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Bienvenue dans le deuxième épisode du podcast intitulé "Mon Père, ce macro" en 5 épisodes en collaboration avec Cyriel Mercier. Le podcast "Mon père ce macro" est né suite à une interview que nous avons faite avec Cyriel.

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Dans cet épisode, Cyriel vous emmène à un moment clé de son adolescence, le jour où tout a basculé, ce jour où son père lui a annoncé qu’il allait ouvrir une maison close en Belgique. Cette nouvelle a bouleversé ses repères et l'a confronté à des réalités bien différentes de celles de ses amis. Elle a dû composer avec ce secret, se construire un équilibre et trouver sa propre identité dans ce contexte atypique. Elle nous partage ce parcours de découverte de soi, entre ombre et lumière, pour trouver sa place malgré un héritage hors des sentiers battus.

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Transcription
00:00Tout d'abord, comment toi, t'as appris ce qu'était la Constitution ?
00:04Je savais ce que c'était parce que, comme mon père ne m'avait jamais rien caché,
00:09il m'expliquait tout, tout le temps.
00:12Et comme j'étais une petite fille, même une ado plutôt curieuse,
00:15mais une petite fille assez curieuse, en fait, je ne sais même pas
00:18comment je l'ai appris, mais je savais ce que c'était, quoi.
00:23Je savais qu'il y avait des femmes
00:25qui avaient des actes sexuels contre rémunération.
00:32Et du coup, quand je l'ai appris, mon père avait la fâcheuse tendance
00:39de m'annoncer... Comme moi, j'étais très soucieuse de bien travailler à l'école, etc.
00:42J'étais très stressée, j'ai eu l'enfance stressée.
00:46Et du coup, quand je passais des examens,
00:48il m'appelait à la fin des examens, à 8 heures du matin,
00:50sachant que la sonnerie sonnait à 8h20.
00:53Et mes résultats en poche, tout s'est bien passé et tout.
00:59Il vient me chercher à l'école en voiture et à l'époque,
01:01il a toujours roulé en boucouille, il roulait souvent en jaguar.
01:08Et là, il vient me chercher, donc jaguar décapotable.
01:11Je me souviens très, très bien de ce moment-là.
01:14C'est un jour d'été, les résultats de mes examens,
01:17il y avait toujours vers le 20 juin, je suis née le 29.
01:20Il fait chaud, mais pas caniculaire.
01:25Donc, le vent est juste parfait.
01:29Il met mobi, porcelaine.
01:34Et là, il me dit,
01:35« Pupus, papa va ouvrir un bordel et ça va s'appeler Enigma. »
01:39Cash.
01:40Cash.
01:41Il n'y a pas eu un mot plus haut ou plus bas.
01:45J'ai fait « Ah, OK ».
01:46Je crois même que son téléphone a sonné
01:49et il a dit, « Je suis en réunion, je te rappelle. »
01:51Tu avais quel âge ?
01:52J'allais avoir 16 ans.
01:54Et si tu veux, moi, mes parents, donc,
01:59mon enfance a été quand même assez baloutée.
02:01J'ai changé, je crois, quatre, cinq fois d'école et mes parents se disputaient.
02:06Le seul moment de répit que j'avais, en fait, c'était à l'école.
02:08Et là, mes parents avaient,
02:12je pense inconsciemment, décidé de me donner un peu des vacances.
02:15Et c'est vrai que moi, mon adolescence,
02:18j'ai adoré.
02:19J'avais une vie d'adolescente trop bien.
02:22Et de fait, le fait qu'ils me disent ça,
02:25ça perturbe un peu mon équilibre, mon bien-être personnel,
02:29ce qui est plutôt égoïste, d'ailleurs.
02:31Mais quand ils me disent ça, moi, déjà, je me dis,
02:33« Ouais, de toute façon, des lubies, il en a toutes les quatre matins.
02:36Donc, dans un mois, il va me parler d'autre chose, premièrement.
02:40Deuxièmement, à l'époque, on était époque MSN et tout.
02:44Donc, moi, je me dis, « Non, mais est-ce que ma chambre sera connectée sur MSN ? »
02:48Je sais pas. J'étais dans mes trucs d'ado de gamine
02:52complet. Donc, au début, je ne mesure pas.
02:56Il ne me tient pas trop au courant.
02:58Et aussi, il avait encore l'hôtel des ventes.
03:01Donc, il était encore commissaire-priseur.
03:03Et là, j'étais en train de préparer mon anniversaire.
03:06Au fur et à mesure, j'entends des bruits de couloirs.
03:10J'entends que ça se concrétise quand même parce que je vois qu'il fait des flyers
03:14qui mélangent un peu l'hôtel des ventes
03:16et sa préparation de l'ouverture de l'énigme.
03:21Et puis, moi, je suis dans les préparatifs.
03:23Donc là, on arrive
03:26plus ou moins à la veille de l'ouverture.
03:29Il avait fait appel à une architecte d'intérieur.
03:32Je découvre les coulisses de comment on prépare un bordel.
03:35Après, je pense que c'est comme quand on prépare n'importe quel truc,
03:39parce que c'est quand même un bordel, mais la logistique est un peu la même.
03:43Vous découvrez une ambiance clôturée de rouge, de noir et d'or,
03:49des miroirs, des bougies,
03:53des jeux de rideaux
03:55pour pas que les clients se rencontrent,
03:58parce qu'il faut quand même une certaine intimité dans tous les sens du terme.
04:03Et puis, l'ouverture a lieu
04:07peu de temps après.
04:08Donc l'énigme, c'était plus un bar à champagne.
04:10Le but premier est que
04:13les filles fassent boire le client.
04:17Et bon, parfois, le client veut juste être
04:22rassuré et parler à quelqu'un.
04:24C'est pas forcément, on pense toujours qu'aller dans un bordel,
04:26c'est pour avoir une consommation sexuelle, mais pas forcément.
04:30Parfois, c'est juste
04:33avoir une espèce de réconfort féminin, avoir une oreille
04:39et qui vous caresse l'épaule, qui vous caresse la jambe,
04:41qui vous caresse dans le sens d'une poêle, en fait.
04:44Et ça fait plaisir à cet homme-là.
04:48Et du coup, souvent,
04:52bon, il n'y a pas que dans les bordels, mais l'alcool, ça fait un peu parler.
04:55Donc, il y a plusieurs techniques qui est de
04:58de mettre de la mousse dans les packs de fleurs et de faire fiou.
05:04Et il n'y a plus de champagne, c'est fini.
05:05Ça dépend des filles, mais il y en a qui vont boire une, deux coupes.
05:09Mais bon, si elle a eu dix clients, ça fait dix bouteilles.
05:13Donc, deux coupes sur dix bouteilles, c'est le calcul.
05:16Il y a des filles qui ont travaillé pour lui, qui l'ont contacté.
05:19Et il leur disait que c'était grâce à elle qu'il était là.
05:25Et alors, voilà, il y a des filles, très certainement,
05:29avec qui ça s'est mieux passé que d'autres parce qu'il y a des affinités aussi
05:32avec qui, même quand vous avez des collègues de travail, au final.
05:39Mais il disait, oui, c'est grâce à elle que je suis là.
05:42Donc, sans elle, le truc ne tournait pas.
05:44Donc, il avait tout intérêt à ce qu'elle soit bien,
05:49à ce que ça se passe bien dans les règles de l'art, à ce qu'il y ait du respect
05:54et que ça marche,
05:57quoi qu'il y ait une espèce de fluidité entre lui, entre les filles,
06:00entre les clients, qu'elles aient envie de rester.
06:05D'ailleurs, il y en a qui sont restées
06:08plusieurs années.
06:09Et un jour, tu sais, il y a une jeune fille qui est venue.
06:15Est-ce que tu veux la voir ? Oui, oui, oui, qu'elle vienne.
06:18Et donc, il la voit, il lui dit, mais
06:22je peux voir ta carte d'identité et tout.
06:24Et il lui donne, enfin, elle lui donne.
06:26Et là, il dit, mais t'as pas 18 ans.
06:31Ah non, non, non, je sais dans six mois, mais c'est pas grave.
06:34Je veux travailler, je veux travailler, je veux travailler.
06:36Elle dit, ouais, mais non, t'as pas 18 ans.
06:39Ouais, mais je veux travailler.
06:41Elle insiste, elle insiste, elle insiste.
06:43Et mon père lui dit, bah, je sais pas, je sais pas quoi te dire.
06:45Bah, reviens le jour de tes 18 ans, alors.
06:48Il dit ça, mais avec aucune...
06:53Enfin, il pense pas qu'elle...
06:56Avec beaucoup de dé...
06:57T'as pas de dérision, mais beaucoup de hauteur, quoi.
07:00Il pense pas qu'elle va le prendre au bout.
07:03Et un jour, il l'avait oublié.
07:07Et il revient au...
07:09Au bar. Et là, la gérante lui dit,
07:14tu sais qu'il y a de retour ? Non.
07:18Non, non, non.
07:22Elle était revenue le jour de ses 18 ans.
07:24Et du coup, je me souviens de cette nana parce que ça avait marqué mon père,
07:28cette histoire, parce qu'on avait deux mois d'écart.
07:32Et je me souviens très, très bien de cette fille.
07:36Elle avait des cheveux courts, des cheveux bruns avec des reflets ronds.
07:42Et elle avait un acné juvénile, une acné juvénile.
07:45Et là, il y a un client qui vient et donc, elle se présente.
07:51Une coupe, deux coupes, trois coupes.
07:53Elle revient et elle dit, il veut monter.
07:57Et là, les filles disent, bah ouais, mette.
08:02Ouais, mais je l'ai jamais fait.
08:03Incroyable.
08:05Et là, mon père était sur le cul et toutes les filles qui faisaient ça
08:12depuis des années n'avaient jamais vu ça arriver.
08:15Et là, il y a un moment où j'ai l'impression qu'il y a un truc qui se passe.
08:19Des années, vous n'avez jamais vu ça.
08:24Et ça a choqué mon père vraiment profondément.
08:27Mais elle voulait faire ça.
08:29Ça, c'est ça qui est ouf.
08:31C'est qu'elle était venue, elle n'était pas majeure.
08:34Mon père lui avait dit, reviens le jour où tu as 18 ans.
08:37Et c'est une expression, revient le jour où tu as 18 ans.
08:39C'est pas revient le jour J.
08:41Non, elle revient le jour J, le jour de son anniversaire.
08:45Et elle n'a jamais fait l'amour, quoi.
08:48Et elle a fait l'amour avec un client.
08:51Et donc, elle se dit, mais je fais comment, je fais quoi ?
08:53Et donc, les filles, elles lui ont dit, dis-lui la vérité.
08:58Toi, quand tu apprends ça, donc, du coup, tu as 16 ans.
09:00J'ai 16 ans.
09:01Tu comprends que c'est quelque chose qu'il ne faut pas crier sur tous les toits.
09:04Complètement.
09:05J'avais quand même très, très bien conscience que c'était pas...
09:09Étant donné que j'avais quand même des copines qui avaient une vie plutôt plus classique,
09:15je me disais que c'était pas glorieux, en fait.
09:20Tu n'en as pas parlé à tes potes ?
09:21Ah non, non, non.
09:23J'ai même menti tout de suite, parce qu'il est passé...
09:28Il est passé très vite à la télé, en fait.
09:30Et heureusement, je lui avais demandé de façon de se flotter.
09:33Donc, comme ça, c'était fait.
09:35Mais on avait reconnu sa carrière.
09:37Et j'avais une copine qui m'avait dit,
09:40Cyrielle, je dois te demander quelque chose.
09:43Et je présentais que c'était ça.
09:45Et elle me dit, en fait, comment dire, c'est ton père.
09:51En fait, on a regardé France 2 et c'est pas ton père qui tire un bordel.
09:56J'étais là.
09:57Non, je vois pas du tout de quoi tu veux parler.
10:00Et en fait, le fait de faire un peu la niaise,
10:06je pense que ça a permis
10:09de faire croire aux gens que j'étais pas au courant.
10:13C'est pas quelque chose dont j'ai fait croire.
10:16Ah bah non, je veux pas qu'on en parle.
10:18J'ai fait croire que j'étais pas au courant.
10:19C'est pas la même nuance.
10:21Et en fait, je lui en ai voulu de me dire tout de suite la vérité à mon père.
10:27Pourquoi tu me dis ça?
10:28Pourquoi tu me déranges dans mon confort?
10:30Pourquoi, pourquoi, pourquoi?
10:32Et il me disait toujours, qu'est ce que tu préfères?
10:36Que ce soit moi qui t'annonce les mauvaises nouvelles
10:39ou que ce soit quelqu'un d'autre et que tu es l'air de boule conne.
10:43Et ce jour là, je m'ai remercié.
10:45Et c'est venu très, très vite.
10:48Et le fait qu'il ne me mente jamais,
10:50qu'il me dise tout,
10:52parce qu'il assume ce qu'il assumait,
10:55eh bien, ça m'a permis de me forger et de me préparer à une potentielle attaque.
11:03Et ça, en fait, comme il m'avait, qu'il m'avait averti,
11:09je savais ce que je pouvais répondre.
11:10J'avais pas l'air, je devais pas me dire, je sais pas comment on fait.
11:14Je savais.
11:15Tu t'es formé une carapace, quelque chose, une forme de rejet de l'activité de ton père,
11:20que tu n'avais pas envie d'être associé à l'activité de ton père.
11:23Ah bah, complètement, complètement.
11:25Parce que déjà, quand je sais pas, moi, en tout cas, j'avais 16 ans.
11:30Donc à 16 ans, on découvre les papillons dans le ventre.
11:36On se découvre, donc déjà,
11:37on découvre un nouveau corps qu'on a depuis quelques années,
11:41mais on est en train de l'adopter, donc c'est quand même assez complexe.
11:45Et on découvre la vie.
11:47Donc tout est important, tout est...
11:52Et du coup, découvrir un monde qui n'est pas du tout adapté à cet âge-là.
12:01Enfin, qui, moi, en tout cas, n'était pas du tout adapté à mon âge.
12:07Je me sentais...
12:09En fait,
12:11j'ai l'impression que quand vous avez 16 ans,
12:13vous découvrez, vous croquez la vie, tout est important.
12:16Ça, c'est un point.
12:18Mais vous avez pas, vous avez certains codes.
12:21Et là, moi, j'avais l'impression qu'on m'effaçait de tous les codes.
12:25Au-delà du fait que mon père ait tout de suite dit, bon, écoute,
12:27par contre, le prince charmant, il n'existe pas.
12:30Et il n'y a personne qui va venir te chercher
12:33sur ta petite colline avec son petit cheval blanc, ça t'oublie.
12:36Puisque lui, dans sa tête, comme il tenait un bordel,
12:38il ne croyait pas en la fidélité.
12:41Donc, je ne pouvais pas m'enseigner quelque chose auquel il ne croyait pas.
12:44Donc, pour lui,
12:46pour lui, la fidélité n'existe pas.
12:48Pour lui, tous les hommes vont au bordel.
12:51Ça, moi, je ne l'ai jamais cru et je continue à ne pas le croire.
12:54Mais du coup, déjà, lui, il m'avait cassé certains codes.
12:59En fait, c'est ça, c'est tout de suite rentrer dans la vulgarisation du sexe.
13:03C'est ça qui me choquait le plus.
13:06Ce qui m'intéresse de savoir, c'est qu'à 16 ans, pour nous,
13:09le sexe, en général, c'est quelque chose de tabou.
13:11C'est quelque chose qu'on regarde à l'époque en crypté sur Canal+,
13:15c'est encore caché.
13:16Donc, c'est quelque chose de très tabou pour le commun des mortels à cet âge-là.
13:19Pour toi, ce n'est pas tabou du tout.
13:21C'est quelque chose dans lequel tu baignes.
13:23C'est quelque chose dans lequel tu vis.
13:24Comment tu adaptes ton comportement par rapport à ça ?
13:29Est-ce que, par exemple, voir les filles qui étaient au bordel,
13:31qui étaient assez dénudées, est-ce que, du coup, t'as eu envie de t'habiller comme elles ?
13:35Du coup, moi, je me suis interdit pas mal de choses.
13:37C'est-à-dire que j'étais très sociable.
13:39J'avais plein de potes, filles, garçons.
13:43Voilà.
13:43En revanche, pas de copains.
13:47Ça, il y avait quand même ce truc.
13:49Et puis, mes copines, entre nous, on parlait parce qu'on était une bande de potes.
13:52Et moi, je savais des choses, mais du coup,
13:56j'en parlais pas parce que sinon, j'allais vendre...
14:00Mais comment tu sais ça, toi ?
14:02Ou alors, pire, mais tu racontes n'importe quoi.
14:06Non, je raconte pas n'importe quoi.
14:07Je suis panthère, je sais de quoi je parle.
14:09Mais donc, il y avait ces deux trucs-là.
14:12Donc, je me taisais et je faisais pas grand-chose.
14:14Moi, j'ai adopté un look anti...
14:20plus mal joué des tours, anti...
14:24Non, anti-sexy.
14:25J'ai pris le look à Nième et Susette Alamy.
14:28Je me souviens, j'avais une petite robe à poids blanc.
14:33J'étais toute... avec des petites ballerines.
14:36J'étais...
14:38Est-ce que tu t'étais imposé ça ?
14:40Oui.
14:41D'être la fille, entre guillemets, idéale, c'est-à-dire l'opposé de la fille de joie.
14:46Tu vois, tu te l'étais imposé par toi-même.
14:49Ou il y avait une influence avec ta maman, par exemple.
14:51Est-ce que ta maman était au courant de cette activité-là ?
14:54Est-ce que t'as eu...
14:55Est-ce que l'éducation que ta mère t'a transmise a eu ce rôle-là d'être l'anti-fille de joie ?
15:03Oui. Déjà, ma mère, évidemment, était au courant de l'activité de mon père.
15:08Parce que mon père ne s'en est jamais caché.
15:11Et puis, ma mère était quand même très soucieuse de moi et de mon éducation.
15:19Et mon père aussi, d'ailleurs.
15:20Ma maman, c'est quelqu'un de très...
15:22Elle est très coquette.
15:23Elle se maquille, elle est très féminine.
15:27Donc moi, ma mère se colore les cheveux, tout ça.
15:30Donc moi, déjà, colo, non.
15:33Maquillage, non.
15:35Décolleté, no way.
15:37Haut-talons, no way.
15:38Ma mère avait toujours des talons.
15:40Pour vous dire, vraiment, je n'ai pas du tout pris le look de ma mère.
15:44Ma mère, elle ne ressemble pas du tout à une bonne sœur.
15:46Enfin, c'est une femme.
15:49Mais moi, c'était vraiment un truc,
15:54pas du tout de vêtements qui pouvaient potentiellement suggérer une envie.
16:02C'était des clichés
16:06escarpins.
16:07Parce que comme moi, je voyais qu'elles étaient souvent en escarpins,
16:09en rouge à lèvres rouges en Barésie,
16:12en porte-chartelle, on se balade pour la porte-chartelle en rue.
16:14Mais voilà, donc en latex,
16:19le latex rouge, là, je le vois très, très bien.
16:23Ben ça, non.
16:24Alors là, c'était mort, quoi.
16:28Vraiment, c'était, je voulais être...
16:32Ouais, classique, mais en même temps avec ma petite...
16:35classique avec ma petite touche d'excentricité.
16:38Donc, du coup, ça a donné cette espèce de petite nana
16:43toute menue à nième de sucette à la nuit.
16:46Je ne peux pas le dire autrement.
16:48Est-ce que tu avais envie de ne pas attirer les hommes, entre guillemets ?
16:51Ben oui, du coup, je voulais continuer à ressembler à une enfant.
16:54Mais du coup, ça fait quoi ?
16:55Ça fait une femme-enfant.
16:57Ça fait que quand t'as 16 ans, au moment où peut-être tes copines
17:00commencent à peut-être découvrir ça, c'est quelque chose que t'as envie de repousser
17:04absolument pour rester le plus possible dans une forme d'innocence.
17:07Exactement.
17:08Tu pensais que le passage à l'acte, entre guillemets, la relation avec l'homme,
17:12par l'habit, par le fleur, tout ça, était quelque chose qui était encore
17:16inaccessible pour toi ou quelque chose que tu ne voulais pas accéder,
17:18dans lequel tu ne voulais pas accéder, peut-être ?
17:20Ben disons que je ne me l'autorisais pas.
17:22Toute seule, on est d'accord.
17:23Ouais, ouais.
17:24Aucune influence, ça vient vraiment de toi.
17:26Mon père m'a jamais dit, m'a jamais interdit d'avoir un copain.
17:32Ma mère non plus.
17:34En fait, je voulais...
17:34C'est comme si je voulais racheter la réputation de mon père.
17:37Et pour éviter qu'on dise, ah, tu sais qu'il sait, elle.
17:41Vous savez, ça se passe souvent dans les villages ou dans les petites villes.
17:45Ah, bonjour, tu vas bien ?
17:48Et puis, une fois que vous avez le dos tourné, tu sais qu'il sait.
17:51Non, ah, mais c'est la fille du cascadeur.
17:53Et ben maintenant, il est à bordel.
17:55C'est sa fille, on ne dirait pas.
17:57Et en fait, c'est marrant parce que ça m'est arrivé il n'y a pas longtemps, ça.
18:00Suite à l'interview, je rencontre quelqu'un et il me dit, ah, mais c'est marrant.
18:04J'ai vu une interview de toi.
18:06Et il m'a dit, vous ne direz pas comme ça.
18:08Et je lui ai dit, pourquoi ?
18:09Il y a un physique, pouf.
18:11Il me dit, non, mais je n'aurais jamais cru.
18:14Donc, c'est marrant, quoi.
18:15Mon père, en revanche, m'a éduqué pour les hommes à travers ses yeux.
18:22Et ça, c'est intéressant.
18:24Parce qu'on pense que quand on a un père qui tient des bordels,
18:28qui n'a pas fait que ça, mais qui tient des bordels, on se dit, mais du coup,
18:35comment il éduque sa fille ?
18:37Et en fait, il éduque sa fille de manière, comme moi, de manière très indépendante.
18:43Il m'a toujours dit, une femme, elle doit être indépendante.
18:48Il faut que tu travailles.
18:49Si t'as envie de t'acheter ça, tu te l'achètes.
18:52Ça, c'est une vraie femme.
18:54Ça, c'est une femme qui a du chien.
18:56Il ne m'a jamais dit,
18:58ah, ben trouve-toi un bon petit mec et tu seras mère au foyer et t'auras trois enfants.
19:03Alors là, c'était pas du tout la façon dont mon père m'a éduquée.
19:09Il m'a toujours dit, il faut que tu sois indépendante.
19:13Il m'avait même dit, de toute façon,
19:15les femmes, c'est toujours mieux quand tu largues.
19:19Comme ça, au moins, tu souffres pas.
19:20Et en fait, ce qui est très marrant,
19:21c'est qu'il a vraiment souffert du fait que ma mère l'ait quittée.
19:25Et il a toujours admis que les femmes étaient beaucoup plus fortes.
19:29Il disait que les hommes étaient faibles.
19:32La preuve, il m'a vraiment formée pour que je ne me laisse pas marcher sur les pieds.
19:39Et en même temps, avec ce truc de...
19:42Et en même temps, ma fille,
19:44il y a de fortes chances qu'un jour, tu sois coucu, quoi.
19:46Je suis désolée de te le dire, mais c'est la vie.
19:48Et c'est pas grave.
19:50Et il y en aura un autre.
19:51Et si c'est pas lui, ben pardonne-lui.
19:54Et si c'est lui, pardonne-lui.
19:55Il n'y avait pas...
19:57Voilà, et je pense qu'il avait tellement souffert de la séparation de ma mère,
20:02qu'il a beaucoup réfléchi sur les hommes en tant que tels.
20:05Et donc, je pense que la façon dont il m'a préparée à tout ça,
20:08dont il m'a éduquée, c'était une façon de me protéger.
20:12Comme lui avait beaucoup souffert, il s'est dit, comment je peux protéger ma fille ?
20:16Et je pense que c'était de cette façon-là de tout m'expliquer, de me dire,
20:20ben non, le prince charmant n'existe pas.
20:23Eh ben ouais, la façon dont tu vas le moins souffrir,
20:29c'est que tu sois indépendante et que tu sois une femme forte.
20:31Il m'a exposé à une réalité et à une réalité qui ne fait pas toujours plaisir.
20:34Et à une réalité que parfois, vous n'avez pas envie d'entendre.
20:37Surtout de la bouche de votre père.
20:40Surtout à 16 ans, peut-être.
20:41Et surtout à 16 ans.
20:42Parce que c'est des choses que vous aimez découvrir par vous-même ou par les copines.
20:50Mais lui, non.
20:51Je pense que ça a été...
20:53Après,
20:54c'était mon père et il a rempli son rôle de père vraiment de A à Z.
21:01J'ai eu un père très présent qui m'engueulait quand il fallait m'engueuler,
21:04qui était présent pour les fêtes, les anniversaires et tout.
21:06Mais je ne suis pas mère, mais je n'ai pas d'enfant.
21:13Mais je pense que c'est un rôle très difficile à accomplir.
21:18On pense toujours faire le mieux pour ses enfants.
21:22Et je pense qu'il a fait du mieux qu'il pouvait.
21:27Alors, beaucoup de gens
21:30doivent se dire, mais pourquoi il l'a emmené dans les bordels ?
21:34C'est quand même bizarre.
21:36Oui, c'est bizarre.
21:37Alors là, je peux vous dire, oui, c'est bizarre.
21:39Et moi, je n'avais pas du tout envie d'y aller.
21:41Mais je pense que lui, il s'est dit, ouais, mais
21:45entre lui raconter et entre le voir, c'est deux choses complètement différentes.
21:51Moi, je veux lui montrer pour qu'elle voie
21:56alors, je ne peux pas dire
22:00si c'est bien, si ce n'est pas bien.
22:02Je pense que si j'avais pu l'éviter à l'époque,
22:05ça aurait été mieux.
22:08Et en revanche,
22:10c'est bien
22:12parce que d'un côté, je peux en parler.
22:16Pourquoi je ne serais pas là aujourd'hui ?
22:18Mais au moins,
22:20j'ai ouvert les yeux sur une certaine réalité que beaucoup de gens ne veulent
22:24pas voir, ne veulent pas entendre.
22:26Et d'ailleurs,
22:28ce qui est très marrant, c'est que souvent, on critique.
22:31Et
22:33c'est ceux qui critiquent le plus, qui sont les plus grands consommateurs.
22:37Et
22:39plein de fois, quand j'ai commencé à parler de ça, j'ai eu des gens qui étaient
22:42oh, on parle de prostitution, on parle de bordel.
22:47Et en fait, quand je creusais un peu,
22:50c'était des anciens clients ou des clients.
22:52Qu'est-ce que tu aurais avec le recul ?
22:54Parce que là, tu me dis que tu aurais préféré, à 16 ans,
22:57apprendre par toi-même, mais avec le recul.
22:59Comment tu le vois ?
23:01Sur le coup, j'aurais préféré le découvrir par moi-même, avec le recul.
23:06Je suis contente qu'on m'ait invertie.

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