteur de ce que le général de Gaulle
05:40a toujours estimé, la confiance des Français.
05:43Donc le général de Gaulle, lorsque les Français lui disent non au référendum,
05:47il l'avait prévenu d'ailleurs,
05:49et bien il s'est retiré avec une grande dignité du pouvoir.
05:52Là, nous avons un président de la République
05:54qui perd les élections législatives de 2022,
05:58puisqu'il n'y a plus qu'une majorité simple relative,
06:01qui perd ensuite assez cruellement les élections européennes,
06:04et qui se dit tout à coup, je vais interroger le peuple,
06:07savoir enfin ce qu'il veut.
06:08Et le peuple, après cette dissolution absolument surprenante et extravagante,
06:13lui dit non.
06:14C'est-à-dire qu'à trois reprises, le peuple a dit non.
06:17Tant que vous n'aurez pas effectivement une nouvelle élection présidentielle anticipée,
06:22vous aurez toujours cette cacophonie au sein de l'Assemblée.
06:26Parce que ce n'est pas au mois de juin,
06:28admettons qu'il arrive à tenir jusqu'au mois de juin.
06:30Admettons.
06:31Je ne suis pas sûr que M. Bayrou passe l'hiver comme disait l'autre.
06:34Mais admettons.
06:35Et bien qu'est-ce qui va se passer ?
06:36Vous croyez qu'avec M. Macron, dissolution au mois de juin,
06:39on va retrouver une majorité ?
06:40Mais non.
06:41C'est fini.
06:42Je crois que la confiance n'est plus là.
06:44Et moi j'appelle de mes voeux, est-ce qu'on redresse le pays ?
06:47On n'a plus de temps à perdre.
06:49Avec ces milliards de dettes, avec la situation que nous avons,
06:52avec les conflits internationaux,
06:53il faut que la France retrouve le chemin de la croissance et de la confiance.
06:57Jean Garrigue, alors vous allez répondre à Georges Fenech,
07:00mais c'est vrai que si à chaque fois qu'il n'y avait plus la confiance
07:04qui était réunie à l'endroit d'un président,
07:07ça serait compliqué.
07:08Parce qu'il y aurait eu plusieurs occasions, effectivement,
07:11que des anciens présidents partent.
07:13Je ne sais pas si je me suis bien exprimée.
07:14Mais enfin, vous avez compris l'idée.
07:16Mais vous avez tout à fait raison.
07:17C'était le cas pour Nicolas Sarkozy.
07:19Pour François Hollande.
07:21Mais ça a été le cas, n'ayons pas la mémoire trop courte,
07:24ça a été le cas aussi pour Jacques Chirac en fin de mandat
07:27et pour François Mitterrand.
07:28Donc non, c'est franchement pas la solution.
07:31Imaginez une démission du président de la République.
07:38Le nouveau président, il se retrouverait avec une assemblée tripartite,
07:42ingouvernable, comme aujourd'hui.
07:44Et si, et si, et si, bien sûr que si, on est dans cette situation-là.
07:49Alors, si on attendait la dissolution possible en juillet 2025,
07:54qu'est-ce qui vous prouve que le président d'alors
07:57serait susceptible de créer un tel effet majoritaire
08:01qui permettrait de transcender cette tripartition ?
08:05Moi je crois qu'il y a trois Frances,
08:07non mais je termine juste mon raisonnement,
08:09je crois qu'il y a trois Frances,
08:11et que c'est très clair,
08:13trois directions différentes,
08:16que la gauche et ce qu'on appelle l'extrême droite
08:21ne sont pas capables de gouverner ensemble.
08:24Donc il faut trouver d'autres manières
08:27de transcender ces frontières pour gouverner ensemble.
08:30Et ça ne changera vraisemblablement pas grand-chose
08:34aujourd'hui d'avoir une démission du président
08:37et une élection anticipée.
08:40Peut-être au pire, au mieux,
08:43selon qu'on se situe dans tel ou tel camp,
08:46ça pourrait changer les choses si le président élu,
08:49mettons en 2025,
08:51arrivait à entraîner derrière lui un effet législatif tel
08:56que, après la dissolution,
08:58il aurait une majorité absolue.
09:00Mais j'en suis pas persuadé du tout.
09:02Ça a toujours été le cas sous la Ve République.
09:04Ça a toujours été le cas sous la Ve République.
09:06À chaque fois qu'un président est élu, il a sa majorité.
09:09Je vais peut-être les mettre d'accord,
09:11mais j'ai posé la question à Jean Garrigue
09:14et sans doute Georges va-t-il y répondre.
09:17Cher Jean Garrigue, on a bien compris que,
09:19effectivement, la tripartition était contraire
09:22à l'esprit même de la 5e.
09:24Mais, puisqu'on est passé de la 4e à la 5e,
09:27et dans votre discours aussi vous nous avez bien expliqué
09:30ce qu'était la 4e,
09:31Mendes France donnait une définition de la démocratie
09:34et disait que c'est beaucoup plus que la pratique des élections
09:38et le gouvernement de la majorité,
09:41c'est un type de mœurs, de vertus, de scrupules,
09:44de sens civique, de respect d'adversaires.
09:46C'est un code moral.
09:48Est-ce qu'entre le passage de la 4e à celui de la 5e,
09:54est-ce qu'entre 1950 et 2024, par exemple,
10:00on n'aurait pas perdu ce que Mendes France appelle
10:03le code moral,
10:04qui est une sorte de ciment ou de ferment de la démocratie ?
10:08Mais ça, vous mettez le doigt sur le problème le plus grave,
10:14me semble-t-il, de notre démocratie,
10:16c'est que précisément ce code moral,
10:18mais attention, pour moi ce code moral a été perdu
10:21non seulement par nos hommes politiques,
10:24la preuve avec ce qui se passe aujourd'hui,
10:26et de tous les côtés, responsabilité du président,
10:29responsabilité des partis d'opposition ou de majorité,
10:32je les mets tous dans le même sac,
10:34mais aussi de la part des citoyens,
10:36parce qu'il faut quand même poser ce problème-là,
10:39ce problème de ce qu'est être un citoyen
10:42avec ses droits, ses devoirs,
10:44et d'essayer de regarder ensemble vers l'avenir.
10:47Je crois qu'effectivement, vous avez raison,
10:49il y a eu une dégradation terrible
10:51de ce sens moral, finalement,
10:53de la citoyenneté républicaine,
10:56et je pense qu'effectivement,
10:58c'est à reconstruire tout autant d'ailleurs
11:01que cet équilibre politique qui nous manque.
11:03Ça, j'en suis persuadé.
11:05Moi, je voudrais dire que
11:07si on en reste au statut quo actuellement,
11:10même si les ministres sont d'excellente qualité,
11:12je pense que M. Darmanin l'est, M. Retailleau l'est,
11:15les choses sont figées.
11:17Ils n'auront pas la latitude
11:20et la marge de manœuvre politique
11:22pour faire évoluer les choses.
11:24M. Retailleau n'aura jamais une majorité
11:27pour refaire une loi sur l'immigration.
11:29C'est clair et net.
11:30M. Darmanin va se heurter à un pouvoir judiciaire,
11:33puis un syndicat,
11:35on a bien vu déjà l'accueil très très fort.
11:37On va en parler, justement, tout à l'heure.
11:39Mais il n'aura pas les moyens
11:41de faire voter, par exemple,
11:43le rétablissement des peines planchers,
11:45la réforme du code pénal des mineurs.
11:48Tout cela, ça suppose une majorité
11:51à l'Assemblée nationale.
11:53Pourtant, les thèmes que vous évoquez,
11:55ce sont peut-être les seuls qui font vraiment l'unanimité
11:57manifestement dans l'opinion publique.
11:59Alors, pas dans l'Assemblée.
12:01Oui, mais qu'est-ce qui est important, malheureusement ?
12:03François Bayrou l'a dit, d'ailleurs,
12:05j'ai nommé ces deux hommes
12:07pour répondre à la demande de l'opinion publique.
12:09Mais l'opinion, elle est représentée par des représentants
12:11légalement élus.
12:13Est-ce que vous croyez vraiment que le Rassemblement national
12:15va s'opposer à une loi
12:17sur l'immigration ?
12:19Oui, mais il ne fait pas le poids tout seul.
12:21Oui, mais le Rassemblement national ne fait pas le poids tout seul non plus.
12:23Donc, vous n'aurez pas de texte.
12:25Ce que dit Georges est très important,
12:27parce que je vais essayer
12:29de synthétiser d'une phrase,
12:31notamment on va parler de M. Darmanin,
12:33mais on peut parler de M. Retailleau.
12:35Ni M. Retailleau, ni M. Darmanin
12:37ne font la loi.
12:39Et c'est ça la difficulté.
12:41La grande difficulté, c'est que lorsque vous voulez
12:43réformer en profondeur,
12:45vous avez besoin, la cinquième
12:47l'impose,
12:49vous avez besoin d'une majorité,
12:51ça veut dire que vous avez besoin d'une
12:53légitimité.
12:55Sans cette légitimité...
12:57Donc ça veut dire qu'il a fait de la communication.
12:59Il n'a fait que ça, ébriément.
13:01Mais il n'a fait que ça.
13:03Merci d'avoir apporté votre éclairage d'historien,
13:05c'était passionnant.
13:07A bientôt, et on se retrouve dans quelques
13:09instants pour le journal permanent et la suite de nos débats.

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