Terres de Mission reçoit l'abbé Michel Viot qui présente son dernier livre, co-écrit avec Yohan Picquart : "L'Eglise au risque de la foi" (Via Romana).
Puis, Philippe d'Iribarne, directeur de recherches au CNRS, discute de son dernier livre : "Au-delà des fractures chrétiennes" (Salvator).
Enfin, l'abbé Michel Ouattara, prêtre ivoirien et docteur en droit canonique, évoque sa thèse sur "La basilique" (Cerf).
Puis, Philippe d'Iribarne, directeur de recherches au CNRS, discute de son dernier livre : "Au-delà des fractures chrétiennes" (Salvator).
Enfin, l'abbé Michel Ouattara, prêtre ivoirien et docteur en droit canonique, évoque sa thèse sur "La basilique" (Cerf).
Category
📚
ÉducationTranscription
00:00La liberté a tout pris, le compte à arbour est lancé.
00:30La liberté a tout pris, le compte à arbour est lancé.
01:00La liberté a tout pris, le compte à arbour est lancé.
01:11La liberté a tout pris, le compte à arbour est lancé.
01:21Bonjour chers amis téléspectateurs,
01:23et normalement je devrais vous souhaiter aujourd'hui une très belle fête de l'immécaléconception,
01:28mais comme nous sommes le deuxième dimanche de l'Avent,
01:30l'immécaléconception est décalée, si je puis dire.
01:33Au programme aujourd'hui, d'abord bienvenue dans cette émission Terre de Mission,
01:38l'émission religieuse de TV Liberté.
01:41Au programme aujourd'hui, nous allons discuter avec l'abbé Michel Vieux
01:44du dernier ouvrage qu'il vient de publier, l'Église au risque de la foi.
01:48Puis nous parlerons avec le professeur Diri Barne
01:51des fractures contemporaines dans l'Église.
01:54Et enfin, avec l'abbé Michel Boitara, par Skype,
01:57nous allons parler de ce que c'est qu'une basilique
02:00et l'actualité, la situation canonique des basiliques.
02:17Nous retournons sur le plateau de Terre de Mission
02:19et j'ai le plaisir d'accueillir de nouveau l'abbé Michel Vieux.
02:21Bonjour monsieur l'abbé.
02:22Bonjour.
02:23Nous sommes la semaine dernière à la même place
02:25pour parler de l'arrivée au Etat de Notre-Dame.
02:27Aujourd'hui, je voudrais qu'on parle de votre livre,
02:29votre dernier livre, que vous avez publié avec Johan Piccard.
02:33Comme le précédent, celui-ci s'appelle
02:38L'Église au risque de la foi,
02:40le précédent avait été à propos de la crise des abus
02:44et notamment du rapport de la SIAZ.
02:48Et ce nouvel opus touche assez clairement à cette question.
02:54Pourquoi revenir sur le sujet ?
02:56Je reviens sur le sujet parce que, à propos des abus,
03:00on a proposé, la commission a proposé des solutions
03:04qui étaient hors de sa compétence,
03:06c'est-à-dire des solutions doctrinales
03:09qui ne pouvaient absolument pas aller avec la doctrine catholique.
03:16C'est la raison pour laquelle, je dis à notre grand regret,
03:20nous avons dû consacrer une quarantaine de pages
03:23à ce qui était proposé,
03:27en particulier par Mme la Présidente de la COREF,
03:31Véronique Margron.
03:33Mais nous avons eu un peu la stupeur de constater
03:39que ces propositions qui étaient faites suite aux abus,
03:44elles existaient déjà sous la forme d'un livre de Mme Margron,
03:49publié un an avant que nous ayons publié le rapport sauvé.
03:53Alors, vous voyez, on a vraiment l'impression qu'on s'est servi, je maintiens.
03:58Et donc, ça explique aussi l'augmentation des chiffres,
04:01car c'est là-dessus que nous n'étions pas d'accord.
04:03Nous n'avons jamais dit qu'il n'y avait pas eu d'abus.
04:05J'ai lu les témoignages.
04:07Mais cette exagération des chiffres,
04:10c'était destiné finalement à nous faire avaler des réformes
04:17qui étaient en fait des révolutions.
04:19Et qui attendaient à la structure même de l'Église.
04:22Voilà, qui attendaient à la structure même de l'Église,
04:25à la structure hiérarchique,
04:27et qui se servait de l'initiative du Pape sur la synodalité
04:34pour renverser complètement le problème au niveau de la notion hiérarchique.
04:39C'est-à-dire que la synodalité chez les catholiques, c'est tout à fait possible,
04:43mais ce n'est pas dans le même sens que les protestants.
04:46C'est ça qu'il faut bien comprendre.
04:48Parce que le pouvoir ne vient pas par le bas.
04:50C'est la raison pour laquelle, en 1905,
04:52le Pape n'a pas accepté les associations diocésaines,
04:55les associations cultuelles locales,
04:58mais qu'on a fait des diocésaines en 1905.
05:01Il fallait que l'autorité à l'Église enseignante soit la présidente par structure.
05:05Et que l'Évêque préside l'association diocésaine.
05:08Et qu'on ne mette pas par terre les hiérarchies.
05:10Or, là, on mettait par terre tout de même la hiérarchie,
05:15parce que c'était la base.
05:17Surtout, les femmes.
05:18Comme si la présence des femmes suffisait à arrêter les abus.
05:26Je ne sais pas où vivent ces gens-là,
05:28mais ça fait un moment que je suis dans l'Église.
05:31Les femmes font tout dans l'Église.
05:34Depuis très longtemps.
05:36Bon, depuis plus de 20 ans, 30 ans.
05:39Bon, ça n'a pas empêché qu'il y ait des abus.
05:42– C'est clair.
05:43– Bon, donc c'est pas la question.
05:45Le fait aussi que les prêtres se marient
05:48n'est pas un remède contre la pédophilie.
05:51Je vous l'ai dit, j'ai été pendant 10 ans mené de prison.
05:54J'ai eu des pédophiles en prison.
05:56Et c'était des gens qui étaient ou mariés, ou avec une compagne.
05:59Et leurs victimes étaient les enfants de la compagne,
06:01et je crois même les leurs.
06:03Donc, il ne convient pas de nous raconter cela.
06:05– Bien sûr.
06:06Alors, cela dit, le cœur du sujet de cet ouvrage
06:09n'est pas la crise des abus.
06:11– Non, c'est proposer le risque de la foi, justement.
06:15Le risque de la foi, c'est de revenir à la tradition.
06:19Là, on fait de l'histoire de l'Église,
06:22comme le propose le Saint-Père.
06:25Et puis de puiser justement dans cette tradition
06:29un certain nombre d'éléments
06:31qui peuvent toujours être parlants,
06:33notamment au niveau de la Nouvelle Évangélisation.
06:37Je reprends au fond, nous reprenons avec Anne Piccard,
06:41ce qui avait été le désir de Benoît XVI
06:44pour célébrer l'anniversaire de Vatican II
06:48et l'anniversaire du catéchisme de l'Église catholique
06:52sur la Nouvelle Évangélisation en 2012,
06:54avec son document porte-affilée,
06:56mais qui n'a pas été malheureusement beaucoup suivi.
06:59Je consacre, nous consacrons de longs moments à étudier la messe.
07:05– Qui est quand même le cœur de la vie de l'Église.
07:07– Voilà, parce que je crois qu'il faut être quand même bien conscient
07:10de la pauvreté de l'enseignement sur la messe à l'heure actuelle
07:18et de ce que savent les gens de la messe.
07:20Nous nous en rendons compte, par exemple,
07:23au moment des obsèques ou des services funèbres
07:26où on vous demande une messe sans communion,
07:31où on vous dit à la fin d'une bénédiction
07:34votre messe était très bien,
07:37vous voyez une confusion totale.
07:40Mais c'est de la faute à qui ça ?
07:42C'est de notre faute à nous.
07:43– Oui, c'est l'Église enseignement qui n'a pas fait son boulot.
07:45– Parce que nous disons, c'est pareil,
07:47et puis souvent on rechigne à célébrer la messe
07:50et justement le caractère propitiatoire et sacrificiel de la messe
07:54est quand même mis de côté.
07:56– C'est clair.
07:57– Et ce n'est pas la faute de Vatican II,
07:59c'est parce qu'on a placé les prêtres
08:04dans une sorte de mentalité protestante.
08:08– Oui, d'animation de la communauté.
08:09– Et d'animation de la communauté,
08:10où le prêtre est le président de la communauté,
08:13comme le rappelait l'autre jour dans une émission,
08:15où un pasteur parlait du culte,
08:18et il en parlait très bien d'ailleurs,
08:20c'était tout à fait ça le culte protestant,
08:22mais il agissait au nom de la communauté.
08:24– Mais ce n'est pas le culte catholique,
08:25le culte catholique il agit aussi, en même temps,
08:28il agit au nom de Dieu.
08:29– Mais au nom du Christ, voilà,
08:31et c'est ça, le prêtre qui agit,
08:36en lui est place du Christ tête, c'est fondamental.
08:41– Bien sûr.
08:42– Et donc, d'expliquer ce que c'est que la messe
08:45me paraît fondamental, le baptême aussi,
08:48et alors là, j'ai expliqué aussi l'ancien rite,
08:53et l'intérêt de l'ancien rite sur le plan pédagogique.
08:59– Oui, bien sûr.
09:00– Je conseillerais même d'ailleurs de le dire en français,
09:03pour qu'on puisse vraiment le comprendre,
09:07et ce rite du baptême, pour les adultes,
09:12comme pour les enfants, est tout de même beaucoup plus parlant.
09:16Un seul exemple, parce que le temps est bref, les exorcismes.
09:20– Bien sûr.
09:21– Nous vivons dans un monde qui baigne dans l'espèce d'occultisme,
09:24de goût pour le gothique, le diable, etc.
09:29Bon, il me paraît important que les exorcismes
09:34retrouvent vraiment leur place dans la liturgie du baptême.
09:38– Bien sûr.
09:39– Alors, comprenons-nous bien, ils y sont à la liturgie moderne.
09:43– Oui, bien sûr, ils sont discrets.
09:44– Mais ils sont trop discrets, et ils n'ont pas cette forme impératise
09:49qu'ils doivent avoir pour frapper.
09:53– Merci beaucoup, M. Lavey.
09:54Donc, je rappelle père Michel Viau, Johann Piccard,
09:57L'Église au risque de la foi.
09:58Il y a une très belle préface du cardinal Muller, d'ailleurs.
10:01C'est paru chez Via Romana, et c'est un livre qui coûte 19 euros.
10:04Merci, M. Lavey.
10:05– Merci.
10:06– Bien, nous revenons sur le plateau de Terre d'émission.
10:19J'ai le plaisir d'accueillir le professeur Philippe Girival.
10:21Bonjour, professeur.
10:22– Bonjour, monsieur.
10:23– Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation.
10:25Vous venez de publier, au-delà des fractures chrétiennes,
10:28alors juste un petit mot de présentation.
10:30Vous vous compléterez éventuellement, mais vous êtes sociologue.
10:34Vous avez écrit plusieurs ouvrages sur ce thème-là, sur le travail,
10:38sur l'islamophobie, qui est un sujet intéressant par ailleurs.
10:44Et là, vous parlez d'au-delà des fractures chrétiennes,
10:47et c'est pour ça que je voulais vous recevoir ici.
10:49C'était en substance, je déflore évidemment un peu le sujet,
10:54mais l'idée c'est, plus on va vers le communisme,
10:57moins on est capable de discuter entre catholiques.
10:59J'exagère à peine l'idée générale.
11:02Est-ce que vous pourriez un peu dire,
11:04pourquoi est-ce que vous avez eu l'idée d'écrire ce livre ?
11:08– Je ne sais pas s'il a un lien avec le communisme.
11:12Au départ, j'ai été très choqué, je dois dire,
11:16par la virulence des attaques réciproques entre catholiques,
11:22à une époque quand même où le monde catholique n'est pas dans un état…
11:27– Pas vraiment en situation de domination.
11:29– Et on pourrait penser que… voilà.
11:32Et le petit élément déclencheur, je dois dire,
11:36a été une tribune publiée dans Le Monde,
11:40sur le fait que je crois, aux dernières élections présidentielles,
11:4440% des catholiques ont voté pour des partis souverainistes.
11:49– D'accord.
11:50– Et l'auteur de la tribune déclarait que pour lui,
11:55c'était bien plus grave que la perte globale
11:59de crédit de l'Église et du christianisme.
12:02– D'accord.
12:03– Que c'était une perversion radicale du christianisme.
12:07– Le message avant Jésus.
12:08– Christian Delorme, enfin, dont il est une figure… voilà.
12:13Alors, j'ai trouvé ça, je dois dire, quand même un peu…
12:17voilà, enfin, on peut ne pas être du tout d'accord.
12:19– Bien sûr, bien sûr.
12:20– On peut ne pas être du tout d'accord.
12:21Mais de là à dire cela, et au même époque,
12:25on avait les propos du carnéal Sarah,
12:27quand même un peu durs, disons, dans l'autre sens,
12:31et j'ai voulu chercher à comprendre.
12:34J'ai cherché à comprendre, ça c'était donc il y a deux bonnes années,
12:38et je me suis donc plongé à la fois dans ces propos,
12:45disons combatifs, mais pas essentiellement là-dessus.
12:49Il me semble, au fond, qu'à partir de là,
12:51à partir de ce thème, si vous voulez,
12:53les points les plus essentiels sont, je dirais,
12:58dans un premier temps, les difficultés du magistère.
13:01J'ai été frappé, si vous voulez,
13:03en me replonchant dans toute la littérature,
13:06disons, les encycliques, etc.,
13:08par quand même la difficulté du magistère
13:11à se situer sur une série de questions, disons, difficiles.
13:15Et puis, encore plus fondamentalement,
13:19au fond, la question, qu'est-ce que ça veut dire d'être chrétien ?
13:23Et il me semble, si vous voulez,
13:25qu'au fond, ces conflits, ces hésitations,
13:30sont liés au fait que ce n'est pas si clair que ça,
13:33ce que ça veut dire d'être chrétien,
13:35et que du coup, voilà, j'ai essayé de comprendre,
13:42au fond, à travers cette confrontation,
13:47si vous voulez, entre le message du Christ,
13:51l'Évangile et le monde tel qu'il est actuellement,
13:54c'est-à-dire la société post-moderne, etc.,
13:57au fond, en quoi ils étaient,
14:01pouvaient se retrouver à certains égards,
14:04l'un pouvait exercer une certaine séduction,
14:07la post-modernité sur les chrétiens,
14:10et en même temps, en quoi ils étaient vraiment très profondément différents.
14:13Je crois que c'est de saisir cet ensemble
14:17de proximité et de différence
14:20qui a été un peu le cœur de mon travail.
14:22– D'accord, et alors,
14:24comment est-ce que vous synthétiseriez cette idée ?
14:28Est-ce qu'il y a la place pour une existence,
14:33j'allais dire sereine,
14:35alors évidemment, ça sera toujours un peu avec conflits,
14:37mais disons, est-ce qu'il y a la place
14:41pour l'affirmation tranquille du message évangélique
14:44dans la société post-moderne ?
14:46Où est-ce que ce message évangélique est condamné
14:50à être soit un message parmi dix mille autres,
14:54soit quelque chose d'autoritaire qui n'est plus audible aujourd'hui ?
14:58– C'est un peu, si vous voulez, un signe de contradiction.
15:01Au fond, c'est le cœur de la post-modernité.
15:06C'est, au fond, de dire que toutes les différences
15:11entre les états de vie, les cultures, les religions,
15:15les nations, etc., n'ont pas plus de sens
15:18et pas plus de portée que ce qu'était,
15:21cher Abelay, la différence entre les gros boussiens
15:24et les petits boussiens.
15:26Du coup, et que de affirmer,
15:29alors chacun peut très très bien affirmer
15:31qu'il aime bien ce qu'il fait,
15:33que les chrétiens s'affirment qu'on aime bien être chrétien,
15:35que les musulmans aiment bien être chrétien,
15:37les juifs, les bouddhistes, les chamanistes ou n'importe qui,
15:41mais de commencer à dire, quand même,
15:43qu'on apporte quelque chose.
15:45– Qu'on pense que ça a quelque chose à voir avec la vérité.
15:47– Voilà, voilà, cette notion de vérité, si vous voulez,
15:51et de dire non, il ne doit pas y avoir d'affirmation de vérité,
15:55il y a du dialogue, si vous voulez.
15:57On doit dialoguer entre pairs, entre gens
16:01partie du fait que ce que tu dis vaut autant que ce que je dis.
16:07Et réciproquement, on est vertiginaires.
16:11Alors à partir de là, en même temps, il faut bien voir,
16:15si vous voulez, que la post-modernité est en crise.
16:17– Oui, c'est clair.
16:19– Que finalement cette croyance qui a émergé
16:23après la seconde guerre mondiale,
16:25qu'on allait construire un monde nouveau,
16:29avec un homme nouveau qui aurait dépassé tous les antagonismes,
16:33justement des nations, des cultures, des religions, etc.,
16:37auquel on a cru, et l'Église a cru,
16:41j'ai été frappé en relisant le Diomètre Spèce,
16:45par le parfum, disons, d'optimisme.
16:49– D'optimisme, et de messianisme quasiment.
16:51– Oui, que les sociétés se rapprochaient,
16:55que les religions entraient en dialogue, etc.
16:57Et quand on voit, si vous voulez…
16:59– Et quand on lit ça 40 ans plus tard, ou 50 ans plus tard,
17:01c'est vrai que ça paraît très étrange.
17:03– Voilà, c'est un peu terrible.
17:05Et on voit bien, si vous voulez, à travers les processus politiques,
17:09ne serait-ce l'évolution des institutions européennes,
17:13l'évolution de Trump, etc.,
17:15au fond, tout c'est que ce projet est en crise.
17:19Et que donc, il me semble qu'il y a une place,
17:23enfin, que la question se pose, quand un ancien monde
17:27un peu disparaît, tel est le nouveau monde qui va apparaître.
17:31Donc ça, vous connaissez le fameux propos de Gramsci,
17:35l'ancien monde des plus, le nouveau monde pas encore,
17:37et entre les deux surgissent des monstres.
17:39Et que donc, la question, c'est, qu'est-ce qui va ressortir de ça,
17:45et qu'est-ce qu'on peut proposer ?
17:47Parce qu'au fond, à la fin du communisme,
17:49on avait sur étagère le modèle libéral.
17:53Et au fond, la fin du communisme a été…
17:55– Tout le monde l'a utilisé à fond.
17:57– Tout le monde l'a utilisé à fond.
17:59Mais là, on n'a plus grand-chose sur étagère.
18:03Et on voit bien que, dans les projets qui se présentent en alternatif,
18:09le projet Trump, le projet Mélanie, le projet Orban,
18:15le projet Le Pen, etc.,
18:17ce ne sont pas vraiment les mêmes projets en ce qui concerne,
18:23disons, la gestion de la cité.
18:25On est quand même beaucoup dans des conflits autour de la gestion de la cité.
18:29Alors qui, bien sûr, ont des implications spirituelles
18:33sur la vision du Christ, l'image de Dieu, même, etc.
18:37La liturgie, enfin, tout est lié.
18:41Mais il semble-t-il que cette innovation qu'il y a eue
18:45après la fin de la secondaire mondiale,
18:49auquel il y a un grand potentiel de séduction dans le monde chrétien,
18:57et qui arrive, il me semble, à son crépuscule,
19:01c'est autour, quand même, de la cité.
19:05Et du coup, ce qui me paraît très, très fondamental,
19:09c'est quels sont les rapports entre le spirituel et le temporel.
19:13La question, Peggy a beaucoup abordé ça,
19:21et qui, à mon sens, reste en problème depuis 2000 ans.
19:27On a eu, si vous voulez, toute l'époque dans laquelle
19:31le pape a prétendu régenter l'Empereur.
19:35Mais tout en prétendant régenter l'Empereur,
19:37il admettait que la gestion de la cité...
19:41– Lui échappait l'argent.
19:43– Non, ou demandait des accommodements avec les préceptes évangéliques
19:49tout à fait significatifs.
19:51Même Thomas d'Aquin, enfin, voilà,
19:53on voit toute la théorie de la juste guerre, etc.
19:57était vraiment, bon, pas évangélique.
19:59Donc, il était dans cette vision à la fois.
20:01Donc, le pape dit à l'Empereur ce qu'il doit faire,
20:03mais en étant conscient des problèmes que rencontre l'Empereur.
20:06Alors ensuite, on est passé à une deuxième période
20:10dans laquelle, il me semble, nous sommes un peu...
20:12Alors là, le pape n'a plus rien à dire à l'Empereur.
20:14– Oui, c'est ça.
20:16– Le prince, disons, se décide.
20:18Et l'Église, donc, plutôt, dit aux citoyens ce qu'ils doivent faire.
20:24Et comment, pour qui, qui ils doivent soutenir,
20:26pour qui ils doivent voter, quels règles, etc.
20:30Avec un problème, c'est que finalement,
20:32l'Église, d'autrefois, était quand même consciente
20:36des problèmes de ce bas monde, parce qu'elle les traitait.
20:40Autant, la nouvelle est plus loin des problèmes de ce bas monde.
20:44– Spécialement des problèmes nationaux, en fait.
20:46– Oui, en fait, tous les problèmes nationaux.
20:48– Parce qu'elle parle beaucoup des droits de l'homme,
20:50mais elle parle très peu de...
20:52– Tout à fait, voilà, tout à fait.
20:54Et on retrouve un peu, il me semble, ce que disait Tocqueville
20:56au moment de la Révolution française,
20:58c'est qu'au fond, les intellectuels sont très forts.
21:00Pour construire des grands projets merveilleux, etc.
21:06– Très séduisants.
21:08– Et séduisants, des utopies.
21:10– Mais très loin de la réalité.
21:12– Mais quand il s'agit de gérer ce bas monde, voilà.
21:16Autre élément, c'est pour moi important,
21:18là, pour le coup, l'Évangile est dans le monde réel.
21:24– Oui. – Et dans le monde réel.
21:26On ne voit pas d'illusion.
21:28Pas d'illusion, si vous voulez.
21:30Je ne sais pas, quand Pierre dit,
21:32moi, moi, je te serai de César,
21:34tu lui réponds, non, tu m'auras trahi.
21:36– Tu m'auras trahi.
21:38– Ou aussi bien, quand on lui pose la question,
21:46faut-il payer l'impôt à César,
21:48il remet dans la réalité.
21:50Montrons la pièce.
21:52– Montrons la pièce.
21:54– Ou quand on le critique pour avoir guéri le jour du sabbat,
22:00on lui dit, mais qu'est-ce que vous faites
22:02si un de vos bêtes tombe dans un puits ?
22:04Et donc, il y a, il me semble,
22:06c'est que le message, si vous voulez, évangélique,
22:12est vraiment très très très adapté,
22:14si je peux employer ce terme,
22:18à une époque de crise
22:20où on redécouvre la pesanteur du monde
22:24et le fait qu'il ne s'agit pas de cultiver des illusions consolantes,
22:30mais de gérer le monde,
22:34de se jolter du moins mal qu'on peut
22:38avec les humains comme ils sont,
22:42ce qui n'est pas…
22:44– Pas toujours facile à gérer.
22:46– C'est-à-dire que Dieu, à une époque, avait dit qu'il avait fait
22:50une grande erreur dans sa vie qui était de créer des hommes,
22:52et qu'il avait fallu, à l'époque de Noé,
22:58donc le thème peut-être plus fondamental, disons,
23:06en partant par les fractures, c'est au même fond,
23:10qu'est-ce que c'est, si vous voulez,
23:12que dans cette période où on découvre
23:14l'illusion consolante d'une nouvelle humanité et d'un homme nouveau
23:18qui allait se réconcilier, dépasser ses affrontements,
23:24qu'on ne peut plus y croire.
23:26– Oui, c'est ça.
23:28– Et qu'est-ce qu'on fait ?
23:30On peut pas rentrer dans les rapports cyniques,
23:34– Absolument.
23:36– Qu'on garde de l'idéal.
23:38Enfin, je crois que c'est un peu ça.
23:40– Merci beaucoup.
23:42– Au-delà des fractures chrétiennes, c'est paru chez Salvatore,
23:44et c'est un livre très stimulant, chers amis téléspectateurs,
23:48y compris les choses, parce qu'il est normal de tiquer sur tel ou tel passage,
23:54mais je pense que justement cet au-delà des fractures chrétiennes est fondamental,
24:00et il faut que nous soyons capables de parler rationnellement,
24:02y compris avec des gens avec lesquels on ne partage pas la même vision
24:06de la gestion de la cité, typiquement.
24:08Merci, cher professeur.
24:10– Merci.
24:12– Générique
24:14–
24:23Nous revenons sur le plateau de Terre de Mission,
24:25et j'ai le plaisir d'accueillir, mais par Skype, l'abbé Michel Ouattara.
24:28Bonjour monsieur l'abbé.
24:30– Bonjour.
24:32– Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation.
24:35Vous êtes prêtre ivoirien,
24:37vous venez de soutenir une thèse en droits et en droits canoniques
24:41sur la basilique, ce que c'est qu'une basilique,
24:45et qui vient d'être publiée au Cerf,
24:49un pavé assez impressionnant,
24:53mais qui est vraiment passionnant, chers amis téléspectateurs,
24:56je ne saurais trop vous conseiller de le lire.
25:00Alors cher père, est-ce que vous pourriez nous dire d'abord
25:04ce que c'est qu'une basilique ?
25:06– La basilique de Parcours, la recherche que j'ai pu faire,
25:10c'est un édifice, un signe,
25:13qui est le fruit, le produit de l'histoire,
25:18l'histoire qui accompagne l'essor du christianisme.
25:25Édifice païen devenu chrétien,
25:29l'Église l'a accueilli au cours du temps et de son histoire,
25:33c'est l'a approprié.
25:35Aujourd'hui, la basilique est devenue un édifice primordial,
25:40et il n'y a plus de référence pour l'Église.
25:44– D'accord, donc à l'origine, pardon de vous couper,
25:46à l'origine, les basiliques, c'est des édifices païens
25:48qui ont été récupérés par le christianisme ?
25:51– Exactement. – D'accord.
25:53– C'est pour cela que je dis que c'est le fruit,
25:55c'est un produit de l'histoire.
25:57L'Église, comme vous le savez, elle a été persécutée au départ.
26:01– Bien sûr.
26:02– Quand elle a eu le droit de citer, avec l'ère Constantinienne,
26:07elle a pu avoir la possibilité de pouvoir célébrer son culte publiquement.
26:13Du coup, elle est passée des églises domus,
26:18c'est-à-dire ses églises familiales, pour pouvoir se trouver publiquement.
26:22– D'accord.
26:23– Pour se trouver publiquement, il y a eu une notion de nombre
26:29pour pouvoir trouver des lieux appropriés,
26:31pour pouvoir adéquat pour les grands rassemblements,
26:35il fallait donc des espaces.
26:37Ce qui fait que cet édifice a été proposé à l'Église,
26:40l'Église l'a accueilli, mais elle se l'est approprié.
26:43Autrement dit, elle a interprété l'édifice en fonction de ses critères.
26:49– D'accord.
26:50– L'édifice païen, au départ, c'était un lieu public.
26:53– Et alors, quelle était la première basilique reconnue par l'Église,
26:56intégrée par l'Église ?
26:58– C'est justement celle que nous appellons aujourd'hui la Basilique du Latrin.
27:03– D'accord.
27:04– On regarde et on voit qu'il y a un processus d'appropriation.
27:09Il n'y a donc pas eu, je reviens sur quelques éléments,
27:12mais c'est l'espace vraiment qui a intéressé l'Église.
27:15– D'accord.
27:16– Donc païen, c'était un lieu où on pourrait parler de salle polyvalente aujourd'hui,
27:21en tout cas, espace où on célébrait les marchés,
27:24où on pouvait rendre la justice,
27:26où on pouvait tenir des réunions publiques dont l'Église s'est appropriée.
27:30Et c'est celle-là que le premier pape a reçue de Constantin
27:33et puis par la suite, il y a eu Saint-Pierre du Vatican,
27:36par la suite, il y a eu Saint-Paul-Orlé-Mure,
27:39par la suite, il y a eu Sainte-Marie-Majeure, comme tout ça.
27:42– Oui, toutes les grandes basiliques, quand même.
27:45– Voilà.
27:46– Et quand on dit basilique, ça fait référence à l'Empereur ?
27:50– Les trois premières font référence à l'Empereur,
27:53mais la quatrième, ça dit Sainte-Marie-Majeure,
27:56avec le développement de Rome où la papauté a pris son essor.
27:59– D'accord.
28:00– Les papes sont devenus très importants,
28:02donc ils ont pris le relais de l'Empereur en édition de la basilique Sainte-Marie-Majeure.
28:07– D'accord.
28:08Et alors, aujourd'hui, il y a des basiliques en dehors de Rome, on est d'accord ?
28:12– Bien sûr.
28:13– Et comment est-ce qu'on crée une basilique ?
28:16Le diocèse de Paris a par exemple la basilique de Montmartre.
28:19Comment est-ce que Montmartre est devenue une basilique ?
28:22– Ça, c'est l'époque récente de mon parcours.
28:25On peut relever quatre périodes avec les différentes réformes majeures de l'Église.
28:32L'époque carolingienne avec sa réforme, l'époque grégorienne avec sa réforme,
28:36l'époque trésentienne avec sa réforme.
28:39Et donc, toutes ces réformes-là ont été des lieux,
28:42des occasions de diffuser l'édifice basilical.
28:45– D'accord.
28:46– Comme j'avais commencé à le dire,
28:48lorsque l'Église a récupéré la première basilique,
28:51pour manifester son lien et sa communion avec Rome,
28:56toutes les autres églises venaient à Rome pour prendre un lien sur ces basiliques.
29:02– D'accord.
29:03– Pour ceux qui connaissent un peu l'histoire,
29:05quand vous partez dans la basilique de Sainte-Denis,
29:09quand vous rentrez dans le souterrain,
29:11vous retrouvez pratiquement la même configuration que Saint-Pierre de Rome.
29:15– D'accord.
29:16– Par exemple.
29:17– À Sainte-Denis ?
29:18– Chaque période a été un lieu de manifestation d'une communion avec Rome
29:24en recoupant, au sens médiéval du terme,
29:27en reproduisant pour ainsi dire quelques copies de Rome.
29:31– D'accord.
29:32Parce qu'il n'y a que Rome qui puisse dire que telle église devient une basilique ?
29:38– Oui, avec le temps, c'est ainsi que c'est devenu.
29:41– D'accord.
29:42– Si bien que, jusqu'au pape Pius VII par exemple,
29:46pour être basilique, il fallait retenir la dimension architecturale.
29:51– D'accord.
29:52– Mais avec le pape Pius VII, la basilique a pris une dimension juridique.
29:57C'est ce que j'ai essayé de montrer dans mon travail.
29:59– D'accord.
30:00– Comme vous avez évoqué tout à l'heure, Montmartre,
30:03Notre-Dame qui a l'actualité est très importante dans l'évolution.
30:07– Bien sûr.
30:08– Parce que c'est un parti, vous le savez certainement,
30:11Notre-Dame de Paris c'est aussi une basilique.
30:14Et c'est la première basilique érigée au sens moderne de terme,
30:18c'est-à-dire où ce n'est plus la dimension architecturale qui est déterminante,
30:24mais beaucoup plus ce que j'ai qualifié d'opportunité pastorale.
30:29– D'accord.
30:31– Ce qui concerne par exemple Notre-Dame de Paris,
30:35donc l'opportunité pastorale, vous connaissez un peu.
30:37– Oui, bien sûr.
30:39– Voilà, donc avec la tension qu'il y avait,
30:43donc c'était l'occasion de faire baisser les tensions
30:46et de favoriser le démarrage de la religion,
30:49pour pas entrer dans les détails.
30:51Mais pour revenir à Montmartre,
30:53Montmartre ça fait partie des éléments que j'ai retenus dans le travail.
30:57L'un des angles que j'ai retenus c'est de voir comment l'édifice religieux,
31:01en l'occurrence la basilique, est interface entre l'Église et l'État.
31:05– Oui.
31:06– Donc si on s'arrête quelque peu sur Montmartre,
31:08vous connaissez les circonstances de sa construction.
31:11– Bien sûr.
31:12– Il y avait la tension à Rome, mais il y avait aussi une tension à Paris.
31:16Mais n'empêche qu'il y a eu une collaboration entre les deux.
31:22Il y a eu une collaboration entre l'autorité publique,
31:26l'autorité civile et l'Église pour pouvoir édifier cet édifice de Montmartre.
31:31– D'accord.
31:32– Sur l'initiative de l'Association de l'Église, vous le savez.
31:34– Merci beaucoup cher M. Labbé.
31:36Donc Michel Ouattara, la basilique, s'est parue aux éditions du Cerf.
31:40C'est un livre absolument passionnant.
31:42Normalement les thèses de droit canonique ne sont pas forcément passionnantes,
31:45mais ça c'est réellement passionnant.
31:47Merci M. Labbé.
31:49Nous, chers amis téléspectateurs, la semaine prochaine
31:52ce sera Jean-Pierre Mojande qui animera Terre de Mission.
31:54Nous nous retrouvons quant à nous dans trois semaines
31:56et d'ici là, que Dieu nous garde.