Sacha Houlié, député de la Vienne, était l'invité de franceinfo soir le mercredi 18 décembre 2024.
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00:00France Info Soir, l'invité Agathe Lambret.
00:05Bonsoir Sacha Ollier.
00:06Bonsoir.
00:07Vous êtes députée de la Vienne, vous étiez députée macroniste, vous avez quitté le
00:11groupe macroniste en juillet dernier.
00:13C'est une première sous la Vème République, un ancien président devra porter un bracelet
00:18électronique.
00:19Nicolas Sarkozy a été définitivement condamné dans l'affaire des écoutes à trois ans
00:24de prison dont un ferme sous bracelet donc il dit qu'il assumera ses responsabilités
00:29mais il dénonce l'injustice profonde qui lui est faite.
00:33Est-ce que selon vous la justice est trop sévère avec la classe politique ?
00:37Ce serait quand même une nouveauté de considérer pour des politiques y compris de droite que
00:41la justice est laxiste.
00:42Moi je constate qu'il a épuisé les voies de recours en droit national puisque c'est
00:48la Cour de Cassation qui a rejeté son pourvoi, qu'il fait l'objet d'une condamnation
00:51définitive donc exécutoire et qui doit s'appliquer, que par ailleurs les peines dont il fait l'objet
00:57sont aménagées puisque c'est un bracelet électronique alors que les peines de prison
01:00ferme ont été prononcées, elles sont aménageables puisque inférieures à un an et que ces dispositions-là
01:06elles avaient été contestées par Nicolas Sarkozy alors homme politique.
01:10Donc moi je ne pense pas que d'abord la justice décide librement des peines qui sont
01:15prononcées, je n'ai jamais pensé que la justice était laxiste et donc elle vient
01:18de le prouver et ça donne aussi la lumière sur l'intérêt d'aménager certaines peines
01:22pour l'intéresser.
01:23Il a dit qu'il exercerait un recours devant les juridictions européennes dont acte mais
01:29là aussi encore je constate qu'il y a aussi une forme de cynisme ou d'hypocrisie parce
01:33que ces mêmes juridictions européennes, ils n'en reconnaissent pas pour beaucoup
01:37de dirigeants politiques ni l'intérêt ni la pertinence puisque ce sont les mêmes dirigeants
01:44de droite qui avaient appelé à sortir la France de la Convention européenne des droits
01:48de l'homme.
01:49Il y a beaucoup de cynisme qui fait qu'au fond, moi je pense que les règles s'appliquent
01:53à tous, y compris à tous les politiques parce que tous les politiques sont avant
01:57tout des citoyens.
01:58Laurent Wauquiez parle d'une décision profondément incompréhensible.
02:02Oui mais vous voyez ce qui est incompréhensible c'est que les politiques critiquent les décisions
02:07judiciaires lorsqu'elles s'appliquent à eux, ça c'est incompréhensible pour nos
02:10concitoyens.
02:11À peine nommé déjà au cœur des polémiques, comment jugez-vous les premiers pas de François
02:16Bayrou à Matignon ?
02:18D'abord on ne va pas se cacher derrière notre petit doigt, la période elle est difficile.
02:21Elle est difficile pour tous les partis politiques, elle est difficile pour le Premier ministre,
02:26elle est difficile parce qu'il rencontre la plus grave catastrophe naturelle que notre
02:30pays a pu connaître dans les, je n'ai même pas de référentiel, 10 dernières années,
02:3530 dernières années, avec potentiellement un bilan humain absolument catastrophique,
02:40d'une île qui était déjà, enfin d'un archipel pour être plus précis, qui a été
02:45frappée par toutes les difficultés, de la surpopulation, de la très grande précarité,
02:49de l'habitat indigne, des services publics sous-dimensionnés à commencer par l'hôpital
02:53et donc c'est extrêmement difficile.
02:54Après il y a les polémiques sur les choix qui sont faits par le Premier ministre de
02:58se rendre au conseil municipal plutôt que d'aller à Mayotte.
03:00Ou plutôt que d'aller en présentiel à la réunion de crise.
03:06Ce qui est extrêmement important c'est que le Premier ministre suive ce dossier et qu'il
03:10apporte ensuite des solutions.
03:11Et là encore on peut prendre aussi le point pour nous tous des solutions qui n'ont pas
03:17été données toutes ces dernières années à Mayotte.
03:20Une loi a été proposée par Sébastien Lecornu, alors ministre des Outre-mer en 2022, elle
03:24n'a pas pu aller au bout pour créer des infrastructures de bim, de snow à Mayotte.
03:28Une loi était en préparation en 2024, elle a été à nouveau arrêtée par la dissolution.
03:32Pour Mayotte, c'est le territoire le plus pauvre de France, il mérite des investissements
03:36à la hauteur des enjeux qui s'y préparent et qui sont ceux que la France rencontre dans
03:40ce territoire.
03:41Donc vous appelez à reprendre ces chantiers alors que le Président sera demain sur place
03:44à Mayotte ?
03:45Il faut aujourd'hui reconstruire l'intégralité de Mayotte, ce qui n'est pas une mince affaire.
03:49Vous disiez être dans l'opposition à Michel Barnier, est-ce qu'aujourd'hui vous êtes
03:53dans l'opposition à François Bayrou ?
03:54J'avais pris cette décision d'opposition à Michel Barnier après qu'il ait nommé
03:58des ministres LR en nombre au gouvernement alors que ce n'était pas le résultat des
04:03élections législatives celles que je le lisais.
04:05Et puis après son discours de politique générale où il annonçait notamment une loi immigration
04:09nouvelle, les mêmes causes produisant les mêmes effets.
04:12Si François Bayrou renommait des gens comme Bruno Retailleau et s'il s'engageait à
04:16nouveau à faire une loi immigration, alors je serai dans l'opposition.
04:19C'est Bruno Retailleau plus une nouvelle loi immigration ou c'est juste la présence
04:23de Bruno Retailleau qui est une idée ?
04:24Non, je ne suis pas de procès d'intention.
04:26Il pourrait rester s'il renonce à une nouvelle loi immigration ?
04:30Pourquoi les gens sont là ?
04:31Oui, pour vous donner un peu une idée sur cette loi immigration dont on nous bassine
04:34les oreilles depuis maintenant un bon bout de temps, 27% des décrets de la précédente
04:40loi qui a un an, 27% des décrets ont été adoptés.
04:43Ça vous montre l'urgence qu'il y a aujourd'hui d'adopter un nouveau texte à part de fâcher
04:49l'intégralité des élus entre eux et de créer un nouveau débat complètement stérile
04:55et délétère à l'Assemblée nationale.
04:57Donc le Premier ministre a dit qu'il ferait un discours de politique générale le 14 janvier.
05:01Et c'est à l'aune de ce discours de politique générale et du gouvernement qu'il compose,
05:04que je déciderai de savoir si je suis en soutien ou non de sa politique.
05:08Vous avez d'autres lignes rouges ?
05:09Vous n'avez pas dit nouvelle loi immigration, vous avez des lignes rouges sur la réforme
05:13des retraites ?
05:14C'est moins des lignes rouges.
05:15Moi, je pense que s'il voulait tendre la main à la gauche, alors il faudrait discuter
05:22à la fois de la dette publique, mais aussi du financement de la protection sociale et
05:25du financement des retraites, ce qui implique peut-être une pause ou un gel dans la mise
05:30en œuvre de la réforme qui a déjà commencé à s'appliquer.
05:32Vous, l'ancien député macroniste qui avez endossé totalement cette réforme à l'époque,
05:37vous dites aussi qu'il faut la geler.
05:38Je pense qu'il y a un problème de financement qui n'a pas disparu.
05:41Je pense que ce problème de financement peut être réouvert, y compris avec les organisations
05:44syndicales.
05:45Je pense que l'âge légal était une modalité du financement.
05:48Aujourd'hui, nous n'en avons pas trouvé d'autres.
05:50Mais si nous voulons que participent les élus socialistes ou qu'ils soutiennent sans participation
05:57ou qu'ils adoptent une posture de non-censure, alors il faut faire des pas de la même façon
06:02qu'il faut reprendre des mesures de justice fiscale, de contribution des plus hauts revenus
06:06ou des plus grandes entreprises, comme l'avait défendu le Modem dans l'examen du projet
06:10de loi de finances.
06:11C'est-à-dire qu'en réalité, aujourd'hui, nous sommes contraints, si nous voulons que
06:15ça dure, et je pense que beaucoup de Français en ont marre de l'instabilité, en ont marre
06:18du spectacle que nous donnons jour après jour à l'Assemblée nationale, nous sommes
06:22contraints, si nous voulons que ça dure, à faire des pas les uns vers les autres.
06:25Et ça ne peut pas être toujours dans le même sens, ça ne peut pas toujours être en faveur
06:28de la droite, qui est extrêmement minoritaire, aujourd'hui, à l'Assemblée nationale.
06:32Vous qui connaissez bien Emmanuel Macron, est-ce que vous estimez que les choses n'ont
06:36pas très bien commencé entre lui et François Bayrou ? Certains disent que le chef de l'État
06:42s'est fait tordre le bras.
06:43Le chef de l'État est libre de nommer qui il souhaite.
06:47Moi, ce que je constate, c'est que François Bayrou est allé le convaincre, de façon
06:53plus ou moins, avec force, en tout cas, c'est ce que j'ai lu, j'ai constaté, je n'ai
07:00pas le récit de cette histoire, ça m'amuse non, parce que ce serait amusant si on pouvait
07:05en rire.
07:06Je ne pense pas qu'on puisse en rire.
07:07Ce que je constate, c'est que Bernard Cazeneuve n'a pas été nommé au prétexte peut-être
07:11qu'il aurait imposé une cohabitation au président de la République, et qu'en réalité
07:15Michel Barnier comme François Bayrou agissent d'eux-mêmes, c'est-à-dire que ce n'est
07:19pas les pleins pouvoirs du président de la République, mais ça, c'est l'effet très
07:22simple d'une élection qui s'est tenue en juillet dernier, et qui fait que tous les
07:28blocs de l'Assemblée Nationale, les trois blocs, sont privés d'une majorité absolue.
07:32Et comme personne n'a la majorité absolue, alors personne ne peut décider seul, tant
07:36que les élus, dans leur ensemble, ne se sont pas mis ça dans la tête, on n'avancera
07:40pas beaucoup.
07:41Et pour vous, Emmanuel Macron a tiré les leçons de cette élection ? Vous dites qu'il
07:45n'a pas nommé Cazeneuve, mais Barnier, aujourd'hui ?
07:47Je continue de penser, je l'ai dit dès juillet, que des trois blocs qui se sont constitués,
07:55celui qui est le moins minoritaire, c'est celui de la gauche, et qu'un premier ministre
07:59issu de la gauche, pas du NFP, issu de la gauche, c'est différent, aurait pu être
08:03nommé pour constituer un gouvernement.
08:05Il aurait fallu élargir ?
08:06C'est ce que je pense, c'est ce que j'ai défendu, et c'est une des raisons pour
08:09lesquelles, par ailleurs, je n'ai pas rejoint le groupe macroniste.
08:12En tout cas, Marine Le Pen s'appuie notamment sur cet épisode de la nomination de François
08:17Béraud pour juger que la fragilité d'Emmanuel Macron, c'est fini ou presque, dit-elle
08:23dans Le Parisien, et elle se prépare aussi, dit-elle, à une présidentielle anticipée.
08:27C'est un scénario qui semblait encore absurde il y a quelques mois.
08:30Est-ce que c'est désormais ce qui guette le pays et le chef de l'État ?
08:33Vous avez dans cette histoire deux passagers clandestins de l'intérêt général, Jean-Luc
08:37Mélenchon et Marine Le Pen.
08:38Parce que ce sont ces deux passagers clandestins, ce qui les intéresse, ce n'est pas la vie
08:42des Français, ce ne sont pas les mesures que nous pourrions adopter, ce ne sont pas
08:45les budgets que nous pourrions élaborer, c'est leur sort personnel, qui est très
08:49contraint pour l'un par son âge et pour l'autre par l'hypothétique décision des
08:53juges qui interviendra au premier trimestre 2025 et qui pourrait la rendre inéligible.
08:57Et dans cette course contre la montre, ces deux passagers clandestins veulent absolument
09:02la démission du Premier Ministre, qui a été élue pour cinq ans, il l'a rappelé.
09:05Et c'est le droit, c'est la démocratie, c'est la légitimité populaire qu'il a
09:10acquise en mai 2022 et de cette façon-là, il n'y a pas à convoquer ou il n'y a pas
09:17à revendiquer une élection anticipée puisque le Président a un mandat qui court et qui
09:21doit s'appliquer.
09:22Je pense que notre pays est suffisamment déstabilisé pour ne pas qu'on ajoute à cela une crise
09:25de régime avec une élection présidentielle anticipée.
09:28Vous avez quitté le groupe Macroni, je le disais, vous avez essayé de former un nouveau
09:31groupe de centre-gauche, en attendant, vous êtes indépendant et vous vous êtes rapproché
09:37de Raphaël Glucksmann.
09:38Vous étiez début octobre à l'université d'été de son mouvement Place Publique.
09:43Qu'est-ce que vous attendez pour prendre votre carte chez Raphaël Glucksmann ?
09:46D'abord, je crois qu'il y a un congrès pour Place Publique avec des orientations
09:50politiques qui doivent être décidées et moi, je respecte l'avis interne des partis
09:55de sorte qu'on discutera de tout cela à ce moment-là.
09:57Vous voulez dire que vous n'avez pas assez d'éléments pour vous engager ?
09:59Non, ce que je veux dire, c'est que dans la position dans laquelle je suis avec le
10:03collectif qu'on a, le collectif dit social-démocrate à l'Assemblée, qui réunit une vingtaine
10:08de députés de différents groupes, on a suffisamment de liberté et de force pour
10:13ne pas se revendiquer d'une seule des chapelles, mais essayer d'unir qui de Carole Delgar,
10:18Raphaël Glucksmann, Bernard Cazeneuve ou d'autres qui, ensemble, pourraient faire
10:22de grandes choses.
10:23Raphaël Glucksmann, il ferait un bon candidat en 2027 ?
10:26Vous savez, on est à des années-lumières de l'élection présidentielle et si on
10:32se référait...
10:33On a vu que l'élection présidentielle était très présente dans tous les essais
10:35ces derniers mois.
10:36C'est un période quasiment identique dans les deux précédents quinquennats.
10:38C'est comme si on se retrouvait en novembre 2019, avant la première réforme des retraites,
10:44ou 2014, avant même les grands attentats terroristes qu'a connus la France, ce qui
10:47donne un peu de distance par rapport à l'élection présidentielle et chacun devrait avoir ça
10:53en tête et être un peu plus serein avec ce rendez-vous-ci.
10:57Vous ne répondez pas vraiment.
10:58Est-ce que le contact est rompu aujourd'hui avec Emmanuel Macron ?
11:01Il ne peut pas l'être totalement, puisque c'est le président de la République en
11:04exercice pour encore 30 mois.
11:05Et donc, il a une place institutionnelle.
11:09Mais entre vous et le président ?
11:10Disons qu'il a toujours la possibilité de discuter, ou en direct ou par intermédiaire.
11:16Certaines de ces décisions n'ont pas été comprises ces derniers temps.
11:20C'est un euphémisme entre la dissolution, la quête du Premier ministre sous l'œil
11:25des caméras.
11:26Quelle est votre grille de lecture de ces derniers événements ?
11:30Ce que ça illustre, c'est que la dissolution a été décidée pour éviter la censure,
11:36et que la censure sur le budget est quand même advenue.
11:39Donc, la dissolution a été vaine, au fond, c'est le premier élément.
11:44Ensuite, c'est que la dissolution a été créée pour clarifier, c'est-à-dire trouver
11:47une majorité qui soit plus confortable, et qu'il n'y en a plus du tout pour aucun
11:54des trois groupes.
11:55Et enfin, c'est que, pour le coup, on peine aujourd'hui, politiquement, à s'unir sur
12:00des choses qui pourraient pourtant être très faciles.
12:02Au premier trimestre de l'année 2025, si vous proposez une loi sur l'orientation
12:06agricole de notre pays, avec les mesures fiscales qui étaient contenues dans le budget,
12:10si vous proposez une loi sur la fin midi, ou si vous proposez un texte sur le narcotrafic,
12:14sur ces trois textes, vous avez des majorités très larges.
12:16De sorte que faire fonctionner le pays et répondre aux urgences, ça n'est pas si compliqué
12:21pour autant qu'on veuille un peu surlever les manches.
12:22Merci beaucoup Sacha Ollier, député de La Vienne, d'avoir répondu aux questions de France Info.
12:26Et merci Agathe Lambré.
12:27On se retrouve à 20h pour les informer.