• le mois dernier
Jacques Pessis reçoit Cécile Pivot. La fille de Bernard Pivot raconte son père au delà de son parcours à la télévision. À travers des photos inédites, elle évoque le journaliste, l'amoureux des livres, mais aussi le père toujours plein d'attention et d'humour.

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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-11-26##

Category

Personnes
Transcription
00:00Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:06Une page s'est fermée avec le départ de Bernard Pivot.
00:10Vous avez eu le bon goût d'en ouvrir une autre
00:12pour montrer combien l'homme avait le goût des autres.
00:15Un grand cru en hommage à cet amoureux du Beaujolais.
00:18Un album de famille que vous signez avec Agnès, votre sœur.
00:21Bonjour Cécile Pivot.
00:23Bonjour Jacques.
00:24Vous êtes la fille de Bernard Pivot, l'une des deux filles de Bernard Pivot.
00:26Vous publiez avec votre sœur « Le goût des autres » chez Calmain-Lévis,
00:30qui est un livre de souvenirs.
00:32En général, on parle du livre de l'actualité à la fin de l'émission,
00:35mais là, on va en parler au début pour bien situer le contexte
00:38et le mode d'emploi de ce livre.
00:40Ce livre est sorti le 30 octobre 2024,
00:43et vous avez décidé de le faire après avoir vu,
00:46dans le bureau de votre père,
00:48des albums dont vous ignoriez pratiquement l'existence, Cécile Pivot.
00:51Alors, pratiquement, en effet.
00:53C'est-à-dire que je n'y avais jamais prêté attention.
00:56Ils étaient en bas, en fait, en bas de sa bibliothèque,
00:58dans son bureau, parmi ses livres.
01:00Mon père n'était pas du tout quelqu'un de nostalgique,
01:03donc on ne regardait jamais de photos ensemble.
01:05Ou si, on tombait sur une photo, mais c'est tout.
01:08Il n'aurait jamais sorti ses albums en disant
01:10« Tiens, si on regardait un album ensemble ? »
01:12Pas du tout.
01:13Donc c'est vrai que, quand il a disparu,
01:15je suis retournée une fois.
01:17Une fois, je me suis retrouvée assez vite chez lui, toute seule,
01:20et j'ai pris tous ses albums
01:22et j'ai passé quelques heures à les regarder.
01:25Alors j'ai beaucoup pleuré, je ne vous le cache pas,
01:27parce que moi, en revanche, je suis très nostalgique.
01:30Et j'ai décidé d'en faire un livre.
01:34Et ces albums étaient là grâce à ma sœur.
01:37Ma sœur est la photographe de la famille
01:39et elle avait fait pour mon père énormément d'albums.
01:41Le livre était là, en fait.
01:43Il y avait un album consacré à ouvrir les guillemets,
01:46deux autres à apostrophes, un autre au sport,
01:48un autre à Quincy en Beaujolais.
01:50Le livre était là, quasiment.
01:51Donc vous avez passé un été de plus avec votre père,
01:54en voyant ses photos et en lisant beaucoup de textes à côté.
01:57Absolument, parce que je voulais qu'il y ait pas mal de textes.
01:59Je voulais vraiment que chaque photo soit complétée par un texte.
02:04Donc j'ai revu beaucoup d'émissions,
02:06j'ai réécouté beaucoup d'interviews qu'il avait données,
02:09j'ai aussi écouté des gens qui parlaient de lui,
02:12j'ai reçu des extraits de gens aussi,
02:17de journalistes qui avaient parlé de lui,
02:19et j'avais en fait énormément de documentation chez moi.
02:22Pas mal de documentation, en tout cas les journaux,
02:25puisque quand il avait arrêté Apostrophes
02:27et quand il a arrêté Bouillon de Culture,
02:29j'avais acheté quasiment toute la presse qui parlait de lui.
02:32J'étais très fière de mon père.
02:34Donc je me suis vraiment aidée de ce matériau qui était précieux.
02:39Ce qui est étonnant quand on lit ce livre,
02:41il y a des documents que tout le monde connaît,
02:43mais aussi beaucoup d'inédits.
02:44Car Bernard Pivot, que j'ai beaucoup connu,
02:46était quelqu'un de très putique, de très discret, Cécile Pivot.
02:50Il ne parlait pas beaucoup de sa vie privée,
02:54il en parlait très peu.
02:56Ce n'était pas du tout quelqu'un qui était dans le people.
03:00Donc on découvre des choses de lui.
03:03Et puis c'est un monsieur qui s'est intéressé,
03:05qui s'est passionné pour beaucoup de choses différentes.
03:08Je ne voulais pas que ce soit un livre
03:10qui soit consacré uniquement à la télévision,
03:12à son parcours de journaliste.
03:14Je voulais aussi qu'on puisse parler de son enfance,
03:16de sa jeunesse, du football,
03:19qui a été l'une de ses grandes passions.
03:22Le Beaujolais aussi.
03:24Tout ça était très important dans la vie de mon père.
03:26Alors on va en parler.
03:27Mais avant, on va parler de vous,
03:28parce qu'il faut savoir que vous avez débuté, vous,
03:30avec un autre maître de la télévision,
03:32c'est Jacques Chancel.
03:33Absolument.
03:34Vous avez travaillé dans le Grand Échiquier.
03:36Oui, j'ai travaillé sur le Grand Échiquier
03:38pendant 4 ans, 5 ans.
03:40J'ai travaillé avec Jacques.
03:41Après le bac, je me suis arrêtée.
03:43Je n'avais pas du tout envie de faire d'études à ce moment-là.
03:48Je suis allée pour un stage d'été,
03:51pour travailler avec Jacques Chancel sur le Grand Échiquier.
03:54Je suis restée 4 ans ou 5 ans.
03:56C'était un moment de folie totale,
03:57parce que c'était lui aussi un génie de la télévision.
03:59Oui, absolument.
04:00J'ai voyagé et c'était très agréable.
04:03J'ai rencontré plein de maîtres de la musique classique,
04:08de la danse.
04:09Oui, ça a été formidable.
04:10Le Grand Échiquier, à l'origine,
04:12c'était le Grand Amphi, une première émission,
04:14qui devait s'appeler La règle du jeu.
04:16Mais Jean Renoir avait refusé de prêter le titre de son film à Jacques Chancel.
04:20C'est pour ça que c'est devenu le Grand Amphi et le Grand Échiquier ensuite.
04:23Vous avez aussi été journaliste, à l'Express, dans la mode ?
04:26Pas dans la mode, dans la décoration.
04:29Absolument.
04:30J'ai travaillé dans pas mal d'endroits.
04:33J'ai été longtemps correctrice,
04:35ce qu'on appelle secrétaire de rédaction,
04:37pour Studio Magazine.
04:39J'ai travaillé pendant 7 ans à Studio Magazine.
04:42Après, j'ai travaillé, en effet, dans la presse d'écho.
04:46Aujourd'hui, je suis journaliste freelance.
04:49Vous avez même fait un livre avec votre père.
04:51Oui.
04:52Un essai, exactement.
04:53Absolument.
04:54J'ai été salariée pendant très longtemps.
04:56En 2015, je me suis retrouvée sans travail.
05:00Moi, qui avais toujours travaillé,
05:02pour moi, ça a été vraiment le gouffre.
05:05J'ai eu un peu peur.
05:08J'ai vécu avec deux enfants,
05:10donc il fallait vraiment que je retravaille vite.
05:12Mon père m'a proposé, très vite,
05:14et ça a été un cadeau formidable qu'il m'a fait,
05:16qu'on écrive un livre ensemble,
05:18sur la lecture et sur les livres.
05:20On a mis un petit peu de temps à l'écrire,
05:22parce que lui terminait un livre,
05:24et moi, j'en avais quand même commencé un,
05:26qui était un récit sur mon fils et moi,
05:28puisque j'ai un fils autiste.
05:30J'ai écrit mon premier récit avant ce livre,
05:33qui s'appelle « Lire », en effet.
05:35Nous avons fait ce livre ensemble.
05:39On a choisi 20 thématiques autour de la lecture,
05:42de la littérature.
05:44On a chacun, de notre côté, écrit nos 20 textes,
05:47et après, on s'est retrouvés pour en discuter,
05:49pour les modifier.
05:51Tout s'est extrêmement bien passé,
05:54alors que moi, très franchement, au départ,
05:56j'avais un peu peur, parce que c'était mon père.
05:58J'écrivais un livre avec mon père,
06:00mais j'écrivais aussi un livre avec Bernard Pivot.
06:02C'était les deux,
06:04donc j'étais moyennement rassurée.
06:06Aujourd'hui, vous rendez hommage à Bernard Pivot.
06:08Vous racontez son parcours,
06:10qui a commencé à Lyon,
06:12et très vite, je crois qu'il y a la guerre.
06:14Son père, qui est originaire,
06:16qui a vécu près de Rouen,
06:18à Saint-Symphonien-le-Laye,
06:20part à l'armée,
06:22il est mobilisé, il va être fait prisonnier,
06:24et donc, il va se retrouver dans la famille maternelle,
06:27Bernard Pivot.
06:28Oui, il va être...
06:30Pendant la guerre, sa mère décide de quitter Lyon,
06:33et d'aller dans le Beaujolais,
06:35à Quincier-en-Beaujolais,
06:37là où elle a une petite maison, et où elle a des vignes.
06:39Donc, il va passer toute la guerre là-bas.
06:41Absolument.
06:43Quincier-en-Beaujolais, c'est un millier d'habitants,
06:45et c'est quatre appellations du Beaujolais.
06:47Le Beaujolais, le Beaujolais-Village, le Brouilly,
06:49et le Côte de Brouilly.
06:51Et donc, Bernard Pivot,
06:53enfin découvre tout ça,
06:55parce que son bonheur, ce sont les vendanges.
06:57Ce sont les vendanges, oui.
06:59Il a toujours aimé le Beaujolais,
07:01il a toujours aimé Quincier, où plus tard,
07:03il a acheté une maison là-bas.
07:05Mais à cinq ans, il était dans les vendanges,
07:07il regardait tout ça, et ça le passionnait.
07:09Oui, il a aimé ça.
07:11Et il a écrit un livre, où il en parle beaucoup,
07:13qui est le Dictionnaire amoureux du vin,
07:15où il parle énormément des vendanges.
07:17Et son frère cadet, Jean-Charles,
07:19qui est vigneron,
07:21a, lui, été viticulteur toute sa vie.
07:23Donc, il avait un vrai...
07:25Mon père gardait, grâce à son frère notamment,
07:27un vrai contact avec les vendanges,
07:29avec les vignes, le Beaujolais,
07:31les récoltes tous les ans,
07:33est-ce qu'elles étaient bonnes, mauvaises,
07:35quel Beaujolais on allait avoir,
07:37le Beaujolais nouveau, il en parlait.
07:39Beaujolais nouveau, d'ailleurs, qui doit cette appellation
07:41au fait que, en 51, on interdit
07:43la vente du vin avant le 15 décembre,
07:45sauf si c'est nouveau.
07:47Et c'est comme ça qu'il sort début novembre.
07:49Je ne savais pas.
07:51Il se trouve aussi qu'il découvre les Femmes de la Fontaine
07:53et surtout le petit Larousse, Bernard Pivot.
07:55Oui, parce qu'il n'a pas de livre du tout.
07:57Un, il n'est pas dans une famille de lecteurs,
07:59puis c'est la guerre, il n'y a pas de livre.
08:01Il est issu d'un milieu quand même modeste.
08:03Donc il se contente
08:05des Femmes de la Fontaine
08:07et du dictionnaire
08:09et ça a été
08:11une vraie richesse pour lui, il l'a dit tout au long de sa vie.
08:13Il a vraiment été...
08:15Le dictionnaire est resté
08:17extrêmement important pour lui
08:19toute sa vie. Je pense qu'il n'y a pas un jour
08:21où il ne regardait pas le dictionnaire,
08:23n'ouvrait pas le dictionnaire.
08:25Il n'utilisait pas un mot dans les Femmes de la Fontaine,
08:27il ouvrait le dictionnaire.
08:29Pour un enfant, c'est plutôt rare.
08:31Oui, c'est plutôt rare.
08:33Et puis après, il a lu le dictionnaire.
08:35Oui, il n'avait que ça à lire.
08:37Donc oui, il a lu le dictionnaire, je pense avec un grand plaisir.
08:39Mais de manière naturelle,
08:41sans s'en rendre vraiment compte.
08:43Oui, il s'est né comme ça.
08:45Et puis il a eu le football.
08:47Ça a commencé le samedi, le dimanche après-midi,
08:49je crois avec un club pour les enfants.
08:51Alors ça, je ne sais pas exactement comment ça a commencé.
08:53Mon père l'emmenait voir Sainte-Étienne.
08:55Alors qu'il était Lyonnais,
08:57mon père était Lyonnais et qu'il vivait à Lyon,
08:59mon grand-père paternel,
09:01donc emmenait mon père
09:03voir les matchs de Sainte-Étienne.
09:05Donc c'était un peu paradoxal, vous voyez,
09:07parce que mon père aurait dû tout naturellement
09:09défendre Lyon.
09:11Et ce n'était pas le cas. Il a gardé un attachement
09:13à Sainte-Étienne.
09:15Il aimait aussi beaucoup l'équipe de Lyon.
09:17Mais son équipe favorite
09:19toute sa vie, c'est resté Sainte-Étienne.
09:21Je crois que c'est votre grand-père qui a donné à Bernard Pivot
09:23le goût du football. Il lui a même offert
09:25ses premiers crampons.
09:27Absolument. Mon grand-père adorait le football aussi.
09:29Et Sainte-Étienne était une grande époque.
09:31Ça a commencé d'ailleurs en 56-57
09:33où ils ont commencé à avoir des titres.
09:35Ça a duré jusqu'en 76 et il y a un hymne
09:37de Sainte-Étienne qui est resté mythique.
09:39Qui sait les plus forts ?
09:41Évidemment, c'est les Verts.
09:43On a mon public et les meilleurs supporters.
09:46Cette chanson est encore un hymne.
09:48Elle a été composée en 10 minutes en voiture
09:50par Monty dans un embouteillage
09:52sans imaginer qu'elle deviendrait un hymne.
09:54Je la connais bien.
09:56J'ai dû l'entendre. Je ne sais pas combien de fois j'ai entendu cette chanson.
09:58Puisque j'avais aussi une mère
10:00qui était fanatique de foot.
10:02Il n'y avait pas que mon père.
10:04Ma mère était aussi fan de foot que mon père.
10:06Absolument.
10:08Et je crois que Bernard Pivot aurait rêvé d'être platini.
10:10Oui, bien sûr.
10:12Il voulait être...
10:14C'était pas du tout un grand lecteur
10:16à part les fables de La Fontaine et le Dictionnaire.
10:18C'est déjà beaucoup.
10:20Mais ça n'a pas du tout été un lecteur.
10:22Quand il est arrivé,
10:24jeune journaliste au Figaro littéraire,
10:26il n'avait rien lu. Ça a été une catastrophe.
10:28Mais il voulait être, en effet,
10:30joueur de football.
10:32Quand il était pensionnaire
10:34à Lyon, il restait le week-end
10:36avec ceux qui étaient collés.
10:38Mon père n'était pas du tout
10:40un élève turbulent.
10:42Pour pouvoir jouer au foot,
10:44il aurait rêvé d'être joueur de foot.
10:46Et je pense qu'il aurait été
10:48un très bon joueur de foot.
10:50Il a commenté des matchs de football
10:52et il offrait aux Bleus des livres aussi.
10:54Oui, tout à fait.
10:56Alors, il aurait été un très bon joueur de foot ? Non.
10:58Il a été un joueur de foot...
11:00Je ne sais pas s'il était
11:02bon ou médiocre,
11:04mais en tout cas, il n'aurait pas pu devenir un très bon joueur de foot.
11:06Parce que s'il l'avait pu, il serait devenu joueur de foot.
11:08Mais en tout cas,
11:10il en a fait pendant longtemps.
11:12En tout cas, toute sa jeunesse.
11:14Après, il a été assez proche.
11:16En tout cas, il a bien connu Platini,
11:18il a bien connu les Verts,
11:20puis les équipes.
11:22Il leur offrait des livres quand il les voyait.
11:24Exactement. Et il a fait aussi beaucoup d'autres choses.
11:26Il y a une autre date clé dans son parcours,
11:28c'est le 25 juin 1966.
11:30A tout de suite sur Sud Radio
11:32avec Cécile Pivot pour parler de Bernard Pivot.
11:44Un hommage à Bernard Pivot,
11:46votre père.
11:48Vous avez construit ce livre
11:50pour justement nous le faire découvrir
11:52à travers des dates clés de son parcours.
11:54Et il y en a une que j'ai trouvée qui est vraiment
11:56sa première apparition à la télévision,
11:58le 25 juin 1966.
12:00Hier soir, en l'Hôtel de Sens
12:02à Paris, le jury
12:04du Prix de la Chronique parisienne,
12:06qui groupe entre autres
12:08Paul Guth, Micheline Sandrel,
12:10Touchag, Jaquem et Philippe Bouvard,
12:12a attribué
12:14ses lauriers pour 1966
12:16à Bernard Pivot.
12:18Il reçoit son poids en champagne sur une balance.
12:20C'est sa première télé
12:22et le Prix de la Chronique parisienne récompense
12:24son travail de courriériste
12:26dans le Figaro littéraire.
12:28Moi je ne savais pas ça.
12:30Je ne savais pas. Donc ça je l'ai vraiment
12:32découvert en travaillant sur ce livre.
12:34Il y a la photo en effet.
12:36Bien sûr. Et son travail
12:38consiste à l'époque à courir
12:40et c'était un travail
12:42important, les chroniqueurs existaient,
12:44à courir pour retrouver des indiscrétions
12:46sur le Goncourt, sur l'Académie française,
12:48sur les sorties de livres.
12:50Il adorait ça. Je crois qu'il adorait ça
12:52parce qu'il n'y avait pas mieux
12:54pour se plonger dans le milieu
12:56littéraire qu'il ne connaissait pas.
12:58Jusqu'alors, mon père, il arrivait de Lyon,
13:00il a été engagé au Figaro littéraire
13:02parce qu'il venait du Beaujolais
13:04et qu'il a pu offrir
13:06une caisse de Beaujolais
13:08et ça s'est fait comme ça.
13:10Donc il n'y connaissait rien, il n'avait rien lu.
13:12L'entretien pour être
13:14engagé a été une catastrophe
13:16et donc il n'y avait pas mieux que d'être courriériste
13:18en effet, d'être au prix féminin, au prix
13:20Goncourt, écouter les ragots.
13:22Et puis il a, je crois aussi,
13:24autre chose de très important
13:26à ce moment-là, il a
13:28connu Paris comme personne.
13:30Il a très très bien connu Paris et il
13:32l'a aimé. Il y a ça aussi dans le parcours de mon père
13:34qui est important, je crois.
13:36C'est qu'il a adoré Paris tout de suite.
13:38C'était sa ville.
13:40Voilà. Et en fait,
13:42ces nuits qu'il passait à courir un peu partout,
13:44c'est comme ça que les grands journalistes ont commencé.
13:46Pierre Lazareff a débuté...
13:48Excuse-moi.
13:50Pierre Lazareff a débuté aussi
13:52comme on disait soiriste à l'époque.
13:54Il traînait au Moulin Rouge dans les cabarets
13:56et il a appris son métier comme ça.
13:58C'était une façon fabuleuse de connaître des gens
14:00et d'apprendre son métier.
14:01Absolument. Je pense qu'il a connu vraiment tout le milieu
14:03littéraire comme ça et
14:05comment ça fonctionnait comme ça absolument.
14:07Il n'y avait pas mieux.
14:08Il n'y avait pas de réseaux sociaux à l'époque.
14:09Non.
14:10Et il a tout de suite trouvé un ton qui était un ton humoristique,
14:12cultivé et irrévérencieux.
14:14Oui, oui, oui.
14:15Et ça, c'était important pour lui.
14:17Oui, je pense que ça a été important.
14:21Il a fait ses armes
14:23au Figaro littéraire, ça c'est sûr.
14:25Alors, ce premier prix
14:27de la chronique parisienne pour Bernard Pivot,
14:29c'est un premier prix dans tous les sens du terme
14:31parce qu'à l'école, on ne peut pas dire
14:33qu'il est collé sous les prix.
14:34Pas du tout.
14:35Non, non.
14:36C'est un élève
14:38très moyen.
14:40Voilà, très moyen.
14:42Plutôt mauvais
14:44que bon, on va dire.
14:46Je ne pense pas du tout qu'il ait eu des problèmes de discipline.
14:48Ça, je n'y crois pas du tout.
14:50Mais c'est un élève très moyen
14:52et il ne sait même pas quoi faire après le bac.
14:54Alors, il redouble en plus sa première
14:56et après le bac, il est très...
14:58Mais il n'est pas inquiet.
14:59Je crois qu'il n'est pas du tout inquiet.
15:00Il se laisse un peu porter, un peu vivre.
15:02Et je crois que ses parents non plus,
15:04de ce que j'ai pu retrouver
15:06dans les archives, n'étaient pas spécialement inquiets.
15:08Mais
15:10il ne sait pas quoi faire
15:12et c'est quelqu'un de la famille,
15:14je ne sais pas qui, en tout cas un proche
15:16ou une proche, qui lui dit
15:17mais toi qui lis tout le temps les journaux,
15:19parce qu'il est à ça.
15:20Il s'intéresse aux journaux, il s'intéresse à l'actualité.
15:22Pourquoi tu n'écris pas plutôt les journaux ?
15:24Et il dit tiens, bah oui, pourquoi pas, bonne idée.
15:26Je vais tenter.
15:28Là, il se renseigne le concours du CFJ
15:30à Paris.
15:31Le centre de formation des journalistes.
15:33Et ça a marché. Il faut savoir qu'il a échappé à une autre carrière
15:35qui est celle d'inspecteur des contributions.
15:37Oui, c'est vous dire à quel point
15:39il ne savait vraiment pas quoi faire de sa vie.
15:41Il a fait un peu de droit, il a fait ça,
15:43en effet, inspecteur.
15:45Il a même été, je crois,
15:47on n'appelait pas ça à l'époque des journées
15:49portes ouvertes, mais il était allé
15:51après le bac
15:53à une réunion, un salon
15:55pour différents métiers.
15:57Et il s'est dit tiens, pourquoi pas
15:59pourquoi je ne serais pas,
16:01je ne deviendrais pas vétérinaire.
16:03Et puis au retour de ce salon, il rencontre un ami
16:05il lui dit écoute, non, en fait, c'est pas fait du tout pour moi
16:07mais toi, vas-y, peut-être que, tiens,
16:09je te donne la documentation pour être vétérinaire.
16:11Et en effet, cet ami deviendra
16:13vétérinaire. Donc il est un peu
16:15paumé, mais pas inquiet.
16:17Mais en même temps, il se trouve que
16:19il a fait beaucoup de choses
16:21à cette époque-là, et il livre aussi
16:23le Pinard pour son père.
16:25Oui, oui, tout à fait. Non, non, il s'est...
16:27C'est un travailleur, c'est pas
16:29un paresseux, et puis il a des parents
16:31de toute façon qui...
16:33Il a une mère assez sévère.
16:35Donc oui, il n'était pas non plus...
16:37C'était pas, on dirait aujourd'hui, c'était pas du tout
16:39un enfant pourrigaté, c'était pas le cas.
16:41Mais c'est vrai qu'au CFJ,
16:43c'est la révélation.
16:45Là, c'est la révélation. Là, ça devient
16:47un autre. C'est-à-dire qu'il réussit
16:49le concours d'entrée, il le réussit
16:51bien, et il devient très bon élève.
16:53Et il comprend qu'il est fait pour
16:55ce métier. Et là, il le dit, il dit
16:57c'est la chance de ma vie
16:59et je ne vais pas la laisser passer.
17:01Et là, il se met à énormément
17:03travailler. Et Bernard Pivot
17:05était déjà à l'époque un maniaque de la
17:07faute d'orthographe, Cécile Pivot.
17:09Oui, il était déjà très bon en orthographe,
17:11il aimait écrire, oui.
17:13Et je crois que c'est là où il rencontre votre mère.
17:15Oui, qui fait le CFJ en même temps que lui,
17:17absolument. Ils sont dans la même
17:19promotion. Et je crois qu'il sort
17:21deuxième de sa promotion, et qu'il
17:23se retrouve dans un stage à Lyon
17:25aux côtés de Bernard Clavel.
17:27Oui, au progrès. Il se retrouve au progrès.
17:29Alors, je n'ai pas trouvé énormément de choses
17:31sur cette période-là.
17:33Je comprends que le stage
17:35s'est bien passé, mais que ce n'est pas son
17:37truc. Alors, j'ai essayé de comprendre,
17:39je n'y suis pas
17:41arrivée pour tout vous dire,
17:43pourquoi il retourne à Lyon à ce moment-là.
17:45Le stage était obligatoire à l'époque.
17:47Oui, le stage était obligatoire, mais
17:49il est bon, c'est un élève brillant.
17:51Vraiment.
17:53Puisque le premier de sa promotion, je ne veux pas dire
17:55du mal du premier de sa promotion, mais à l'époque,
17:57au CFJ, on acceptait tous les âges.
17:59Mais je crois qu'il a douze ans de plus que
18:01mon père. Donc, moi, j'estime qu'en fait, c'est mon
18:03père qui a fini premier.
18:05Pourquoi il retourne à Lyon
18:07alors qu'il aime Paris ?
18:09Il est déjà avec
18:11ma mère.
18:13La seule explication que j'ai, c'est ma mère
18:15qui me dit « mais tu sais, on n'avait pas le choix, on avait
18:17un stage et on ne pouvait pas
18:19vraiment choisir ». Donc, voilà, il y a
18:21un petit mystère de ce côté-là.
18:23Pourquoi il ne cherche pas un stage
18:25à Paris ?
18:27Il se trouve qu'à Lyon, il est avec Bernard Clavel qui va obtenir le prix
18:29Goncourt en 68 pour les fruits de l'hiver
18:31avant que votre père
18:33Bernard Pivot soit justement
18:35président de l'académie Goncourt.
18:37Alors, il se trouve aussi qu'il a écrit un roman
18:39« L'amour en vogue » parce qu'il a
18:41songé à être romancier, Bernard Pivot.
18:43Oui, il a songé à être romancier.
18:45Pas longtemps. Je ne crois pas que ça ait été pour lui
18:47une catastrophe.
18:51Je crois qu'il s'est aperçu très vite
18:53qu'il n'allait pas...
18:55Il écrit un peu un roman, en fait,
18:57pour passer le temps, parce qu'à ce moment-là,
18:59il ne sait pas exactement où il en est,
19:01il ne sait pas exactement ce qu'il va faire
19:03de sa vie en tant que journaliste.
19:05Et il écrit un roman.
19:07Mais c'est tout, pas beaucoup plus.
19:09Vous voyez ce que je veux dire ? Je ne pense pas qu'il se soit dit
19:11« je serai romancier »
19:13ou rien d'autre. Non, pas du tout.
19:15Il est journaliste. Il commence
19:17dans cet immeuble des Champs-Elysées,
19:19le rond-point des Champs-Elysées, le Figaro,
19:21dirigé par Pierre Brisson, où c'est
19:23une ambiance de travail et de folie en même temps.
19:25C'est-à-dire qu'on travaille énormément,
19:27mais en même temps on boit des bons coups et on fait des canulars.
19:29Oui, j'en ai montré
19:31en effet dans le livre, là,
19:33où il y a un match qui est organisé entre les journalistes,
19:35je crois qu'on appelait à l'époque les typographes.
19:37Moi, je n'ai pas
19:39connu cette époque-là, mais j'ai l'impression
19:41que c'est une époque où
19:43le Figaro littéraire,
19:45qu'est-ce que vous voulez, il y a énormément
19:47de pages culture dans tous les journaux,
19:49il y a de l'argent,
19:51les gens achètent la presse.
19:53Donc oui, on travaille beaucoup et on s'amuse
19:55beaucoup. Et je peux me dire, vous ne savez sans doute
19:57pas, qu'il a monté un jour un canular
19:59avec un faux bloc-notes de François Mauriat
20:01qui publie dans le Figaro, un peu
20:03au lait au lait, et ce bloc-notes
20:05a failli passer dans le journal. Il a été arrêté
20:07à la dernière minute. Oui, alors il aimait bien
20:09les blagues, j'ai compris ça aussi.
20:11C'était quand même un grand...
20:15Un fêtard, on peut dire.
20:17Il aimait bien, il aimait la fête.
20:19Alors il va rester de 58 à 74,
20:21il va s'en aller parce qu'il n'est pas
20:23d'accord avec le nouveau directeur Jean Dormeson.
20:25Oui, il n'est pas d'accord avec
20:27le nouveau directeur Jean Dormeson,
20:29mais il se quitte
20:31plutôt en...
20:33Il ne se quitte pas en bons termes, mais très vite,
20:35comme mon père est content. Je pense que mon père
20:37est plutôt, pas soulagé de partir,
20:39mais il ne part pas, il n'est pas
20:41dans la rancune, il n'est pas dans la colère.
20:43Donc ça se passe plutôt très bien
20:45entre... Vite, ça se passe bien
20:47entre eux. Et je crois qu'il a donné le nom
20:49de Jean Dormeson à sa piscine.
20:51Oui, parce qu'il part avec des indemnités
20:53et il a, comme il a le sens de l'humour,
20:55c'est ce qu'on venait de dire,
20:57il y avait une plaque, en effet, sur notre
20:59piscine, dans le Beaujolais, une plaque
21:01vraiment comme le nom
21:03d'une rue,
21:05et la piscine s'appelle la piscine
21:07de Jean Dormeson. Et je crois qu'il va
21:09se réconcilier très vite avec Jean Dormeson
21:11et qu'il va passer 26 fois
21:13à Apostrophe et Bouillon de Culture.
21:15Mais c'était un duo,
21:17ils le savaient tous les deux, qu'ils étaient très bons
21:19ensemble à la télé. Ils le savaient très
21:21bien. Donc
21:23oui, ils ont fait beaucoup d'émissions ensemble,
21:25beaucoup. Et justement, Apostrophe,
21:27on va l'évoquer à travers la date
21:29de sa création, de sa naissance,
21:31le 10 janvier 1975.
21:33A tout de suite sur Sud Radio
21:35avec Cécile Pivot pour parler de Bernard Pivot.
21:37Sud Radio,
21:39les clés d'une vie, Jacques Pessis.
21:41Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité
21:43Cécile Pivot, vous êtes l'une des filles de Bernard
21:45Pivot, et vous lui consacrez un livre
21:47hommage en texte et en photo,
21:49Le goût des autres, avec Agnès,
21:51votre sœur, qui a pris toutes ces photos.
21:53C'est chez Calmain de Lévis.
21:55On en parle à travers des dates clés,
21:57et bien sûr, le 10 janvier 1975,
21:59c'est la première de cette émission.
22:05Apostrophe,
22:07724 émissions jusqu'au 22 juin 1990,
22:09c'est l'événement
22:11dans l'histoire de la télé et de la littérature.
22:13Oui, c'est l'événement.
22:15Enfin, c'est l'un des événements.
22:17Mais...
22:19Oui, moi j'ai grandi avec Apostrophe,
22:21j'ai vraiment grandi avec
22:23un père qui était
22:25Bernard Pivot,
22:27et j'ai des souvenirs
22:29à la fois d'un père
22:31qui n'était pas là,
22:33qui travaillait tout le temps, qui lisait tout le temps,
22:35mais qui était physiquement là, à la maison,
22:37dans l'appartement,
22:39mais pas présent avec nous.
22:41Ses filles,
22:43vraiment, ils ne pouvaient pas.
22:45Vous lisez un livre par jour, vous n'avez pas de vie de famille,
22:47c'est pas possible.
22:49Et à côté de ça, dès qu'on sortait de la maison,
22:51« Ah, t'es la fille de Bernard Pivot ! »
22:53Et on n'entendait parler que de lui à l'extérieur.
22:55Donc, oui.
22:57Vous alliez sur le plateau d'Apostrophe ?
22:59Si j'y allais ? Oui, ça m'est arrivé.
23:01C'était un rituel,
23:03on arrivait, il ne parlait à personne
23:05avant l'émission.
23:07Non, il avait besoin de se concentrer quand même.
23:09Oui, ça je peux comprendre.
23:11Il n'avait pas envie même de dire bonjour à qui que ce soit.
23:13C'était un rituel, l'émission commençait
23:15et ça démarrait
23:17avec le travail qu'il avait accompli
23:19en apprenant beaucoup de choses par cœur
23:21pendant les jours précédents.
23:23Oui, il répétait un petit peu,
23:25et surtout il lisait énormément.
23:27Je pense qu'il parlait quand même un petit peu à Anne-Marie Bourgnon
23:29avant l'émission.
23:31Oui, mais c'était sa collaboratrice, mais pas aux invités.
23:33Ah non, pas aux invités.
23:35Ça a pu lui arriver quand même
23:37de parler à certains invités.
23:39Je pense que des invités qui arrivaient
23:41de loin,
23:43je pense qu'il allait
23:45les saluer avant.
23:47Et ce qui est clair, c'est que le lendemain
23:49d'Apostrophe, il y avait un rush
23:51dans les librairies. En passé Apostrophe,
23:53c'était des milliers d'exemplaires vendus.
23:55Absolument. Moi j'ai le souvenir de ça.
23:57Oui,
23:59vraiment, c'était présenté
24:01dans toutes les librairies vues à Apostrophe.
24:03Oui, bien sûr.
24:05La télévision, ça a commencé avec Bernard Pivot
24:07par Ouvrez les guillemets, qui était je crois
24:09une émission voulue par Arthur Comte pour être la synthèse
24:11de toutes les émissions littéraires qui existaient à l'époque.
24:13C'est-à-dire, il y avait
24:15Michel Polac avec Bibliothèque de Poche,
24:17il y avait Marc Gilbert avec Italic,
24:19et il a été le premier à recevoir des chroniqueurs
24:21dans Ouvrez les guillemets.
24:23Oui, il y avait notamment Gilles Lapouge, je crois.
24:25Et c'est vrai qu'il est arrivé
24:27à la télévision comme ça, mais presque par hasard
24:29à la demande d'Arthur Comte.
24:31Oui, tout à fait. En fait, la première fois
24:33qu'il est passé à la télé,
24:35je ne sais plus qui était la directrice,
24:37je crois que c'est Jacqueline Baudrillet,
24:39qui lui dit le lendemain
24:41vous avez fait une émission,
24:43votre émission était vraiment mauvaise.
24:45Ce n'est pas texto ce que je vais vous dire,
24:47mais en fait,
24:49je le résume, vous avez vraiment
24:51fait une mauvaise émission,
24:53mais vous êtes fait pour la télévision.
24:55Et il est fait pour la télévision,
24:57c'est vrai que vous le voyez pour la première fois
24:59à la télévision, et lui-même le disait,
25:01quand il s'est revu des années plus tard
25:03pour la première fois dans la caméra,
25:05moi je me souviens,
25:07il m'a dit, mais c'est incroyable
25:09parce que je suis à l'aise,
25:11il n'en revenait pas lui-même,
25:13comme s'il parlait de quelqu'un d'autre.
25:15C'est vrai que mon père, caméra, pas caméra,
25:17micro, pas micro,
25:19c'était le même.
25:21C'était le même, voilà.
25:23Et d'ailleurs, apostrophe, dès la cinquième émission,
25:25c'est un succès.
25:27Et ça, c'est Pierre Assouline qui le raconte,
25:29car dans ce livre, vous avez donné la plume
25:31à Pierre Assouline pour qu'il fasse sa biographie.
25:33Oui, je trouvais que
25:35Pierre était la personne
25:37qu'il fallait, parce que
25:39il a connu mon père pendant 40 ans,
25:41ils ont travaillé ensemble à lire,
25:43Pierre Assouline a succédé
25:45à Bernard à lire,
25:47et ils se sont retrouvés au Prix Goncourt,
25:49et entre les deux, ils ne se sont jamais perdus de vue.
25:51Donc, Pierre,
25:53c'est à la fois,
25:55c'était deux professionnels
25:57qui s'entendaient très bien,
25:59deux amis, donc oui,
26:01ça me semblait tout à fait logique
26:03et bien de laisser Pierre Assouline.
26:05Alors, j'en reviens à l'apostrophe,
26:07la méthodologie est toujours la même,
26:09il lit beaucoup de livres, il choisit les thèmes,
26:11et personne d'autre que lui ne choisit
26:13qui seront les invités.
26:15Ah non, personne. Personne n'ouvrait
26:17ses livres à sa place.
26:19Moi, j'aurais rêvé de ça, petite, des fois.
26:21Ah oui, enfant, j'aurais rêvé.
26:23Mais il n'a jamais voulu pouvoir lui ouvrir
26:25ses livres. Ah, j'aurais rêvé
26:27de ça. Donc,
26:29personne n'ouvrait ses livres à sa place,
26:31parce que des fois, il aurait pu dire, oui, j'en ai marre, vas-y, ouvre-les-moi.
26:33Pas du tout. Et personne
26:35ne choisissait les thèmes. Non, non, non.
26:37Il était vraiment seul maître à bord.
26:39Avec une Anne-Marie Bourgnon,
26:41sa fidèle collaboratrice,
26:43qui faisait beaucoup pour lui,
26:45qui pouvait lui faire des fiches, qui faisait barrages
26:47avec les attachés de presse,
26:49qui pouvait lui présenter
26:51des livres, je ne sais pas, que les attachés de presse
26:53vraiment avaient soutenu.
26:55Elle pouvait lui dire, Bernard, peut-être
26:57qu'il faudrait que vous regardiez un peu plus cet ouvrage-là
26:59ou celui-là. Mais, voilà, c'était ça.
27:01Oui, car il était très sollicité.
27:03Bien sûr qu'il était très sollicité. Mais c'était vraiment
27:05lui qui choisissait les thématiques de ses émissions,
27:07qui ouvrait ses livres,
27:09qui disait, oui, je sélectionne
27:11celui-là, celui-là, celui-là,
27:13non, bien sûr.
27:15Et en même temps, il recevait plusieurs paquets
27:17par jour. Et à la dernière émission, il reçoit
27:19le coursier qui a
27:21déposé ses livres et la gardienne
27:23d'immeubles, Avenue Niel, qui les a montés
27:25quelques fois, plusieurs fois par jour.
27:27Oui, quelques fois, non, tous les jours,
27:29à part le week-end, plusieurs fois par jour.
27:31Madame Reversa,
27:33elle faisait quasiment partie de la famille.
27:35Madame Reversa,
27:37elle a monté, je ne me souviens pas exactement,
27:39mais je dirais qu'elle montait au moins
27:41deux fois par jour, du lundi au vendredi.
27:43Et nous, quand on passait devant sa loge,
27:45ma soeur et moi, si elle nous voyait,
27:47on montait, évidemment. Elle nous passait
27:49un paquet pour qu'on le monte.
27:51Et où les paquets sont tassés au départ ?
27:53Alors, les paquets étaient vraiment dans l'entrée.
27:55Dans l'entrée. Après, il était
27:57très organisé. Et puis,
27:59il ne s'est jamais laissé envahir par les livres.
28:01Contrairement à ce qu'on pourrait penser.
28:03Pas du tout. Il y avait vraiment les piles
28:05dans l'entrée. Il y avait une immense pile près de l'ascenseur,
28:07la cage d'ascenseur, qui montait.
28:09Souvent, elle se cassait la gueule.
28:11Donc là, il sortait de son bureau. Il était furieux
28:13quand on avait pris un livre
28:15et que tout était cassé la figure.
28:17Donc ça, c'était les livres à donner.
28:19Il y avait des livres pour les amis,
28:21l'achilo pour mon oncle,
28:23le jardinage. Enfin, voilà. Chacun avait sa pile.
28:25Il y avait les livres qui
28:27entraient dans son bureau. Ah, là, c'était
28:29les livres, les chanceux.
28:31C'était ceux qui allaient passer à Apostrophe.
28:33Là aussi, il y avait des piles bien précises.
28:35Il y avait des piles,
28:37comme ça.
28:39C'était très organisé.
28:41Zéro livre dans sa chambre.
28:43Il n'a jamais eu un livre dans sa chambre.
28:45Déjà parce qu'il ne lisait pas avant de se coucher
28:47et qu'il ne voulait pas de bibliothèque
28:49ou de livre dans sa chambre. Il trouvait que
28:51la chambre, c'était un endroit où il ne fallait
28:53pas laisser rentrer les histoires des autres.
28:55En même temps, il y avait des fantômes qui pouvaient
28:57justement donner des cauchemars, disait-il.
28:59Absolument. Il se trouve aussi que
29:01ces livres-là,
29:03il y en a un qui a été très surpris.
29:05C'est Arthur Miller, quand il est venu,
29:07qui a dit, vous avez lu mes livres.
29:09Absolument. Oui, c'est vrai.
29:11Il était tellement habitué à ce qu'on ne lise pas,
29:13à faire affaire
29:15avec des journalistes, en effet,
29:17qui avaient survolé
29:19son livre, qu'il a
29:21assez vite compris et réalisé que
29:23Bernard avait lu son livre. Donc, il a été
29:25épaté. Je pense que
29:27ça n'a pas été le seul qui a été épaté
29:29par le fait que
29:31Bernard Pivot lisait les livres de la
29:33première à la dernière ligne.
29:35Mais je pense que mon père,
29:37c'était son plaisir.
29:39Souvent, combien de fois
29:41on m'a posé cette question,
29:43je pense que c'est la question qu'on m'a
29:45le plus posée dans ma vie,
29:47mais ton père, il lisait les livres en
29:49diagonale. Mais toute
29:51ma vie, on m'a posé cette question.
29:53Et toute ma vie, j'ai dit, mais non,
29:55jamais il a lu un livre en diagonale.
29:57Il n'aurait pas pu.
29:59Comment vous dire ?
30:01Ça n'aurait pas été un plaisir pour lui ?
30:03Pas du tout. Il aurait arrêté s'il avait fallu lire
30:05un livre en diagonale. Il aurait arrêté
30:07de faire cette émission.
30:09Et il refusait aussi qu'on lise des notes
30:11à l'antenne, sauf un jour
30:13pour Vladimir Nabokov, pour le Lita.
30:15Oui, absolument.
30:17Il l'a dit. Il a avoué en disant que
30:19c'était contraire à la déontologie
30:21d'un journaliste, mais c'était ça ou rien.
30:23Sinon, il n'aurait jamais eu Nabokov.
30:25Nabokov, en effet, a exigé
30:27d'avoir les questions auparavant,
30:29a exigé de lire
30:31les réponses par écrit,
30:33et a exigé d'avoir dans sa théière
30:35non pas du thé, mais du whisky.
30:37Il était vraiment prêt.
30:39Ça, c'est vrai que ça l'a amusé. On voit bien que pendant l'émission,
30:41quand il dit un petit peu de thé encore,
30:43M. Nabokov, on voit bien que ça le fait rire aussi.
30:45C'est une bonne émission,
30:47et en même temps, c'est vrai
30:49qu'on sent qu'il n'y a pas de...
30:51Il n'y a pas de lien. Il n'y a pas de complicité.
30:53Oui, que tout ça est très préparé. Bien sûr qu'on le sent.
30:55Mais enfin, quand même, il a eu Nabokov.
30:57Et Nabokov, d'ailleurs, a voulu jeter
30:59à plusieurs reprises les brouillons de Lolita
31:01parce qu'il ne voulait pas sortir ce livre.
31:03Et c'est sa femme Vera qui a
31:05sauvé les brouillons et qui a trouvé
31:07un éditeur anglais parce que personne ne voulait du livre au départ.
31:09Elle a bien fait.
31:11Alors, il y a aussi des interviews
31:13historiques sur le plateau à l'extérieur.
31:15Parce que souvent, on se souvient d'émissions
31:17avec Bulkovski où il s'en va
31:19ivre-mort, mais
31:21il s'est déplacé
31:23pour aller interviewer Marguerite Dursenard,
31:25pour aller interviewer Marguerite Duras.
31:27Et ça, c'était accepté.
31:29Elles acceptaient parce que c'était Bernard Pivot.
31:31Oui, je pense qu'elles
31:33acceptaient parce que... Enfin, ils acceptaient
31:35parce que c'était Bernard Pivot
31:37et parce que c'était des entretiens
31:39fabuleux. Vous pouvez tous les revoir.
31:41Ils sont tous...
31:43Moi, je trouve...
31:45Moi, je les ai revus
31:47pour le travail estif.
31:49Ils sont tous
31:51extraordinaires, que ce soit
31:53Dursenard, Solzhenitsyn...
31:55Duras,
31:57c'est fabuleux.
31:59C'est une autre télévision.
32:01Quand vous revoyez Duras, c'est incroyable.
32:03Moi, je me suis aperçu
32:05de ça. C'est les silences.
32:07C'est qu'il laisse des silences.
32:09Voyez ? Des non-silences où elle cherche
32:11ses mots, elle réfléchit.
32:13Aujourd'hui, vous verriez plus ça
32:15à la télévision. Et il attend.
32:17Il attend.
32:19C'est incroyable. Il y a un rythme
32:21à cette émission
32:23qui est un petit chef-d'oeuvre.
32:25Il a aussi fait la dernière interview
32:27de Jean Chimnon pour ses mémoires intimes
32:29à Lausanne. Je crois que j'étais allé quelques jours avant
32:31pour la radio faire cet entretien
32:33et c'était une toute petite maison
32:35avec une vue sur le jardin
32:37où il avait jeté les cendres de sa fille
32:39et il y avait la collection de pipes,
32:41le manuscrit. C'était aussi un moment très émouvant.
32:43Oui, c'était un moment très émouvant
32:45parce qu'il admirait vraiment Chimnon.
32:47Ça a été son...
32:49L'un de ses grands regrets
32:51professionnels, c'est-à-dire qu'il
32:53a regretté après d'être allé
32:55aussi loin par rapport au
32:57suicide de sa fille. Il a dit qu'il avait
32:59regretté d'avoir insisté.
33:01Mais il a bien fait d'insister
33:03puisque Chimnon a parlé.
33:05Il a parlé, mais mon père
33:07non, s'il savait été à faire, je pense
33:09qu'il n'aurait pas insisté comme ça sur...
33:11En tout cas donner tous les détails.
33:13Je sais qu'il avait des regrets par rapport à ça.
33:15Mais c'était un grand admirateur de Chimnon.
33:17Il faut savoir aussi que
33:19les Dicodore et les championnats de France d'orthographe,
33:21personne n'y croyait.
33:23Là aussi, Bernard Pivot a inventé,
33:25innové et laissé
33:27quelque chose qui continue.
33:29Oui, il a beaucoup aimé faire ça.
33:31Les championnats d'orthographe, beaucoup aimé.
33:33Aussi parce qu'il a
33:35un peu bougé. Il allait dans
33:37des endroits formidables. Ils sont même
33:39allés quand même aux Etats-Unis.
33:41Il a beaucoup
33:43aimé ça et il a touché une autre population
33:45en fait.
33:47Plus tard, on voyait bien dans la rue que
33:49les plus jeunes
33:51qui reconnaissaient mon père,
33:53c'était des gens qui n'avaient pas connu
33:55Apostrophe ou même Bouillon
33:57de Culture. C'était des gens qui avaient fait ces dictées.
33:59Et qui disaient à M. Pivot
34:01vous savez, moi j'ai aimé l'orthographe grâce à vous.
34:03J'ai fait toutes les dictées avec
34:05mes parents. Vraiment,
34:07c'était des jeunes comme ça.
34:09Il a touché plusieurs générations de manière
34:11différente. Et Hélène Carrière-Dancos m'a
34:13raconté qu'un jour, elle participe à ces dictées.
34:15À côté d'elle, il y a Raymond De Vos.
34:17Elle va proposer à Raymond De Vos d'entrer
34:19à l'Académie française. Ce que De Vos
34:21va refuser. Oui, oui, tout à fait.
34:23Ça aussi, j'en avais entendu parler.
34:25Et Mme
34:27Carrière-Dancos a été très très présente.
34:29Je crois que c'est l'invité qui a été le plus
34:31présente au championnat d'orthographe.
34:33Appelé plus tard Dicodor.
34:35Alors l'Académie française, il n'en a pas voulu.
34:37L'Académie concours, oui. Et on va l'évoquer
34:39à travers la date du 7 janvier
34:412014. À tout de suite sur Sud Radio
34:43avec Cécile Pivot pour
34:45parler de Bernard Pivot.
34:47Sud Radio, les clés d'une vie. Jacques Pessis.
34:49Sud Radio, les clés d'une vie. Mon invité
34:51Cécile Pivot pour parler
34:53de ce livre Bernard Pivot, le goût des autres
34:55que vous avez réalisé avec Agnès,
34:57votre sœur. Un livre souvenir à votre
34:59père. Oui, avec beaucoup de photos, beaucoup
35:01de textes et des dates évoquées
35:03bien sûr. Et le 7 janvier 2014,
35:05eh bien, on l'appelle Monsieur le Président.
35:07Il est président de l'Académie concours
35:09alors qu'il n'a jamais été romancier
35:11et qu'en général, pour être président du concours,
35:13il faut être romancier. Oui.
35:15Absolument. Il a...
35:17Moi, je pense que de toute la carrière
35:19de mon père, c'est ce qui m'a rendu
35:21le plus fière. C'est d'avoir un père
35:23qui était président du prix concours.
35:25Moi, qui suis une grande lectrice,
35:27évidemment, tous les ans, j'achetais
35:29le concours. Et tous les ans, je le lisais
35:31si je ne l'avais pas lu auparavant.
35:33Donc, avoir un père
35:35déjà qui est rentré au prix concours et qui
35:37est devenu président, pour moi, c'était...
35:39Oh ! Je trouvais ça incroyable.
35:41Mais...
35:43Il a beaucoup aimé et je...
35:45Enfin, je ne pense pas. Je sais que
35:47ça a été un très bon président
35:49qui a changé certaines règles
35:51qui méritaient d'être changées.
35:53Oui, il a été un très bon président.
35:55Oui. Il a aimé ça. En même temps,
35:57c'est lui qui a exigé
35:59qu'un salarié de maisons d'édition ne soit
36:01plus membre du concours. Absolument.
36:03Ça, c'était mon père et sa déontologie.
36:05Et l'Académie
36:07Goncourt, quand on lui a proposé...
36:09Il a dit tout de suite oui parce que
36:11il refusait tous les honneurs. Il a refusé la Légion d'honneur,
36:13l'Académie française. Là, ça l'a intéressé.
36:15Alors, tout de suite, je ne peux pas vous dire, je n'en sais
36:17rien, mais je pense qu'il a dit oui à ses...
36:19Oui, oui. Mais ça lui plaisait.
36:21On mangeait chez Drouant. C'est ce qu'il disait.
36:23C'est que c'était une maison où il fait bon vivre
36:25quand même. On mangeait, on buvait.
36:27Donc ça, ça lui plaisait. L'Académie
36:29française...
36:31Sans dire du mal.
36:33Je crois que oui, c'était pas pour lui
36:35l'Académie française. Dans le
36:37Prix Goncourt, il se retrouvait avec des gens quand même
36:39en général, oui, autour d'un
36:41bon déjeuner.
36:43Un bel endroit. C'est un très
36:45beau restaurant. Oui, c'était
36:47beaucoup plus sympathique.
36:49Dans le salon des Goncourt, dès qu'on entre
36:51à l'Académie Goncourt, on a son nom
36:53gravé sur les couverts
36:55de la place qu'on occupe.
36:57Et c'est vrai que le cuisinier devenait fou
36:59parce que aucun des
37:01membres de l'Académie Goncourt ne mangeait la même chose.
37:03Il y avait des régimes à respecter. C'était pas
37:05simple pour lui. Oui, j'imagine.
37:07Alors, c'est vrai que
37:09l'Académie Goncourt... Moi,
37:11je suis toujours membre de l'Académie Grévin
37:13qu'il a également présidé, mais qu'il a quitté
37:15pour présider l'Académie Goncourt.
37:17Et ça aussi, il était un très bon président
37:19de l'Académie Grévin. On choisissait les personnalités
37:21qui entraient.
37:23Et là, il connaissait tout le monde aussi.
37:25Oui, il connaissait tout le monde parce qu'il était très curieux.
37:27Donc, il était très curieux.
37:29Il lisait la presse tous les jours.
37:31Il regardait la télévision. Donc, oui,
37:33ça m'étonne pas. Oui, il a eu de très bons
37:35fils à l'Académie Grévin.
37:37Il a aussi été très proche de Robert
37:39Sabatier, membre de l'Académie
37:41Goncourt aussi. Et je crois que c'était un copain
37:43de toujours, ça aussi. Robert
37:45Sabatier, oui. Alors,
37:47ça aussi,
37:49je vous dis très sincèrement, je l'ai découvert
37:51en écrivant
37:53le livre, en cherchant de la
37:55documentation, oui, en écrivant le livre.
37:57Je le savais pas parce que je pense qu'il était...
37:59Il admirait Sabatier.
38:01Sabatier l'admirait, ça, je veux bien le croire.
38:03Je crois pas qu'ils étaient
38:05amis. Moi, en tout cas, je n'ai pas le souvenir
38:07d'avoir vu Sabatier à la maison.
38:09Voyez, je crois pas qu'il y avait
38:11ce rapport-là d'amitié. Je pense qu'il y avait un
38:13rapport professionnel,
38:15plus que professionnel, mais...
38:17Je suis pas sûre
38:19que c'était un ami. Je sais pas.
38:21Moi, je vais vous apprendre une chose,
38:23Cécile Pivot, parce que Sabatier me l'a raconté.
38:25Il a fait partie de la bande
38:27de Bernard Pivot qui, dans les années 60,
38:29allait faire des folies dans le Beaujolais.
38:31Et un jour, ils sont allés faire trois jours
38:33de fêtes, ils ont peint les vaches
38:35en bleu, il y a eu une explosion de pétards,
38:37tous les costumes ont été brûlés, et ils sont
38:39rentrés en stop. C'est ça, c'était le festival
38:41des fargées à trappe de Quincy
38:43en Beaujolais. Exactement. Où je crois qu'il y avait
38:45pas mal de personnalités,
38:47où il était présent. Voilà, donc il est revenu
38:49en stop, le costume brûlé, et c'était
38:51présenté aussi par Jean-Claude Merle, qui avait
38:53créé une boutique à Saint-Tropez
38:55qui s'appelait à la farce tranquille,
38:57au temps où Mitterrand était président.
38:59Alors ça, j'ai retrouvé des photos de ce concours
39:01qui était dans le village de Quincy,
39:03on a l'impression que le village,
39:05je peux pas vous dire, c'est quelque chose,
39:07on voit partout de la fumée,
39:09des gens déguisés,
39:11des vaches, en effet.
39:13Hélas, les photos n'étaient pas publiables
39:15parce qu'on voyait que des gens en dos,
39:17tout ça au milieu d'une brume,
39:19d'une fumée incroyable, mais ça a dû être...
39:21Moi, je connais le village de Quincy,
39:23je me suis dit, ça a dû être un délire,
39:25mais incroyable.
39:27Donc Sabatier m'a dit la vérité
39:29en me racontant tout ça.
39:31Et il y a un très beau texte de Sabatier qui parle d'ailleurs
39:33de Bernard dans ce livre,
39:35qui est magnifique. Absolument.
39:37Parmi ses amis, il y a également celui-ci,
39:39dont vous allez reconnaître.
39:41La ménagère qui n'avait lu avant
39:43que la recette du cake
39:45a pris bouleverse
39:47et que Châteaubriand
39:49n'était pas qu'un steak.
39:51Bernard Pivot par Pierre Perret,
39:53une chanson de 1986, parce qu'ils étaient très amis,
39:55tous les deux.
39:57Oui, ils étaient très amis, absolument.
39:59Ils se marraient bien ensemble,
40:01tous les deux aiment manger,
40:03aiment boire,
40:05et puis ils ont tous les deux le goût des mots.
40:07Pierre Perret comme Bernard,
40:09ils se retrouvaient autour de ça, bien sûr.
40:11Et il allait souvent
40:13chez Pierre Perret à Nangis,
40:15où tout un bâtiment
40:17est dédié à sa cave au vin,
40:19où il y a, je crois, 5000 bouteilles en permanence.
40:21Ils ont beaucoup de points communs,
40:23beaucoup de choses qu'ils aiment en commun,
40:25tous les deux. Donc ce n'est pas étonnant qu'ils soient devenus amis.
40:27Et dans ce livre, j'ai appris aussi,
40:29Cécile Pivot, que son maître en écriture
40:31était Antoine Blondin.
40:33Oui, Antoine Blondin,
40:35c'était son maître d'écriture. Il disait que
40:37s'il avait pu, il aurait aimé écrire
40:39autrefois.
40:41Il admirait deux auteurs,
40:43particulièrement pour le style.
40:45C'était Antoine Blondin
40:47et aujourd'hui, en contemporain,
40:49Gilles Lapouge.
40:51Antoine Blondin a écrit cinq livres dans sa vie
40:53parce qu'à partir de 11h du matin,
40:55il ne pouvait plus écrire.
40:57Et quand il m'a proposé l'Académie française,
40:59il a répondu, je ne peux pas
41:01parce qu'il y a trop de bistrots entre l'Académie française
41:03et chez moi, je m'arrêterai.
41:05Il buvait énormément.
41:07Mais c'était un grand écrivain.
41:09Justement, dans les autres
41:11activités que vous évoquez, le journal lire
41:13aussi a été important car on a un peu oublié
41:15que Bernard Pivot a créé ce journal
41:17après avoir quitté le Figaro.
41:19Et ça a été aussi un magazine
41:21littéraire révolutionnaire.
41:23Oui, c'était révolutionnaire
41:25parce qu'il y avait beaucoup
41:27d'extraits à l'époque. Ça, c'était nouveau,
41:29de mettre des extraits de livres
41:31dans un magazine littéraire.
41:33C'est la même chose.
41:35Il a beaucoup aimé s'occuper de ce journal.
41:37Beaucoup, beaucoup.
41:39Et en apportant sa plume et son style
41:41à chaque fois, il y a un style, Bernard Pivot,
41:43qui est venu au fil des années.
41:45Qu'il avait inconsciemment, lui.
41:47Je ne sais pas si c'était inconscient.
41:49Je pense qu'il a surtout...
41:51C'est un homme qui a
41:53beaucoup travaillé tout au long de sa vie.
41:55Qui a beaucoup travaillé
41:57et qui avait un vrai bon sens.
41:59Donc, il savait très bien là où il devait
42:01progresser.
42:03Oui, il y a ça. Je pense que mon père
42:05a progressé tout au long de sa vie.
42:07Et puis, il a découvert les auteurs.
42:09Ça, c'est son instinct littéraire.
42:11Notamment Patrick Modiano.
42:13Il a été le premier à croire en lui
42:15au moment où personne n'y croyait.
42:17Oui.
42:19Modiano le raconte
42:21mieux que quiconque dans ce livre.
42:23Aussi, dans cette lettre
42:25qu'il a écrite sur mon père
42:27en 2001, je crois.
42:29C'est ça.
42:31Alors, pour tout vous dire,
42:33c'est écrit dans le livre
42:35« Le goût des autres ».
42:37C'est le texte que je préfère.
42:39En fait, Modiano n'était rien.
42:41Il reçoit un jour une lettre
42:43de Bernard Pivot,
42:45jeune courriériste, qui va faire
42:47son interview alors que personne
42:49ne croit en Modiano.
42:51Comme quoi, vraiment, il a du flair.
42:53Vraiment, il a du flair.
42:55Et ce que dit Modiano, c'est formidable.
42:57Il dit
42:59« ça, ça me suffisait ».
43:01Après, il y a les événements en mai 68.
43:03Après, il se rencontre
43:05dans des cafés au Champs-Elysées.
43:07C'est formidable.
43:09En fait, il y a mai 68
43:11et tous les deux, il parle littérature.
43:13Oui, c'est génial.
43:15Je trouve ce courrier génial.
43:17Et Modiano a conservé cette lettre
43:19comme un porte-bonheur.
43:21Et je crois aussi que Bernard Pivot
43:23avait un porte-bonheur qui était un marron.
43:25Oui, il avait un marron.
43:27Il avait plusieurs
43:29portes-bonheurs, mon père.
43:31Il avait toujours un marron dans sa poche
43:33qui était plus le marron.
43:35C'était un porte-bonheur, mais c'était plus
43:37comme il était très impatient.
43:39Comme ça, il pouvait toujours triturer son marron
43:41dans sa poche.
43:43Il avait aussi un billet de 1 dollar
43:45qui était un ami qui lui avait donné un billet
43:47en lui disant « tiens, ça te porte à chance ».
43:49Il était jeune, quand il avait récupéré un billet de 1 dollar,
43:51c'était pas rien.
43:53Et il l'a toujours eu dans sa poche.
43:55Et comme il était très distrait, mon père,
43:57deux fois, il a quand même perdu.
43:59A l'époque, les hommes avaient des sacoches.
44:01Il avait l'argent dedans.
44:03Et deux fois, ce sont des Américains qui sont venus lui rendre
44:05sa sacoche avec l'argent tout dedans,
44:07comme quoi le billet de 1 dollar lui avait porté bonheur.
44:09– Bernard Pivot était distrait ?
44:11– Très distrait. Il était très distrait.
44:13– C'est-à-dire ?
44:15– C'est-à-dire qu'il perdait des choses.
44:17Il perdait ses clés, il perdait son portefeuille,
44:19il l'oubliait.
44:21Mais alors, il avait une chance inouïe, c'est qu'il retrouvait tout.
44:23Moi, qui étais aussi distraite que lui,
44:25moi, je retrouvais rien.
44:27Et lui, il retrouvait tout.
44:29– Alors, il y a quand même une interview
44:31que vous évoquiez dans ce livre,
44:33« Le goût des autres », Cécile Pivot,
44:35dont il ne conserve pas un bon souvenir
44:37parce que les médias ne l'ont pas parlé,
44:39c'est celle de Jean-Marie Leclézio,
44:41qui là aussi était une exclusivité.
44:43Personne ne connaissait Leclézio.
44:45– Oui, absolument. Je ne sais plus exactement ce qui se passe.
44:47Il met du temps à voir Leclézio, c'est ça,
44:49et puis il finit par avoir Leclézio.
44:51Alors qu'on reproche à Leclézio de ne pas faire une émission,
44:53enfin il a Leclézio.
44:55J'ai peur de ne pas très bien raconter l'histoire.
44:57J'ai peur de ne pas très bien raconter l'histoire là.
44:59En tout cas, j'ai trouvé ça intéressant
45:01de mettre la lettre.
45:03Après, il écrit une lettre, en effet, il écrit un article
45:05en disant, voilà, j'ai Leclézio.
45:07Et puis derrière, et puis en fait,
45:09ce soir-là, sur une autre chaîne, il y a Bernard Tapie
45:11et les journalistes,
45:13tous les journalistes vont parler le lendemain
45:15de l'émission de Bernard Tapie, avec Bernard Tapie
45:17et Leclézio, alors que tout le monde reproche
45:19à Leclézio de ne pas faire d'émission.
45:21Et comme on me dit que je n'ai pas Leclézio,
45:23j'ai Leclézio qui accepte, enfin,
45:25sur un plateau télé, et le lendemain,
45:27à part Télérama, personne n'en parle.
45:29Et j'ai trouvé ça intéressant, en effet,
45:31de reproduire cette lettre,
45:33parce que c'est la seule fois
45:35où on voit mon père en colère un peu. Là, il est en colère.
45:37Ah oui, là, et il dit à la fin
45:39que les journalistes ne s'avisent pas
45:41de me faire une remarque là-dessus,
45:43parce que là, je ne vais pas bien les recevoir.
45:45Et j'ai trouvé ça intéressant de le voir un petit peu en colère
45:47quand même, cet homme qui ne l'est jamais.
45:49Exactement. Il l'a été aussi, je crois,
45:51lors d'une soirée où il s'est retrouvé
45:53à côté du ministre de la Culture.
45:55Oui, absolument. Non, non, il pouvait être de temps à autre en colère.
45:57C'était très rare. C'était un homme, moi,
45:59je trouve, d'une douceur infinie.
46:01Mais quand il était en colère,
46:03c'était
46:05à juste titre, et là, il valait mieux
46:07se planquer.
46:09Voilà. Vous évoquez aussi
46:11une mallette, une valise en cuir
46:13qu'il ne l'a jamais quittée,
46:15là, il ne l'a pas perdue, et qui a été
46:17très importante dans sa vie.
46:19Oui, c'était sa mallette. Moi, je l'ai toujours connue avec.
46:21Une mallette en cuir.
46:23Je ne suis pas sûre qu'elle était
46:25très pratique, cette mallette. Enfin, après,
46:27on le dit aujourd'hui, parce qu'il y a des sacs à dos,
46:29des choses plus pratiques pour transporter.
46:31Mais c'était vraiment une mallette en cuir que ma mère
46:33avait reçue. Ma mère, qui était journaliste aussi,
46:35je crois que c'était une marque publicitaire.
46:37Donc, elle lui avait donné. Il transportait
46:39tous ses livres. On voyait toujours
46:41Bernard Pivot arriver sur le plateau
46:43télé, le vendredi, avec sa mallette.
46:45Sa mallette en cuir marron
46:47et avec tous ses livres
46:49à l'intérieur. Et il arrivait aussi en vacances
46:51dans le Beaujolais, il avait sa mallette.
46:53Il repartait, il avait sa mallette.
46:55Sa mallette ne le quittait pas.
46:57Alors, j'ai failli
46:59la garder, pour tout vous dire, quand il
47:01a disparu. Et j'ai gardé
47:03beaucoup de choses. Et je me suis dit, non,
47:05c'est trop, pour moi.
47:07Et donc, elle est partie à la bibliothèque
47:09de Quincy, en Beaujolais.
47:11Oui, bibliothèque qui
47:13porte son nom, ainsi qu'une école. Il a
47:15inauguré une école Bernard Pivot, ce qui a été un moment
47:17d'émotion pour lui. Oui, oui, c'était formidable.
47:19Toute la famille y était.
47:21C'était le village de Clochemer,
47:23rendu célèbre par Gabriel Chevalier.
47:25Et il était heureux de ses honneurs,
47:27mais il n'en parlait jamais. Parce que finalement, quand on voit
47:29votre livre, on voit aussi en famille
47:31avec ses petits-enfants,
47:33c'est un autre Bernard Pivot.
47:35Je pense que
47:37oui, c'est un autre
47:39Bernard Pivot qui
47:41était attaché à sa famille,
47:43qui aimait le foot,
47:45il avait d'autres
47:47passions.
47:49Je pense que c'est aussi pour ça qu'il a réussi,
47:51qu'il n'a jamais eu la grosse tête,
47:53c'est qu'il y avait plein d'autres choses
47:55qui l'intéressaient dans la vie, le foot,
47:57et il a toujours su...
47:59Je pense aussi que c'est pour ça que mon père
48:01a toujours tout arrêté à temps. Il a arrêté
48:03Apostrophe à temps, il a arrêté Bouillon de Culture
48:05à temps, il a arrêté le Goncourt à temps,
48:07il a arrêté le JDD à temps,
48:09le Journal du Dimanche, tout ça parce que
48:11il n'a pas toujours tout arrêté de
48:13son cœur. Il a aussi arrêté des choses
48:15pour des raisons de santé et même si c'est
48:17pas plein, je pense que ça a été difficile
48:19pour lui. Mais il a toujours tout
48:21arrêté à temps
48:23et je pense que
48:25il savait ça.
48:27Et il avait d'autres après, d'autres choses
48:29qui l'intéressaient dans la vie et
48:31la célébrité à tout prix, non, c'était pas
48:33son truc.
48:35Il y a beaucoup de photos, beaucoup de documents
48:37pour découvrir Bernard Pivot au-delà
48:39d'Apostrophe et de Bouillon de Culture dans ce
48:41livre que vous signez avec votre
48:43sœur Agnès, Cécile Pivot, Le goût des autres
48:45chez Calvin Lévy. Je le recommande à celles
48:47et ceux qui aiment Bernard Pivot et puis
48:49à celles et ceux qui ne connaissent pas forcément, qui vont le découvrir
48:51réellement. Merci de l'avoir écouté.
48:53Merci beaucoup Jacques. Merci, L'écriture d'une vie c'est terminé
48:55pour aujourd'hui, on se retrouve bientôt.
48:57Restez fidèle à l'écoute de Sud Radio.

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